Manières de dire, manières de penser
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Manières de dire, manières de penser

Initiation à la réflexion critique sur les lieux communs

  1. 156 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Manières de dire, manières de penser

Initiation à la réflexion critique sur les lieux communs

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À propos de ce livre

«Cet ouvrage est une initiation à la réflexion philosophique à partir de certaines façons de dire, locutions banales, formules populaires, idées reçues, que l'on croit tous comprendre, mais dont on n'entend pas toujours toutes les résonances. Elles nous disent la vérité des choses, l'attitude juste, la bonne disposition d'esprit, la clé du bonheur. Elles veulent nous apprendre à vivre, et à penser. Je me propose de les méditer. De les considérer sous leurs divers sens. Que disent-elles? Que dit la philosophie? En les examinant, nous nous trouverons à faire un survol de l'histoire des idées, à donner un aperçu des principales écoles philosophiques et à rappeler les grandes controverses qui ont occupé les penseurs depuis des millénaires; autant ceux que l'on situe au plus près de la tradition que ceux dont la pensée exprime une résistance ou une dissidence.» «Prendre les choses avec philosophie», «Les idées mènent le monde», «À chacun sa vérité», «Plus ça change, plus c'est pareil»... L'auteur examine ainsi onze expressions courantes que nous entendons souvent autour de nous pour résumer une opinion ou conseiller une attitude. Dans un langage clair, une réflexion vive et engagée sur notre temps et sur les lieux communs qui lui tiennent souvent lieu de pensée.

