Poétiques et pratiques du Don
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Poétiques et pratiques du Don

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Poétiques et pratiques du Don

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Le don est un sujet vaste et complexe, autant par l'extension de son champ sémantique que par l'étendue de ses régimes d'application dans des domaines aussi divers que la théologie ou la philosophie, l'anthropologie ou la sociologie, le droit ou la médecine, la littérature ou les arts en général. De toutes les notions qui ont accompagné l'évolution de la pensée, le don est certainement celle qui incarne, de manière plutôt homogène, l'acte à l'état le plus pur, le plus gratuit, le plus total et, sans doute, le plus intrinsèquement humain.Mais qu'est-ce qui fait du don un thème pertinent et un chantier d'actualité? La question mérite d'être posée, loin des ambitions épistémologiques, mais au plus près des textes et des pratiques qui l'exploitent et le démultiplient par et avec le langage. Tel est le propos de ce volume, qui articule des contributions issues d'horizons divers: littérature et théâtre, philosophie et histoire des idées, médecine et santé.Ayant pour origine deux journées de travail dans le cadre du Xe "Rendez-vous de la critique" réalisé à Porto en 2021, il offre des perspectives originales tant sur le plan de l'analyse et des réflexions que sur les enjeux à la fois sociaux, politiques et médicaux soulevés aujourd'hui par la notion de don.

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Informations

Année
2021
ISBN
9782304052671

Derrida au royaume des Mères Mortes. Fragments d’une poétique du don au Moyen Âge

