L' Empathie esthétique
eBook - ePub

L' Empathie esthétique

Entre Mozart et Michel-Ange

  1. 288 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

L' Empathie esthétique

Entre Mozart et Michel-Ange

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Écouter une musique de Mozart, admirer une fresque de Michel-Ange ou lire une pièce de Shakespeare peuvent transformer notre cerveau. C'est la magie de l'empathie esthétique par laquelle l'esprit d'un créateur s'incarne et nous métamorphose. Un effet thérapeutique est possible, parfois spectaculaire, une véritable renaissance abolissant les notions de temps et d'espace, une régénération spirituelle qui nous ressource en profondeur. Dans ce livre, Pierre Lemarquis nous propose de vivre une expérience esthétique inouïe et de nous fondre dans les fresques de Michel-Ange à la Sixtine, sous le regard amusé de Mozart. Pierre Lemarquis est neurologue, membre de la Société française de neurologie, de la Société de neurophysiologie clinique de langue française et de l'Académie des sciences de New York. Sérénade pour un cerveau musicien et Portrait du cerveau en artiste, ses deux précédents ouvrages, ont été de grands succès.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à L' Empathie esthétique par Pierre Lemarquis en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Ciencias biológicas et Neurociencia. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2015
ISBN
9782738165169

TROISIÈME PARTIE

L’ART DE LA FUGUE



Où l’on constate que la musique s’harmonise avec les règles du vivant et peut en (ré)générer les formes

CHAPITRE 7

La musique et les équations de la vie


image

Avec l’art de la figue, nous avons découvert l’empathie esthétique : l’ingestion d’un fruit, comme la contemplation d’une œuvre d’art, nous nourrit et nous transforme, modifiant notre perception du fruit et du milieu dans lequel nous vivons et avec lequel nous interagissons, générant, au-delà des sens, un récit, un nouveau poème, une nouvelle vision du monde. L’art de la fuite nous a montré le pouvoir des images qui stimulent notre mémoire et notre imagination, permettant un saut dans le passé qui survit dans le présent et peut, à l’échelle d’un individu ou d’une civilisation, guérir ou régénérer – en témoignent l’effet salvateur des souvenirs imagés de Warburg ou le retour à l’Antique pour la Renaissance. Survivances du passé, répétitions et différences par interactions avec le milieu comme pour l’évolution et la génétique, l’empathie esthétique est un phénomène de résonance, une musique, un art de la fugue. Si son support organique repose sur les neurones miroirs et les circuits de l’empathie, existe-t-il un modèle mathématique au processus qui nous permettrait de généraliser et d’accorder le cerveau, la musique et l’univers ? Qui pourra nous aider à résoudre cette énigme ?

