Tempêtes dans ma tête
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Tempêtes dans ma tête

Ma vie avec la maladie mentale

  1. 158 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Tempêtes dans ma tête

Ma vie avec la maladie mentale

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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

«Cet ouvrage raconte mon expérience de trente-cinq ans avec la maladie mentale. À une époque où les statistiques nous révèlent qu'une personne sur cinq, au cours de sa vie, connaîtra un épisode de ce genre de pathologie, écrire sur la folie, puisqu'il faut l'appeler par son nom, peut paraître banal. Des scientifiques du milieu médical ou d'ailleurs le font. Des partisans de telle ou telle théorie psychologique ne s'en privent pas. Des journalistes et des administrateurs du budget de la santé non plus. Des romanciers et des poètes lui consacrent des textes. En revanche, peu de personnes atteintes de maladie mentale s'y essaient. Par défaitisme, par pudeur, par ignorance. Pour ma part, j'ai décidé d'écrire et surtout de décrire ma maladie, poussé par le désir de l'exorciser, après des années passées à la ruminer, et dans une volonté ferme de la faire connaître et de contribuer ainsi à éviter à d'autres les écueils que la vie finit toujours par ajouter de surcroît aux déraisons. Avec le temps, je suis devenu solidaire de tous ceux qui n'ont malheureusement que leur folie pour s'exprimer ou qui cachent leur état derrière les préjugés qu'on leur a inculqués.» (Denis April)

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Informations

Année
2012
ISBN
9782895782575

CHAPITRE 1
Diagnostic : maladie mentale

Un certain printemps, il y a presque trente-cinq ans, je me sentis soudain fatigué et même un peu dépressif. J’en mis la responsabilité sur un long hiver où j’avais travaillé avec intensité. C’était ma première année sur le marché du travail, à titre d’avocat, après de longues années d’études.
Ma « déprime » durait déjà depuis quinze jours lorsqu’un beau matin je m’éveillai de très bonne heure. Ce jour-là, je me crus en plus grande forme que d’habitude, prêt à affronter la vie avec une ardeur constamment renouvelée. Je me dis que je sortais enfin de cet épisode d’idées noires. Dans les jours et les semaines suivantes, mon énergie crût de façon continue, au point que j’abattis une somme considérable de travail en me disant que je devais rattraper le temps perdu.
Cette énergie se transforma peu à peu en hyperactivité. Je m’occupais avec entrain non seulement de mon travail d’avocat à l’aide juridique, mais aussi d’affaires syndicales et de la présidence d’une coopérative d’habitation de cent vingt logements. Je participais à beaucoup de rencontres avec des gens et des groupes auxquels je m’intéressais. Je paraissais surexcité. Je démontrais également de l’irritabilité envers les gens avec qui je faisais affaire et je devenais très exigeant avec mes collaborateurs.
Soudain, alors que rien de sérieux n’avait pu entraver mes relations avec mon épouse, je la quittai un soir pour une autre femme rencontrée la veille, sans m’accorder plus de réflexion.
Au cours de cette période, un excellent ami qui avait eu connaissance de mes activités débordantes m’invita à consulter un médecin. Il connaissait un psychiatre dans ses relations qui pouvait m’accorder de l’aide. Pour me convaincre, il invoqua mon hyperactivité et mon comportement de plus en plus déplacé dans le milieu où je faisais carrière. Moi, consulter un psychiatre ! Allons donc ! Tout allait bien pour moi, que je me disais ; je n’avais jamais été en aussi bonne forme.
Pour faire taire ses inquiétudes, j’acceptai quand même le rendez-vous. Ma rencontre avec ce psychiatre se déroula sur un air joyeux ; ma bonne humeur paraissait, j’avais même des rires incontrôlables. J’expliquai que je travaillais beaucoup et que j’avais de nombreux projets en tête. Il me conseilla du repos et m’invita même à rester à l’hôpital quelques jours. Je refusai et retournai à ma vie active. Quelques jours plus tard, je constatai que ma pensée fonctionnait toute seule, de manière tout à fait indépendante de ma volonté. J’avais de graves problèmes de concentration. Ma situation au travail devenait de plus en plus catastrophique en raison de sautes d’humeur : je reportai mes rendez-vous et décidai de partir en vacances quelques jours malgré l’opposition de mes associés à qui je laissai tout le travail.
