L' Enfant et l'Animal
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L' Enfant et l'Animal

Les Ă©motions qui libĂšrent l'intelligence

  1. 272 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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L' Enfant et l'Animal

Les Ă©motions qui libĂšrent l'intelligence

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À propos de ce livre

Quoi de plus banal que l'attachement que des enfants peuvent éprouver pour un chat ou un chien par exemple? Et pourtant, quoi de plus surprenant que ces liens, parfois trÚs forts et proches de ceux qui se tissent avec les humains? De l'animal utilitaire à l'animal familier, Hubert Montagner retrace la longue histoire de cette étonnante rencontre. Mais surtout il s'interroge: qu'est-ce que l'animal apporte au développement intellectuel, affectif et relationnel de l'enfant? Fondé sur des années de recherches, cet ouvrage décrit ainsi tout ce que l'interaction avec un animal peut favoriser chez l'enfant: apaisement, sécurité affective, élans vers l'autre, communication, socialisation mais aussi attention, intelligence, imagination, créativité, confiance et estime de soi, etc. Au point que l'animal peut s'avérer d'une grande aide pour sortir certains enfants de leurs troubles du développement, du comportement et de l'attachement. Le professeur Hubert Montagner est directeur de recherche à l'INSERM. Il anime à l'université Bordeaux-II un groupe de recherche spécialisé dans la psychophysiologie et la psychopathologie du développement. Il est expert et consultant auprÚs de plusieurs gouvernements. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, notamment L'Attachement ou encore L'Enfant et ses rythmes.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2002
ISBN
9782738185372
DeuxiĂšme partie
LA RENCONTRE DES COMPÉTENCES-SOCLES
Le concept de compĂ©tence-socle est issu des donnĂ©es de la recherche fondamentale, des Ă©tudes longitudinales sur l’enfant, des observations cliniques et du vĂ©cu des Ă©ducateurs et des pĂ©dagogues. Il repose donc sur des informations recueillies dans des contextes et des environnements trĂšs divers (situations expĂ©rimentales de laboratoire, maternitĂ©s, milieux familiaux, crĂšches, Ă©coles, cabinets de consultation mĂ©dicale, hĂŽpitaux de jour et institutions spĂ©cialisĂ©es dans l’accueil des enfants « Ă©tranges », « inadaptĂ©s », psychotiques, autistes, infirmes moteurs d’origine cĂ©rĂ©brale).
Ce concept a Ă©tĂ© crĂ©Ă© pour mieux comprendre comment les phĂ©nomĂšnes d’attachement entre le bĂ©bĂ© et sa mĂšre (et tout autre partenaire), les compĂ©tences initiales (perceptives, motrices) et les comportements Ă  la naissance (innĂ©s), les particularitĂ©s biologiques, psychiques et cognitives interfĂšrent et « s’imbriquent » Ă  chaque Ăąge et d’un Ăąge Ă  l’autre. En d’autres termes, il a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© pour identifier plus clairement les socles fondamentaux des constructions pĂ©rinatales et tout au long de la petite enfance. C’est-Ă -dire, ceux qui permettent Ă  l’enfant d’installer les conduites nĂ©cessaires Ă  la satisfaction de ses besoins vitaux et ceux qui lui permettent de s’ajuster Ă  l’environnement, en particulier de s’accorder avec le partenaire d’attachement (Stern, 1982, 1985).
ParallĂšlement, il renouvelle les grilles de lecture des troubles combinĂ©s du dĂ©veloppement, de l’attachement et des conduites de l’enfant. Il permet de mieux identifier les troubles, dĂ©sordres, anomalies ou dysfonctionnements en relation avec l’histoire et le vĂ©cu de chaque personne (l’enfant lui-mĂȘme, sa mĂšre, sa famille). L’influence des Ă©vĂ©nements rĂ©cents dans ces phĂ©nomĂšnes peut aussi ĂȘtre mieux cernĂ©e (nouvelle naissance, dĂ©cĂšs d’un proche, maltraitance, rupture entre les parents, changement de cadre de vie, etc.).
