Se dire psychanalyste
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Se dire psychanalyste

et croire éventuellement qu'on l'est

  1. 136 pages
  2. French
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Se dire psychanalyste

et croire éventuellement qu'on l'est

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À propos de ce livre

Je tiens que c'est toujours par hasard que le point de jonction de la langue etdu monde se trouve. Certains, pour s'y aider, louent un divan. Comme tout lemonde, ils se demandent: « Que vais-je faire de ma vie? » Longtemps ils nesavent pas. Et soudain, c'est l'illumination: « Psychanalyste! Je ne vois quepsychanalyste pour m'en sortir! » Alors ils revêtent l'armure, ils prennent lapose, ils s'inventent psychanalyste et finissent presque par croire que c'est vrai.Presque. Quelques garants, quelques grands référents les y aideront. Alors ilspassent à l'acte et adressent leur prière à la cantonade: « Je vous en prie, venez, parlez-moi, et payez-moi! »

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Informations

Année
2018
ISBN
9782895786498
XIV
Filiations
Le jeuneLe temps est bientôt venu d’interrompre notre conversation, mais je voudrais, avant que nous ne nous quittions, vous poser quelques questions encore qui renoueront avec ce que vous évoquiez au début. Vous parliez de la nécessité pour l’analyste de perdre cette foi aussi mortifère que meurtrière en toute figure tutélaire à laquelle s’identifier. L’analyste, disiez-vous, est sans modèle à avaler, sans modèle d’identité. Est-ce vraiment tenable? N’est-ce pas parce que cette radicale solitude dont vous parliez est en fait impossible, que les institutions, écoles, académies, groupes, etc., existent?
Le vieux – Il arrive que l’on me demande, en me demandant une analyse — cela arrive à tous les analystes —, de quelle école je suis, de quelle orientation je me réclame, si je suis freudien, lacanien, jungien, etc. Il arrive même que l’on me demande si je suis membre de l’une ou l’autre des académies qui ont pignon sur rue, si je suis inscrit quelque part ( je ne le suis pas, et ne l’ai jamais été ). Certains d’ailleurs choisissent ainsi leur analyste, en fonction de ce seul critère d’appartenance institutionnelle. Je répète le mot de Kristeva que je rappelais tout à l’heure, «en être ou ne pas en être», faire ou ne pas faire partie de tel ou tel groupe.
Mais qu’est-ce qu’un groupe, analytiquement parlant? La question a-t-elle même du sens? Il faut à ce propos lire Du tout de Derrida. Je le paraphrase: il n’y a pas, en France ou ailleurs dans le monde, une institution analytique coupée en dizaines, sinon en centaines, de parties qu’il suffirait d’ajointer pour compléter un tout et recomposer l’unité harmonieuse d’une communauté. Il n’y a pas de communauté analytique. Il n’y a que des factions rivales, plus ou moins courtoises et honnêtes dans leurs relations toujours très complexes. Chaque groupe, verrouillé dans la dénégation du meilleur aloi, donc s’en défendant farouchement, assurant que ça n’est pas du tout le cas, prétend former la seule institution analytique authentique, la seule à détenir légitimement l’héritage freudien, à le développer authentiquement dans sa pratique, sa didactique, ses modes de formation et de reproduction. Ainsi, s’ils m’entendaient, ils diraient que pas du tout, que je suis au mieux très mal informé, que je ne sais pas lire, que je ne suis pas au fait de leurs débats démocratiques; et au pire, que je suis paranoïaque, que ma lecture n’a pas plus de pertinence que celles, dans d’autres champs, d’un Raoul Vaneigem ou d’un Michel Onfray.
