Neurophilosophie de l'esprit
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Neurophilosophie de l'esprit

Ces neurones qui voudraient expliquer le mental

  1. 224 pages
  2. French
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Neurophilosophie de l'esprit

Ces neurones qui voudraient expliquer le mental

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Est-il aujourd'hui possible d'expliquer le mental Ă  partir du cerveau? OĂč est le problĂšme, diront les uns, puisque la mĂ©canique neuronale est celle qui le crĂ©e? Comment seulement espĂ©rer, rĂ©torqueront les autres, que la complexitĂ© de l'esprit puisse ĂȘtre fondĂ©e sur le seul fonctionnement cĂ©rĂ©bral? S'appuyant sur des siĂšcles d'histoire et de philosophie des sciences, et surtout sur un examen des donnĂ©es expĂ©rimentales rĂ©centes, Pierre Buser Ă©tablit ici une sorte de bilan, dĂ©gageant plusieurs problĂ©matiques distinctes et bien actuelles: comment dĂ©finir la conscience, ce site supposĂ© abriter notre vĂ©cu subjectif, Ă  nouveau reconnu comme instance fondamentale de l'esprit chez l'homme et aussi chez l'animal? Que sait-on aujourd'hui de l'inconscient, ce domaine oĂč se trouvent amassĂ©s tant d'acquis de notre intellect, de notre vie cognitive et affective? Et que nous apprennent, par exemple, l'hypnose ou la mĂ©ditation sur le fonctionnement de notre esprit? Pierre Buser est professeur Ă©mĂ©rite de neurosciences de l'universitĂ© Pierre-et-Marie-Curie de Paris. Il est membre de l'AcadĂ©mie des sciences. Il a notamment publiĂ© Cerveau de soi, cerveau de l'autre, L'Inconscient aux mille visages et Le Temps, instant et durĂ©e (en collaboration avec Claude Debru).

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2013
ISBN
9782738177032
Chapitre 3
Pluralité des niveaux
de conscience

Tenter de dĂ©limiter la conscience et d’examiner les traits gĂ©nĂ©raux de son existence et de sa nature n’épuise pas la problĂ©matique. Nous plaçant Ă  une autre Ă©chelle, il convient maintenant d’en distinguer et d’en discuter les niveaux diffĂ©rents. Assez peu de philosophes ont abordĂ© ce difficile problĂšme du « combien de modalitĂ©s diffĂ©rentes de conscience ? ». Nous tenterons de faire un Ă©tat des lieux, au moins partiel, car les idĂ©es Ă©voluent vite dans ce domaine. Pour s’en tenir Ă  l’homme, il est en gĂ©nĂ©ral acquis dĂ©sormais que la conscience est, Ă  des subtilitĂ©s prĂšs, Ă  deux niveaux : la conscience dite de fond, ou de base, ou large, ou primaire, qui nous permet de vivre nos perceptions, nos actions et nos pensĂ©es, et la conscience rĂ©flexive, dite aussi autoconscience, self-conscience ou mĂ©taconscience, grĂące Ă  laquelle, par l’introspection, nous nous connaissons nous-mĂȘme en tant que percevant, agissant et pensant. Au cours de notre discussion sur cette diversitĂ©, une autre Ă©vidence s’est Ă©galement imposĂ©e : la nĂ©cessitĂ© de la phylogenĂšse. Car la conscience n’est plus actuellement considĂ©rĂ©e comme la seule affaire d’humains, certains animaux y auraient droit, mais sous quelle forme ? Il est clair qu’en y adhĂ©rant notre position est nettement opposĂ©e Ă  la conception gĂ©nĂ©ralisĂ©e de Descartes, puis de La Mettrie et d’autres encore, de l’animal-machine, qui nous paraĂźt d’un autre Ăąge.
