Petit traité de l'erreur
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Petit traité de l'erreur

  1. 130 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Petit traité de l'erreur

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À propos de ce livre

L'objectif de ce livre est de préciser les différents sens que revêt le concept d'erreur, selon cinq grands types, sans doute les plus fondamentaux: l'erreur de raisonnement, l'erreur de jugement, l'erreur judiciaire, l'erreur scientifique et l'erreur morale. Mais les cinq études proposées visent aussi à introduire le lecteur à la philosophie qui se fait actuellement dans un dialogue fécond avec les sciences de la cognition. Ces cinq erreurs sont en effet considérées ici comme des erreurs cognitives. Or, cela ne veut pas dire qu'elles sont toutes nécessairement dues à des faiblesses ou à des failles de nature psychologique individuelle, mais que l'on peut aussi considérer qu'elles surgissent là où les mécanismes de la coordination sociale interviennent avec plus ou moins de succès. L'erreur n'est alors pas qu'humaine: ce livre veut expliquer pourquoi elle ne l'a d'ailleurs jamais été.

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Informations

Année
2012
ISBN
9782895783336

Chapitre 1

L’erreur de raisonnement
Le raisonnement est ce sur quoi les logiciens portent leur attention ; c’est l’objet de leur science. Qu’elle soit étudiée de manière directe ou indirecte, l’erreur de raisonnement est également étudiée dans le but de comprendre le fonctionnement des règles de la logique. Vue sous cet angle, l’erreur de raisonnement semble assez répandue, puisque les règles logiques sont enfreintes régulièrement, dans toutes les sphères de la vie, en science, dans les médias, lorsque l’on discute du temps qu’il fera au petit-déjeuner. L’erreur est humaine, non ? Suivant ce principe, il serait possible de dire, moyennant toutefois un peu d’épaulée, que l’erreur de raisonnement est le socle fondamental de la condition humaine, la rationalité parfaite étant l’idéal jamais atteint. Or, ce disant, on fait soi-même une erreur… de raisonnement, en opposant l’erreur de raisonnement à la rationalité.
Car si la science-fiction a développé puis adopté le modèle de l’être ratiocineur parfait, par définition non humain (pensons à Spock dans Star Trek et à ses nombreux décrets sur l’illogisme des arguments de ses collègues) et parfois même inhumain (HAL 9000 dans 2001 L’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick), le fait est que la faculté humaine de raisonner n’a pas à être comparée à un idéal qui n’a jamais existé que dans l’imagination de quelque auteur, y compris dans celui des premiers cybernéticiens partis à la recherche d’une intelligence artificielle en tous points conforme à ces personnages fictifs : il s’agit bien davantage d’une habileté cognitive humaine et actuelle, qui s’exerce dans le cerveau grâce à divers mécanismes biochimiques et hormonaux, et qui résulte de l’évolution de l’espèce humaine. Or, voilà certes une thèse qui ne satisfera pas tout le monde. En gros, deux approches sont en effet possibles. Celle que je viens d’exprimer et une autre, plus culturaliste. Voyons en quoi consiste celle-ci avant de revenir sur la première.