ConcrĂštement, cinq compĂ©tences-socles permettent de dĂ©finir dĂšs la naissance les « noyaux » « initiaux » Ă  partir desquels le bĂ©bĂ© capte, agglomĂšre, combine et intĂšgre les informations de son monde extĂ©rieur : l’attention visuelle soutenue, l’élan Ă  l’interaction, les comportements affiliatifs, l’organisation structurĂ©e et ciblĂ©e du geste, et l’imitation. Interactives, elles sont bien entendu traversĂ©es et imprĂ©gnĂ©es par le langage, Ă©videmment enracinĂ© dans le fonctionnement du cerveau humain. Elles ne peuvent ĂȘtre davantage dissociĂ©es des constructions cognitives « Ă©mergentes », elles aussi ancrĂ©es dans le cerveau humain.
Les compĂ©tences-scoles s’installent et se dĂ©veloppent au fil des jours et des interactions prĂ©coces avec la mĂšre et l’ensemble des personnes du milieu familial (pĂšre, fratrie, grands-parents) et aussi celles des autres lieux (assistante maternelle ; Ă©ducatrices, puĂ©ricultrices et enfants de crĂšche). Des attachements pluriels peuvent ainsi se nouer, mĂȘme si un attachement « secure » (« sĂ»r » et « sĂ©curisant ») avec la mĂšre est fondamental dans les constructions « initiales » et successives de l’enfant.
SublimĂ© par de nombreux romans, il est un attachement que soulignent les familles, mais que retiennent rarement les chercheurs et cliniciens dans leurs dĂ©veloppements thĂ©oriques et leurs pratiques : celui qui lie l’enfant Ă  un animal familier. En effet, pour la plupart, la vie psychique de l’Homme, notamment dans ses dimensions phantasmatiques, est d’une telle complexitĂ© que toute comparaison ou assimilation entre des comportements humains et animaux est a priori dĂ©pourvue de sens. Pourtant, et quelle que soit l’interprĂ©tation qu’on en donne, les phĂ©nomĂšnes d’attachement entre le « petit de l’Homme » et un animal, ainsi que les interactions qui les fondent, ne sont pas un mythe. En outre, et plus gĂ©nĂ©ralement, les relations entre l’enfant et les animaux peuvent jouer un rĂŽle non nĂ©gligeable dans l’installation, le dĂ©veloppement et la restauration des cinq compĂ©tences-socles que nous avons distinguĂ©es. Y compris lorsqu’il prĂ©sente des troubles ou anomalies du comportement ou de la relation, et lorsqu’il est handicapĂ©. C’est aussi le comportement de l’animal qui est modifiĂ©, au point que les tĂ©moins de cette « relation » privilĂ©giĂ©e, et l’enfant lui-mĂȘme, lui prĂȘtent une vie Ă©motionnelle et affective d’humain. Il est frĂ©quent que la famille le reconnaisse alors comme un partenaire familial Ă  part entiĂšre qui rassure, canalise, structure, mĂ©diatise, transfĂšre (voir prĂ©cĂ©demment).
Examinons comment les animaux peuvent contribuer Ă  rendre lisibles et fonctionnelles les compĂ©tences-socles de l’enfant, aprĂšs avoir dĂ©fini chacune d’entre elles dans le cadre de ses interactions et relations avec les partenaires humains.
5
L’attention visuelle soutenue
Les interactions initiales du bébé
les particularités de base
DĂšs les premiers jours, le bĂ©bĂ© accroche et recherche « spontanĂ©ment » le regard de sa mĂšre. ParallĂšlement, celle-ci accroche, recherche et pilote le regard de l’enfant. Ce « mouvement » rĂ©ciproque conduit Ă  des contacts Ɠil Ă  Ɠil de plus en plus durables et frĂ©quents. C’est aussi ce qu’on observe lorsque le partenaire est le pĂšre, la sƓur, le frĂšre ou toute autre personne interactive (mĂ©decin, puĂ©ricultrice).
