Le Théâtre quantique
eBook - ePub

Le Théâtre quantique

  1. 240 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Ce livre vous propose de pénétrer au cœur du théâtre quantique en vous offrant une voie d'accès rapide à l'univers magique de la mécanique quantique, découverte essentielle du XXe siècle qui défie notre intuition. Vous vous prendrez à rêver de ces photons capricieux, de leurs états intriqués, de ces expériences troublantes aux conclusions inattendues. Voici une fantaisie initiatique qui aborde de manière innovante le problème du temps, les paradoxes de la mécanique quantique et les interrogations sur la simulation des fonctions cérébrales, à travers une intrigue policière originale et les aventures d'une physicienne attachante, passionnée et prête à tout. Laissez-vous entraîner dans un monde enchanté où « l'aléa quantique est le tic-tac de l'horloge divine». Alain Connes est mathématicien, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d'Analyse et Géométrie, membre de l'Académie des sciences et de plusieurs académies étrangères dont la National Academy of Sciences des États-Unis. Il a obtenu la médaille Fields en 1982. Danye Chéreau a une formation littéraire. Réfractaire aux mathématiques dans sa jeunesse, les surprises de la vie lui ont permis de découvrir le milieu scientifique et le monde des chercheurs sur lesquels elle porte un regard toujours curieux, amusé et attendri. Jacques Dixmier a professé aux universités de Toulouse, de Dijon, de Paris. Il est mathématicien « pur », mais certains de ses domaines de recherche (algèbres d'opérateurs, représentations des groupes, algèbres enveloppantes) sont utiles en mécanique quantique. Il a aussi publié des nouvelles de science-fiction.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Le Théâtre quantique par Alain Connes, Danye Chéreau, Jacques Dixmier en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Mathématiques et Mathématiques générales. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2013
ISBN
9782738176448
Chapitre 7
Valse à mille tours,
vers de Milton

« Le mugissement des gonds, pareil à celui du tonnerre, ébranla le plus profond de l’Érèbe. »
Milton, Le Paradis perdu, 1667.
Cinq mois après l’accident, le Cern est toujours en réparation. Pendant ces cinq mois, Francesca et Charlotte se sont encore rapprochées. Elles ont eu de longs tête-à-tête presque quotidiens dans le bureau directorial, qui ont fini par susciter la curiosité. Pour savoir de quoi elles discutent, on a interrogé la secrétaire de Francesca. Celle-ci, en effet, doit constamment soumettre à sa patronne des lettres à signer, des demandes de rendez-vous, etc. Mais elle a seulement pu dire que ces discussions étaient exclusivement scientifiques.
– Et ne me demandez pas d’autres détails, car je n’y comprends goutte !
Un jour cependant, en pénétrant dans le bureau, elle a saisi cette exclamation de Francesca : « Charlotte, c’est démentiel ! » Cette information n’a fait qu’aiguiser la curiosité sans éclaircir le mystère.
Mystère encore épaissi depuis que Picci, un après-midi, a entendu – ou cru entendre, il est napolitain – de la musique dans le bureau de Francesca. Il avait rendez-vous avec cette dernière pour clarifier un problème d’ordre de mission.
Contrarié d’avoir à patienter un assez long moment (ce n’est pas dans les habitudes de la directrice d’imposer à ses « collègues » de faire antichambre), il s’était plongé dans la lecture d’un nouvel article enfoui dans sa serviette le matin même. Derrière la porte, il entendait bien deux voix de femmes qui dialoguaient, mais sur un rythme et un ton bien spécifiques, celui de la musique. Il reconnaissait le tempo si caractéristique de la musique baroque, avec ses vocalises particulières. Lui, l’interprète amateur du Sixième Livre de madrigaux, ne pouvait s’y tromper. Les accents rappelaient ceux d’un contemporain de Monteverdi, peut-être ceux du maître. Mais non, voyons ! Il se fourvoyait ! Ce qu’il était en train d’entendre, derrière cette porte, était autrement considérable. Il ignorait qui tenait compagnie à Francesca, mais une chose semblait certaine, les occupants du bureau écoutaient l’acte I du Couronnement de Poppée, le fameux passage dans lequel Poppée demande sur un ton de plus en plus pressant à Néron : Tornerai ? – « Tu reviendras ? » Et Néron, qui a du mal à s’arracher à ses bras, finit bien sûr par répondre Tornerò – « Je reviendrai. »
Tornerai ?
Se ben io vò
Pur teco io sto.
Tornerai ?
… Il cor dalle tue stelle
Mai, mai non si divelle…
Tornerai ?
… Io non posso da te viver disgiunto
Se non si smembra la unità del punto.
Tornerai ?
Tornerò !
Picci connaissait l’opéra par cœur. Il dénombra quatre Tornerai. Il y avait le compte ! C’étaient les sopranos Helen Donath et Elisabeth Söderström qui chantaient Poppée, à merveille, et Néron. Comment ne pas les reconnaître ? À la fois charmé et intrigué, il avait encore patienté un moment avant de voir sortir Charlotte du bureau directorial, grave et visiblement émue.