Un vieux débat, mais un nouvel objet

Il est assez courant de lire que la logique ne serait pas une faculté cognitive au sens strict du terme, c’est-à-dire qu’elle ne relèverait pas de mécanismes neurobiologiques. On soutient ainsi que les structures logiques seraient en quelque sorte le fruit d’un apprentissage et qu’en conséquence la logique serait le produit de la culture. Mais les preuves ou, à défaut, les arguments avancés à la défense de cette dernière thèse sont extrêmement fragiles. Pour plus de solidité, il faudrait pouvoir démontrer qu’il existe bel et bien différents types de raisonnement selon les cultures, c’est-à-dire que des différences de structures logiques employées par certains groupes d’individus appartenant à des cultures distinctes seraient notables : par exemple entre des Peuls et des Inuits, des Texans et des Bretons, etc. Le problème fondamental qu’on rencontre là est toutefois méthodologique. Il concerne non seulement l’étalon de mesure dont les services seront retenus aux fins de l’observation, mais aussi la caractérisation des critères en vertu desquels on choisira les populations qui seront comparées : quels seront le ou les groupes qui serviront de références en matière de raisonnement logique « correct » ? Et comment s’assurer du caractère « correct » d’un raisonnement ? Encore faudrait-il définir ce concept de raisonnement « correct » par opposition à ce que la logique en dit depuis au moins les cent vingt dernières années.
À ce tout premier ordre de problèmes s’ajoute celui-ci : même si on parvenait à définir la mesure d’un raisonnement « correct » en vertu de critères extra-logiques et populationnels, comment sera-t-on assuré que nos mesures ne seront pas uniquement et strictement normatives ? Car dans la science de la logique, certains concepts sont fixes, c’est-à-dire qu’ils font l’objet d’un consensus élargi parmi les spécialistes. Ainsi en est-il de celui de raisonnement valable ou juste : est valable ou juste un raisonnement qui respecte les règles de la déduction, quel que soit le type de règles établies en vertu des conventions de tel ou tel autre système de logique déductive (la logique inductive connaît ses propres difficultés, cela dit, mais l’inférence inductive est aussi jugée valable à partir de règles1). Un raisonnement valable ou juste est aussi un raisonnement vrai ; et la notion de vérité, en logique, n’a rien de métaphysique. Depuis Wittgenstein, le concept de vérité est défini comme une mesure du respect des règles de la déduction lors d’une inférence. Point. On raisonne, c’est-à-dire : on déduit ou on induit, et si on ne respecte pas les règles, il y a de fortes chances que l’on raisonne mal. Notre conclusion sera fausse pour cette seule et unique raison.
Mais aussi scientifique soit-elle, et aussi arrêtés que soient certains de ses concepts et méthodes, la logique n’est pas sans posséder une histoire propre, ni sans avoir subi des influences qui ont eu quelques effets notables sur son développement.
On le sait, la logique est née en Grèce, qui n’était pas sans entretenir de rapports commerciaux et politiques avec d’autres peuples venant d’aussi loin que l’Asie mineure, l’Inde, etc. Si la logique est grecque, du moins dans sa première formulation connue en Occident chez Aristote (j’en reparlerai plus loin), que doit-on penser des interactions culturelles qui auraient pu nourrir, et qui ont certainement nourri, la réflexion des Grecs de l’Antiquité ? Même si elle est née en Grèce, il y a de très fortes chances en effet que la logique soit le résultat d’échanges culturels et philosophiques avec la science et la philosophie d’autres peuples avec lesquels les Grecs étaient en relation. Mais pour soutenir la thèse culturaliste, il faut, j’insiste, déterminer quel peuple ou quelle culture aujourd’hui est éligible au titre du plus « logique » ? Qui sont les véritables enfants de Spock (pas le docteur des années 1950, mais bien le Vulcain de la série télévisée des années 1960) ? On ne saurait le dire. Si on excepte le racisme et le colonialisme ordinaires, si on oublie, et cela ne pose pas de problème moral particulier, l’idée même d’une « mentalité primitive », on voit bien que l’idée d’une supériorité ethnographique liée à la capacité de raisonnement d’un peuple quelconque est une idée assez farfelue, mais pas innocente pour autant puisqu’on poursuit avec elle des objectifs d’assujettissement par l’infériorisation d’un groupe par rapport à un autre. Tout standard de la « correctitude » logique fondée sur des principes purement culturels est l’expression d’un racisme haïssable et d’une pensée par trop vulgaire.
Si on quitte le terrain moral, que reste-t-il de cette thèse ? Le problème de l’apprentissage, qui y est central. Afin d’en analyser les conséquences, convenons pour un instant que les mathématiques et la logique sont proches parentes, ce qu’elles sont en réalité ; et convenons également de considérer le raisonnement mathématique, à juste titre, comme logiquement structuré. (Certains philosophes ont naguère voulu subordonner pour cette raison les mathématiques à la logique, mais n’y sont pas parvenus.) Malgré ces ressemblances et cette parenté, sur le plan des apprentissages, la différence entre les deux réside toutefois dans le fait que les mathématiques, partout dans le monde, jouissent d’un enseignement beaucoup plus répandu que la logique ne le sera sans doute jamais. Ce que l’on peut observer concernant l’apprentissage des mathématiques pourrait cependant être valable pour la logique, en vertu de notre convention. Or, il existe des études, effectuées sous l’égide de l’Unesco (facilement accessibles sur le site unesco.org), qui ont porté sur l’enseignement des maths partout dans le monde. Je ne les ai pas toutes lues, mais même une lecture assez superficielle permet de constater que si les apprentissages sont assurément culturellement marqués, cela est fondamentalement dû aux stratégies pédagogiques propres à chaque culture : ce qui est culturel, ce n’est pas la structure des contenus mathématiques, mais les méthodes d’enseignement qui leur sont appliquées, les contenus demeurant inchangés. Il va de soi que les approches différeront parce que les cultures proposent, pour favoriser l’apprentissage, divers répertoires de références. C’est d’ailleurs l’une des principales fonctions de toute culture : intégrer les individus à un groupe qui leur préexiste et de tels répertoires sont abondamment utilisés dans tout enseignement. Mais le raisonnement qui permet d’effectuer telle ou telle opération mathématique est quant à lui le même. Bien entendu, cela veut aussi dire ceci : l’enseignement des mathématiques est normatif, le contraire serait tout à fait étonnant. Et s’il est normatif, alors il va de soi que ce ne sont pas seulement des contenus purs de mathématiques (les notions de nombre, de relations, d’ensemble, etc.) qui sont enseignés, mais aussi des modèles de raisonnement mathématique. Or, ces modèles sont-ils culturellement déterminés ?