L’orientation ciblĂ©e du regard du bĂ©bĂ© en direction du regard maternel est guidĂ©e ou facilitĂ©e par la capacitĂ© de l’enfant, « en continuitĂ© » avec les perceptions auditives dĂ©veloppĂ©es in utero, de s’orienter par rapport aux voix familiĂšres, en particulier celle de la mĂšre (Busnel, 1994 ; Busnel et al., 1983-1992), sa capacitĂ© de discriminer la configuration « deux yeux-un nez-une bouche » (Spitz, 1945, 1968 ; Spitz et Wolff, 1946) et ses capacitĂ©s de percevoir et discriminer les autres informations extĂ©rieures. Par exemple, celles qui lui permettent de discriminer, de connaĂźtre et de reconnaĂźtre les stimulations tactiles et proprioceptives au cours des caresses et portages, et les stimulations olfactives, en particulier les odeurs maternelles (Montagner, 1974, 1988 ; Schaal et al., 1980, 1981 ; Schall, 1988).
Les mĂ©canismes initiaux de captage, d’accrochage et de pilotage mutuels des regards, ainsi que les rĂ©ponses ajustĂ©es des diffĂ©rents partenaires sont des « foyers » qui concentrent l’attention du bĂ©bĂ©. Il peut ainsi dĂ©velopper une attention visuelle soutenue vis-Ă -vis du visage et du regard de sa mĂšre (et des autres partenaires), c’est-Ă -dire non fugitive, non limitĂ©e Ă  des balayages visuels et non interrompue par les Ă©vĂ©nements extĂ©rieurs (bruits, arrivĂ©e d’un tiers) (Brazelton, 1973-1992). Elle est de plus en plus durable Ă  mesure que la mĂšre ancre sa relation dans la capture et le pilotage du regard de l’enfant.
les fonctions ou processus majeurs qui reposent sur l’attention visuelle soutenue
L’attention visuelle soutenue fournit au bĂ©bĂ© un « cadre » relationnel, temporel et spatial de repĂšres familiers, et donc a priori rassurants ou non insĂ©curisants. L’enfant dispose alors d’une durĂ©e de lecture sans limite du visage et du regard de ses partenaires. Il a le temps au fil des jours de donner une signification et un sens aux regards et expressions faciales de sa mĂšre, son pĂšre et toute autre personne, en combinaison avec les autres informations qui lui sont destinĂ©es (productions langagiĂšres, caresses, baisers).
L’attention visuelle soutenue est un socle de processus majeurs :
— le dĂ©veloppement de la communication « multicanaux » ou intĂ©grale, c’est-Ă -dire qui combine entre elles les informations captĂ©es par les diffĂ©rents organes des sens. En effet, l’attention visuelle soutenue qui se dĂ©veloppe au cours des contacts Ɠil Ă  Ɠil durables, permet au bĂ©bĂ© de s’installer dans un bain proximal de mimiques, sourires, bruits de bouche, vocalisations et productions langagiĂšres. Il peut alors associer, combiner et intĂ©grer les composantes visuelles et auditives, et aussi olfactives, tactiles et proprioceptives des messages de son partenaire. C’est Ă  partir de ces processus d’association, de combinaison et d’intĂ©gration que l’enfant peut organiser, au fil des interactions, selon le partenaire et le contexte, les messages « plurisensoriels » qu’il reçoit et dĂ©livre. Ainsi se trouvent constituĂ©s les fondements d’un « premier langage » (ou « proto-langage »). Un nombre croissant de processus cognitifs peuvent alors ĂȘtre activĂ©s, en mĂȘme temps que d’autres se structurent ;
— la « lecture diffĂ©renciĂ©e » des Ă©motions et affects vĂ©hiculĂ©s par le regard et le visage des diffĂ©rents partenaires, en combinaison avec leurs mimiques, sourires, vocalisations, paroles, caresses, pressions corporelles. Le bĂ©bĂ© a ainsi la possibilitĂ© d’ajuster ses rĂ©ponses aux manifestations de la mĂšre, du pĂšre, des frĂšres et sƓurs. Il peut s’accorder de façon personnalisĂ©e aux Ă©motions, affects et rythmes de chacun. Les conditions sont rĂ©unies pour qu’un attachement « secure » s’installe entre le bĂ©bĂ© et sa mĂšre (Bowlby, 1958-1980). Ainsi peut ĂȘtre rĂ©duit ou empĂȘchĂ© chez l’enfant le dĂ©veloppement de l’insĂ©curitĂ©, anxiĂ©tĂ© ou angoisse supposĂ©e ou postulĂ©e Ă  la naissance, ou gĂ©nĂ©rĂ©e par la perception pĂ©rinatale des Ă©motions et affects de la mĂšre ;
