Hostie, une passion québécoise (L')
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Hostie, une passion québécoise (L')

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Hostie, une passion québécoise (L')

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«De l'hostie, les Québécois en ont plein la bouche. Ils mangent la chose, qu'ils la reçoivent dans une église au moment de l'Eucharistie ou qu'ils l'achètent dans une épicerie pour la prendre comme goûter. Et ils prononcent le mot qui appartient depuis longtemps au vocabulaire catholique et qui est devenu l'un de leurs sacres préférés, sous sa forme originale ou sous des formes dérivées. Prenant acte de cette valeur particulière que le Québec lui accorde, j'ai voulu comprendre comment l'hostie débarqua en Nouvelle-France, comment elle conquit ce territoire pour devenir un élément central de sa foi, évidemment, mais aussi de sa culture, de sa géographie, de son économie et de sa gastronomie. J'ai voulu savoir comment l'Église catholique donna l'hostie au Québec, mais aussi comment le Québec se l'appropria. J'ai voulu savoir comment elle remplit les églises, puis comment elle sortit des églises, pour devenir tour à tour un instrument politique, un sacre, une œuvre d'art, une nourriture diététique, bref, une part de l'identité du Québec.» (O. B.)

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Informations

1.
L’hostie débarque en Nouvelle-France — seizième siècle

De quand donc peut-on dater l’arrivée de la première hostie en Nouvelle-France ? À quel saint le doit-on ? Au vu du fabuleux destin de l’hostie au Québec, il mériterait au moins un monument qui lui rende hommage… Et cela tombe bien, parce que le Québec lui en a consacré un, comme nous le verrons bientôt. Une chose est certaine, c’est avec le catholicisme que l’hostie débarqua de ce côté de l’Atlantique. Et ce fut forcément au cours d’une messe, durant une Eucharistie — « source et sommet de la vie chrétienne », comme la définit l’Église catholique romaine en 1964 à l’occasion du concile de Vatican II —, qu’elle fut pour la première fois consommée sur le sol canadien. À coup sûr ! Dans quelle autre circonstance quelqu’un aurait-il délibérément voulu manger une galette ronde, blanche et insipide, dont la consistance et le goût ressemblent plus au papier qu’au pain ?
Mais affirmer que la première hostie date de la première messe ne règle pas la question pour autant. Elle rebondit. De quand en effet faut-il dater la première messe au Québec ? L’histoire a retenu une date pour cette célébration : le 7 septembre 1535. Mais un doute subsiste. S’agit-il vraiment de la toute première messe, de la toute première hostie ? Comment savoir si Leif le Chanceux qui, autour de l’an 1000, « partit prêcher la religion chrétienne au Groenland1 » ne consomma pas une petite hostie au cours d’une petite messe, lors d’un petit tour au Vinland ? Comment savoir si les pêcheurs basques qui fréquentaient ce côté de l’Atlantique ne mangèrent pas quelque hostie qu’ils auraient emportée comme un viatique, alors qu’ils risquaient la mort à chaque vague, à chaque coup de vent ? On peut toujours le supposer, mais il n’en reste pas de trace. Si Samuel de Champlain retrouva dans la baie de Greville une croix « qui était fort vieille, toute couverte de mousse et presque toute pourrie2 », il ne retrouva pas d’hostie, pas même ancienne, pas même moisie. Il est vrai qu’une hostie est plus périssable qu’une croix…
La préhistoire de l’hostie étant impossible à reconstituer, mieux vaut donc passer à son histoire. La célébration de la première Eucharistie et la consommation de la première hostie doivent donc être datées du 7 septembre 1535 et situées à l’île aux Coudres, dans Charlevoix, au large de Baie-Saint-Paul. Le jour et le lieu où Jacques Cartier ouït une messe (probablement célébrée par les deux aumôniers figurant au rôle de son équipage, dom Antoine et dom Guillaume Le Breton), comme il le relata dans son journal, en un français qui est forcément celui de son époque : « Le septiesme jour dudict moys jour nostredame, apres avoir ouy la messe, nous partismes de ladicte ysle pour aller à mont ledict fleuve, & vinsmes à quatorze ysles qui estoient distantes de ladicte ysle es couldres de sept à huict lieues, qui est le commencement de la terre & province de Canada3. »