Le fractaliste

Nous sommes dans la dernière série d’images qui doit nous conduire à la lumière. Sous nos pieds, Dieu, qui semble sortir d’un boyau, sépare les eaux de la terre entre deux paires d’Ignudi.
Un homme imposant observe la fresque et nous interroge. Calvitie avancée, lunettes, accent indéfinissable d’Europe centrale, une allure d’ours : un chercheur, sans doute un mathématicien !
– Que trouve-t-on « entre » l’eau et la terre ?, nous dit-il en pointant l’image, et le jeu commence.
– … Les côtes ?
– Combien mesure la côte de Bretagne ?
– Il nous faudrait une carte…
– … et savoir précisément ou s’arrête la Normandie… ou s’il s’agit de la « grande » Bretagne… Je dirai environ deux mille sept cents kilomètres…
Notre informateur secoue la tête et roule les « r » :
– La carte n’est pas le territoire ! Si la côte était droite, le problème serait résolu dès le premier pas. Mais une vraie côte sauvage est extrêmement sinueuse, « rrrugueuse », et par suite plus longue que ladite distance en ligne droite. Comment effectueriez-vous la mesure ?
– Il me faudrait me déplacer le long de la côte et mesurer la distance parcourue…
– Et pour vous, garçon ?
– La même chose, mais, comme mes jambes sont plus petites, je suivrais de plus près le relief escarpé. Je me fatiguerais donc plus vite, car je ferais plus de pas et parcourrais une distance plus longue !
– Exactement, comme vous le constatez, la taille de l’observateur intervient de façon inévitable. Que pensez-vous qu’il en serait pour une souris ? Pour une mouche ? Pour un atome ?
– Le chemin à parcourir s’allongerait encore puisque chaque crique peut se décomposer en plusieurs criques plus petites et ainsi de suite, tout est question d’échelle, mais alors…
– Oui, on peut en tenir compte de diverses façons, mais, dans tous les cas, si l’on s’écarte d’une vision « anthropocentrique », la longueur finale se trouvera être tellement grande, que l’on peut sans inconvénient la considérer comme étant infinie ! Regardez maintenant ce segment de droite :
image
Divisez-le en 3 parties égales et construisez un triangle au milieu
image
Effacez-en la base, vous obtenez ?
– Un chapeau de sorcière !
– … ou une crique ?
– Réitérez l’opération et vous obtenez de plus en plus de relief, de « rugosité », et comprenez pourquoi la distance parcourue tend progressivement vers l’infini :
image
– Établissez-vous un parallèle avec le chemin qui nous reste à parcourir ?
– Partez maintenant d’un triangle initial, vous aboutirez à :
image
– Un flocon de neige !
– En fait un flocon de Koch, du nom de son inventeur, un mathématicien suédois du début du XXe siècle.
– Considérez maintenant ce triangle, celui qui figure sur la couverture du livre que vous tenez entre les mains :
image
Découpez un triangle à l’intérieur dont chaque pointe rejoint la moitié de chaque côté.
– Comme ceci ?
image
– Je connais, c’est le triangle d’or, le symbole de la triforce dans le jeu Nintendo, La Légende de Zelda !
– C’est possible, maintenant renouvelez l’opération avec les trois nouveaux triangles pleins :
image
– C’est le logo de l’école des Ponts !
– Oui, mais si vous continuez l’opération à l’infini, la surface du triangle deviendra nulle et la somme du contour des triangles qui le constitue infinie… Vous pourriez réaliser une opération similaire avec un cube et obtiendriez ainsi une sorte d’« éponge » dotée des mêmes propriétés : vide à l’intérieur et dont la surface est infinie !
– Cela me rappelle la structure des poumons, ou ces expériences de Léonard de Vinci qui faisait dégraisser et nettoyer minutieusement des boyaux de mouton pour les rendre si minces qu’ils auraient pu tenir dans le creux de la main. Dans une pièce voisine, il avait une paire de soufflets de forge auxquels il adaptait l’extrémité du boyau ; gonflé, celui-ci remplissait toute la pièce, pourtant très grande, les gens présents étaient obligés de se réfugier dans un coin. Ces objets transparents et pleins de vent qui occupaient si peu de place au début et tant à la fin l’émerveillaient. Mais où tout cela nous mène-t-il ?
– Vous établissez un lien avec des éléments naturels, boyaux et poumons, et cela me ravit. Vous voyez dans mes recherches une tentative de modélisation mathématique de la vie et j’en suis comblé ! Mais regardez autour de vous, dans ce plafond de la Sixtine, que voyez-vous ?