— l’exploration visuelle et « plurisensorielle » des diffĂ©rents « interlocuteurs », et ainsi la reconnaissance de leurs traits, en combinaison avec leur voix et leurs « particularitĂ©s physico-chimiques » (texture de la peau, odeur, goĂ»t). Un nombre croissant de personnes peuvent alors ĂȘtre identifiĂ©es non seulement dans le milieu familial, mais aussi l’ensemble des lieux de vie (« gardienne », puĂ©ricultrices de crĂšche, etc.) ;
— la dĂ©couverte des modifications induites dans le regard de la mĂšre, et de toute autre personne, par l’arrivĂ©e, la prĂ©sence, le dĂ©part ou l’absence d’un tiers (pĂšre, fratrie) ;
— le « jeu » des interactions triangulaires ou autres au sein de la famille, ainsi que les « jeux » d’interactions plurielles dans les autres lieux de vie (puĂ©ricultrices, pairs), et ainsi les combinaisons et nuances dans la communication et l’expression Ă©motionnelle, dans d’autres contextes que la communication Ă  deux ;
— l’exploration visuelle, la discrimination, la connaissance et la reconnaissance des patterns, propriĂ©tĂ©s et « fonctions » d’un nombre croissant d’objets dĂ©couverts au cours de l’exploration « spontanĂ©e » de l’environnement par le regard, ou prĂ©sentĂ©s par les partenaires.
l’attention visuelle conjointe
Lorsque le bĂ©bĂ© en interaction avec sa mĂšre rĂ©oriente le regard en direction d’une autre « cible », par exemple un objet, le visage d’une autre personne ou un animal (voir plus loin), puis dĂ©veloppe une attention visuelle soutenue vis-Ă -vis de la nouvelle « cible », il induit le glissement du regard de sa mĂšre dans la mĂȘme direction. En crĂ©ant une situation d’attention visuelle conjointe, le bĂ©bĂ© « rĂ©oriente » aussi le discours, les Ă©motions et les reprĂ©sentations de sa mĂšre. Le renouvellement des situations d’attention visuelle conjointe vis-Ă -vis d’objets variĂ©s dans des contextes diversifiĂ©s, avec une personne d’attachement ou un autre partenaire, stimule l’attention visuelle soutenue du bĂ©bĂ©. Ainsi peuvent se façonner de nouvelles constructions perceptives, motrices, comportementales, interactives, Ă©motionnelles et cognitives. Notamment :
— la discrimination puis la reconnaissance, Ă  travers le regard focalisĂ© de l’autre, des particularitĂ©s et « fonctions » d’un nombre croissant de formes, volumes, cinĂ©tiques (mouvements saccadĂ©s, continus, oscillants, amples), brillances, couleurs, etc. mĂȘme si ces processus cognitifs se construisent aussi en dehors des interactions sociales ;
— les coordinations visuo-oculo-motrices affinĂ©es et remodelĂ©es au cours de la saisie et la manipulation des objets prĂ©sentĂ©s par la personne qui partage l’attention visuelle conjointe ;
— les organisations gestuelles et les interactions de plus en plus Ă©laborĂ©es et diversifiĂ©es qui s’enchaĂźnent dans les sĂ©quences d’observation alternĂ©e de l’objet, de la main qui prĂ©sente l’objet, de la dynamique gestuelle et du visage du partenaire ;
— les perceptions nuancĂ©es et Ă©volutives des combinaisons qui lient les informations visuelles aux informations auditives, tactiles, olfactives, proprioceptives
 selon qu’elles proviennent d’objets familiers ou inconnus, et selon que la personne en situation d’attention visuelle conjointe est familiĂšre ou non, un adulte ou un enfant.
