La France des bonnes nouvelles
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La France des bonnes nouvelles

  1. 320 pages
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À propos de ce livre

«Le titre de cet ouvrage, La France des bonnes nouvelles, est une provocation, au moment oĂč le pays est Ă  la peine et doit s'imposer sans doute plusieurs annĂ©es de rigueur et d'austĂ©ritĂ©. Les contraintes de la mondialisation et de la financiarisation de l'Ă©conomie sont les mĂȘmes partout. Il n'empĂȘche que le taux de chĂŽmage varie du simple au quadruple au sein des pays europĂ©ens et aussi en France selon les territoires. Nous avons rassemblĂ© dans ce livre dix-huit histoires qui donnent envie de vivre et de conquĂ©rir l'avenir. Ces aventures sont gĂ©nĂ©ralement construites autour de projets oĂč des individus isolĂ©s ont su partir d'eux-mĂȘmes pour transformer leurs faiblesses en atouts et, Ă  force de volontĂ© et de tĂ©nacitĂ©, susciter l'adhĂ©sion et l'enthousiasme de leur environnement familial et local pour rĂ©ussir. Elles prouvent qu'il suffit d'un peu de courage et de bon sens pour remettre le pays en marche avant.» M. G., A. L., P. R. «Un livre d'un bout Ă  l'autre passionnant et jamais ennuyeux. Il a aussi des vertus plus profondes. Sa force principale, son titre l'indique, est de porter Ă  l'optimisme. On sort de cette lecture ragaillardi et rĂ©conciliĂ©, sinon avec la vie en gĂ©nĂ©ral, du moins avec l'Ă©conomie.» Michel Rocard. Michel Godet est professeur au Conservatoire national des arts et mĂ©tiers, fondateur du Cercle des entrepreneurs du futur. Alain Lebaube est un ancien journaliste du Monde et l'un des plus fins connaisseurs des initiatives et des questions d'emploi. Philippe Ratte, normalien, est un jeune retraitĂ© actif de l'Unesco.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2012
ISBN
9782738178589
TroisiĂšme partie
Devenir entrepreneur
Chapitre 7
Alain Fribourg
Éloge de l’incompĂ©tence en Ă©veil
L’entreprise a besoin de prendre, comme le ciment, ou comme un arbre qu’on plante. Et ce n’est pas affaire de terrain, ni de diplĂŽmes, ni de marchĂ©s, mais de sagesse et de volontĂ©. On le mesure tout particuliĂšrement dans les situations de changement, oĂč les repreneurs cĂšdent volontiers Ă  la tentation des ruptures et des refontes, avec de grands dĂ©gĂąts Ă  la clĂ©. À l’inverse, les vertus de la continuitĂ©, le sens des solidaritĂ©s humaines qui animent l’entreprise procurent en gĂ©nĂ©ral de belles rĂ©ussites dans la durĂ©e. Son expĂ©rience de redresseur d’entreprises a inspirĂ© Ă  Alain Fribourg l’idĂ©e que beaucoup dĂ©pendent des qualitĂ©s du patron, de son humilitĂ© et mĂȘme de son incompĂ©tence revendiquĂ©e, qui l’oblige Ă  prendre appui sur ses Ă©quipes plutĂŽt que de prĂ©tendre les conduire magistralement. Les meilleurs patrons, observe-t-il, sont souvent les plus discrets au quotidien, mais assument continuitĂ©s et anticipations. « Il n’y a pas de mĂ©tiers pourris, il n’y a que des patrons blets », disait avec justesse Jean-Marie Descarpentries1.
Laissons la parole Ă  Alain Fribourg :
« J’ai passĂ© beaucoup de temps Ă  redresser des entreprises en difficultĂ© et, finalement, j’en ai fait mon mĂ©tier en intĂ©grant un cabinet spĂ©cialisĂ©, Dirigeants & Investisseurs, dans lequel j’ai passĂ© treize ans. On m’a toujours expliquĂ© que les difficultĂ©s de l’entreprise venaient d’élĂ©ments exogĂšnes (la crise Ă©conomique, la concurrence souvent dĂ©loyale, les dĂ©localisations dans des pays Ă  bas taux de main-d’Ɠuvre, la politique d’achats des donneurs d’ordre, les charges sociales, la lĂ©gislation du travail, les impĂŽts, etc.).