– Nous sommes dans des figures géométriques, des rectangles et des carrés bordent les images de la Genèse, entourés de triangles pour les prophètes et les figures d’angle, des cercles pour les boucliers des Ignudi qui contiennent d’autres images…
– Vous souvenez-vous de ce qu’écrivait Galilée en 1623 dans L’Essayeur, un ouvrage sur les comètes ?
– Il me semble, oui, tout est dans les chiffres ou quelque chose de ce genre…
– La citation exacte est : « La philosophie est écrite dans ce livre gigantesque qui est continuellement ouvert à nos yeux (je parle de l’Univers), mais on ne peut le comprendre si d’abord on n’apprend pas à comprendre la langue et à connaître les caractères dans lesquels il est écrit. Il est écrit en langage mathématique, et les caractères sont des triangles, des cercles, et d’autres figures géométriques, sans lesquelles il est impossible d’y comprendre un mot. Dépourvu de ces moyens, on erre vainement dans un labyrinthe obscur. »
– Nous pouvons effectivement considérer que le plafond de la Sixtine est une sorte de livre ouvert plein de figures géométriques dont nous tentons de déchiffrer le langage… Mais Galilée est né selon la légende le jour de la mort de Michel-Ange !
– Oui, mais Galilée, comme Michel-Ange, était inspiré par Platon, Pythagore et par la Bible qui disent la même chose ! Jusqu’à Galilée on pensait que seul le ciel était ordonné. Les astronomes pouvaient faire des prévisions sur la course du Soleil et des planètes, mais il semblait que la Terre soit livrée au chaos. Galilée prouva l’existence de lois physiques communes et ouvrit la porte à Newton. Je vais tenter de vous aider à trouver la sortie de votre piège, ce labyrinthe constitué par le plafond de la Sixtine, suivez ce fil d’Ariane, cette ligne qui remplit progressivement l’espace d’un carré :
image
Il ne possède au départ qu’une seule dimension, n’a pas d’épaisseur mais, à force de remplir l’espace du carré, il finit paradoxalement par tendre vers un espace à deux dimensions avec une longueur et une largeur !
– Étonnant, cela me rappelle un peu une toile de Pollock ! Mais alors, nous qui sommes prisonniers du plafond de la Sixtine et arrivons tout de même à en percevoir les détails, nous ne sommes ni dans un espace à deux dimensions ni dans un espace à trois…
– Effectivement, vous évoluez dans un monde intermédiaire, fractionnaire, entre deux et trois dimensions que j’ai nommé « fractal » !
– Benoît Mandelbrot !
– Pour vous servir ! Votre nouveau Virgile si vous le permettez ! Embarquez avec moi le long de cette côte sinueuse où le sort vous a jetés !
Mandelbrot est un mathématicien né en Pologne en 1924, à Varsovie, issu d’une famille juive ashkénaze qui comportait nombre de rabbins et de mathématiciens. Il bénéficia des conseils avisés de son oncle Szolem qui enseignait au Collège de France. Fuyant la Pologne devant la montée de l’antisémitisme, il émigra à Paris, puis, sous l’Occupation, en Corrèze, à Tulle, avant de rejoindre le lycée du Parc à Lyon en classe préparatoire. Il en sortira à 17 ans major à Normale Sup et troisième à l’École polytechnique, préférant cette dernière au désespoir de son oncle. Son « secret » aurait consisté à « voir » les problèmes d’algèbre comme s’il s’agissait de géométrie. S’intéressant aux probabilités, il se fera connaître dans les théories de l’information et émigrera aux États-Unis, accueilli dans les laboratoires de recherche fondamentale d’IBM et par l’Université Yale. Il se passionnera pour les « monstres » mathématiques qu’il vient de nous énumérer, issus de l’imagination de savants du début du XXe siècle : triangle et éponge de Sierpinsky, courbe de Peano… Il en déduira la notion d’« objets fractals », coincés comme nous entre deux dimensions. Ces derniers lui permettront d’essayer de mathématiser le chaos : partant de formes récurrentes qui se répètent par autosimilarité à des échelles successives, il tentera de trouver les équations qui régissent la forme des nuages, d’une côte, d’un chou-fleur ou d’un poumon, de temples indiens ou cambodgiens, de villages africains, de gravures du livre de Kells, de la forme des bijoux celtiques… Il reliera les crues du Nil, les fluctuations des cours de la Bourse qu’il rapprochera de la thermodynamique des gaz, rêvera de la forme des galaxies, tentant de trouver les équations de la vie dans toute son exubérance comme le souhaitait Galilée… Les fractales pourraient-elles constituer le support mathématique de l’empathie par leur jeu de répétition à des échelles différentes évoquant les allers-retours entre deux individus, entre un spectateur et une œuvre d’art, entre Ponge et sa figue qui comptent plus que deux entités, compte tenu de leurs interactions perpétuelles sans être pourtant trois ou seulement un ?