les déficits et restaurations possibles
Lorsque le bĂ©bĂ© et le jeune enfant ont une attention visuelle faiblement dĂ©veloppĂ©e (leur regard ne peut ĂȘtre pilotĂ©, balaie la cible « regardĂ©e » sans s’y arrĂȘter, se pose sur la cible mais ne l’explore pas), ou non observĂ©e (l’enfant n’accroche pas le regard du partenaire, ou l’évite), ils ne peuvent installer, dĂ©velopper et rendre fonctionnels les processus prĂ©cĂ©dents. C’est ce qu’on observe lorsque la mĂšre ne capte pas et ne pilote pas le regard de son bĂ©bĂ©, et ne se laisse pas capter et piloter le regard par l’enfant. Au plan expĂ©rimental, Tronick et al. (1977-1984) montrent que, aprĂšs une phase d’interactions Ɠil Ă  Ɠil, le bĂ©bĂ© dĂ©tourne le regard ou n’essaie plus d’accrocher celui du partenaire, ne sourit plus, fige son visage et son comportement, lorsque celui-ci (la mĂšre ou une autre personne) ne capte plus son regard, adopte un visage figĂ© et ne parle plus (situation dite « still face »). Si l’évitement du regard du bĂ©bĂ© par la mĂšre se prolonge, l’enfant s’installe dans l’évitement du regard maternel. C’est ce qu’on peut observer au quotidien avec une mĂšre durablement dĂ©pressive ou « plus banalement » inquiĂšte, anxieuse ou angoissĂ©e quand le bĂ©bĂ© rĂ©gurgite ou refuse de prendre le sein, ou de s’alimenter au biberon. Ou encore s’il n’a pas une courbe de croissance pondĂ©rale et un dĂ©veloppement conformes Ă  ses attentes, ni Ă  celles de l’équipe soignante. Par exemple, lorsque le bĂ©bĂ© est nĂ© prĂ©maturĂ© ou hypotrophe (son poids est infĂ©rieur Ă  2 kg 300 pour une naissance Ă  terme), et encore davantage lorsqu’il est Ă  la fois prĂ©maturĂ© et hypotrophe. L’évitement du regard du bĂ©bĂ© par la mĂšre est aussi observĂ© lorsqu’il prĂ©sente certaines anomalies gĂ©nĂ©tiques, a priori inquiĂ©tantes. Par exemple, une fente labiale ou labio-palatine qui dĂ©forme les traits et mimiques du bĂ©bĂ©, et lui donne une apparence « monstrueuse » (dite « bec-de-liĂšvre »). C’est aussi ce qu’on observe communĂ©ment, mais de façon moins accentuĂ©e et durable, quand les traits, l’apparence, le rythme veille-sommeil ou le comportement du bĂ©bĂ© ne correspondent pas aux attentes de sa mĂšre. Cependant, sauf cas particulier (par exemple, lorsque la mĂšre a des troubles profonds de la personnalitĂ©), ces phĂ©nomĂšnes sont temporaires et rĂ©versibles dĂšs lors que les reprĂ©sentations et conduites de la mĂšre Ă©voluent, et que l’enfant rend lisibles et fonctionnelles non seulement sa compĂ©tence d’attention visuelle soutenue, mais aussi ses compĂ©tences perceptives ainsi que ses autres compĂ©tences-socles (voir plus loin). C’est Ă©vident quand une mĂšre particuliĂšrement inquiĂšte pour une raison ou une autre est rassurĂ©e et dĂ©culpabilisĂ©e par un accompagnement psychologique appropriĂ©.