« Il est curieux de constater que lorsqu’une entreprise est performante, le patron s’en attribue le mĂ©rite alors que, lorsqu’elle ne va pas bien, il n’est que l’innocente victime d’un environnement hostile. L’expĂ©rience m’a appris que, dans la plupart des cas, les Ă©lĂ©ments exogĂšnes n’avaient Ă©tĂ© que les accĂ©lĂ©rateurs ou les rĂ©vĂ©lateurs d’une crise inĂ©vitable du fait d’élĂ©ments endogĂšnes. Dans le meilleur des cas, le patron n’a pas vu la menace et n’a pas su adapter son entreprise Ă  un environnement en changement. Dans le pire des cas, il a Ă©tĂ© Ă  l’origine de la crise en modifiant, volontairement ou non, un des Ă©lĂ©ments fondamentaux de la performance de l’entreprise. En fait, il est rare qu’une entreprise soit performante dans la durĂ©e sans un bon patron. Il est Ă©galement rare qu’elle soit non performante avec un excellent patron. »
L’échec n’est pas une fatalitĂ©
« L’automobiliste, qui, un beau matin d’hiver sur une route de campagne, dĂ©rape sur une plaque de verglas expliquera Ă  tout le monde que la cause de son accident est le verglas. Il oubliera de dire que beaucoup de voitures sont passĂ©es lĂ  avant et aprĂšs la sienne sans se retrouver dans le fossĂ©. Certes, il y avait du verglas, mais d’autres ont su l’anticiper et adapter leur conduite. Peut-ĂȘtre simplement ont-ils eu de la chance ! Le bon patron est celui qui est capable de comprendre les Ă©volutions de son environnement, des attentes de ses clients, de la situation concurrentielle, et qui, au lieu de n’y voir que des menaces, cherche les opportunitĂ©s qu’il peut en tirer. Il ne lui est pas interdit d’avoir de la chance.
« J’ai Ă©tĂ© pendant trois ans chef d’entreprise en VendĂ©e, dirigeant la filiale d’un grand groupe. Cela m’a permis de cĂŽtoyer le patronat local qui a bĂąti toute une sĂ©rie de success stories, gĂ©nĂ©ralement dans la plus grande discrĂ©tion, et m’a confortĂ© dans l’idĂ©e qu’il n’y a pas de fatalitĂ© de l’échec pour celui qui anticipe les Ă©volutions, qui accepte de se remettre en cause, qui est capable de s’adapter et d’adapter son entreprise aux modifications des marchĂ©s.
« Comment expliquer autrement le succĂšs de Fleury Michon qui, grĂące Ă  Yves Gonnord et Ă  Roger Colin, a survĂ©cu Ă  tous ses concurrents historiques, disparus les uns aprĂšs les autres ? Cette entreprise a su faire Ă©voluer son mĂ©tier de charcutier traditionnel basĂ© au dĂ©part sur l’abattage et la dĂ©coupe en allant vers le jambon libre-service, les plats cuisinĂ©s et le surimi. Fleury Michon est restĂ©e une entreprise familiale qui rĂ©alise un chiffre d’affaires annuel de plus de 500 millions d’euros, pour l’essentiel en GMS (grandes et moyennes surfaces), et emploie plus de 3 500 personnes dont l’essentiel en France.
« Tout le monde vous dira qu’il est difficile de rĂ©ussir dans la fabrication de meubles et quasiment impossible de gagner de l’argent en les fabriquant en France. Gautier, pourtant, sous l’impulsion de Dominique Soulard, emploie 1 000 personnes, et 97 % de sa production sont rĂ©alisĂ©s dans ses usines françaises, ce qui ne l’empĂȘche pas de vendre en France Ă  la grande distribution et d’exporter des meubles “made in France” au Moyen-Orient, en Russie et en Inde. Cette entreprise a fait l’objet d’un LBO2 qui a failli la faire mourir. Elle n’a survĂ©cu que grĂące Ă  la rĂ©sistance de son patron contre des actionnaires prĂ©dateurs. On se rappelle la grĂšve du personnel de Gautier en 1999 s’opposant au limogeage de Dominique Soulard par les actionnaires de l’époque. Un nouveau LBO a permis Ă  la famille Soulard de reprendre l’entreprise.
