La Grande Rupture
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La Grande Rupture

Réconcilier Keynes et Schumpeter

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La Grande Rupture

Réconcilier Keynes et Schumpeter

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À propos de ce livre

L'ambition de ce livre est d'apporter des réponses aux questions qui hantent aujourd'hui les démocraties occidentales. Faut-il augmenter les salaires?? Comment faire de l'innovation une source de nouveaux emplois?? Faut-il favoriser les investissements d'expansion pour lutter contre le changement climatique?? Comment éviter que la jeunesse soit une génération sacrifiée?? Faut-il parier sur la qualification des emplois?? Enfin, ne faut-il pas investir davantage dans le social?? C'est à partir de six nouvelles répartitions des revenus, du travail, des qualifications, des innovations, au sein de la société et de ses différentes générations, que peut s'établir une croissance durable, inclusive et partagée par tous. Ce livre marque un tournant majeur dans la réflexion économique. Il se fonde sur la réconciliation entre ces deux grands économistes?: Keynes, l'homme de la demande et du rôle de l'État, et Schumpeter, celui de l'innovation et de l'entrepreneur. Seule cette audace permet de penser le paradigme sur lequel devrait se construire l'économie de sociétés enfin apaisées. Jean-Hervé Lorenzi est professeur émérite de l'université Paris-Dauphine, président des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, président de la chaire « Transitions démographiques, Transitions économiques ». Alain Villemeur est ingénieur de l'École centrale de Paris, docteur ès sciences économiques, directeur scientifique de la chaire « Transitions démographiques, Transitions économiques ».

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2021
ISBN
9782738156495

CHAPITRE 1

L’interminable querelle autour de l’offre et de la demande


Stimuler l’offre ou soutenir la demande ? Cette alternative, vieille de plus de deux cents ans, a opposé de célèbres économistes. Adam Smith, David Ricardo, Milton Friedman ou Joseph Schumpeter d’un côté, Robert Malthus, Karl Marx, John Maynard Keynes ou Nicolas Kaldor de l’autre… Avec pour question initiale : quel est le rôle respectif de l’offre et de la demande dans la croissance économique ?
Ces deux camps sont loin de se rapprocher dans leur manière d’appréhender ce sujet. Celui qui donne le premier à l’offre un rôle déterminant n’est autre qu’Adam Smith pour lequel la division du travail permet de rendre le travail individuel comme l’utilisation des machines plus efficaces. Cette division du travail n’est pas sans favoriser l’extension des marchés et l’augmentation des capacités de production. Les tenants de la demande, mieux connus depuis que le monde est devenu keynésien, ont pour ancêtre Thomas Malthus. Selon lui, la demande est fonction de la population qui change selon le fonds de salaire, c’est-à-dire le montant du capital consacré aux salaires des travailleurs. Si ce fonds se montre insuffisant, situation à laquelle la population va s’adapter, il détermine ainsi les conditions même d’un nouvel équilibre.
Dans les deux cas, les positions sont fixées dès le départ. Malgré leurs nombreux épigones, elles gardent ce caractère exclusif, déterminées par leur choix initial. Pourquoi en rester à ce dualisme semble-t-il indépassable et pourtant réducteur ? La raison est à trouver dans la discipline économique elle-même qui, à l’instar de bien d’autres sciences sociales, souffre des symptômes de ce que l’on pourrait appeler une obsession quasi maladive. Cette question n’a en rien perdu de son actualité comme l’illustre la pandémie du Covid-19 : la chute de l’offre, due au confinement des travailleurs et à la fermeture des usines, se conjugue avec une chute de la demande, provoquée par une moindre consommation des ménages. Offre et demande, par leur faiblesse, se mêlent inexorablement dans cette crise sans pareil, ce qui invite à abandonner les approches simplistes, à renouveler le cadre des interrogations et des pensées d’ordre économique.
Après la grave crise financière de 2008 et la Grande Récession qui a suivi, les économistes classiques se sont trouvés doublement en échec. Ils ont pensé, en effet, cette crise impossible, alors qu’elle a mené à une dépression analogue à la grande crise de 1929, puis se sont résolus à adopter des plans de relance de nature keynésienne. Ils se sont aussi montrés impuissants à remettre les pays développés sur le chemin d’une croissance soutenable, équivalente à celle d’avant la crise. Durant les dix ans qui ont suivi, la prospérité s’est durablement éloignée, l’austérité s’est souvent imposée, et la plupart des pays développés avaient une croissance en berne avant que ne surviennent, en 2020, la pandémie du Covid-19 et ses conséquences sanitaires et économiques désastreuses.
Faut-il choisir entre les politiques de l’offre et celles de la demande, au risque d’y mêler des raisons idéologiques, sans tenir compte de leurs graves conséquences, comme l’a amplement démontré l’histoire ? C’est là une fausse alternative. La croissance économique est le fait de l’interaction entre l’augmentation de l’offre et celle de la demande et ce dans une sorte de mouvement perpétuel. De la qualité de cette interaction dépend le dynamisme de l’économie. Une position défendue par les économistes post-keynésiens, en particulier par Nicolas Kaldor et Joan Robinson.