Bref, qu’est-ce qu’un «groupe» chez nous ( à supposer que cette expression, «chez nous», veuille même dire quelque chose )? Est-ce une caution ou une garantie de sérieux, d’authenticité? Est-ce seulement un espace de réflexion, de débat, de travail? Est-ce autre chose encore? Et pourquoi, quoi que ce fût, faudrait-il y appartenir? Donc: se dire psychanalyste, est-ce — d’abord? aussi? surtout? — dire: voici à quoi, à qui j’appartiens, de qui je suis la fille ou le fils? Est-ce dire: voici mon héritage, voici comment j’assume et gère l’héritage freudien? Toutes questions au demeurant aussi légitimes que nécessaires, car savoir ce qui fait marcher une descendance, freudienne ou autre, est en effet une question importante.
Dont acte: je vous demande donc: qu’est-ce qui vous fait marcher?
J’ai déjà raconté, c’est publié, comment je suis venu ( peut-être faudrait-il plutôt dire: comment on m’a amené ) à la psychanalyse. C’était en septembre 1969, j’avais dix-neuf ans. Deux livres nous étaient tombés dessus peu avant, à une année d’intervalle, le premier en 1966, le second en 1967, signés par ceux qu’il me plaisait alors d’appeler les jumeaux tragiques de la psychanalyse: les Écrits de Jacques Lacan, et L’écriture et la différence de Jacques Derrida. Un de mes professeurs de philosophie, Paul Inchauspé, me les avait offerts un matin, les posant sur mon pupitre en me disant: «Lisez ça, c’est pour vous.» J’ai donc lu ces livres, qui m’ont sidéré. Par leur intelligence, leur érudition, cela va de soi, mais surtout par la singularité de leurs voix respectives. Paradoxalement ( pensais-je à l’époque, mais cela s’est ensuite si souvent reproduit que j’ai fini par me demander comment cela se faisait, j’y reviendrai ), c’est le livre du non-analyste qui m’a donné envie de lire Freud. Le chapitre intitulé Freud et la scène de l’écriture, bien sûr, mais pas seulement: tout ce qu’il disait du cogito, de la folie, du langage, ce qu’il annonçait déjà à propos du concept de différance, de la déconstruction de la métaphysique ( et donc des notions de sujet, de présence, d’identité, de vérité, etc. ), bref, la remise en question de la possibilité même d’une appartenance à soi du sujet, tout cela, comme on dit, me parlait. Quant à Lacan, je dois avouer que c’est ce que je trouvais chez lui faire résonance à Derrida qui m’intéressait. Et pour ce qu’il en est de sa lecture de Freud, elle me paraissait ( et, près de cinquante ans après, me paraît toujours ) moins rigoureuse, moins minutieuse, moins patiente que celle de Derrida. Il reste néanmoins que son travail sur et à même la langue, d’une part, me fascinait, et l’appui qu’il prenait, d’autre part, sur la philosophie pour parler de la psychanalyse ne pouvait que séduire l’étudiant en philosophie que j’étais. Voilà donc comment les Frères Jacques m’ont amené à Freud. Évidemment, j’ignorais tout à l’époque de la rivalité qui liait Lacan à Derrida — rivalité non réciproque, il faut le souligner. Cette rivalité, comme vous le savez peut-être, a même conduit Lacan à mentir publiquement, affirmant que Derrida était «en analyse» — mais laissons, cela nous entraînerait trop loin.
Y aurait-il donc, selon vous, une psychanalyse derridienne?
La question a déjà été posée, et fort bien posée, par René Major. Mais elle ne se pose pas pour moi ainsi. Je poursuis donc ma réponse à votre question: qu’est-ce qui me fait marcher?