« Lorsque j’étais chef d’entreprise en VendĂ©e, il y a vingt-cinq ans, tout le monde s’y plaignait de l’isolement de ce dĂ©partement et en particulier de l’absence d’autoroutes. Eh bien, cela n’a pas empĂȘchĂ© deux entrepreneurs, Henri Joyau et JoĂ«l Gravelleau, de dĂ©velopper avec un grand succĂšs des entreprises de transport routier spĂ©cialisĂ©es dans la messagerie
 Je pourrais citer beaucoup d’autres exemples, en VendĂ©e ou dans d’autres rĂ©gions, de succĂšs extraordinaires d’entreprises dans des secteurs considĂ©rĂ©s comme sinistrĂ©s, voire condamnĂ©s, grĂące Ă  de l’innovation, Ă  de la crĂ©ativitĂ© et Ă  l’aptitude Ă  profiter de niches. Ces rĂ©ussites sont le fait de patrons visionnaires aptes Ă  crĂ©er et Ă  motiver des Ă©quipes, et Ă  percevoir les modifications de la demande et de la concurrence. »
Ce que l’homme construit, l’homme peut le dĂ©truire
« Mon expĂ©rience de redressement d’entreprises m’a sans doute plus appris sur ce qui conduit Ă  l’échec que sur ce qui permet de garantir le succĂšs. L’une des mĂ©thodes qui fonctionne le mieux pour mettre son entreprise en difficultĂ© est pour un patron, gĂ©nĂ©ralement rĂ©cemment nommĂ©, d’en changer le business model avant d’avoir compris les conditions de son succĂšs. Je suis intervenu, Ă  la demande d’investisseurs financiers, dans beaucoup d’entreprises ayant fait l’objet d’un LBO et qui, deux ou trois ans aprĂšs, se trouvaient ĂȘtre en grande difficultĂ©. Or, gĂ©nĂ©ralement, ne font l’objet de LBO, aprĂšs de longues et coĂ»teuses Ă©valuations, que des entreprises performantes. Le business plan sur lequel est basĂ©e l’acquisition est parfois optimiste Ă  la marge, mais trĂšs rarement fondamentalement erronĂ©. Par ailleurs, sauf si l’entreprise est trĂšs technologique ou sensible Ă  des effets de mode, il est rare que ses fondamentaux, en termes de marchĂ© et de concurrence, soient bouleversĂ©s en deux ou trois ans. Cela n’empĂȘche pas des entreprises, qui au moment de leur acquisition avaient une excellente profitabilitĂ©, de perdre de l’argent deux ou trois ans aprĂšs.
« Un nouveau patron qui prend les commandes d’une entreprise performante doit faire preuve de beaucoup d’humilitĂ©. Son premier travail doit consister Ă  comprendre quels sont les ressorts de la performance de son entreprise, quels sont ses points forts, ses avantages concurrentiels qui expliquent sa performance et, bien sĂ»r, qui sont les personnes clĂ©s qui ont bĂąti le succĂšs et qui le maintiennent. Il est clair que le prĂ©cepte selon lequel “on ne change pas une Ă©quipe qui gagne” peut conduire Ă  la longue Ă  un immobilisme dangereux dans un monde qui change. Mais modifier les fondamentaux d’une entreprise avant d’avoir compris ce qui fait son succĂšs peut lui ĂȘtre fatal. Or la tentation est grande pour un patron de dĂ©montrer sa supĂ©rioritĂ© par rapport Ă  son prĂ©dĂ©cesseur, de vouloir la rupture, le changement des habitudes, d’imprimer sa marque. Le LBO peut Ă©galement induire des problĂšmes liĂ©s Ă  l’importance de la dette d’acquisition que l’entreprise va devoir supporter et rembourser. Cela peut conduire les actionnaires Ă  encourager le manager Ă  faire surperformer une entreprise dĂ©jĂ  performante au risque de la mettre en pĂ©ril. Cela Ă©tant, c’est au patron de savoir privilĂ©gier l’intĂ©rĂȘt de son entreprise dans la durĂ©e de prĂ©fĂ©rence Ă  tout autre intĂ©rĂȘt. J’ai ainsi vu un patron mettre son entreprise en grande difficultĂ© en Ă©largissant son domaine d’activitĂ© au point de commencer Ă  concurrencer ses donneurs d’ordre, qui en ont tirĂ© les consĂ©quences qu’on imagine. Un autre, cherchant Ă  rajeunir sa clientĂšle, avait dĂ©sespĂ©rĂ© sa clientĂšle traditionnelle qui Ă©tait la base du succĂšs de l’entreprise, sans d’ailleurs rĂ©ussir Ă  en capter une plus jeune. Moins un patron est expĂ©rimentĂ©, plus il a tendance Ă  succomber aux modes.
