Préhistoire de la violence et de la guerre
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Préhistoire de la violence et de la guerre

  1. 208 pages
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Préhistoire de la violence et de la guerre

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À propos de ce livre

L'Homme a-t-il toujours été violent? La guerre est-elle consubstantielle au genre humain ou est-elle inhérente à la construction des sociétés modernes? Nourri par les recherches scientifiques, le débat sur le pourquoi de la violence n'en finit pas de rebondir. Il donne à la querelle qui opposait Rousseau (le «bon sauvage») à Hobbes («l'homme est un loup pour l'homme») une actualité toute nouvelle. Pour en finir avec les approches caricaturales, Marylène Patou-Mathis propose avec ce livre une vaste enquête qui croise les données de l'archéologie et de l'anthropologie. Explorant les raisons qui ont transformé les chasseurs-cueilleurs en sociétés guerrières – sédentarisation et changement d'économie, avènement du patriarcat, apparition des castes –, elle pointe aussi le rôle des croyances et met en évidence l'existence d'une violence antérieure à l'apparition de la guerre. Ainsi se dessine peu à peu le portrait d'un homme préhistorique, dont la violence exprime surtout ses peurs et ses premières pensées existentielles: humain, trop humain. Marylène Patou-Mathis est l'auteure de plusieurs ouvrages de préhistoire qui font autorité. Elle est docteur en préhistoire, directrice de recherche au CNRS et vice-présidente du conseil scientifique du Muséum national d'histoire naturelle. Elle a également été commissaire de la grande exposition Au temps des mammouths au Muséum et conseiller scientifique du film AO. Le dernier Néandertal.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2013
ISBN
9782738175656

DEUXIÈME PARTIE

Les causes de l’apparition de la violence et de la guerre



La période charnière entre le Paléolithique et le Néolithique est marquée par de nombreux changements de nature différente : environnementaux (réchauffement climatique), sociaux (sédentarisation, explosion démographique locale, apparition du patriarcat, des castes et d’une élite), économiques (quête de nouveaux territoires, domestication des plantes puis des animaux, surplus et stockage de denrées, augmentation du commerce de biens de prestige) et de croyances (apparition des dieux masculins). L’augmentation d’actes violents et l’apparition de conflits meurtriers sont-elles liées à un ou à plusieurs de ces changements majeurs ? L’analyse des données archéologiques, enrichie par celle des sources ethnographiques, permet d’apporter quelques éléments de réponse à cette question.

Chapitre 1

La lutte pour les territoires et leurs ressources


Pour certains chercheurs, les sociétés primitives, confrontées à une nature hostile, n’auraient connu qu’une « économie de survie » et l’acquisition de ressources, supposées rares, serait la raison principale des conflitsLXXXIX. Or le postulat de départ – celui d’une « économie de survie » – ne repose sur aucune réalité, qu’elle soit archéologique ou ethnologique. De nombreux travaux attestent du contraire, au point qu’on a pu voir en elles des sociétés autosuffisantes, d’abondance, voire de loisirs. Selon l’anthropologue américain Marshall Sahlins, les sociétés de chasseurs-cueilleurs, limitées dans leurs désirs, n’avaient pas besoin de beaucoup travaillerXC. Il précise en outre que la croissance du travail suit le développement de la culture et que celle-ci régit la détermination des besoins.
Cependant, pour d’autres chercheurs, dont Konrad Lorenz (1903-1989) par exemple, il existerait chez chacun un instinct de territorialité. À partir de l’observation des parades nuptiales de plusieurs espèces animales, ce biologiste et zoologiste autrichien, nobélisé en 1973, développa sa théorie de l’agression et de l’instinct de territorialité. Selon lui, une relation interindividuelle n’est possible que si deux individus partagent un même territoire et tout regroupement social ne peut exister que par réorientation de l’agressivité interindividuelle contre un ennemi communXCI. Si l’on suit le raisonnement de Lorenz, tout intrus sur le territoire devient un ennemi potentiel. Lors d’une migration, les deux communautés, l’allochtone et l’autochtone, vont-elles inévitablement s’affronter ? Pour les périodes anciennes, il est difficile de savoir ce qui se passe lorsque des populations humaines qui ignorent tout des autres se rencontrent. Toutefois, lorsque les territoires à défendre sont suffisamment riches en ressources du fait de la faible densité démographique (ce qui était le cas en ces temps reculés), elles n’entrent pas en compétition. Dans ce cas d’« abondance », elles peuvent également modifier leurs comportements de subsistance par l’exploitation d’autres types d’aliments. Par ailleurs, il n’est pas impensable que des communautés numériquement faibles (un groupe de chasseurs-cueilleurs est constitué généralement d’une cinquantaine de personnes, y compris les enfants) puissent vouloir s’unir, culturellement ou génétiquement, pour devenir plus fortes. On peut aussi envisager le contraire. C’est ainsi que l’hypothèse de conflits entre les premiers Hommes anatomiquement modernes et les derniers Néanderthaliens a été émise par certains préhistoriens pour expliquer la disparition de ces derniers. Alors, les Néanderthaliens ont-ils été les victimes du premier génocide de notre longue histoire d’Homininés ?