Carlos F. Clamote Carreto
Nova FCSH | IELT
« Il n’y a pas de don sans possibilité et impossibilité de récit,
sans possibilité d’un impossible récit »
Jacques Derrida, Donner le temps I
Ce est li contes do greal
Don li cuens li baillas li livre.
Or oez commant il s’an delivre.
Chrétien de Troyes, Le Conte du Graal (v. 64-66)3.
Le don équivoque
Donner le temps I, l’essai bien connu où Jacques Derrida (1991) procède à une lecture critique des thèses classiques de Mauss sur le don, s’ouvre par l’interprétation d’un fragment d’une lettre écrite à Madame de Brinon par Madame de Maintenon où celle-ci se plaint que le roi lui prend tout son temps, et donc que rien ne lui reste, ou qu’il ne lui reste précisément que ce rien qui est tout (en tant que part inaliénable de soi) et qu’elle voudrait (expression du désir formulé au conditionnel) offrir à Saint-Cyr (Derrida, 1991 : 11-16). Mais le don étant de l’ordre du visible, comment le roi peut-il avait prise sur le temps qui est invisible ? Comment peut-on prendre le temps, donner ou accorder du temps, avoir du temps ? À moins que le temps, comme le suggère Derrida (1991 : 14), soit employé de façon métonymique pour désigner « moins le temps lui-même que les choses dont on le remplit, dont on remplit la forme du temps, le temps comme forme » ; temps qui n’est dès lors plus seulement une structure ontologique articulée de manière narrative, comme le voulait Paul Ricœur4, mais une forme remplie et structurée de choses qui circulent ou peut-être une forme tissée de choses que le récit de notre expérience reconfigure, met en circulation et redistribue constamment. Temps, récit et don sont ainsi symbiotiquement reliés autour d’une même figure de l’impossible.
Si pour Derrida (1991 : 17 sqq.), comme nous le savons, le don comme don doit rester anéconomique, se dérobant au calcul et à la spirale de l’échange ou, plus précisément, au cercle nostalgique de l’échange marqué par l’éternel retour (le fameux mouvement ternaire défini par Marcel Mauss en 1923-1924 [Mauss, 1950] – donner, recevoir, rendre) ; s’il est ce qui n’admet aucune dette (économique ou symbolique) ou mouvement de réciprocité, le contre-don étant toujours annulation du don ; s’il est finalement ce qui devrait se réaliser dans l’inconscience (ou la non-conscience) même du geste oblatif, i.e., dans une invisibilité totale et l’oubli le plus absolu. Autant dire que le don, pour Derrida, n’est pas seulement le figure même de l’impossible : il est ce qui n’est pas. Pur impensé ou évanescence qui relève davantage d’« une certaine expérience de la trace comme cendre » que du signe et de la présence, une telle conception du don ne peut que conduire à l’aporie, y compris et surtout à une aporie herméneutique.
En revanche, si nous nous replaçons dans une perspective anthropologique (tradition avec laquelle Derrida entre justement en rupture5), force est de reconnaître que le don est partout, non seulement dans les gestes rituels qui scandent le rythme des sociétés traditionnelles étudiées par les ethnologues – sociétés fondées sur un rapport symbolique à l’univers –, mais au cœur même de nos sociétés modernes dominées par une hubris consommatoire qui menace de nous faire basculer à chaque instant dans les « fantasmes de la toute-puissance » (Caillé et alii, 2014 : 8) et au sein de laquelle les enjeux symboliques liés au statutaire (i.e., à la construction d’une identité sociale) et à la quête de la reconnaissance se révèlent plus importants que l’aspect utilitaire. En effet, comme le montre clairement l’ouvrage rédigé par l’anthropologue Mary Douglas et par l’économiste Baron Isherwood (1978) « l’une des principales motivations à acheter réside dans l’obligation de tenir notre rôle de donateur : bien recevoir les amis, aider les parents ou les enfants, etc., la consommation apparaî[ssant] ici comme un moyen de communication essentiel » (Caillé et alii, 2014 : 7) qui se manifeste jusque dans les rituels quotidiens de l’hospitalité où l’échange de dons nous permet de nous frayer un chemin dans le territoire identitaire de l’autre qui, en recevant l’offrande en même temps qu’il offre l’hospitalité, accepte d’effacer (ou de diluer et de déplacer) temporairement toutes ces frontières (physiques, éthiques et ontologiques) qui nous séparent d’autrui6.
En ce qui concerne le domaine littéraire qui fait l’objet de nos réflexions, les rapports entre littérature et don ont été souvent interprétés (si l’on exclut la dimension néanmoins incontournable du circuit commercial et des gestes oblatifs qui l’accompagnent, telles les séances de dédicaces lors d’un lancement, par exemple), soit à l’aune d’une dimension essentialiste et romantique de la littérature (la question du talent, du génie, de l’inspiration) qui maintient dans l’ombre et dans le secret l’origine du processus créateur, soit à l’aune d’une conception foncièrement anti-utilitariste de l’œuvre d’art considéré comme un phénomène qui ne saurait s’annuler dans l’économie de marché et s’inscrit plutôt, que ce soit en amont (la création) et en aval (la réception de l’œuvre et la gratitude du lecteur), dans une logique du don. Cette idée, soutenue essentiellement par le poète, essayiste et traducteur américain Lewis Hyde (1983, 2007, 2008)7, finit en fait par rejoindre la thèse de Mauss qui, comme le rappelle Eliana Magnani (2008), avait construit sa théorie du don comme une antithèse (voire un antidote) de l’échange marchand à travers laquelle on perçoit « la nostalgie d’un mode alternatif de contrôle social qui aurait été inhérent à la tradition occidentale [qu’il] propose comme modèle pour une société émancipatrice réellement révolutionnaire, fondée sur autre chose que l’économique » (Magnani, 2008). Tout comme elle finit par rejoindre celle de Derrida, dans la mesure où elle suggère que toute œuvre échappe à une décision ou à un calcul délibéré ; qu’il y a toujours, au sein du processus de création et de circulation de l’œuvre, un reste, une trace qui n’est pas de l’ordre de la réciprocité qui configure la spirale oblative, « an invisible residue of gratuity and of absolute unconditionality that manifests itself only in the form of a need to respond felt by the recipient: a need to respond that determines our diverse modalities of viewing and that constitutes one of the motivations which compel us to write » (Somaini, 2001 : 49). Ou, pour reprendre la terminologie de Georges Bataille (1949, 2016), que la circulation de toute œuvre d’art (dont la littérature en premier lieu et ceci pour d’évidentes raisons liées à la fabuleuse technique...

Table des matières

  1. Dans la même collection
  2. « Exotopies »
  3. Introduction : Le don à l’épreuve du temps
  4. Derrida au royaume des Mères Mortes. Fragments d’une poétique du don au Moyen Âge
  5. Ricœur et la grandeur de la Règle d’or. Don, réciprocité et reconnaissance mutuelle au cœur de l’exigence éthique
  6. Soi-même comme un absolu. Poétique et philosophie romantique du don
  7. Se donner aux autres : la constitution affective de l’altérité selon Rousseau
  8. Sartre et le don : de l’impossibilité de vivre à sa possibilité
  9. Sémiologie du don ou la critique tentée par l’éthique
  10. Antigone ou le don de soi
  11. Les trois dimensions du don chez l’acteur novarinien : une épreuve de corps et de cœur
  12. Si tu connaissais le don de Dieu… Lecture de Le Royaume (E. Carrère) et de La Grâce (Th. de Montaigu) la foi entre perdre et gagner
  13. Don et humanisme dans Réparer les vivants
  14. Le partage de nos données de santé nous rendra-t-il plus autonomes ?
  15. L’activité littéraire de Joanna Drażba : un don pour les soins palliatifs
  16. Prendre soin en le Donnant
  17. Joë Bousquet (1897-1950) « Exploration de mon médecin » ou le don des mots