Bizarre, elle devrait plutôt avoir la tête de quelqu’un qui vient d’écouter Le Retour d’Ulysse dans sa patrie, se dit-il, riant tout seul de sa sotte plaisanterie, pendant que Charlotte s’éloignait après l’avoir à peine salué.
Picci avait gardé pour lui ses réflexions sur les rapports ambigus de Francesca et de Charlotte, puis s’était dit qu’il avait oublié les règles de l’opéra baroque où les rôles d’hommes jeunes sont généralement chantés par des sopranos. La musique seule rendait donc ces femmes complices, c’était certain ! De là à l’inséparabilité du couple, « l’unité du point »…
Il n’y avait pas eu d’autre fait notable, mais on continuait à remarquer une entente croissante, une connivence même, entre les deux amies.
images
Anneau de collisions du Cern.
L’emploi du temps de Charlotte comportait cependant bien d’autres rendez-vous importants.
Aujourd’hui elle ne doit pas rencontrer la directrice car elle veut se consacrer entièrement à Armand Lafforet. Celui-ci ayant glissé dans une lettre qu’il aimerait visiter le Cern, Charlotte a sauté sur l’occasion et lui a proposé d’y donner une conférence (il aura ainsi son voyage remboursé…). « S’il fait beau, a-t-elle ajouté, je louerai un vélo pour toi et nous irons tous les deux nous promener aux environs. »
Le TGV Paris-Genève est annoncé, il va entrer en gare dans quelques minutes, à 10 heures. Charlotte est au bout du quai, venue accueillir Armand. Elle se demande si l’élan qui l’a entraînée vers ce mathématicien à l’œil pétillant, mais sans illusions sur les hommes (et les femmes), sera le même qu’à Bures où déjà elle est allée le revoir deux fois. Ils ont eu de nombreuses discussions philosophiques très enrichissantes, souvent agrémentées de fous rires, signe d’une solide complicité. Leurs conversations reviennent toujours à la réalité platonicienne, au monde mathématique, et surtout à l’émergence du « temps quantique », une idée qui l’envoûte. Elle l’entrevoit comme un Graal inaccessible, mais si séduisant, qui déclenche chez elle une attirance presque irrésistible.
Elle aperçoit Armand, qui ne porte qu’une petite sacoche en bandoulière. Je lui avais pourtant parlé d’une excursion à vélo, il va falloir lui trouver un équipement. Au deuxième coup d’œil, elle remarque son élégant T-shirt noir, près du corps. Peu d’hommes à son âge peuvent se permettre ce genre de vêtement moulant, célèbre réussite des couturiers italiens.
Les retrouvailles méritent un 17/20, assurément. Charlotte emmène immédiatement son ami au Cern. Il fait son exposé à 11 heures dans le grand auditorium, répond aux nombreuses questions sur le temps et l’aléa quantique. Le public est plutôt chaleureux, très curieux bien sûr. Armand semble satisfait.
Au cours d’un déjeuner léger à la cafétéria, il fait la connaissance des postdocs de Charlotte – il n’a pas pu y échapper – qui l’interrogent avec pertinence et qu’il trouve particulièrement attentifs à ses moindres gestes. Ensuite, souriant et détendu, il suit son guide, la belle Charlotte, rayonnante. Ils jettent un coup d’œil sur les bâtiments (qui n’ont aucun intérêt architectural), sur les quelques arbres et pelouses qui les entourent, puis se dirigent vers les tunnels. Les choses sérieuses commencent.
La période de décontamination, obtenue par les écologistes, leur offre une opportunité inouïe : celle de pouvoir visiter trois des grands détecteurs du Cern que les ingénieurs sont en train de démonter partiellement pour tester à quel point ils ont été contaminés par le rayonnement radioactif de l’accélérateur de particules. Charlotte est munie d’un laissez-passer que lui a procuré Francesca et qui lui permet d’accéder librement à Atlas, à CMS et à Alice. Avant qu’ils n’empruntent l’ascenseur qui va les descendre en profondeur, on leur demande de mettre un casque, léger, en plastique, selon le rituel.
La visite commence par le détecteur Alice et ses dix mille tonnes, ses vingt-six mètres de long, ses seize mètres de diamètre et son spectromètre à muons. Son rôle est d’explorer des conditions extrêmes de température et de densité pour la matière nucléaire. Charlotte explique à Armand le fonctionnement du détecteur qui engrange chaque seconde un giga de données. Il est sidéré par la précision des mesures de temps : les cent soixante mille microdétecteurs, dont la résolution temporelle est de cent picosecondes*, couvrent cent cinquante mètres carrés. Pas étonnant qu’avec un tel instrument on puisse explorer les frontières de la physique !
Le détecteur CMS rappelle à Charlotte sa construction en surface. Il avait fallu faire glisser sur une centaine de mètres les éléments de mille tonnes chacun sur un coussin d’air comprimé, avant de les faire délicatement descendre par d’énormes grues, hôtes familiers des chantiers navals.