La conscience primaire
« Qu’as-tu, Balthazar, Ă  tourner autour de moi ? Devinerais-tu par hasard que je m’occupe pour l’heure de l’esprit de tes congĂ©nĂšres ? »
Il y a un demi-siĂšcle, Alfred Fessard (1954) expose ses vues sur une forme d’expĂ©rience consciente qu’il qualifie de « primaire », car relevant d’une activitĂ© intĂ©grative cĂ©rĂ©brale de base ; celle-ci, bien entendu, n’en reprĂ©sente qu’une fraction, variable selon l’espĂšce animale1. Ce faisant, Fessard fait en somme le pari qu’une telle instance mentale, aujourd’hui Ă©galement appelĂ©e conscience de fond ou de base, existe effectivement non seulement chez l’humain, mais aussi dans une partie au moins du rĂšgne animal2, mais Ă  quel niveau phylogĂ©nĂ©tique est-elle apparue ? InĂ©vitablement s’ensuit un dĂ©bat sur le niveau de cette conscience de base chez l’animal, et dans quels groupes, ce qui est une façon moderne et plus concrĂšte de reposer la question, ĂŽ combien traditionnelle et quasi populaire et mĂȘme humoristique : « Les animaux ont-ils de l’esprit ? »
Les idĂ©es progressant, il s’est Ă©coulĂ©, au fil de cette prise d’intĂ©rĂȘt scientifique pour la psychologie de l’animal, qui ne date guĂšre que d’un siĂšcle et demi, un long Ă©pisode au cours duquel, tout en s’intĂ©ressant aux comportements d’espĂšces variĂ©es et en les dĂ©crivant soigneusement, les psychologues animaliers, sans doute animĂ©s du souci de ne pas sortir d’un matĂ©rialisme de bon aloi, ne concevaient le non-humain que comme une « machine », certes complexe, mais sans esprit. C’est ainsi que sont nĂ©es certaines grandes thĂ©ories sur l’apprentissage, d’abord avec Pavlov, puis avec les bĂ©havioristes essentiellement d’outre-Atlantique, de Watson Ă  Skinner (voir chapitre premier). Pour les uns et les autres, le problĂšme d’une conscience animale ne doit pas ĂȘtre Ă©voquĂ©. À telle enseigne que, pour les bĂ©havioristes les plus rigoureux, et contrairement en cela mĂȘme Ă  l’école russe, il ne peut pas ĂȘtre question de se poser le problĂšme des mĂ©canismes internes de tel ou tel comportement, l’organisme devant ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une boĂźte noire. Cette attitude excessive jusqu’à l’absurde a disparu progressivement pour faire place Ă  des conceptions de la mĂ©canique cĂ©rĂ©brale qui, sans l’imposer bien sĂ»r ou mĂȘme le rejetant, autorisent a minima un questionnement sur un possible mental animal. C’est ainsi que se sont mises progressivement en place des conceptions plus subtiles de la dynamique stimulus-rĂ©ponse d’un organisme animal, autrement dit de sa rĂ©ponse comportementale Ă  une incitation ou Ă  une situation donnĂ©e. TrĂšs schĂ©matiquement, on peut volontiers imaginer trois modalitĂ©s d’analyse, esquissĂ©es par la figure ci-dessous.