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Informations

Année
2019
ISBN
9782895786979
chapitre 1
Prendre les choses avec philosophie
Prendre les choses avec philosophie, c’est beaucoup plus que de rester impassible devant les vicissitudes de la vie ; c’est surtout cultiver le doute pour garder intactes nos capacités d’étonnement et refuser le conformisme.
On suggère de « prendre les choses avec philosophie » à celui qui traverse une épreuve, qui est frappé par un malheur, qui connaît un échec. La formule laisse entendre que l’on peut faire face aux épreuves de la vie sans se laisser abattre et même les surmonter. C’est toujours devant les peines ou les vicissitudes de tout genre que l’on conseille de « prendre les choses avec philosophie », un peu comme si la philosophie ne servait qu’à affronter les malheurs.
Impassibilité et résignation
L’histoire a sans doute retenu des philosophes leur attitude ou les vertus qu’ils ont vantées pour triompher des souffrances et gagner la paix intérieure. Dans l’Antiquité grecque, latine et même orientale, la philosophie s’est en effet développée comme technique de vie heureuse autour d’écoles populaires ou exotériques (par opposition aux enseignements ésotériques destinés aux initiés) dont la plus célèbre est sans doute le stoïcisme. Cette philosophie proposait une éthique dont le but était le bonheur, entendu comme sérénité intellectuelle ou repos de l’âme en harmonie avec la nature. Le mot qui résume le détachement des choses du monde qui ali­mentent nos passions, nos désirs et, par conséquent, nos déceptions, et la paix intérieure qui en résulte est ataraxie, qui signifie étymologiquement une absence de trouble.
Le stoïcisme1 eut beaucoup d’influence sur les premiers chrétiens puisqu’il préconisait une acceptation du réel dont les événements heureux ou malheureux ne dépendent pas des volontés individuelles : « Abstiens-toi et supporte », disait Épictète, esclave grec et philosophe à Rome au premier siècle de notre ère. « Tout ce qui t’accommode, ô Monde, m’accommode moi-même », affirmait Marc-Aurèle, empereur et philosophe romain, l’un des plus célèbres stoïciens, qui éprouvait une grande admiration pour l’esclave Épictète — comme quoi, en philosophie, les maîtres et les esclaves ne sont pas ceux qu’on pense. Le sage stoïcien accède à la paix intérieure grâce à une soumission rationnelle à l’ordre du monde — ou de Dieu ou de la Providence, chez saint Augustin — dont les lois sont nécessaires : « Tout ce qui arrive, arrive justement. » Au lieu de se plaindre et de cultiver le regret et la tristesse, l’être humain peut ainsi parvenir à la quiétude de l’âme par une meilleure compréhension du réel. Cette compréhension indique la voie à suivre pour vivre en conformité avec la nature (la nécessité). Et c’est alors que le sage découvre sa liberté, qui consiste à vouloir que les choses arrivent non comme il nous plaît, mais comme elles arrivent. La liberté stoïcienne est une acceptation consentie par la raison. On voit mieux maintenant ce que signifie « prendre les choses avec philosophie ».
L’expression populaire semble réduire la philosophie à une seule éthique, certes célèbre, mais particulière, en tout cas, histo­riquement très délimitée. Il serait donc plus exact de dire, dans ce sens : « prendre les choses stoïquement » ou « avec impassibilité ». Prendre la vie comme elle est et l’accepter avec courage. Dans la tradition chrétienne, ce sens est celui de la soumission à la volonté divine, de la résignation face aux voies (ou voix) impénétrables de la Providence.
Il est regrettable que la mémoire commune n’ait conservé de la philosophie que cette attitude de « défense » devant le malheur. Bien sûr, la philosophie s’est toujours interrogée sur la condition humaine qui, comme on le sait, n’est pas toujours « sucrée comme le goût des fraises » (Alain) mais, au contraire, souvent amère comme celui de la bière. On sait que l’on va mourir, et la conscience de notre finitude nous pousse à chercher une béatitude salvatrice à saveur d’éternité. La philosophie est donc avant tout une réflexion incessante sur notre situation exceptionnelle d’êtres conscients de leur propre mortalité et ne peut pas faire autrement que de s’interroger sur les raisons ou les causes de cette amertume essentielle et sur les moyens de la dépasser. D’où une recherche constante des meilleurs chemins qui mènent au bonheur.
Mais pour ce faire, elle doit passer d’abord par une attitude de l’esprit beaucoup plus universelle et beaucoup plus fondamentale que la simple résistance aux malheurs : elle doit passer par une pratique à la fois intellectuelle et citoyenne, si angoissante que le sens commun ou l’idéologie populaire la discréditent. Cette pratique, c’est le doute.
Le doute
Qu’est-ce que le doute ? Le doute est un état du sujet ou de l’esprit connaissant (par opposition à l’objet connu ou à connaître) qui suspend son jugement ou son adhésion. Le sujet prend une distance par rapport à l’objet à connaître, que cet objet soit la réalité elle-même ou un autre jugement. Douter, c’est pratiquer un certain retrait pour une meilleure évaluation ou appréciation des choses. Si nous voulons bien percevoir l’aspect global d’un immeuble, par exemple, il ne nous sert à rien de nous coller le nez dessus, il est essentiel de prendre du recul. Il faut nous éloigner ou nous élever pour voir qu’il a telle forme, tel caractère, etc. Il en est ainsi de l’esprit : s’il veut en arriver à une évaluation, à un jugement d’appréciation, il lui faut prendre du temps, de l’espace, une distance, une certaine « hauteur ».