Si l’histoire moderne des mathématiques est surtout le fait de savants nés quelque part dans l’hémisphère nord (parler des mathématiques comme d’une science purement occidentale serait tout à fait abusif en l’occurrence), on voit mal comment on pourrait alors dire que les mathématiques sont le produit d’une culture particulière. Que les mathématiques, en tant que science, aient connu de nombreux développements dans des sociétés assez riches, cela est aussi vrai de toutes les sciences. Ce qui est culturel dans les mathématiques, et dans la logique tout aussi bien, c’est le soutien que les peuples et les sociétés apportent au développement et à l’enseignement des sciences. C’est le contexte qui leur est favorable en ce qui concerne non les contenus, mais les formes de leur développement et de leur transmission. Ce qui n’est pas exclusivement culturel, mais qui contribue pourtant à la formation d’un tel contexte, ce sont les modes de distribution de la richesse collective qui permet de tels appuis aux développements et à l’enseignement des sciences (et des arts, et des lettres : je ne cherche aucunement à défendre un monopole quelconque). L’histoire de l’Inde depuis son indépendance est à cet égard très éloquente, pays qui a connu, au cours de sa longue histoire, plusieurs périodes de grande richesse intellectuelle et scientifique, mais qui demeurent peu familières aux Occidentaux.
La thèse du caractère culturel des contenus mathématiques est donc insoutenable. À part les chiffres qui, comme chacun le sait, sont d’origine arabe, le symbolisme mathématique a surtout été conçu en Occident, à partir du seizième siècle. Et alors ? Rien, ou plutôt ni plus ni moins qu’il faille tenir compte de ce que le contexte politique et culturel de l’Europe à la Renaissance et ensuite à l’époque moderne après la Révolution française aura apporté à l’histoire des mathématiques. Si les mathématiciens ont eu autant d’appuis, c’est que durant cette période féconde les besoins des États étaient grands : le seul fait de calculer les longitudes demandait d’avoir la mesure la plus précise possible de la forme de la terre. Newton l’a mesurée, cette forme, ce qui contribua au développement de plusieurs branches de la géographie, de la physique, des mathématiques. (Ce n’est pas mon sujet d’en raconter ici l’histoire, mais en effet ces sciences sont liées à leur origine par l’idée de la mesure et de l’erreur de mesure dont je parlerai au chapitre 4.) Un symbole est toujours relatif à une convention, en l’occurrence à une convention d’écriture. Adopter une convention plutôt qu’une autre est certes un choix. Mais si un ingénieur péruvien utilise les symboles convenus du calcul différentiel, il a davantage de chances d’être compris par son confrère du Turkménistan que s’il tentait de réinventer ce calcul en créant de toutes pièces une nouvelle symbolique. Pour le dire avec Gilles-Gaston Granger, la communication de la science est conventionnelle, mais ces conventions en assurent la fréquentation et la diffusion.
Revenons donc à l’idée défendue ici, soit que la logique est une habileté cognitive qui repose sur des mécanismes neurobiologiques résultant eux-mêmes d’un long processus évolutif, celui (indissolublement mais involontairement) suivi par les humains. De tels mécanismes sont appelés « mentaux », sans doute faute de meilleure désignation de la nature des phénomènes qu’elle recouvre, mais aussi parce que sous ce terme sont rassemblées diverses hypothèses et théories sur les mécanismes propres au fonctionnement du cerveau humain2. Mais si ces théories et hypothèses servent à décrire des fonctions neuronales liées à l’apprentissage et à d’autres habiletés cognitives, dont celle du raisonnement, elles n’en fournissent néanmoins qu’une explication partielle, en ce sens qu’elles expliquent des fonctions et non les raisons de ces fonctions. C’est là que réside toute la puissance de l’explication génétique et évolutionnaire. Mais les écueils de cette approche sont également d’une puissance annihilante, parfois méconnue.
C’est que toute forme de biologisme apparent dans une quelconque interprétation des faits sociaux risque de faire apparaître davantage de problèmes qu’elle n’apportera de véritables solutions. Mais n’étions-nous pas en train de discuter de mécanismes mentaux ? Oui. Mais comme d’autres, je ne pense pas que « mental » signifie exclusivement « psychologique ». En tant que mécanismes mentaux, ils sont certes vécus, d’un point de vue subjectif, comme étant psychologiques et privés. Ce que l’un ressent et vit « intérieurement » a tendance à être vu essentiellement comme le signe de la manifestation de formes psychologiques que prennent aussi les relations de soi à soi-même, et de soi au monde et aux autres qui sont parties prenantes de ce monde environnant. Or, il est non seulement possible, mais surtout fortement valable de retrouver dans ces multiples relati...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Crédits
  4. Dédicace
  5. Introduction
  6. Chapitre 1 L’erreur de raisonnement
  7. Chapitre 2 L’erreur de jugement
  8. Chapitre 3 L’erreur judiciaire
  9. Chapitre 4 L’erreur scientifique
  10. Chapitre 5 L’erreur morale
  11. Conclusion
  12. Bibliographie