Dans la premiĂšre modalitĂ© (niveau 1), seuls sont considĂ©rĂ©s le stimulus S et la rĂ©ponse R, l’organisme Ă©tant la « boĂźte noire » classiquement Ă©voquĂ©e par les Ă©coles bĂ©havioristes. Dans la modalitĂ© suivante (2), l’analyste ouvre la boĂźte noire et se propose de dĂ©couvrir, entre S et R, un certain nombre de mĂ©canismes neuronaux, opĂ©rateurs centraux en principe tous accessibles Ă  l’investigation physiologique instrumentale, qui ont variĂ© selon l’époque et sont toujours encore objet d’analyse. C’est lĂ  la pensĂ©e moderne purement matĂ©rialiste la plus acceptĂ©e aujourd’hui. Toutefois, l’analyse peut se compliquer dans la mesure (3) oĂč l’on risque cette fois une hypothĂšse supplĂ©mentaire, Ă  savoir que se dĂ©roule, en parallĂšle de l’opĂ©ration physiologique centrale ou se substituant Ă  elle, une expĂ©rience de vĂ©cu subjectif. Insistons vivement : cette derniĂšre instance reste purement hypothĂ©tique, pratiquement non analysable chez l’animal jusqu’à ce jour, mais nous la supposons, avec d’autres, exister Ă  partir d’un certain niveau phylogĂ©nĂ©tique. Il est raisonnable de penser que, phylogĂ©nĂ©tiquement, la conscience serait trĂšs Ă©lĂ©mentaire et fruste au voisinage de son niveau initial d’apparition pour se complexifier dans les Ă©tapes de plus en plus Ă©levĂ©es de l’évolution, Ă  l’exemple d’autres fonctions3. La conscience ne se prĂ©senterait donc en aucun cas comme un processus en tout ou rien, le long des lignĂ©es phylogĂ©nĂ©tiques. Nous acceptons cette hypothĂšse, tout en reconnaissant l’absence de moyens directs et objectifs, ce qui nous rĂ©duit Ă  des indices collatĂ©raux (Millner et -Goodale, 1995 ; Rossetti, 1997). Pour nous rĂ©fĂ©rer aux philosophes, deux questions se posent donc inĂ©vitablement : 1) pouvons-nous dĂ©terminer quels animaux ont une conscience ? 2) quelle est la nature de leur expĂ©rience subjective (Proust, 2003) ? Ces questions ont aussi Ă©tĂ© posĂ©es par Griffin (2001) qui parle d’« Ă©thologie cognitive » et examinĂ©es par Allen (2011).
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Figure 5. De la boßte noire au vécu conscient.
SchĂ©ma rĂ©sumant trois points de vue que l’on peut adopter vis-a-vis d’un animal a un niveau Ă©levĂ© d’évolution (carnivore ou primate par exemple). Selon (1), le behavioriste ne jugera que le comportement de l’individu rĂ©sultant de l’opĂ©ration [stimulus S → rĂ©ponse R], l’intermĂ©diaire interne n’étant considĂšre que comme une boite noire dont l’analyse n’est pas Ă  retenir. Selon (2), on prend, au contraire, en compte la rĂ©alitĂ© d’un opĂ©rateur central dont on analysera le fonctionnement. Cette condition (2) ne suppose que des mĂ©canismes physiologiques et psychologiques accessibles a l’analyse scientifique. Selon (3), il est reconnu Ă  l’individu un mĂ©canisme de perception et d’action conscientes, autrement dit un vĂ©cu subjectif qui, en parallĂšle, accompagne les opĂ©rations en cours.
Comme consĂ©quence de cette prĂ©Ă©minence de la phylogenĂšse concernant la conscience de fond, la douleur en tant qu’expĂ©rience subjective pourrait bien en dĂ©pendre. Un animal qui a une conscience primaire aurait des expĂ©riences subjectives d’autant plus prĂ©cises que son espĂšce serait plus Ă©voluĂ©e. En poursuivant l’idĂ©e, on pourrait imaginer que, dans une certaine partie du rĂšgne animal (impossible Ă  dĂ©terminer actuellement) qui serait privĂ©e de conscience primaire ou chez laquelle elle serait encore trĂšs Ă©lĂ©mentaire, la rĂ©action comportementale Ă  la douleur serait uniquement une manifestation de la mĂ©canique « rĂ©flexe » : stimulus → rĂ©ponse sans conscienciation l’accompagnant, tandis que, chez l’animal devenu phylogĂ©nĂ©tiquement « conscient », cet automatisme commencerait Ă  ĂȘtre doublĂ© d’une impression subjective de douleur – et donc peut-ĂȘtre de souffrance, au sens le plus humain et le plus banal du terme. Le fait que la rĂ©action rĂ©flexe soit ou non accompagnĂ©e d’un vĂ©cu douloureux ne serait cependant pas accessible Ă  l’observation directe – d’oĂč les interminables et insolubles discussions et polĂ©miques sur la souffrance animale (voir aussi plus loin). La figure 6 ci-dessous schĂ©matise, entre autres informations, ce parallĂ©lisme supposĂ© entre conscience primaire et Ă©volution.