Cette faculté propre à l’être conscient s’appelle aussi la pensée critique ou la réflexion critique. C’est elle qui permet de « remettre en question » un jugement, une évaluation, ce qu’on tient pour une « vérité ». C’est elle qui met en opposition des jugements à travers le dialogue ou par l’examen des liens qui existent entre des choses parfois contradictoires : l’esprit critique est essen­tielle­ment dialectique. La dialectique, méthode qui prend en considération les contraires, est littéralement une puissance du dialogue qui cherche la vérité contre les discours qui semblent s’imposer. Ce n’est pas pour rien que le père de la philosophie occidentale, Socrate, en a fait tant usage. Socrate n’a rien écrit : il parlait, il dialoguait. Il discutait des jugements en les opposant. À travers cette opposition, il cherchait la vérité universelle — car nul n’est dépositaire de la vérité, et que vaudrait-elle si chacun était seul à la posséder ? La dialectique — entendue dans le sens de dialogue philosophique ou dans son sens logique — a horreur de la soumission au consensus tout fait : combien de consensus passés se sont révélés non fondés ! Combien de consensus n’ont été et ne sont que « vérités arrangées » ! « Philosopher, c’est d’abord dire non ! », c’est ainsi qu’on peut résumer le sens de l’attitude fondamentale du philosophe.
Doute, critique, remise en question, dialectique : même combat, même faculté humaine de recherche et même puissance intellectuelle ou aptitude à circonscrire le mieux possible la réalité ; c’est l’arme la plus affûtée de l’homme pensant et elle est essentielle au progrès de la connaissance. Toutes les grandes découvertes et inventions humaines résultent directement de remises en question de vérités ou de faits établis pour permettre un pas de plus. Copernic a remis en question la représentation astronomique du Moyen Âge et de l’Antiquité pour proposer une vision révolutionnaire (ou contraire) du monde. Newton a dû douter du dogme du Premier Moteur divin pour formuler la loi de la gravitation universelle (f = ma) qui a permis tant de victoires aux humains : voler avec un appareil plus lourd que l’air et, même, aller sur la lune. Einstein a dû faire la critique de la théorie de Newton pour élaborer sa théorie de la relativité (e = mc2). En philosophie, le développement considérable des idées, des systèmes, des théories a rendu possible un progrès inouï de la raison humaine (droit, démocratie, liberté, justice, tolérance…). D’ailleurs, les sciences naturelles comme les sciences humaines ne sont-elles pas les filles légitimes de la recherche philosophique au cours de l’histoire ?
La connaissance humaine est indiscutablement associée au doute, à la critique et à la remise en question ; et la philosophie est primordialement fondée sur ce procédé de l’esprit. Le doute, c’est la capacité de dépasser le réel (dont l’homme) pour le comprendre. Douter, c’est penser, disait Descartes, et penser, c’est être humain. Et pourtant, le sens commun (que j’appelle aussi l’idéologie dominante dans une société) craint le doute et la critique au point que l’on qualifie de « critiqueur », de « rouspé­teur », de « ronchonneur » celui qui en fait usage. Celui qui doute est souvent considéré comme un esprit négatif, un sceptique irritant qui « ne fait confiance à personne », qui « cherche la petite bête noire » et qui « remet toujours tout en question » comme un instable, un utopiste, un mauvais esprit, un déconnecté du réel ou simplement un « malade » dont on se méfie.
Devenu synonyme d’indécision, de défiance, de méfiance ou de faiblesse, plaçant le sujet dans un état apparent d’instabilité qui risque de paralyser son action, le doute a si mauvaise cote dans l’idéologie populaire qu’on l’évacue de son propre comportement personnel pour tomber dans l’attitude contraire : la crédulité, la foi. Et comme notre éducation repose en grande partie sur une incitation à la croyance (au Père Noël, en Jésus, en ses professeurs, en ses entraîneurs, à la publicité, à l’astrologie, en soi…), la critique (ou la pensée critique) en arrive à être perçue comme un mauvais état d’esprit (négativisme) et la croyance prend alors toute la place : « Crois en ce que tu es. Crois en ce que tu fais. Sois positif. » Ainsi conditionné, on préfère s’accrocher à des « vérités » toutes faites, s’en tenir à des lieux communs considérés comme indubitables, parce qu’universellement imposés, croire à des dogmes jamais critiqués, parce que socialement rentables. Et s’il arrive qu’on perde foi ou que l’on doute d’une « idée reçue », on se précipite comme un dépendant sur un autre préjugé plus en vogue. Les idées reçues, c’est comme les vêtements, quand ils ne sont plus à la mode, c’est-à-dire quand ils n’habillent plus le corps conformément à l’image, on les refile aux pauvres, aux plus ignorants. On a si peur de l’absence de repères « sûrs et certains » à laquelle la connaissance critique risque de mener, qu’on se met à l’abri derrière des « certitudes » établies par les conventions. L’insécurité du doute nous fait rechercher la stabilité du dogme.