Ils arrivent maintenant au troisième détecteur, Atlas, qui pèse autant que la tour Eiffel. L’endroit est sinistre, gigantesque, avec ses quarante-cinq mètres de long et vingt-cinq mètres de hauteur. Des échos peut-être imaginaires font frémir Armand qui découvre les lieux. Charlotte lui explique une des clés du fonctionnement des détecteurs :
– Dans Atlas comme dans Alice, on utilise les chambres multifilaires* inventées par Charpak, qui ont remplacé les chambres à bulles. Avant cette invention, il fallait une armée de physiciens concentrés sur l’analyse de dix millions de photographies par an, on en était au stade préhistorique. Maintenant toutes les données sont traitées automatiquement par l’informatique.
– Cela m’évoque irrésistiblement les radiographies qui sont encore tellement employées en médecine de nos jours ; cela veut-il dire qu’une révolution semblable pourrait avoir lieu dans le domaine médical ?
– Cette révolution a déjà commencé, les détecteurs de Charpak sont utilisés pour la recherche en biologie.
Armand est subjugué par la taille des énormes électroaimants en forme de tores qui entourent le détecteur. Leur puissance est titanesque ; un simple tournevis laissé dans le champ magnétique traverserait le béton comme du beurre. Ils visitent ensuite une salle, proche, remplie d’ordinateurs.
– Ces ordinateurs traitent en temps réel les quelque deux cents collisions sélectionnées parmi les quarante millions de collisions par seconde.
Puis Charlotte montre à Armand l’une des entrées du tunnel de vingt-sept kilomètres.
– En temps normal, les électroaimants de l’anneau de collision accélèrent peu à peu toutes sortes de particules qui tournent jusqu’à approcher la vitesse de la lumière, puis entrent en collision. Cette valse à mille tours, cette ronde effrénée et presque tragique, a cessé depuis cinq mois.
– Tu dis « approcher » la vitesse de la lumière, je sais que la masse augmente quand on arrive au voisinage de cette vitesse, qu’en est-il dans ce cas ?
– « Approcher », voilà un bel exemple d’understatement ! Ici le rapport de la vitesse atteinte à la vitesse de la lumière, ce n’est pas 0,9, ce n’est pas 0,99, c’est 0,999999991, ce qui multiplie la masse des particules accélérées par 7 500.
– Incroyable !
Armand, très impressionné, sent que tous ces nombres, tous ces instruments, toutes ces particules en collision s’impriment dans sa mémoire sous forme de tourbillon. Il éprouve un léger étourdissement, une sensation tout à fait inattendue, pleine de visions effrayantes et d’échos aux tonalités graves qui s’entremêlent en tournoyant. Seule une lumière sombre éclaire ces chimères. Complètement désorienté, il voudrait trouver les mots pour apprivoiser cette apparition, mais ces mots, pour une fois, brillent par leur absence. Vont-ils rester prisonniers du chaos ? Peu à peu des sons articulés s’imposent à lui, comme s’ils remontaient par degrés infimes des lointaines profondeurs de sa mémoire :
« De Chaos naquirent l’Érèbe et la sombre Nuit. »
D’où vient cette phrase ? Il se la répète pour la fixer, elle semble si volatile. Une autre revient aussi à la surface de sa conscience :
« De la Nuit, l’Éther et le Jour naquirent,
fruits des amours avec l’Érèbe. »
Il essaie de se concentrer sur autre chose, fixe les cheveux blonds de Charlotte, pour permettre au souvenir de s’extraire tout seul, tranquillement, complètement, des replis de son passé résurgent. L’Érèbe, un drôle de mot, profond et noir.
Armand sourit en reconnaissant enfin les vers qui lui avaient donné du fil à retordre dans une version grecque, au point de s’inscrire tout nus dans sa mémoire. Il se revoit lycéen, penché sur son Bailly et maudissant son professeur car il avait envie d’aller jouer au foot, au lieu de tenir compagnie à ce vieil Hésiode avec ces deux phrases mal dégross...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Sommaire
  6. Chapitre premier - Les neuf suaires
  7. Chapitre 2 - La modification
  8. Chapitre 3 - Le temps retrouvé
  9. Chapitre 4 - L’amour baroque
  10. Chapitre 5 - La robe de Bures
  11. Chapitre 6 - L’horloge des anges
  12. Chapitre 7 - Valse à mille tours, vers de Milton
  13. Chapitre 8 - L’aiguille creuse
  14. Chapitre 9 - Les Indes noires
  15. Chapitre 10 - Les douze millions de l’abbé Gomme
  16. Chapitre 11 - L’interdiction
  17. Chapitre 12 - Ali et les quarante milliards de neurones
  18. Chapitre 13 - Neuf courriels effervescents
  19. Chapitre 14 - Le triomphe de Monteverdi
  20. Chapitre 15 - Maintenant l’apocalypse*
  21. Épilogue
  22. Bibliographie
  23. Glossaire
  24. Remerciements
  25. Ouvrages d’Alain connes chez odile jacob