« La dĂ©localisation mal maĂźtrisĂ©e ou mal comprise a ainsi fait des ravages au cours des derniĂšres annĂ©es, avant qu’on ne s’aperçoive que c’était loin d’ĂȘtre une solution Ă  tous les problĂšmes. En dĂ©localisant une production dans un pays Ă  bas taux de main-d’Ɠuvre, on n’économise dans la plupart du temps que sur le coĂ»t de la main-d’Ɠuvre directe. Il faut donc bien vĂ©rifier que cet Ă©lĂ©ment est fondamental pour la compĂ©titivitĂ© du produit, Ă  tel point que les frais induits (encadrement, frais de logistique, frais financiers) seront facilement absorbĂ©s et que l’allongement des dĂ©lais de transport ne va pas entraĂźner une dĂ©gradation du service au client. J’ai ainsi connu un grand groupe d’électronique grand public dĂ©localisant successivement dans des pays toujours moins chers la production de ses tĂ©lĂ©viseurs alors que la main-d’Ɠuvre directe reprĂ©sentait moins de 20 % de leur prix de revient et que le problĂšme de compĂ©titivitĂ© provenait d’une conception trop coĂ»teuse en composants qu’aucune dĂ©localisation ne pouvait rĂ©gler. On ne faisait que dĂ©localiser son incompĂ©tence. J’ai Ă©galement connu une entreprise de mode qui, du fait de la dĂ©localisation, Ă©tait incapable d’assurer des rĂ©assorts rapides sur les modĂšles de sa collection qui se vendaient le mieux. La marge thĂ©orique sur ces produits dĂ©localisĂ©s Ă©tait importante, mais restait thĂ©orique puisque les dĂ©lais de livraison faisaient rater les ventes. Cette entreprise a Ă©tĂ© sauvĂ©e en rapatriant la production chez des sous-traitants en Alsace et dans le Choletais.
« Il est tentant pour le nouveau patron, qui veut prendre le pouvoir, de modifier le mode d’organisation de l’entreprise. Cela va lui permettre de mettre sur la touche les gĂȘneurs (qui peut-ĂȘtre lui auraient Ă©vitĂ© de commettre des erreurs) et de promouvoir les hommes de son Ă©quipe, souvent nouveaux dans l’entreprise. La mode, en l’occurrence, est l’organisation matricielle, en vogue dans les grands groupes, sans d’ailleurs avoir dĂ©montrĂ© son efficacitĂ©. Dans une PME, cela conduit souvent Ă  supprimer l’autonomie et la responsabilisation des patrons opĂ©rationnels, au profit d’une structure de fonctionnels centraux. Ce qui Ă©tait dĂ©centralisĂ© cesse de l’ĂȘtre et plus personne n’est responsable de quoi que ce soit, chacun pouvant attribuer Ă  l’autre la responsabilitĂ© de la non-performance. J’ai ainsi vu un patron de PME supprimer une organisation par pays qui fonctionnait, de maniĂšre Ă  supprimer les “barons locaux”, pour la remplacer par une organisation matricielle avec des fonctions centrales (production, marketing, commerce, RH, etc.). Le sauvetage de l’entreprise est passĂ© par le rĂ©tablissement de l’organisation prĂ©cĂ©dente. Je pourrais Ă©galement parler de la tentation du nouveau patron de remplacer, toutes affaires cessantes, le systĂšme d’information, en privilĂ©giant de prĂ©fĂ©rence un logiciel sophistiquĂ©, souvent complĂštement inadaptĂ© aux besoins, au risque de mettre en cause les fonctions vitales de l’entreprise. »
Ce que le patron ne sait pas, ses collaborateurs le savent
« Alors, comment faire quand un patron, voulant exister, a pris des dĂ©cisions qui modifient les bases du succĂšs de l’entreprise au risque de la mettre en pĂ©ril ? Le risque est grand pour le nouveau venu, qui ne connaĂźt pas l’entreprise, de prĂ©coniser des changements qui aggraveront encore la situation. C’est pourquoi il doit faire preuve des qualitĂ©s qui manquaient au patron : l’humilitĂ©, l’écoute et le bon sens. La mĂ©thode est simple. Elle consiste Ă  dialoguer avec les salariĂ©s pour comprendre pourquoi l’entreprise Ă©tait performante deux ou trois ans avant, et ce qui a changĂ©. Ces entretiens individuels ne doivent pas se limiter aux cadres dirigeants. Dans une PME, il est souvent utile de rencontrer une vingtaine de personnes Ă  tous les niveaux de la hiĂ©rarchie.