L’événement fut jugé d’importance puisque le Québec, presque quatre cents ans plus tard, dressa un monument à l’endroit même où cette première messe fut célébrée. Ainsi, le 23 septembre 1928, sur l’île aux Coudres, dans une belle unanimité, une croix en granit fut érigée par la commission des monuments et des sites du Canada et bénie par l’archevêque de Québec, le cardinal Rouleau, encadré par « deux représentants de la tribu huronne de Lorette4 ». Sur le socle en pierre, on fixa une plaque où furent inscrits les mots suivants : « Le 6 septembre 1535, Jacques Cartier fit ancrer près d’ici ses trois navires, explora l’île et la dénomma “Isle-aux-Coudres”. Le lendemain, il s’embarqua après avoir ouï la messe. C’est la première messe à l’intérieur du Canada dont l’histoire fasse mention. »
Voilà donc comment l’hostie, partie de Saint-Malo à bord de trois navires (l’Émerillon, la Petite Hermine ou plus probablement la Grande Hermine sur laquelle voyageait Jacques Cartier lui-même) parvint au Québec. Mais pour que l’hostie arrivât jusqu’à Saint-Malo, il avait déjà fallu qu’elle fasse bien du chemin. Pour comprendre les choses, il nous faut nous aussi un peu voyager, dans l’espace et dans le temps, au rythme de quatre escales.
Première escale, Jérusalem dans les années 30, où fut célébrée la Cène, c’est-à-dire le dernier repas (une cena, un souper) que Jésus aurait pris avec ses plus fidèles disciples : « Pendant le repas, Jésus prit du pain et, après avoir remercié Dieu, il le rompit et le donna à ses disciples ; il leur dit : “Prenez et mangez ceci, c’est mon corps.” Il prit ensuite une coupe de vin et, après avoir remercié Dieu, il la leur donna en disant : “Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang qui garantit l’alliance de Dieu et qui est versé pour une multitude de gens, pour le pardon des péchés. Je vous le déclare : dès maintenant, je ne boirai plus de ce vin jusqu’au jour où je boirai avec vous le vin nouveau dans le Royaume de mon Père” » (Évangile attribué à Matthieu : chap. 26). Récit idéal évidemment, mais récit fondateur, récit d’une première communion (appelée Eucharistie par les catholiques et les orthodoxes, Cène ou Sainte Cène chez les protestants), récit d’un repas qui institua un rite célébré dans toutes les Églises chrétiennes, fidèlement depuis bientôt deux mille ans.
Deuxième escale, l’Europe du neuvième siècle, où l’hostie fit son apparition. Jusque-là, il n’y en avait pas ! Dans l’Eucharistie, on servait du pain ordinaire. Ou plutôt, il y en avait bien une, mais au sens premier du terme latin hostia, « victime » : l’hostie, c’était Jésus-Christ, celui « qui s’est offert sur la Croix en hostie vivante, sainte et agréable à Dieu », comme le dira bien plus tard le catéchisme de l’Église catholique. C’est donc par analogie que le mot en vint à désigner le pain servant à célébrer l’Eucharistie, au moment où l’Église d’Occident remplaçait le pain levé ordinaire par un pain sans levain réservé au seul usage liturgique5. Donner au mot un sens nouveau et créer une chose nouvelle ne furent pas des processus anodins. Ils correspondirent au choix théologique de l’Église d’Occident (celle qui deviendra catholique et romaine), alors que les Églises d’Orient (celles qui s’appelleront orthodoxes) conservaient dans leur célébration l’usage d’un pain ordinaire, gonflé par du levain.
Troisième escale plutôt brève, Rome en 1215. Le quatrième concile de Latran précisa que « le corps et le sang [du Christ], dans le sacrement de l’autel, sont vraiment contenus sous les espèces du pain et du vin, le pain étant transsubstantié au corps et le vin au sang par la puissance divine ». L’Église catholique fit ainsi de l’hostie le corps du Christ et lui conféra une valeur divine. Elle exigea dès lors que lui soit porté le plus grand respect.
Enfin, quatrième escale, Marbourg, en Allemagne, où se tint, en 1529, une disputatio, un débat entre les deux pères du protestantisme Martin Luther et Ulrich Zwingli. Se fiant tant à leurs sens (la vue, l’odorat et surtout le goût) qu’à leur bon sens, les deux réformateurs affirmèrent que, même servie lors de l’Eucharistie, l’hostie restait du pain et le vin du vin ! Si Luther fit preuve de modération en parlant de consubstantiation (le pain et le vin sont à la fois du pain et le corps du Christ, du vin et le sang du Christ), Zwingli, qui inspira Jean Calvin, John Knox et les protestants reformés après lui, fut plus radical. Il désacralisa absolument et définitivement l’hostie en défendant la présence du Christ non pas dans le pain et le vin, mais dans la communauté qui les partage et les consomme. On verra plus loin comment les protestants dans le Bas-Canada ajoutèrent la profanation à la désacralisation.