Mandelbrot interrompt ma rêverie et poursuit sa démonstration :
– Et pour finir, prenez à nouveau un segment de droite auquel vous enlevez le tiers :
image
Continuez ainsi à enlever le tiers médian de chaque nouveau segment :
image
Vous obtiendrez progressivement…
– De la « poussière » !
– Parti de la dimension initiale 1 du segment de droite, vous tendrez vers un espace à…
– … Zéro dimension !
– Le mathématicien allemand Georg Cantor qui imagina cette aberration en fut si « fatigué » qu’il passa les dernières années de sa vie en sanatorium. Je me souviens que le philosophe Leibniz faisait le trajet inverse lorsqu’il devenait mathématicien : partant de l’infiniment petit et de ses variations minuscules, il remontait aux choses qui en sont constituées. Il inventa ainsi le calcul infinitésimal avant de découvrir les intégrales qui permettent de mesurer les surfaces. Il les désigna d’un symbole élégant, une ligne serpentine qui évoque l’ouïe d’un violon. Cette ouverture taillée dans la table d’harmonie des instruments à cordes participe à l’émission des sons en reliant l’air contenu dans la caisse de résonance avec l’extérieur :
– Cher maître que diriez-vous à Mozart ou à Bach si vous les rencontriez ?
– Je dirais à Mozart que sa musique peut également se décomposer en mouvements, par exemple trois pour les sonates, vif-lent-vif, et que sa structure est, au moins dans sa musique galante, faite d’éléments qui se répètent comme dans un objet fractal. Regardez une feuille de fougère, prenez-en une partie, elle ressemble à la feuille en entier et ainsi de suite, avec une partie d’une partie, comme si elles étaient emboîtées les unes dans les autres, comme des poupées russes. Cette idée de monde « gigogne » est scientifiquement fausse, mais l’idée d’emboîtement des choses est une constante ancrée dans l’esprit humain qui se retrouve dans toutes les civilisations…
– Peut-être parce que nous naissons d’une femme qui elle-même est issue du ventre d’une autre, etc., et que nous contenons notre descendance à l’intérieur de nous… Voyez les figures des ancêtres du Christ placées par Michel-Ange tout autour de nous sur les murs à côté de la voûte… Sans doute, l’origine du principe de causalité. On a longtemps pensé par exemple que le sperme était constitué d’animalcules, les homonculus, qui devenaient des hommes en se développant et dont les testicules contenaient également des homonculus qui eux-mêmes en contenaient d’autres. Le philosophe Leibniz, encore lui, vivait à Leipzig et influença Bach. Il défendait cette théorie d’un monde « plissé » : un nouveau monde, identique au précédent, mais à une échelle inférieure apparaissait chaque fois que l’on « déplissait » le précédent, comme les reflets à l’infini lorsque l’on se trouve entre deux miroirs : « Chaque portion de la matière peut être conçue comme un jardin plein de plantes et comme un étang plein de poissons. Mais chaque rameau de la plante, chaque membre de l’animal, chaque goutte de ses humeurs est encore un tel jardin, ou un tel étang116. » La multiplicité est régie par l’unité qui se répète à l’infini. Nous sommes bien loin de la théorie atomiste ! Mais si proches de l’art de la fugue ! Pour le philosophe Gilles Deleuze, le pli sera porté à l...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Avant-propos
  6. Prologue - Une nouvelle naissance par l’art : de L’Odyssée de l’espace au Michelangelo Code
  7. Première partie - L’art de la figue
  8. Deuxième partie - L’art de la fuite
  9. Troisième partie - L’art de la fugue
  10. Épilogue
  11. Remerciements
  12. Crédits des illustrations
  13. Table
  14. Du même auteur chez Odile Jacob