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Figure 6. PhylogenÚse hypothétique des consciences.
Diagramme dĂ©limitant hypothĂ©tiquement le domaine du rĂ©flexe et ceux du vĂ©cu subjectif dans l’échelle animale, en particulier pour la douleur. On a place en haut l’axe phylogĂ©nĂ©tique, des unicellulaires aux primates (bien entendu, cet axe est simplifie presque a l’excĂšs, au point de ne pas prendre en compte l’existence d’espĂšces peut-ĂȘtre trĂšs Ă©voluĂ©es chez les invertĂ©brĂ©s, tels certains cĂ©phalopodes). On situe selon (2) l’existence de rĂ©actions dites « rĂ©flexes » a des stimulations, en particulier a la douleur, cela quel que soit le niveau phylogĂ©nĂ©tique (y compris l’homme). (3) situe le domaine d’apparition progressive de la conscience primaire a partir d’un certain niveau phylogĂ©nĂ©tique non dĂ©termine actuellement, avec l’hypothĂšse complĂ©mentaire de l’apparition concomitante du vĂ©cu douloureux. (4) figure l’apparition « explosive » de la conscience rĂ©flexive, chez l’homme et, semble-t-il maintenant aussi, en fin du phylum chez certaines autres espĂšces Ă©voluĂ©es. Notons bien que l’hypothĂšse concernant le niveau d’apparition de la « douleur animale » est purement hypothĂ©tique. Elle est simplement raisonnable !
Le problĂšme des qualia
Peut-on, maintenant, diviser la conscience de base chez l’humain ? Assez naturellement s’est imposĂ©e peu Ă  peu l’idĂ©e que la conscience de base Ă©tait une instance complexe, comportant probablement plusieurs sous-ensembles, dont l’un, concernant l’expĂ©rience phĂ©nomĂ©nale, mĂ©ritait un examen particulier. L’arrivĂ©e de discussions sur les qualia est un des Ă©lĂ©ments clĂ©s de la dĂ©limitation de la conscience primaire, et on ne les compte plus. Le terme est utilisĂ©, semble-t-il, pour la premiĂšre fois (1929) dans son sens moderne par le philosophe C. I. Lewis pour dĂ©signer prĂ©cisĂ©ment « Ă  quoi ressemble » (« what is it like ») l’expĂ©rience subjective fondamentale vĂ©cue sous l’effet d’une incitation ou lors d’un Ă©tat mental. De mĂȘme, avait Ă©crit Broad dĂšs 1925, Ă  supposer que l’on ait une thĂ©orie complĂšte des propriĂ©tĂ©s de l’ammoniac, on ne pourrait pas pour autant prĂ©voir son odeur. AprĂšs H. Feigl (1958) qui donne toute son importance Ă  la pratique de l’« expĂ©rience » (acquaintance) par rapport Ă  la simple connaissance, c’est Dennett (1993) qui parle des qualia comme de « donnĂ©es incommunicables Ă  d’autres, non saisissables, sinon par son expĂ©rience propre, privĂ©e et inaccessible Ă  des comparaisons interpersonnelles, apprĂ©hensibles immĂ©diatement Ă  la conscience ».
Sur le mĂȘme sujet, Jackson (1982) prend le cas (imaginaire) de Mary, Ă©levĂ©e depuis sa naissance dans un environnement strictement noir et blanc, dĂ©pourvu de toute couleur (Nida-RĂŒmelin, 2010). Cette femme sait tout sur le fonctionnement du cerveau, sur les couleurs et le mĂ©canisme de leur perception. Elle connaĂźt tous les phĂ©nomĂšnes physiques et physiologiques sur la vision des couleurs, mais n’a jamais eu l’expĂ©rience de leur vision. La premiĂšre fois qu’elle est mise en prĂ©sence d’un objet colorĂ© dans le monde rĂ©el, elle fait manifestement une expĂ©rience nouvelle, celle d’un qualia – en l’occurrence, « comment c’est de voir une couleur ». Jackson en dĂ©duit que l’expĂ©rience consciente implique des propriĂ©tĂ©s non physiques et que celui qui a une connaissance physique complĂšte d’un autre ĂȘtre conscient ignore s’il peut sentir les expĂ©riences sensorielles de cet autre. Dans la mĂȘme optique, Nagel (1974) introduit sa fameuse chauve-souris et note : « MĂȘme en sachant tout sur son sonar, nous ne savons pas ce que c’est que d’ĂȘtre une chauve-souris et de percevoir un objet avec son sonar. » À son tour, Ned Block (Block et al., 1999) imagine qu’une population Ă©norme qui imiterait l’organisation fonctionnelle d’un cerveau humain ne sentirait pas pour autant l’état mental interne de la douleur.