À mon retour, le mal s’était aggravé. Ma pensée était envahie par des idées qui se succédaient à un rythme de plus en plus accéléré. Pis encore, je commençais à me méfier, sans raison, de mes associés avec qui j’avais des discussions interminables. J’en étais rendu à mêler mes problèmes affectifs à ceux du travail. Bref, je déraillais.
Un jour, j’arrivai au bureau et recommençai à discuter avec mes associés. Après cette discussion, qui dura une bonne demi-heure, je me mis à la recherche de mes clefs de voiture que je disais avoir perdues. Je fouillai mon bureau et tous les endroits où j’avais pu aller, sans succès. Affolé, j’appelai immédiatement un serrurier pour me faire fabriquer d’autres clés. En arrivant, il me demanda si la voiture dont il s’agissait était celle garée devant le bureau. À ma réponse affirmative, il m’annonça qu’il venait d’en vérifier les portières qu’il avait trouvées déverrouillées et, mieux encore, que le moteur tournait, la clef sur le contact. J’étais victime de mon énervement et d’une distraction peu ordinaire.
Je me mis à vivre la nuit dans les bars alors qu’en temps normal je les fréquentais très peu. Je recherchais les activités nocturnes étourdissantes tout en me présentant à l’heure au travail le matin, après à peine quelques heures de sommeil.
Je me surpris, une nuit d’avril, à la fermeture des bars, à me promener dans les rues enneigées du Vieux Québec, pieds nus. J’avais des idées délirantes. Le lendemain, convenant tout de même de l’excès inusité de mon comportement, je consentis à me rendre à un service de psychiatrie d’un autre hôpital et à rencontrer un spécialiste sur les conseils de mon médecin de famille. Je restai une ou deux semaines à l’hôpital sans admettre que j’étais malade. J’en sortis me disant guéri alors que j’étais en pleine psychose.
J’acceptai de me faire suivre par ce nouveau psychiatre pendant les trois mois de ma crise et les six mois suivants au cours desquels je fis une dépression. Vers la fin de celle-ci, je quittai mon cabinet d’avocats, honteux de ma maladie, que je jugeais incompatible avec ma profession. Tellement honteux que j’avais même refusé de réclamer mon assurance-salaire pour ne pas ébruiter mon état, même auprès de mon assureur ! Bien que j’aie eu un bon rendement, mon employeur ne m’appela pas au cours de l’année de mon congé maladie.
Peu de temps après, je récupérai complètement. Tous mes troubles émotifs disparurent. Mon cerveau fonctionnait à nouveau normalement. C’est alors qu’on m’annonça ce que mon épouse, avec qui j’avais renoué, avait appris de la part de mon psychiatre : je souffrais de « maniaco-dépression », maladie mentale dont souffre une personne sur cent, c’est-à-dire plus de quatre-vingt mille hommes et femmes au Québec, l’équivalent environ de la population de l’ancienne ville de Charlesbourg près de Québec ou de l’actuelle ville de Granby. L’ensemble de toutes les personnes atteintes de maladies mentales représentent trois pour cent de la population du Québec, soit deux cent quarante mille personnes. Cette population équivaut à celle de la ville de Gatineau.
Je ressentis une grande culpabilité et la honte d’être tout simplement étiqueté « malade mental ». Cette culpabilité me poursuivit plusieurs années au cours desquelles je connus de nombreux épisodes plus ou moins rocambolesques d’excitation et de dépression.
Après cette première crise, mon entourage et moi aurions aimé prendre connaissance d’expériences semblables, de façon à comprendre et à accepter la maladie plus facilement. L’encouragement suscité par cette forme d’entraide aurait pu être utile à bien des égards. Nous avons cherché de la vulgarisation sur le sujet, mais rien n’existait, sauf des textes spécialisés au vocabulaire médical rébarbatif. Depuis cette époque, et récemment depuis une dizaine d’années, les personnes atteintes de maladies mentales écrivent davantage sur leur maladie et de la documentation est disponible. Mais il reste beaucoup à faire.