« Les questions sont simples :
— Qu’est-ce qui ne va pas ?
— Que faudrait-il faire pour que ça aille mieux ?
— Qui sont les personnes clĂ©s ?
« Bien sĂ»r, il faut Ă©galement analyser les chiffres, les comptes de rĂ©sultats, la trĂ©sorerie, mais c’est des entretiens avec les membres du personnel que ressortent les Ă©lĂ©ments fondamentaux du plan de redressement de l’entreprise, basĂ©s sur la comprĂ©hension de sa performance passĂ©e. Il est alors trĂšs frustrant pour le chef d’entreprise de constater qu’une personne, certes spĂ©cialisĂ©e dans le redressement, mais Ă©trangĂšre Ă  l’entreprise, Ă  son mĂ©tier et Ă  son marchĂ©, peut, en quelques jours, en parlant Ă  ses collaborateurs, comprendre l’origine des difficultĂ©s et bĂątir un plan de redressement. La plupart du temps, il s’agit au sens informatique du terme d’un reset. Lorsqu’un ordinateur se met soudainement Ă  ne plus fonctionner correctement, il suffit trĂšs souvent de le remettre dans la configuration oĂč il se trouvait quand il fonctionnait pour qu’il retrouve ses performances. Cela est assez simple Ă  faire puisque les systĂšmes d’exploitation sont dotĂ©s de programmes de restauration qui permettent de remettre les ordinateurs dans la configuration antĂ©rieure et de supprimer tout ce qui a pu perturber leur fonctionnement.
« Dans l’entreprise, les virus sont plus compliquĂ©s Ă  Ă©liminer. Il n’existe pas de logiciel standard de restauration, mais le principe reste le mĂȘme. Il s’agit, en faisant du sur-mesure, de remettre l’entreprise dans ses conditions de performance.
« Il faut revenir aux fondamentaux, au business model qui fonctionne, au mode d’organisation adaptĂ© en ne se prĂ©occupant que de l’essentiel. Cela Ă©tant, les dĂ©gĂąts induits par les erreurs de management peuvent ĂȘtre importants. Il faut souvent restaurer la confiance des clients. Il faut aussi reconstruire une Ă©quipe dont les meilleurs Ă©lĂ©ments ont quittĂ© l’entreprise, soit parce qu’ils voyaient venir le dĂ©sastre, soit parce qu’ils s’opposaient Ă  l’orientation du patron et se sont fait licencier. À ce stade, mĂȘme si l’on a Ă©tabli le plan de redressement de l’entreprise, encore faut-il dĂ©montrer qu’on peut le financer dans des conditions Ă©conomiques acceptables. »
Le poisson pourrit-il toujours par la tĂȘte ?
« Il est sans doute sĂ©vĂšre et parfois injuste de considĂ©rer que le patron est le seul responsable des difficultĂ©s de son entreprise, mais l’expĂ©rience dĂ©montre que le poisson pourrit souvent par la tĂȘte. Il est impossible de redresser une entreprise si les causes de ses difficultĂ©s sont exogĂšnes. Comment modifier les Ă©lĂ©ments du marchĂ©, de la concurrence, de l’environnement Ă©conomique ? Autant crĂ©er une nouvelle entreprise, sur de nouvelles bases, si on en a les moyens. Le fait que beaucoup d’entreprises soient redressables dĂ©montre bien que leurs problĂšmes sont internes et que le patron n’a pas su les dĂ©tecter et les rĂ©soudre.