La « rencontre » entre les Néanderthaliens et les Hommes modernes

Considérés dès leur découverte comme une espèce inférieure, les Néanderthaliens ont été, durant plus d’un siècle et demi, victimes d’une sorte de racisme. Perçus comme des brutes primitives, ils suscitaient l’opprobre d’une humanité bien pensante, et aucune parenté ne paraissait concevable avec ces êtres proches du singe. Ils étaient comme le maillon faible de la chaîne des Homininés. À travers eux se donnaient libre cours les multiples craintes projetées sur la figure de l’Autre. Ils étaient l’archétype idéal du concept de race, objet parfait d’une taxinomie féroce entre Hominidés primitifs « inférieurs » et Hommes modernes « civilisés ». Aujourd’hui, les conclusions des analyses génétiques ont modifié le regard porté sur eux car, faisant désormais partie de notre patrimoine génétique, ils ne peuvent être que des Humains.
La première « rencontre » entre les Néanderthaliens et les Hommes anatomiquement modernes (Proto-Cro-Magnon) a eu lieu au Proche-Orient – si toutefois les humains découverts à Kébara, Amud et Tabun sont bien des Néanderthaliens venus d’Europe – ce point fait débat. Lorsque, vers 120 000 ans, les Néanderthaliens arrivent en Palestine (aujourd’hui Israël), des Proto-Cro-Magnon y vivent déjà depuis plus de 150 000 ans1. Dans cette région, ils se seraient donc « côtoyés » durant au moins 40 000 ans, jusqu’à la disparition des Néanderthaliens du Proche-Orient. Il n’existe aucune différence comportementale entre les deux populations : ils taillent des outils identiques, caractéristiques de l’industrie moustérienne du Levant, chassent les mêmes grands animaux et enterrent leurs mortsXCII. Cependant, l’arrivée des Néanderthaliens a peut-être exercé une pression sur les groupes de Proto-Cro-Magnon, contraignant certains d’entre eux à changer de territoire, notamment à commencer leur migration vers l’Eurasie. En effet, il y a 43 000 ans avant le présent, des Hommes anatomiquement modernes arrivent sur ce continent peuplé par les Néanderthaliens. Ils vont y développer de nouveaux comportements techniques et symboliques qui prendront toutes leurs dimensions dans la culture aurignacienne (voir Glossaire). Leur coexistence en Europe, qui va durer plusieurs millénaires, jusqu’à environ 30 000 ans avant le présent, soulève plusieurs questions : y a-t-il eu des contacts entre les deux populations ? Si oui, de quelle nature ? Y a-t-il eu conflits ? Les premiers Hommes anatomiquement modernes sont-ils responsables de la disparition des Néanderthaliens ?

