Rendez-vous avec la mort
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Rendez-vous avec la mort

Journal d'un dernier tour de piste

  1. 152 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Rendez-vous avec la mort

Journal d'un dernier tour de piste

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À propos de ce livre

Alors que les sociétés débattent de l'aide médicale à mourir, une question sousjacente aux délibérations est rarement posée: «est-ce que ma vie m'appartient?»AprÚs un rendez-vous manqué avec la mort, un homme entreprend un dernier tour de piste pour informer ses proches qu'il veut mettre fin à ses jours. Ses rencontres l'amÚnent à réfléchir aux répercussions sociales d'un tel geste. Il rédige un journal dans lequel on trouve un condensé des débats de société sur le suicide et l'euthanasie. Pendant qu'il poursuit sa route vers un deuxiÚme rendez-vous avec la mort, dont il a fixé la date, il se heurte à une société dont le message est qu'il faut vivre à tout prix. Cet essai traite la question délicate du choix de mourir avec beaucoup de sensibilité et d'humanité, autant que d'originalité.

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Informations

Année
2021
ISBN
9782895787310
Chapitre 1
Mai
6 mai 2018
Hier soir, je suis revenu au chalet aprĂšs un rendez-vous manquĂ© avec la mort. Je suis en paix. J’ai soixante-seize ans et j’ai dĂ©cidĂ© de mettre fin Ă  mes jours. Je ferai un dernier tour de piste pour prĂ©parer mes proches au deuil que je leur imposerai. J’en tiendrai un journal, un journal ouvert, comme on dit d’une lettre qu’elle est ouverte. Une sorte de testament spirituel. Je verrai, le temps venu, s’il est pertinent de le rendre public. Mon prochain rendez-vous aura lieu le 2 novembre prochain, jour des morts.
Cette idĂ©e d’un « dernier tour de piste » Ă©voque un film de Louis Malle Le Feu follet ( 1963 ), un souvenir de jeunesse. Au dĂ©but du film, on voit un homme seul dans sa chambre. Il envisage le suicide. Il revoit des objets qui lui rappellent sa vie passĂ©e, des objets qu’il met de cĂŽtĂ© parce qu’ils n’ont plus de rĂ©sonance. Il prend un pistolet, prĂȘt Ă  passer Ă  l’acte, mais le dĂ©pose aprĂšs un instant sur sa table de chevet. Il a dĂ©cidĂ© de faire une tournĂ©e de ses amis, Ă  la recherche d’une raison de vivre. À la fin du film, n’ayant rien trouvĂ© de significatif, il se retrouve dans cette mĂȘme chambre oĂč il met fin Ă  ses jours.
7 mai
Mon premier tĂ©moin sera mon beau-frĂšre. Depuis la mort de ma conjointe, il y a douze ans, je n’ai plus de contact avec ma belle-famille. L’aĂźnĂ© seul fait exception. Il y tient le rĂŽle de pater familias depuis la mort des parents. Il m’a toujours fait bon accueil depuis mon mariage avec sa sƓur. Lorsque je vais Ă  QuĂ©bec, il m’arrive de le rencontrer pour un dĂ©jeuner. Depuis que je suis veuf, il m’invite encore Ă  certaines rencontres familiales. Je me dĂ©siste, et il accepte que je me tienne Ă  distance. Je prĂ©fĂšre un tĂȘte-Ă -tĂȘte occasionnel avec lui plutĂŽt que les fĂȘtes d’une famille qui, Ă  part lui, ne m’a jamais rĂ©ellement acceptĂ© au cours de mes quarante ans de mariage. J’ai pris rendez-vous. Nous dĂ©jeunerons ensemble samedi prochain.
13 mai
La rencontre d’hier avec mon beau-frĂšre s’est prolongĂ©e tard en aprĂšs-midi. Un moment d’intimitĂ©, malgrĂ© son incomprĂ©hension Ă  l’égard du geste que je veux poser.
Je rĂ©digerai une lettre pour rĂ©sumer l’essentiel de nos Ă©changes. Il ne la recevra jamais, mais le style Ă©pistolaire peut m’aider Ă  faire le point. C’est cette rencontre d’ailleurs qui m’a donnĂ© l’idĂ©e d’un journal de mon dernier tour de piste. J’ai mis par Ă©crit rĂ©troactivement les Ă©vĂ©nements qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©e, depuis le 6 mai.