Un débat obsessionnel

Les économistes n’ont pas su échapper à cette sorte de malédiction qu’est le conflit entre des positions si tranchées qu’elles se condamnent à rester partielles. Certes, bien des synthèses ont été proposées, notamment autour du modèle keynésien, mais elles ont fait perdre à la réflexion initiale toute sa force et une partie de son intérêt. Comment sortir de l’impasse ? Une tâche difficile si l’on songe à la philosophie, discipline souvent à l’origine de réflexions économiques, et à son histoire où une pensée se construit souvent contre celle qui l’a précédée. Comment réconcilier Thomas Hobbes et son cadet, John Locke, dont les conceptions de l’État sont aux antipodes l’une de l’autre ? Et, au cœur du XXe siècle, n’est-ce pas un grand duel qui oppose trois grandes figures de l’intelligentsia française, Jean-Paul Sartre d’un côté, Claude Lévi-Strauss ou Michel Foucault de l’autre, signant la mort de l’existentialisme face à la toute-puissance de la structure ?
Les sciences dures elles-mêmes ne sont pas exemptes de corrections, de rectifications, voire de ruptures épistémologiques, le passage à la géométrie non euclidienne ou à la mécanique non newtonienne par exemple. C’est, pour le philosophe Gaston Bachelard, le propre du nouvel esprit scientifique dont la maxime pourrait s’énoncer ainsi : la connaissance n’est qu’approchée et l’exactitude un mythe. C’est dire combien l’économie se plie, elle aussi, au rythme discontinu de sa propre réflexion, en particulier sur la priorité à accorder soit à l’offre, soit à la demande. À l’origine de ce conflit, cette célèbre « loi de Say » dont Gérard Duménil a bien raison de dire qu’« il y a bien loin de la formulation du fondateur aux présentations des critiques modernes1 ». C’est bien cette loi, revue et corrigée, qui sert de fondement au credo libéral comme d’axiome fondamental à l’approche libérale des phénomènes économiques. Selon que l’on y adhère ou pas, on parle ou non de crise, on évoque ou non l’idée d’une modification structurelle des conditions de production et de consommation, comme la réduction du temps de travail.
Cette loi est au centre du débat sur l’existence de crises dans le système capitaliste : « […] un produit terminé offre dès cet instant un débouché à d’autres produits pour tout le montant de sa valeur2 », ce qui revient à dire que, sauf thésaurisation, ce qui est produit peut être acheté. Mais cette proposition a été simplifiée à l’extrême, ce que l’économiste anglais Alfred Marshall résume très bien : « C’est un axiome familier aux économistes de dire qu’un individu achète avec la partie de son revenu qu’il épargne, juste autant de travail et de biens dont on dit vulgairement qu’il la dépense3. » L’Écossais James Mill a traduit en 1808 la loi de Jean-Baptiste Say par la formule « supply creats its own demand », « toute offre crée sa propre demande4 ». La « loi de Say » ou « loi des débouchés » suppose ainsi qu’une entreprise, en mettant un bien sur le marché, donne l’équivalent de sa valeur à ses salariés sous forme de salaires et à ses actionnaires sous forme de dividendes. Ce qui revient à dire que la demande ne se forme que suite à l’offre de biens et services. Si des déséquilibres se produisent sur certains marchés où des marchandises ne trouvent pas d’acheteurs, Say rétorque que « certains produits surabondent parce que d’autres sont venus à manquer5 ». Autrement dit, il s’agit là d’une simple question de répartition, refoulant au plus loin l’idée d’une surproduction, d’une récession ou d’une dépression !
Si les tenants de la demande sont nombreux, c’est sans doute un nouveau modèle d’organisation de l’entreprise qui exprime le mieux cet autre versant de la réflexion. Une des traductions du fordisme, en effet, est ce fameux « 5 dollars a day », la décision prise en janvier 1914 par Henry Ford lui-même de porter le salaire minimum de ses ouvriers à 5 dollars par jour tout en réduisant à huit heures la durée de leur travail. Une surprise à l’époque, dans un pays confronté à un ralentissement économique, où le salaire journalier des ouvriers américains de l’automobile oscille entre 2 et 3 dollars selon leur degré de qualification et leur rendement. En permettant à l’un de ses ouvriers non qualifiés de gagner plus qu’un ouvrier qualifié dans une entreprise concurrente, le