2.
L’hostie s’installe en Nouvelle-France — dix-septième siècle

Revenons en Amérique du Nord, où ce furent évidemment les colons catholiques qui apportèrent l’hostie en Nouvelle-France, et parmi eux des prêtres forcément, les clercs étant les seuls habilités à manipuler un aliment qu’ils jugeaient sacré. Les pères récollets accomplirent cette tâche en s’embarquant, le 24 avril 1615, avec Champlain pour Québec. Et l’histoire démontre qu’ils surent se montrer très efficaces pour donner à l’hostie une maison. « La première chapelle ou église de Québec qui fut le premier temple érigé dans ce que nous appelons aujourd’hui l’Amérique du Nord fut bâtie en juin 1615, sous la direction du Père Récollet, Jean Dolbeau. Les travaux furent poussés avec tant de vigueur que, le 25 juin 1615, l’église était suffisamment avancée pour servir au culte divin. Ce jour-là, le Père Dolbeau célébra la première messe dite à Québec depuis le temps de Cartier1. »
Aux récollets s’adjoignirent en 1625 les jésuites, qui s’efforcèrent d’apporter l’hostie aux Amérindiens, et des religieuses, dont les ursulines qui fondèrent un couvent à Québec en 1639, cherchant notamment à convaincre les jeunes amérindiennes d’adopter la foi catholique et d’ajouter l’hostie à leur menu. Tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes franco-catholiques possibles. Cependant, en 1629, les trois frères Kirke conquirent Québec. Et la Nouvelle-France devint une colonie anglaise dont l’anglicanisme ne laissa plus de place à l’Eucharistie. Même si elle ne dura que trois ans, la période dut être fort pénible pour des pauvres catholiques privés d’hostie véritable.
Heureusement, le traité de Saint-Germain signé en 1632 leur apporta un soulagement immédiat. En rendant Québec à la France, il rendit Québec à l’hostie et l’hostie à Québec. « Il y avait déjà près de trois ans [que les Anglais] s’étaient emparés du Canada. Les Français restés dans le pays avaient trouvé ce temps bien long : aussi furent-ils remplis de joie, lorsqu’à la place du pavillon anglais ils virent flotter le drapeau blanc. Leur satisfaction fut complète quand ils purent assister au saint sacrifice de la messe qui fut célébrée dans la demeure de Louis Hébert. Depuis le départ de Champlain (24 juillet 1629) ils avaient été privés de ce bonheur2. »
Et cette fois, la messe s’installa pour de bon. Et avec elle, l’hostie. La participation à la célébration devint vite une obligation hebdomadaire, mais une consommation mensuelle de la seconde apparut au clergé largement suffisante, pour peu que le fidèle catholique ajoutât à la piété gustative une dévotion visuelle. C’est du moins ce qu’indiqua Mgr de Saint-Vallier, le deuxième évêque de Québec, dans une lettre datée de 1685, où il recommanda « d’assister au prône et au catéchisme le dimanche », de « se confesser et communier une fois par mois » et « d’aller quelques fois adorer le Saint-Sacrement3 ». De fait, jusqu’au début du vingtième siècle, l’habitude fut plutôt de communier plus ou moins une fois par an, le jour de Pâques. On regardait l’hostie plus qu’on ne la goûtait.
Mais, consommée ou adorée, cette hostie façonna les âmes néofrançaises, bien évidemment, mais elle contribua aussi à modeler le paysage de ce coin d’Amérique. Car l’Eucharistie réclamait du raisin et du blé. Or, si les raisins poussaient à l’état sauvage tout au long du Saint-Laurent (au point que Jacques Cartier voulut baptiser « île de Bacchus » l’île d’Orléans), ils ne convenaient pas à la fabrication du vin. Mais il en fallait pourtant, lui qui était « nécessaire à l’Eucharistie… Et aux taverniers4 ! », comme le rappelle Alain Bellemare, un viticulteur québécois. Alors on se débrouilla. On importa des ceps de France ; on fit pousser du raisin dans un climat pourtant peu favorable à la vigne ; on vendangea et on vinifia le produit de la récolte. On fit tout cela plus pour l’Eucharistie que pour les taverniers. Car jamais le vin ne s’imposa vraiment au Canada, qui lui préféra toujours la bière. « Fait rare dans l’histoire de la civilisation, les Canadiens français seront, avec les Irlandais, l’un des deux seuls peuples catholiques au monde à boire surtout de la bière5 », affirme l’historien du vin Benoît Guy Allaire.
Mais on ne peut pas communier à la bière. Cela ne se fait pas. En Nouvelle-France comme ailleurs, le christianisme ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Crédits
  4. Introduction
  5. 1. L’hostie débarque en Nouvelle-France — seizième siècle
  6. 2. L’hostie s’installe en Nouvelle-France — dix-septième siècle
  7. 3. L’hostie inspire la Nouvelle-France — dix-huitième siècle
  8. 4. Le Canada profane l’hostie — dix-neuvième siècle
  9. 5. Le Québec banalise l’hostie — vingtième siècle
  10. 6. L’Église catholique tente de reconquérir l’hostie — vingt et unième siècle
  11. Conclusion
  12. Notes