Cher beau-frĂšre1,
Merci de m’avoir reçu et de m’avoir Ă©coutĂ© malgrĂ© le caractĂšre insolite de ce tĂȘte-Ă -tĂȘte. J’ai Ă©tĂ© trĂšs touchĂ© par ton accueil.
Nous avons Ă©voquĂ© notre histoire familiale. Lorsque j’ai quittĂ© la communautĂ© religieuse dans laquelle j’ai vĂ©cu pendant sept ans, ta sƓur m’a prĂ©sentĂ© Ă  vos parents pour leur annoncer que nous allions vivre ensemble. J’ai compris leur dĂ©ception : un ex-religieux ? Si au moins il venait d’un ordre prestigieux comme celui dont tu avais fait partie ! Tu n’as pas protestĂ© lorsque je t’ai parlĂ© de l’attitude hautaine de tes parents. Je prĂ©sume que tu en as souffert toi-mĂȘme aprĂšs avoir quittĂ© l’ordre des Dominicains pour te marier et fonder une famille avec « une fille du peuple » comme disait ton pĂšre. Tu sais comment ta mĂšre pouvait transmettre subtilement son mĂ©pris dans une conversation apparemment anodine. Je me rappelle cette remarque lors de notre premiĂšre rencontre : « L’ordre des Dominicains a beaucoup contribuĂ© au renouveau social du QuĂ©bec. Malheureusement, toutes les communautĂ©s n’ont pas suivi, vous ĂȘtes bien placĂ© pour le savoir. » Ta sƓur souffrait, comme moi, de cette attitude. Sans compter l’hostilitĂ© de ton frĂšre qui s’opposait sans subtilitĂ© Ă  notre mariage. Bref, nous avons quittĂ© la ville de QuĂ©bec pour aller vivre en banlieue de MontrĂ©al, ce qui a fait l’affaire de tous. Toi seul es demeurĂ© accueillant pour moi.
Lors de cette derniĂšre rencontre, tu t’es dit surpris que je veuille mettre fin Ă  mes jours. AprĂšs quelques tentatives discrĂštes pour m’en dissuader, tu as respectĂ© mon choix. Je t’en suis reconnaissant. Tu n’en voyais aucune raison, alors que j’ai seulement soixante-seize ans. J’ai voulu rĂ©pondre Ă  ta curiositĂ© bien lĂ©gitime.
Lorsque je t’ai dit que je ne souffrais d’aucune maladie grave, seul le poids de l’ñge se faisant sentir dans mes articulations, tu m’as demandĂ© s’il s’agissait d’une souffrance morale. La rĂ©ponse est plus difficile. J’exclus la dĂ©pression ou toute autre maladie mentale qui me rendrait la vie intolĂ©rable. Je vis en paix avec moi-mĂȘme et je goĂ»te les plaisirs quotidiens. La seule « souffrance morale » que je pourrais allĂ©guer est le sentiment d’une vie devenue insignifiante, auquel s’ajoute la perspective de devenir invalide et encombrant alors que j’aurai perdu les moyens d’en finir. AprĂšs une vie bien remplie dont je suis satisfait, je considĂšre que j’ai eu ma part d’humanitĂ©. J’arrive Ă  la derniĂšre ligne du scĂ©nario oĂč il est Ă©crit que le personnage quitte lentement la scĂšne sans se retourner. Il y a pourtant un sursis, puisque j’ai entrepris ce dernier tour de piste. Mais ma sortie ne saurait tarder.
Tu m’as aussi demandĂ© si je voulais dĂ©fendre une
cause quelconque par ce geste. Je te l’ai dit, ce n’est pas le cas. Je souhaite me retirer sans Ă©clat. Tellement que j’ai Ă©tĂ© sur le point de le faire en cachette. Je t’ai parlĂ© du sentiment de tristesse de derniĂšre minute qui m’a fait ajouter quelques lignes au scĂ©nario de ma vie. J’ai pensĂ© que ce serait plus responsable d’en informer quelques personnes, dont toi. MalgrĂ© notre Ă©loignement et mon absence de lien significatif avec ta famille, tu as toujours Ă©tĂ© prĂ©sent pour ta sƓur et moi. Mais au lendemain de notre rencontre, ta question m’a donnĂ© une idĂ©e. J’ai commencĂ© un journal de mon dernier tour de piste. Peut-ĂȘtre pourrait-il susciter une rĂ©flexion sur la mort volontaire. Je verrai plus tard s’il est pertinent de le transmettre Ă  qui que ce soit, voire de le rendre public. Dans les dĂ©bats de sociĂ©tĂ© actuels, on ne se pose jamais une question de fond : « Est-ce que ma vie m’appartient ? » Je t’ai parlĂ© de ce que l’on raconte des Inuits qui peuplent le Grand Nord canadien. Lorsque les vieillards deviennent un poids pour leur communautĂ©, ils « partent sur la glace » comme ils disent. Ils s’isolent et se laissent mourir de froid, par sacrifice en quelque sorte pour le reste de leur famille. Quel contraste avec la levĂ©e de boucliers de ceux qui, dans notre sociĂ©tĂ©, s’opposent Ă  toute forme de mort volontaire ! MĂȘme les lois sur l’aide mĂ©dicale Ă  mourir, pourtant si restrictives, rencontrent de l’opposition.
