Dans ce nouveau chapitre, vous allez trouver, exposé, le traitement qui a été mis au point par notre équipe de recherche pour aider les personnes souffrant d’un trouble d’anxiété généralisée. Ce traitement a pour fondement le modèle théorique décrit au chapitre 3. Les actions et les interventions qui sont proposées dans les pages suivantes ont été validées à maintes reprises. Adopté et utilisé par de nombreux psychologues privilégiant l’approche cognitivo-comportementale, ce traitement original donne des résultats intéressants.
Le traitement cognitivo-comportemental
En psychologie, il y a différentes manières d’interpréter un seul et même problème et, partant, presque autant de façons de travailler à la résolution de ce problème. En ce qui regarde la thérapie appelée cognitivo-comportementale, elle a pour principal objet d’amener le « patient » à établir des liens entre ses pensées et ses comportements, dans le but de l’aider à corriger les pensées qui déclenchent ou entretiennent la réaction anxieuse, mais aussi à modifier les comportements qui s’ensuivent. Pour arriver à ces résultats, le traitement soutient le « patient » jusqu’à ce qu’il soit en mesure de comprendre la nature des difficultés qu’il connaît et aussi de « passer à l’action » afin de changer ce qu’il souhaite changer.
Une personne exagérément anxieuse qui commence une psychothérapie ne sait pas nécessairement très bien d’où provient son problème. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC), propose une nouvelle compréhension du problème d’anxiété et aide à acquérir de nouvelles aptitudes mentales, comme concevoir à l’égard de ses difficultés des explications valables et réalistes ; essayer et mettre en application de nouvelles solutions, évaluer les résultats obtenus à la suite de ces essais ou utilisations.
Si vous désirez entreprendre avec nous ce traitement, vous devez vous engager à fond : c’est essentiel. Il s’agit en quelque sorte de devenir son propre thérapeute. Pour appuyer cette démarche, des exercices, des questionnaires et des grilles d’auto-observation servant à l’exploration approfondie de chaque élément ou objectif du processus vous sont proposés. Un conseil : pour que le traitement soit efficace et approprié, soyez méthodique ; nous vous recommandons de faire les exercices et de remplir les questionnaires et les grilles au fur et à mesure qu’ils sont présentés.
Votre participation active est la condition sine qua non de la réussite et du changement. Plus vous testerez vos propres hypothèses, c’est-à-dire plus vous ferez vos propres expériences pour vérifier si votre explication est bonne, et plus vous mettrez en pratique ce que vous apprenez, plus vous deviendrez habile à le faire et, conséquemment, plus votre confiance en vos propres capacités se développera.
Explication
Nous avons comme objectif de vous aider à devenir votre propre thérapeute.
Les activités et les interventions qui vous sont proposées dans le cadre de ce traitement touchent chacune des composantes du modèle théorique que nous vous avons présenté au chapitre précédent. Nous voulons vous aider, si vous en êtes d’accord, à dominer vos soucis en agissant sur les facteurs qui déclenchent ces soucis et sur les facteurs qui les maintiennent. Les trois aspects qui sont l’objet de ce processus sont les croyances erronées quant à l’utilité du souci, l’intolérance à l’incertitude et l’orientation mentale ou psychique à l’égard des problèmes.
Les croyances erronées relatives à l’utilité du souci
Voici un exemple de croyance erronée à l’égard de l’utilité du souci : « Avoir peur d’avoir un jour un cancer me permet d’être plus vigilante. » Dans les faits, se faire du souci au sujet de quelque chose ne signifie pas prendre des mesures plus efficaces. Des examens de routine effectués par un médecin et quelques mesures préventives suivies de façon correcte suffisent le plus souvent pour dépister l’apparition possible d’une maladie.