maître de Dearborn n’obéit en rien à un coup de tête passager. En janvier 1919, le salaire minimum des ouvriers, qualifiés ou non, passe ainsi à 6 dollars puis, en décembre 1929, à 7 dollars. À cette date, les 16 000 ouvriers des usines Ford perçoivent un montant de salaires équivalent à celui de l’ensemble des fonctionnaires français ! Or le « 5 dollars a day » constitue pour Ford la garantie même du développement de l’accumulation : « Notre propre réussite dépend en partie de ce que nous payons. Si nous répandons beaucoup d’argent, cet argent est dépensé. Il enrichit les négociants, les détaillants, les fabricants et les travailleurs de tous ordres et cette prospérité se traduit par un accroissement de la demande pour nos automobiles. » Ces quelques lignes bien connues traduisent la contribution essentielle de Henry Ford au rôle majeur que joue la demande.
Comment situer Karl Marx dans ce débat ? Une de ses analyses porte sur la distorsion inévitable entre la production capitaliste et les capacités du marché. Pour lui, il est moins question de surproduction que de sous-production dans la mesure où c’est le profit des capitalistes qui limite la production, non le besoin des producteurs. Son approche n’est pas sans rappeler la « conversion » de Sismondi, du libéralisme le plus intransigeant à l’interventionnisme le moins respectueux des lois du marché, suite à la découverte des conséquences désastreuses de la nouvelle économie de marché. Marx ne dit rien d’autre dans ces propos si souvent repris : « La raison ultime de toutes les crises réelles, c’est toujours la pauvreté et la consommation restreinte des masses, face à la tendance de l’économie capitaliste à développer les forces productives comme si elles n’avaient pour limite que le pouvoir de consommation absolu de la société6. » À cette analyse qui satisferait plus d’un keynésien va se substituer une nouvelle explication, plus conforme à la tradition marxiste, où la crise n’est plus le fait d’une sous-consommation ou d’une surproduction, mais d’une baisse du taux de profit engendrée par la productivité croissante du travail.
C’est jusqu’aux plans de relance qui ont été reliés soit à l’offre, soit à la demande. Trois noms, associés à trois plans très différents, illustrent cette idéologie de l’action publique qui transparaît à travers le terme de relance. Ils ont eu bien des prédécesseurs, un Colbert pour n’en citer qu’un, mais Charles de Freycinet, Walter Rathenau et Robert Moley ont tous les trois placé le plan qu’ils défendaient sous les auspices soit de l’investissement, soit de la consommation. Le choix de ces acteurs peut paraître arbitraire, mais comment ne pas voir que le plan Freycinet est l’illustration parfaite d’une dynamique de l’offre. Les décisions de 1878 portent sur le développement soutenu du chemin de fer à même de le rendre accessible à tous les Français, de façon à favoriser le développement économique du pays et à désenclaver certaines régions. Le plan prévoit ainsi la construction d’un réseau de 16 000 kilomètres, réseau permettant de relancer l’économie qui stagne depuis 1870-1871 et de renouer avec la croissance de 1895 à 19147. Premier plan de relance économique de grande envergure grâce aux investissements réalisés dans cette nouvelle technologie qu’est le rail, il remporte un vrai succès sur tous les territoires, suscite une nouvelle confiance dans l’avenir et stimule l’industrie, de la construction de hauts fourneaux à la production de tôles et de rails en acier.
Walter Rathenau, sans doute moins connu aujourd’hui qu’à son époque, est le premier à utiliser le terme de « planification » dans une conférence donnée en 1915, au succès mondial sur la coopération inédite qu’il propose entre les entreprises et le gouvernement et qu’il a mise en œuvre lors de son passage au ministère de la Guerre allemand. ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Introduction
  5. CHAPITRE 1 - L'interminable querelle autour de l'offre et de la demande
  6. CHAPITRE 2 - De la violence des inégalités au primat de la répartition
  7. CHAPITRE 3 - La menace de la stagnation séculaire
  8. CHAPITRE 4 - Un nouveau paradigme pour la croissance au XXIe siècle
  9. CHAPITRE 5 - Un nouveau monde fondé sur six répartitions
  10. CHAPITRE 6 - Une croissance durable et inclusive
  11. Sommaire