Tu me disais craindre qu’une libĂ©ralisation de la mort volontaire nous entraĂźne vers un « devoir de mourir ». La prise en considĂ©ration d’une dĂ©mographie galopante, du vieillissement de la population, des coĂ»ts incontrĂŽlables du systĂšme de santĂ© pourrait crĂ©er une pression terrible qui s’exercerait sur les personnes en fin de vie. On leur ferait comprendre qu’elles doivent mourir pour Ă©viter l’impact social d’une vie prolongĂ©e au-delĂ  d’un certain seuil. Certes, la vigilance est de mise, mais je continue, pour ma part, Ă  dĂ©fendre la mort volontaire, confiant qu’on saura l’encadrer. La meilleure protection contre une
pression indue est le principe que la vie de chacun lui appartient. On peut penser que les Inuits qui « partaient sur la glace », se sacrifiant pour le bien de la communautĂ©, subissaient une pression sociale, mais cela ne signifie pas que leur dĂ©cision, une fois cette coutume intĂ©grĂ©e dans leur systĂšme de valeurs, ne relevait pas d’un choix personnel. Il y a sans doute une limite Ă  ne pas franchir dans la sociĂ©tĂ©, mais on peut trĂšs bien la respecter tout en aidant les gens qui le souhaitent Ă  bien mourir. Tu craignais qu’on puisse un jour fixer l’ñge de la mort comme on fixe l’ñge de la retraite. Tu me trouvais naĂŻf lorsque j’allĂ©guais une ligne rouge Ă  ne pas franchir. Je t’ai concĂ©dĂ© qu’un dĂ©rapage reste possible, mais j’y vois une raison de plus pour reconnaĂźtre le principe que « ma vie m’appartient ».
Tu as cherchĂ© d’autres explications Ă  mon dĂ©sir d’en finir. Ta gĂ©nĂ©rositĂ©, dont j’ai toujours Ă©tĂ© tĂ©moin, ne m’a pas Ă©tonnĂ© lorsque tu m’as dit que si jamais une des raisons Ă©tait d’ordre financier, je pouvais compter sur toi. Tu pensais que mon entrĂ©e tardive sur le marchĂ© du travail et ma retraite forcĂ©e avant l’ñge de soixante-cinq ans pouvaient me laisser avec des fonds insuffisants. Je t’ai rassurĂ© en te disant que j’avais de quoi bien vivre sans problĂšme.
Tu m’as questionnĂ© aussi au sujet de mon fils, mort prĂ©maturĂ©ment, Ă  l’ñge de vingt-sept ans. Tu craignais que la tristesse de l’avoir perdu, accentuĂ©e par le dĂ©cĂšs de ta sƓur onze ans plus tard, soit Ă  l’origine de ma dĂ©cision. Tu as compris que mon deuil Ă©tait terminĂ©, que j’étais parfaitement serein dans les deux cas. Ces Ă©vĂ©nements m’ont plutĂŽt aidĂ© Ă  apprivoiser la mort. Aujourd’hui, elle est devenue pour moi presque une amie. Je fredonne souvent cette chanson interprĂ©tĂ©e par Serge Reggiani en pensant Ă  la mort comme Ă  une sƓur jumelle de la « solitude ».
Pour avoir si souvent dormi
Avec ma solitude
Je m’en suis fait presqu’une amie
Une douce habitude
Elle ne me quitte pas d’un pas
FidĂšle comme une ombre
Elle m’a suivi çà et là
Aux quatre coins du monde

Tu t’es demandĂ© si j’espĂ©rais rejoindre mon fils et ma femme dans l’au-delĂ . Je t’ai appris, ce qui ne t’a pas Ă©tonnĂ©, que j’avais depuis longtemps perdu la foi. Pour moi, je te l’ai dit, la mort est un terminus. Et c’est trĂšs bien ainsi. Seul l’ĂȘtre humain considĂšre qu’il ne devrait pas mourir. En tout respect pour le croyant que tu es, je rejette cette vision, qu’elle soit religieuse ou transhumaniste. Ce qu’on observe partout dans la nature, et l’homo sapiens n’a ...

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