L’intolérance à l’incertitude
L’intolérance à l’incertitude peut s’exprimer comme suit : « Je ne supporte pas de ne pas savoir si mon fils va passer dans la classe supérieure. » Même avec la meilleure volonté du monde, personne ne peut prédire ce qui se passera dans l’avenir. Il est plus profitable de mettre en œuvre certaines mesures qui permettront de prendre des décisions judicieuses éclairées ou d’employer les moyens nécessaires pour corriger ou améliorer la situation qui pose un problème. Dans le cas qui nous occupe, la maman a choisi de rencontrer la maîtresse de son garçon afin de discuter de la situation et d’envisager certaines mesures pour mieux soutenir son fils sur le plan scolaire.
L’orientation mentale ou psychique à l’égard des problèmes
Un exemple pour illustrer ces difficultés : « Au travail, dès qu’un problème informatique survient, explique Bernard, je me dis tout de suite que je ne vais pas être capable de le résoudre et je me sens un peu anxieux. Avant même d’essayer quoi que ce soit, je fais appel au technicien. Tout ça me retarde énormément. Du coup, je ne suis plus en mesure de respecter les échéances. » Nos réactions initiales, quand il nous faut résoudre un problème ou accomplir une tâche, déterminent le plus souvent la façon dont nous allons aborder ce problème ou cette tâche. Dans le cas de Bernard, le problème qui se pose de manière soudaine est plus perçu comme une menace que comme un défi. Si Bernard considérait la situation comme une nouvelle tâche à effectuer et essayait de s’en acquitter au lieu de baisser les bras, peut-être apprendrait-il à résoudre cette difficulté et en bénéficierait-il ultérieurement.
La démarche que nous vous proposons ici se partage en six étapes qui sont définies par autant d’objectifs. Évidemment, il est préférable d’atteindre entièrement un objectif avant d’aborder l’objectif suivant. Dans la pratique, il est plus facile de savoir quand passer à un nouvel objectif lorsque l’on est supervisé par un « psy ». Dans le présent contexte, vous passerez au prochain objectif quand vous aurez l’impression d’être parfaitement à l’aise avec les notions et le matériel présentés — par exemple quand il sera devenu plus facile pour vous de reconnaître vos soucis et d’évaluer votre degré d’anxiété ou encore quand vous aurez à plusieurs reprises, dans diverses activités quotidiennes, mis en pratique les nouvelles mesures ou exploité les nouveaux outils.
Vos six objectifs à atteindre sont les suivants :
• Prendre conscience de vos soucis et de votre anxiété.
• Modifier votre degré d’intolérance à l’incertitude.
• Corriger vos croyances quant à l’utilité du souci.
• Améliorer votre orientation mentale à l’égard des problèmes (en tirant parti de la résolution de problèmes).
• Diminuer l’évitement des pensées qui suscitent la crainte ou la peur.
• Prévenir ou contrecarrer le retour des soucis.
L’apprentissage et la mise en application de la méthode de travail que nous vous proposons faciliteront votre « passage à l’action ».
Mémo
Une participation active de votre part est essentielle.
Premier objectif : prenez conscience de vos soucis et de votre anxiété
La fréquence comme l’intensité des soucis et de l’anxiété varient énormément d’une personne à l’autre ou d’une période de la vie à l’autre. Il arrive parfois que les soucis et l’anxiété deviennent si intenses et si envahissants qu’ils nuisent au fonctionnement quotidien d’une personne et à sa qualité de vie. C’est généralement à ce moment-là qu’on se rend compte que sa tendance à se faire du souci est devenue excessive. Prendre conscience que l’on est aux prises avec une difficulté ou un problème est un préalable au changement ; c’est même une première étape essentielle. On ne peut, en effet, modifier volontairement quelque chose que l’on ignore complètement !
Le premier objectif que nous vous proposons consiste justement à apprendre à reconnaître quels sont vos soucis excessifs, quelles sont les situations ou les pensées qui les déclenchent et quelles sont les situations ou les pensées qui les maintiennent. Il existe différents moyens d’en prendre conscience. La manière la plus facile, et sans aucun doute la plus simple, est l’auto-observation : on s’observe soi-même, c’est-à-dire qu’on observe ses réactions, ses émotions, ses comportements, ses pensées.