Une « rencontre » qui fait débat

Se sont-ils réellement rencontrés ? Les avis divergent sur ce point car très peu de données archéologiques permettent de l’affirmer. En outre, la démographie était faible, tant pour les populations modernes que néanderthaliennes2. Et il est évident que la concentration, plus ou moins grande selon les régions, des campements d’Hommes anatomiquement modernes a joué un rôle déterminant sur les possibilités de rencontres. Dans certaines régions, ils ne se sont jamais côtoyés. Par exemple, dans la péninsule Ibérique, les derniers Néanderthaliens vivaient au sud et les Hommes anatomiquement modernes au nord. Comme en témoignent leurs industries, ils n’ont jamais eu de contacts : chacun a gardé ses traditions techniques. Pour le préhistorien portugais Juan Zilhao, l’Èbre aurait été une sorte de frontière entre les deuxXCIII. En revanche, des échanges entre les deux types de populations ont peut-être eu lieu en Europe centrale. En Moravie et en Slovaquie, des pointes foliacées, outils typiques de la culture szélétienne (voir Glossaire), ont été retrouvées dans des habitats d’Hommes anatomiquement modernes de culture aurignacienneXCIV. Cependant, étant donné qu’aucun reste humain n’a été découvert dans les sites à industries szélétiennes, nous ne pouvons pas affirmer qu’il y ait eu contact entre Néanderthaliens et Hommes anatomiquement modernes.

Les hommes modernes sont-ils responsables de la disparition des néanderthaliens ?

Si la disparition des Néanderthaliens semble coïncider avec la présence en Europe de groupes d’Hommes anatomiquement modernes, aucune découverte archéologique n’atteste de leur extermination par ces derniers.
Durant cette période, ce continent connaît deux phases de refroidissement, l’une vers 36 000 ans et l’autre vers 30 000 ans avant le présent. Lors de celles-ci, à cause de la descente vers le sud de la calotte glaciaire et de l’extension des glaciers, la superficie des territoires habitables diminue, ce qui provoque la migration des grands herbivores en quête de nouveaux pâturages. Pour certains préhistoriens, les territoires de subsistance, notamment de chasse, se réduisant, une compétition territoriale entre les Néanderthaliens et les Hommes anatomiquement modernes se serait alors engagéeXCV. Cependant, d’après la nature des campements – de très courte durée –, les Néanderthaliens semblent avoir choisi l’évitement plutôt que le conflit. C’est peut-être cette mobilité accrue qui, entraînant une baisse de la natalité et une augmentation de la mortalité3, aurait provoqué une chute démographique qui leur aurait été fatale. Le faible brassage génétique observé chez les populations néanderthaliennes par les généticiens de l’Institut Max-Planck en Allemagne confirme qu’elles étaient peu nombreuses (quelques centaines d’individus en Europe) et qu’elles n’auraient jamais atteint une densité assez élevée pour permettre l’existence de groupes locaux autosuffisants du point de vue démographique. Il était donc indispensable de tisser un réseau relationnel très étendu entre les petits groupes dispersés sur un vaste territoire. Reste que l’augmentation de la mobilité des Néanderthaliens à l’arrivée des Hommes modernes a renforcé le caractère aléatoire des rencontres entre les groupes.
Par ailleurs, plus une population est de petite taille, plus la variation d’une génération à l’autre quant à la proportion entre les sexes devient grande, d’où un déséquilibre néfaste à la survie du groupeXCVI. D’après les nouvelles données génétiques, la diminution des effectifs néanderthaliens aurait commencé à partir de 100 000 ans, donc bien avant l’arrivée des Homo sapiensXCVII. Des raisons d’ordre social ou culturel peuvent également avoir eu leur influence. L’arrivée d’humains différents mais qui leur ressemblaient a probablement bouleversé la perception qu’avaient les Néanderthaliens du monde environnant. Pourtant, plus forts, pas moins nombreux ni moins bien armés, ils auraient pu facilement expulser ces intrus de leur territoire. Mais ils ont préféré s’éloigner, peut-être pour des raisons liées à leurs mythes et à leurs croyances ou à leurs normes sociales (tabou du meurtre). Quoi qu’il en soit, l’hypothèse selon laquel...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Sommaire
  6. Avant-propos
  7. Introduction
  8. PREMIÈRE PARTIE - La préhistoire : « âge d’or » ou « aubes cruelles »
  9. DEUXIÈME PARTIE - Les causes de l’apparition de la violence et de la guerre
  10. TROISIÈME PARTIE - De la construction de la violence
  11. Quelques réflexions conclusives
  12. Glossaire
  13. Orientation bibliographique
  14. Notes
  15. Du même auteur
  16. Index