Il se trouve — je ne dirai pas: simplement, car ce n’est justement pas simple — que m’ont davantage donné à penser ( et c’est cela qui me fait marcher: ce qui me donne à penser ), de manière générale, les écrivains et les philosophes, que les psychanalystes. Mais ça, c’est une affaire strictement personnelle, ça n’est pas un jugement objectif quant à la «valeur» des uns ou des autres. J’ai été davantage marqué, en tant qu’analyste également, par certains écrivains et certains philosophes que par la plupart des écrits dits «analytiques». J’insiste: je dis que j’ai été davantage marqué par eux, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu’ils m’ont davantage appris. Car mon métier, je l’ai appris, c’est indiscutable, d’abord sur les divans que j’ai moi-même loués, donc avec les analystes qui en étaient les bailleurs ( parmi lesquels, surtout, Joyce McDougall ). Puis avec quelques analystes, très rares, avec lesquels j’ai eu la chance de pouvoir entretenir de très vives relations à la fois amicales et professionnelles ( je pense surtout à Lucien Israël, Conrad Stein, Françoise Dolto, Jean-Bertrand Pontalis, Anne Dufourmantelle, Serge Leclaire, Richard Raubolt et Fabrizio Scarso ). Enfin avec mes analysants, qui ont, comme dit Winnicott, payé pour m’apprendre. Mais ce métier, j’ai aussi appris à l’exercer grâce à ce que j’ai appris ailleurs — à supposer que cet «ailleurs» soit un «dehors» de la psychanalyse: avec l’enseignement de Philippe Lacoue-Labarthe et de Jean-Luc Nancy, par exemple, ainsi qu’avec, ou dans, ou grâce à, la longue amitié de Michel de Certeau. Ces trois-là, je dois le dire, ont changé ma vie; la dette que j’ai à leur endroit est infinie. Je ne parlerai ici plus en détail que de Certeau, que j’ai donc connu plus intimement.
Il disait écrire pour ne pas laisser périr, pour composer ce qu’il appelait le pointillé d’une dérive. Il voyait dans l’écriture une pratique de l’écart plus que de la compréhension: il s’agissait de passer ( «passer à l’autre», disait-il ) plus que d’établir, de se frayer un chemin sans trêve. Vers quoi? Il disait ne pas savoir. Il espérait indiquer aux autres, ses lecteurs, la piste d’un minuscule exil, et se rendre à lui-même possible un pas en avant. Luce Giard a magnifiquement rappelé la surprise heureuse qui éclairait son regard, son sourire, lorsqu’il voyait arriver l’autre, sa manière si singulière, presque étrange, de faire fête ( ou hospitalité, mot qui lui était cher ) à ce qui d’autre survenait, l’extrême attention avec laquelle il écoutait, parfois interrogeait. Il y avait en lui, dit-elle, inséparables, la joie d’être atteint par autrui, l’espoir d’en être altéré. C’est pourquoi il aimait ce mot de Heidegger: «Il faut nous dépayser dans nos propres origines.» Aussi avait-il toujours refusé de se plier à la logique sociale des places et des bénéfices. Cette position, cette attitude, cette manière d’être, définit tout aussi bien, selon moi, celle de l’analyste. Bref, j’ai là aussi appris mon métier — en apprenant à vivre.
Je voudrais alors revenir un instant, si vous le voulez bien, aux divans sur lesquels vous vous êtes arrêté, les deux premiers lacaniens, le troisième non. Vous semblez dire que c’est sur celui-ci, le non lacanien, que vous avez le plus appris. Pourquoi?
Mes deux premiers analystes avaient d’emblée rejoint, au début des années soixante, l’École freudienne de Paris que Lacan venait de fonder. Ils avaient l’un et l’autre été analysants de Moustapha Safouan. Le premier avait auparavant fait une tranche chez un analyste qui avait lui-même été un patient de Freud. De cette première expérience, il n’avait, sur le plan de la clinique, pratiquement rien retenu — mais il avait, en revanche, ensuite adopté toutes les manières lacaniennes: séances courtes, mutisme quasiment total, etc. À telle enseigne que je n’ai, des années passées sur son divan, pas le souvenir de la moindre intervention — exception faite d’une fois où, venant me chercher dans la salle d’attente, il me fit remarquer que j’étais en retard.