En s’arrêtant au cours de la journée pour s’interroger sur ses réactions, ses pensées ou ses comportements face à certaines situations, on en apprend beaucoup sur soi et sur sa tendance à se faire du souci. Ainsi : quel est le sujet ou le thème de votre souci ? Comment ce souci a-t-il commencé ? Combien de temps a-t-il duré ? S’accompagnait-il d’un degré d’anxiété élevé ? S’interroger ainsi aide à bien cerner le problème que l’on éprouve. À titre d’exemple, revenons sur les deux premiers exercices que nous vous avons proposés au premier chapitre. Ils avaient pour titres « De quelle manière vous faites-vous du souci ? » et « Qu’est-ce qui vous inquiète et jusqu’à quel point ? ». Ce sont deux points de départ intéressants pour effectuer une auto-observation.
Afin de permettre une auto-observation aussi rigoureuse que possible, commençons par rappeler la définition du souci.
Mémo
Le souci est un ensemble de pensées, d’images et de doutes qui s’enchaînent à propos d’événements négatifs qui pourraient survenir dans l’avenir et qui s’accompagnent d’anxiété.
De cette définition, quatre éléments ressortent particulièrement.
– Les pensées, les images et les doutes sont des phénomènes cognitifs (rappelons que « cognitif » vient de « cognition », qui est synonyme de pensée). En d’autres termes, le souci, c’est quelque chose qui se passe dans la tête.
« On m’a avertie hier soir qu’il allait y avoir un jeune remplaçant à la garderie où va ma fillette de 2 ans. Je ne peux m’empêcher de penser que ça ne va pas bien se passer. Ma puce n’a jamais eu d’éducateur masculin… Je me dis qu’il ne va pas savoir quoi faire si elle pleure, si elle ne veut pas manger ou si elle tape sur un petit copain. Je n’arrête pas de l’imaginer en train de crier après ma fille ou de la frapper. »
« Je me demande souvent comment j’arriverais à payer tout ce que j’ai à payer si je perdais mon emploi… »
« Je me fais souvent du souci sur mon rendement au travail. Est-ce que je suis à la hauteur ?
– Les soucis concernent toujours quelque chose qui va se passer dans l’avenir. Il est possible que les soucis soient associés à une situation passée, mais ce sont les implications, les conséquences ou les retombées futures de cette situation qui préoccupent.
(Souci relatif à une situation à venir.) « Et si, au travail, on me remplaçait par quelqu’un de plus jeune ? Je pense qu’à 50 ans ce n’est pas facile de trouver du travail, surtout dans mon domaine. Je ferais aussi bien de mettre une croix sur mes projets de retraite ! »
(Soucis relatifs aux conséquences à venir d’une situation passée.) « Un collègue de travail et moi avons eu un différend la semaine dernière, et je crains que mon point de vue ait été mal interprété. Je me fais du souci à l’idée que ce collègue puisse avoir une mauvaise opinion de moi. »
– Lorsqu’une personne se fait du souci, elle anticipe des conséquences négatives. Dans les exemples précédents, les « prévisions » ne sont pas très positives, n’est-ce pas ?
– Le souci constitue une anticipation négative et s’accompagne toujours d’un certain malaise physique et psychologique que l’on appelle « anxiété ». L’intensité de cette anxiété peut varier énormément.
« L’idée que ma fille puisse ne pas s’entendre avec ce nouvel éducateur m’a tellement préoccupée que j’ai eu du mal à trouver le sommeil. Dans la soirée, je n’ai rien pu avaler, j’avais des tensions dans la nuque et je n’arrêtais pas de râler. »
« Lorsque je me dis que je pourrais perdre mon travail et que l’engrenage des images négatives est déclenché, je deviens nerveux, irritable. Au bureau, je tourne en rond, je ne sais plus quoi faire en priorité. J’ai l’impression d’être à bout. »
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