« La rĂ©ussite dans des domaines difficiles, on l’a vu, exige des patrons exceptionnels ayant une vraie capacitĂ© de vision et d’anticipation. Mais trĂšs souvent, les qualitĂ©s requises sont plus limitĂ©es car les problĂšmes sont moins complexes et il suffit au patron de modifier, par touches successives, les fondamentaux de son entreprise pour l’adapter Ă  des modifications de l’environnement. Le moins qu’on puisse lui demander est de ne pas ĂȘtre Ă  l’origine des problĂšmes par des dĂ©cisions inadaptĂ©es et nocives.
« Il arrive souvent Ă  un apprenti pilote de ne plus rien comprendre au comportement de son avion. Il est alors conduit Ă  tenter de corriger des erreurs, et il s’aperçoit que, souvent, il les aggrave. Son instructeur va lui expliquer que l’avion est fait pour voler et qu’en cessant d’agir un instant, en lĂąchant le manche et le palonnier, il va comprendre quelle erreur il a commise dans le rĂ©glage de l’avion : humilitĂ©, humour et bon sens sont de bonnes ressources. La plupart des entreprises sont faites pour fonctionner, et le rĂŽle des patrons consiste, en toute humilitĂ©, Ă  maintenir et Ă  renouveler les conditions de leurs performances en s’appuyant sur la compĂ©tence de leurs Ă©quipes. Les meilleurs chefs d’entreprise sont souvent les plus humbles et les plus discrets. »
La vertu de l’incompĂ©tence ?
« En forme de conclusion, et sans vouloir faire de mon parcours personnel un modĂšle Ă  suivre, je me demande si l’incompĂ©tence bien gĂ©rĂ©e ne met pas Ă  l’abri de l’arrogance criminelle de chefs d’entreprise rĂ©putĂ©s ou autoproclamĂ©s compĂ©tents. J’ai passĂ© ma vie professionnelle Ă  gĂ©rer mon incompĂ©tence (je crois, avec talent).
« Tout commence par un Ă©chec au concours d’entrĂ©e Ă  HEC qui me conduit Ă  Sciences Po et Ă  un DESS de droit public, devant normalement m’amener Ă  l’ENA – mais l’ENA ne veut pas de moi. Cela ne m’empĂȘche pas d’ĂȘtre professeur Ă  l’EN
 de Ouagadougou, comme appelĂ© du contingent.
« Au retour de mon service, peu militaire, je souhaite revenir Ă  ce que j’aurais pu faire en sortant d’HEC, si j’y avais Ă©tĂ© admis, et je rentre Ă  l’audit interne du groupe Thomson. Je passe deux ans Ă  contrĂŽler des comptabilitĂ©s, alors que je ne connais rien Ă  la comptabilitĂ© et que je suis incapable de passer une Ă©criture comptable. J’ai ainsi dĂ©couvert qu’il Ă©tait plus facile de contrĂŽler que de faire, et qu’il n’était pas nĂ©cessaire de savoir faire pour savoir contrĂŽler.
« L’audit me conduit vers le contrĂŽle de gestion, oĂč mon incompĂ©tence est moins flagrante, le bon sens et le sens du business pouvant compenser l’absence de technique. Je deviens ainsi contrĂŽleur de gestion d’une division industrielle du groupe Thomson. Le dĂ©cĂšs de mon patron et le sens du risque de celui qui reprenait ses activitĂ©s me font alors pulvĂ©riser mon seuil de compĂ©tence.
« Je deviens, Ă  35 ans, le patron d’une entreprise industrielle, L’UnitĂ© hermĂ©tique, qui fabrique des compresseurs de rĂ©frigĂ©ration, de climatisation et de froid commercial, et emploie 2 000 personnes dans trois usines. N’étant pas ingĂ©nieur, Ă  une Ă©poque, malheureusement pas entiĂšrement rĂ©...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Préface - par Michel Rocard
  5. Dix-huit histoires extraordinaires
  6. Des crises porteuses d’espoir - par Michel Godet
  7. PremiÚre partie - Le handicap, une différence à positiver
  8. DeuxiĂšme partie - Agir dans son milieu
  9. TroisiĂšme partie - Devenir entrepreneur
  10. QuatriĂšme partie - RĂ©ussir l’avenir
  11. Remerciements
  12. Des mĂȘmes auteurs chez Odile Jacob