Lorsqu’un Ă©vitement du regard s’est installĂ© au cours des premiers mois entre un enfant et une mĂšre dĂ©pressive, angoissĂ©e, souffrant de troubles de la personnalitĂ©, ou pour d’autres raisons, il peut rĂ©vĂ©ler sa capacitĂ© d’accrocher et de piloter le regard d’autrui, et laisser accrocher et piloter son regard, dĂšs lors qu’il rencontre des partenaires qui peuvent s’ajuster et s’accorder Ă  lui. Par exemple, les puĂ©ricultrices et les enfants d’une crĂšche (Montagner, 1978-2002), mais aussi certains animaux (voir plus loin). L’attention visuelle soutenue de l’enfant peut alors se dĂ©velopper sans dommage pour son dĂ©veloppement et ses conduites.
Les enfants psychotiques, autistes et infirmes moteurs d’origine cĂ©rĂ©brale (IMC, cerebral palsy) peuvent aussi sortir de l’évitement systĂ©matique qu’ils montrent vis-Ă -vis du regard d’autrui, mĂȘme si c’est de façon partielle et irrĂ©guliĂšre, dĂšs lors qu’ils peuvent vivre dans un environnement sĂ©curisant, en tout cas non insĂ©curisant, des interactions avec des partenaires accordants, c’est-Ă -dire qui ajustent leurs Ă©motions, affects et rythmes Ă  ceux qu’ils perçoivent chez l’enfant. Le processus peut s’amplifier si on crĂ©e des conditions de vie qui respectent les rythmes bio-psychologiques des enfants, notamment le rythme veille-sommeil, et s’ils peuvent Ă©voluer dans des espaces qui structurent, rĂ©vĂšlent et valorisent leurs compĂ©tences.
Les interactions avec les animaux
La quasi-totalitĂ© des enfants sont fascinĂ©s ou troublĂ©s par ce qu’ils lisent dans les yeux des animaux. ParallĂšlement, ils sont dĂ©contenancĂ©s, frustrĂ©s ou attristĂ©s lorsqu’un animal Ă©vite leur regard. Il n’est donc pas Ă©tonnant que beaucoup d’auteurs de livres, magazines, bandes dessinĂ©es et dessins animĂ©s pour enfants utilisent les yeux et le regard des animaux pour traduire et faire passer des Ă©motions, affects, pensĂ©es, intentions, raisonnements, dĂ©lires. Par exemple, les combinaisons de clignements, clignotements et fermetures des yeux chez les personnages « fĂ©minins » dans des situations et rĂŽles d’apaisement, de rĂ©assurance, de bonheur et/ou de sĂ©duction, non seulement lorsqu’il s’agit d’une chatte (il est commun, nous l’avons soulignĂ©, qu’un chat apaisĂ© et assis sur son arriĂšre-train, cligne et clignote des yeux, surtout si un partenaire humain recherche son regard), mais aussi une chienne, souris, Ă©lĂ©phante qui, pourtant, n’ont pas ce comportement dans leur « rĂ©alitĂ© animale ». Les dessins animĂ©s de Walt Disney usent et abusent de ce type de clichĂ©. On peut aussi souligner les yeux pĂ©donculĂ©s qui jaillissent des orbites dans l’illustration de la surprise ou la fureur, les yeux de « chien battu » pour traduire la peur ou la tristesse chez les chiens (des « yeux de cocker ») et toute autre espĂšce, ou encore les yeux qui se remplissent d’étoiles ou de taches colorĂ©es Ă  la suite de chocs Ă©motionnels ou physi...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Copyright
  4. Table
  5. Introduction
  6. PremiĂšre partie. HISTOIRE D'UNE RENCONTRE
  7. Deuxiùme partie. LA RENCONTRE DES COMPÉTENCES-SOCLES
  8. TroisiĂšme partie. QUELS ANIMAUX POUR QUELS ENFANTS ?
  9. Conclusion
  10. Bibliographie
  11. QuatriĂšme de couverture