CHAPITRE 2
L’obstacle des préjugés

La maladie dont je souffre porte deux noms qui veulent dire la même chose : « trouble affectif bipolaire » et « psychose maniaco-dépressive ». Celui qui en est atteint sera un « maniaco-dépressif » ou un « bipolaire ». On appellera également « personnalité cyclothymique » celle qui présente des phases d’excitation et de dépression sans état psychotique, bien qu’elles puissent s’en rapprocher.
J’ajoute, en passant, qu’il ne faut pas confondre maladie mentale et déficience mentale. La déficience mentale est une atteinte du cerveau qui affecte particulièrement l’intelligence et qui cause par exemple des retards dans le développement de la personnalité de l’individu. La maladie mentale concerne les émotions qui perturbent le fonctionnement du cerveau sans que l’intelligence soit touchée, bien que parfois les symptômes le laissent croire. Une personne ayant une déficience mentale peut, par surcroît, être atteinte d’une maladie mentale. Mais un déficient mental n’est pas automatiquement un malade mental et celui qui souffre de maladie mentale n’est pas pour autant un déficient.
Revenons aux expressions « trouble affectif bipolaire », « psychose maniaco-dépressive » et « personnalité cyclothymique ». Si je me permets d’insister sur le vocabulaire, c’est pour montrer que la psychiatrie tente aussi de combattre les préjugés. Changer les mots, cela ne change pas la maladie. Mais ses progrès sont si lents à travers l’histoire médicale qu’à défaut de trouver des solutions et des remèdes aux maladies mentales la psychiatrie change au moins leur appellation… Certes, on change les mots, mais pas la réalité : cela me semble tout de même constituer un bon pas dans le sens de la démystification des maladies mentales et des préjugés qui les entourent.
J’ai mentionné que l’expression « personnalité cyclothymique » faisait référence à des cycles d’excitation et de dépression. Elle est utilisée sans que nécessairement le sujet fasse une psychose, c’est-à-dire sans qu’il ne se coupe du réel. Elle désigne la phase la moins aiguë de la maladie, où on peut paraître exigeant vis-à-vis de son entourage sans sortir de la réalité.
Les appellations que je préfère sont « trouble affectif bipolaire », « trouble bipolaire », ou simplement « bipolaire » — ce sont les plus récentes. Ces expressions font référence à l’humeur qui se promène entre deux pôles : le premier est celui de l’excitation, où l’estime de soi est très forte, l’autre est celui de la dépression, où c’est la mésestime de soi qui prévaut. On peut aussi être « unipolaire », c’est-à-dire ne connaître que la dépression ou l’excitation.
Quant au mot « trouble », il ne s’agit évidemment pas de l’agitation qu’on ressent lorsqu’on tombe amoureux, qui est une sensation plutôt agréable, mais d’un dérangement grave, sérieux et profond qui peut aller jusqu’à la psychose, et qui bouleverse la vie de celui qui en est atteint, et forcément celle de son entourage.
Selon le Petit Larousse, la psychose est « une affection mentale caractérisée par une altération profonde de la personnalité [j’ajouterais : en apparence et temporairement seulement] et des fonctions intellectuelles et par le fait que le sujet [semble-t-il] n’a pas conscience de son état ». Le dictionnaire ajoute que « les psychoses dont la cause psychique ou biologique est mal connue sont généralement chroniques. Elles sont la plupart du temps caractérisées par un délire et des hallucinations ainsi que par une personnalité pathologique. De plus, elles peuvent avoir un retentissement social et professionnel important. Les principales psychoses sont la psychose maniaco-dépressive, la paranoïa et la schizophrénie. » Les définitions des maladies mentales, qu’elles soient scientifiques ou exprimées en termes populaires, vulgarisées, provenant de dictionnaires généraux, ont beaucoup évolué et se sont précisées ces dernières années. Mais quelle que soit leur précision, la réalité n’a pas beaucoup changé pour les personnes atteintes : seul le diagnostic est ainsi modifié.
Je n’aime pas, pour ma part, le terme « maniaco-dépressif ». Le mot « maniaque » évoque trop facilement pour la plupart des gens l’obsédé « sexuel » ou bien des individus à l’allure louche ou criminelle comme le « pyromane ». D’ailleurs, quand les journaux ou la télévision parlent de maniaque, on cherche tout de suite le criminel. C’est à ce point vrai qu’on a même surnommé, il y a longtemps, un député de l’Assemblée nationale du Québec, qui avait des préférences sexuelles pour les toutes jeunes filles, « gentil maniaque ».
Imaginez l’effet que cela fait lorsqu’on vous colle l’étiquette « maniaco-dépressif » ! Pourtant le terme « maniaque », dans cette expression, veut seulement dire que la personne qui est en crise de « manie » présente des symptômes opposés à la dépression et qu’elle paraît excitée et même surexcitée. Le sens du mot « manie » vient en réalité du latin mania, qui veut dire « folie », et est défini en médecine comme « un état de surexcitation du psychisme caractérisé par l’accélération désordonnée de la pensée, l’euphorie, le ludisme et les débordements instinctuels ».
On est loin des comportements criminels, même si tout le monde sait que les malades mentaux peuvent, à l’occasion, malheureusement en avoir : c’est d’ailleurs souvent ce seul aspect de la maladie mentale qui est présenté par les médias et qui entretient les préjugés. On y insiste trop. Je pense qu’il est temps qu’on corrige les choses et qu’il ne faut pas hésiter à mettre de côté ces aspects sensationnalistes pour chercher à comprendre la maladie mentale. Je dénonce donc l’appellation « maniaco-dépressif » à laquelle je préfère « trouble affectif bipolaire » ou « personnalité cyclothymique ».
De manière générale, il est louable pour la psychiatrie de vouloir améliorer le vocabulaire, qui véhicule souvent préjugés et fausses notions dans l’ensemble de la population relayées par les médias et les films. Tout le monde se souvient à cet égard de Psychose, d’Alfred Hitchcock, ou encore de Vol au-dessus d’un nid de coucou, de Milos Forman, qui met en vedette Jack Nicholson. Il semble bien...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Crédits
  4. Avant-propos
  5. Chapitre 1 - Diagnostic : maladie mentale
  6. Chapitre 2 - L’obstacle des préjugés
  7. Chapitre 3 - Aperçu du traitement du trouble affectif bipolaire
  8. Chapitre 4 - La crise psychotique d’excitation
  9. Chapitre 5 - La crise et ses composantes
  10. Chapitre 6 - Le besoin d’aide
  11. Chapitre 7 - La dépression et la prévention du suicide
  12. Chapitre 8 - Les hospitalisations et les psychiatres
  13. Chapitre 9 - Vie privée et vie sociale
  14. Conclusion
  15. Notes