Mais pourquoi tenons-nous tant à avoir des certitudes en poche ? Pour retrouver le plus vite possible une prétendue sécurité. Il est plus facile de croire que de savoir ; et il y a des gens qui sont si sûrs de leur croyance qu’ils en arrivent à ne plus penser que l’erreur existe et cela les rassure. C’est là une malheureuse conséquence de l’ignorance, véritable tare individuelle et sociale extrêmement dangereuse. C’est elle, l’ignorance, qui nous rend fra­giles et présomptueux, c’est elle qui nous incite au conserva­tisme et à la peur du changement ; elle nous oblige à nous enfermer dans les traditions et à chercher en elles des remèdes souvent périmés (donc, dangereux pour la santé intellectuelle et physique). L’éducation utilitariste, la propagande publicitaire, les incitations multiformes au conformisme, bref, l’idéologie dominante a cette pernicieuse tendance à garder la population dans la bêtise d’une pensée univoque sans revers ; et cela évacue l’inquiétude.
La philosophie combat la bêtise, la sottise et tout le train des inepties et des défauts de jugement. Elle a toujours lutté, aussi, contre l’ignorance et sa pauvreté. La philosophie, en tant que savoir cohérent et amour de la vérité, génère de la pensée critique, du doute et des remises en question et se régénère à travers eux ; elle fait de chacun de nous une personne intellectuellement plus indépendante vis-à-vis des pouvoirs de toutes sortes autant celui du discours politique que celui de l’argent, par exemple. Il ne faut pas s’étonner que les pouvoirs, en général, se méfient de la pensée critique et de l’autonomie qu’elle engendre. Imaginons : si cette autonomie intellectuelle se généralisait, il serait, en effet, beaucoup plus difficile de leurrer la population (quel que soit l’angle sous lequel on l’envisage : les consommateurs, les contribuables, les électeurs, les spectateurs…), de la manipuler et de la gérer. De plus, avec le véritable plaisir que procure le savoir, il serait fort possible — c’est à parier — qu’on en arrive à vivre heureux sans devoir dépendre d’une kyrielle de marchandises, de croyances, de faux besoins et de fausses certitudes non nécessaires au bonheur. Dans ce cas, qu’arriverait-il de nos sociétés productivistes qui, pour poursuivre leur croissance matérielle à l’infini, déploient un arsenal de propagande pour faire de chacun de nous un consom­mateur dépendant à gogo ? La lucidité généralisée serait un grand risque pour le bon fonctionnement des dominations actuelles, car la richesse qu’apporte la philosophie atténuerait l’envie de consommation futile, contrebalancerait la pénurie créée par la manipulation des besoins et éliminerait les désirs cupides d’appropriation. La philosophie nous ouvre à l’autonomie, donc à une quiétude singulièrement indépendante, à un bonheur simple et solide qui ne coûte pas cher, mais qui, n’ayant pas de prix et ne se vendant pas, constitue un risque social.
On a tous un oncle, un voisin ou un ami d’ami qui connaît tout sur tout, qui possède la vérité et qui distribue ses conseils tel un moraliste ne souffrant aucune contradiction ; on a tous vu (ou eu), dans ses parages, cet être exécrable qui fait figure d’au­torité ou de pouvoir et que l’on doit faire semblant d’écouter. Dans les réunions de famille ou mondaines, on l’évite, car on ne sait pas comment lui « répondre ». Puisqu’il a toujours raison, il nous place dans l’inconfortable situation d’avoir toujours tort. Et comme on n’a pas appris à devenir critique et qu’on nous a éduqués à croire et à nous soumettre aux « autorités », on évite toute confrontation : on s’écrase et on se la ferme même si l’on soupçonne que les vérités qu’on nous assène ne sont pas fondées ou qu’elles ne sont que de vieux préjugés. Or, avec la fréquentation de la philosophie et la familiarisation avec le doute et la critique, on acquiert inévitablement une autonomie intellectuelle, une indépendance d’esprit accompagnée d’une combative curiosité et d’un amour pour la vérité. Dès lors, lorsqu’on entendra l’abomi­nable déblatérer ses niaises « certitudes », on sera plus à l’aise de rétorquer : « Ce que vous pensez et dites avec tant de fatuité est pour le moins très discutable ; y avez-vous déjà réfléchi ? » C’est ce qu’apporte, entre autres, l’esprit dialectique de la philosophie : une force qui rend égal à l’autre, un pouvoir affirmatif contraire ...

Table des matières

  1. Compo Manière de dire ver. EPUB
  2. Compo Manière de dire ver-1. EPUB
  3. Compo Manière de dire ver-2. EPUB
  4. Compo Manière de dire ver-3. EPUB
  5. Compo Manière de dire ver-4. EPUB
  6. Compo Manière de dire ver-5. EPUB
  7. Compo Manière de dire ver-6. EPUB
  8. Compo Manière de dire ver-7. EPUB
  9. Compo Manière de dire ver-8. EPUB
  10. Compo Manière de dire ver-9. EPUB
  11. Compo Manière de dire ver-10. EPUB
  12. Compo Manière de dire ver-11. EPUB