En bref, toutes ces expĂ©riences d’idĂ©es vont rĂ©pĂ©titivement dans le mĂȘme sens, celui d’informations neurales qui ne sont pas interprĂ©tables en termes mentaux, ce qui correspond Ă  des contacts du type neural → mental, c’est-Ă -dire O → S dans notre symbolique nĂ©odualiste. Elles nous font retrouver l’explanatory gap tant citĂ© et dont nous avons dĂ©jĂ  parlĂ© (voir chapitre premier4). Pourtant, comme de juste, la discussion s’est poursuivie malgrĂ© tout. Par exemple, Dennett (1993) n’en est pas restĂ© Ă  ses premiers arguments – en fait, « Mary ne connaissait pas toute la physique » –, tandis que Churchland (1989), attachĂ© au physicalisme5, a estimĂ© que les centres visuels de Mary n’étaient probablement pas dĂ©veloppĂ©s durant cette pĂ©riode de sa vie, etc. À notre avis, ces objections ne sont pas convaincantes, mais n’est-il pas normal que la discussion reste trĂšs Ăąpre, car elle met sĂ©rieusement en question les matĂ©rialismes ?
Conscience P et conscience A
Parmi les thĂ©oriciens qui ont poussĂ© plus avant la taxonomie, on peut retenir Ned Block (1989) qui, parlant de l’homme, mais sans ignorer l’animal6, dit voir dans la conscience de fond deux opĂ©rateurs distincts : la conscience phĂ©nomĂ©nale (qu’il nomme conscience P) et la conscience d’accĂšs ou reprĂ©sentationnelle (dite conscience A). La conscience P dĂ©signe le domaine « expĂ©rientiel phĂ©nomĂ©nal » (sensations, dĂ©sirs, Ă©motions) – autrement dit, le domaine des qualia. La conscience A, elle, gouverne les propriĂ©tĂ©s intentionnelles7 (attention, attitudes propositionnelles, raisonnement, intention et contrĂŽle d’actions Ă©ventuellement liĂ©es Ă  telle sollicitation perceptive ou centrale), la disponibilitĂ© pour raisonner et guider rationnellement l’action et, dans notre espĂšce8, la parole. Block, dans sa longue discussion, reconnaĂźt que l’opĂ©rateur A est en principe toujours transitif (la conscience d’action), alors que P, plus couramment intransitif (la conscience simplement expĂ©rientielle), peut aussi le cas Ă©chĂ©ant mener Ă  l’acte. Pour lui, les deux consciences, A et P, opĂšrent en gĂ©nĂ©ral simultanĂ©ment, mais on ne...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. DĂ©dicace
  5. Sommaire
  6. Préface de François Gros
  7. Introduction
  8. Chapitre premier - ThĂ©ories sur la structure de l’esprit
  9. Chapitre 2 - Il est temps de parler de la conscience
  10. Chapitre 3 - Pluralité des niveaux de conscience
  11. Chapitre 4 - L’inconscient cognitif et Ă©motionnel
  12. Chapitre 5 - Sur certains états modifiés de conscience
  13. Chapitre 6 - Théories et modÚles
  14. Conclusion
  15. Annexe
  16. Références bibliographiques
  17. Remerciements
  18. Du mĂȘme auteur chez Odile Jacob