Quant au second, près de vingt ans plus tard, s’il lui arriva de dire quelques mots, ce fut chaque fois seulement pour me demander de préciser quelque chose. Sinon, rien: pas la moindre interprétation ou réflexion, pas le moindre commentaire. Même les deux ou trois fois où je lui demandai ce qu’il pensait de ce que j’essayais de lui dire, il m’opposa le plus parfait silence. C’est ainsi qu’au terme d’une année environ de ce régime, je lui dis que s’il n’était pas disposé à de temps en temps se risquer à me dire ce qu’il pensait — et à me laisser m’en débrouiller —, je ne poursuivrais pas plus avant. Et comme il choisit de maintenir son silence, je m’en allai.
J’ai donc, pendant toutes ces années, parlé tout seul. Ce ne fut pourtant pas inutile, car le transfert opérait — non seulement à l’endroit de leur personne, mais encore à l’endroit de la figure tutélaire, de cette statue du Commandeur qu’était Lacan, et dont ils étaient les vicaires aussi dévôts que dévoués. Enfin, surtout lors de la première tranche: j’étais très jeune et sans expérience; c’était beaucoup moins vrai la seconde fois, et cela, justement, grâce à l’enseignement de Lacoue-Labarthe et Nancy — c’est-à-dire grâce à la fréquentation très assidue des textes que grâce à eux j’ai soit découverts, soit relus tout autrement que je ne l’avais fait la première fois. Et parmi ces textes, il y avait ceux de Freud et de Lacan. Il faut d’ailleurs ici rappeler que lorsqu’ils ont publié leur premier livre, Le titre de la lettre, Lacan a reconnu ( mais avec beaucoup de condescendance, cela va sans dire ) qu’il n’avait jamais été aussi bien lu. Pour faire court, donc, je dirai que leur enseignement m’a permis de sortir du sommeil dogmatique dans lequel j’étais depuis plusieurs années plongé.
C’est donc à cause de cet enseignement, ou grâce à lui, que vous n’avez jamais été, à strictement parler, lacanien?
Les lacaniens n’ont pas le privilège de ma résistance: je vous l’ai dit, je n’ai jamais été membre de quelque club analytique que ce soit. C’est en effet grâce à cet enseignement — ainsi qu’à d’autres rencontres tout aussi déterminantes — que j’ai pu éviter tout rapport fétichiste au savoir ou au discours: je ne crois pas au verbum mirificum. Et je ne suis le vicaire de personne, le défenseur d’aucune cause, le disciple d’aucun maître: j’ai la chance d’être l’ami de quelques-uns, et l’endetté de plusieurs, au premier rang desquels je tiens à nommer Yves Delègue. Tous les analystes devraient lire ses travaux absolument remarquables, en particulier sur les questions de l’imitation et de la vérité en littérature. Sa lecture de gens tels Augustin, Abélard, Hugues de Saint-Victor, Jean de Salisbury ou Alain de Lille est magistrale.
Cela étant dit, je sais reconnaître que rien, aujourd’hui, n’est pensable en psychanalyse sans Lacan. Ce qui ne veut pas dire que Lacan incarne, à lui seul, la psychanalyse, encore moins que la psychanalyse, c’est Lacan. Croire cela serait tout aussi stupide que de croire, par exemple, que la philosophie, c’est Hegel, ou Kant, ou Platon, ou qui vous voudrez. S’il importe donc de reconnaître ce que Lacan donne à penser, sans quoi on ne saurait penser la psychanalyse, il importe tout autant de reconnaître ce que d’autres donnent à penser — même si ce n’est pas dans la même mesure, car à ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Dépôt Légal
  3. Dédicace
  4. Épigraphe
  5. Préface
  6. Présentation
  7. I. La prière de l’analyste
  8. II. Résistance à l’analyse
  9. III. L’installation comme passage à l’acte
  10. IV. Le risque d’inventer
  11. V. Le désir de l’analyste
  12. VI. Aider?
  13. VII. Être l’objet de l’autre
  14. VIII. Psychanalyse et philosophie
  15. IX. Passer entre les langues
  16. X. L’épreuve de l’étranger
  17. XI. De quoi parle-t-on au juste?
  18. XII. Double discours, double contrainte
  19. XIII. Présenter la psychanalyse
  20. XIV. Filiations
  21. Postface
  22. Bibliographie