Réflexions sur l'antisémitisme
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Réflexions sur l'antisémitisme

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Réflexions sur l'antisémitisme

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L'antisémitisme réapparaît chaque fois qu'une société est fragilisée, dans son économie comme dans ses institutions politiques. Il est la maladie de nos sociétés démocratiques: il vise à en saper les fondements, à nier l'unité que la république entend instaurer entre les citoyens. De l'assassinat d'Ilan Halimi aux attentats de l'Hyper Cacher, en passant par les meurtres perpétrés par Mohamed Merah contre des enfants, ces actes de violence antisémite ont annoncé les attaques terroristes qui ont plus tard ensanglanté la France. Quelles réponses y apporter? Comment s'en prémunir? Le punir ou le prévenir? Quelles raisons peuvent en effet expliquer la montée de l'intolérance et la remise en cause des principes républicains? C'est à ces questions que s'attache cet ouvrage, qui réunit historiens et philosophes, mais aussi acteurs de terrain. À travers la question de l'antisémitisme, c'est une analyse de la situation actuelle de la France qui est ainsi donnée. Dominique Schnapper est membre honoraire du Conseil constitutionnel, auteur notamment de Travailler et aimer. Paul Salmona est directeur du Musée d'art et d'histoire du judaïsme. Perrine Simon-Nahum est philosophe et directrice de recherches au CNRS. Avec les contributions de Joëlle Allouche-Benayoun, Dan Arbib, Georges Bensoussan, Jean-Yves Camus, Danielle Cohen-Levinas, Emmanuel Debono, Vincent Duclert, Steven Englund, Bernard Godard, Valérie Igounet, Günther Jikeli, Laurent Joly, Marc de Launay, Jean-Pierre Obin, Philippe Oriol, Mgr Pierre d'Ornellas, Philippe Raynaud, Carole Reynaud- Paligot, Jean-Pierre Winter, Paul Zawadzki.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2016
ISBN
9782738159083

HISTOIRE



Affronter l’antisémitisme en France :
un combat dreyfusard méconnu


Vincent Duclert

Aborder la question de l’antisémitisme en France et sa persistance, notamment depuis le temps de l’antisémitisme d’État du régime de Vichy qui fut synonyme de corruption du patriotisme et de collaboration avec le nazisme, oblige à revenir sur l’affaire Dreyfus. Cet événement a signifié l’irruption de l’antisémitisme dans la société, dans l’État et dans la politique en France, comme dans d’autres sociétés occidentales. Néanmoins, l’importance de l’affaire Dreyfus pour penser le sujet est régulièrement contredite par des affirmations plus doctrinales qu’historiennes, soulignant l’allergie de la France aux idéologies antisémites. À l’inverse, des travaux de première main, souvent discutés, attestent l’ampleur et la profondeur du phénomène. Au milieu de ces débats vifs et récurrents, on observe un angle mort : celui de la résistance dreyfusarde à l’antisémitisme, que nous nous proposons d’étudier dans les pages qui suivent.

L’antisémitisme de l’affaire Dreyfus en débat

La position de René Rémond déniant à l’antisémitisme toute importance dans l’affaire Dreyfus illustre l’euphémisation1. L’historien relève, dans l’un de ses derniers livres, paru en 2002, un mécanisme de reconstruction postérieure de l’événement au regard d’un phénomène censé être plus imaginaire que réel. René Rémond est dans son rôle lorsqu’il rappelle cette loi des sociétés contemporaines qui veut que le regard porté sur le passé interroge celui-ci moins pour lui-même que pour les réponses qu’il offre aux questions que nous nous posons sur le présent. Est-ce cependant un problème dès lors que nous nous interrogeons sur les racines d’un antisémitisme toujours actif ? Cette thèse d’une reconstruction de l’événement par une préoccupation qui serait étrangère à l’exigence d’une connaissance historienne, voire qui s’y opposerait, demanderait de plus à être démontrée.
René Rémond ne fait ni l’un ni l’autre. Il adopte une posture d’autorité dénonçant des approches qui mettent en lumière à la fois l’importance de l’antisémitisme dans l’affaire Dreyfus et l’indifférence des historiens contemporanéistes à l’égard des racines historiques d’un antisémitisme présent, faisant écho, dans une certaine mesure, à un dédain pour l’antisémitisme lui-même.
Les approches critiques d’un certain conservatisme sont exprimées par Zeev Sternhell dans sa thèse d’une matrice d’un fascisme apparu à la fin du XIXe siècle en France, lié à l’affaire Dreyfus et prolongé à travers l’importance de l’antisémitisme chez les antidreyfusards, ainsi que par Pierre Birnbaum en 1998 lors de la parution du Moment antisémite : un tour de la France en 18982. Apparus au début des années 1980, les travaux de Sternhell ont suscité des réactions d’autant plus vives chez René Rémond que l’auteur avait été son élève3. Sans avancer la thèse d’une matrice d’un fascisme français et s’attachant davantage à prouver l’existence d’un antisémitisme structurel, Pierre Birnbaum s’opposait de son côté à cette historiographie minimisant le phénomène. Ces controverses ont été récemment relancées par la parution en 2015 de Jour de colère, qui fait le lien entre les manifestations actuelles de l’antisémitisme et les années 1898, comme le souligne Pierre Birnbaum en titrant : Sur un nouveau moment antisémite4. S’agissant des thèses défendues par Zeev Sternhell, la bataille a repris avec la publication d’un livre d’entretiens menés par le journaliste et spécialiste Nicolas Weill, auquel a répondu un contre-ouvrage dirigé par deux de ses opposants historiques, Serge Berstein et Michel Winock, et réunissant un aréopage de chercheurs5.
L’analyse de l’antisémitisme fin-de-siècle et de l’impact de l’affaire Dreyfus sur son développement constitue le point nodal de la réflexion comme de la dispute. Sa sous-estimation pourrait signifier que la France et, en son sein, les élites républicaines n’auraient pas su prendre la mesure de la gravité du phénomène, expliquant alors que le pays s’en serait accommodé, que la société et les institutions se seraient même acculturées à la haine des juifs, d’autant plus dangereuse que tue et silencieuse. Ainsi s’expliquerait la persistance de l’antisémitisme après l’affaire Dreyfus en dépit de la victoire des dreyfusards, puis au lendemain de la Première Guerre mondiale malgré l’héroïque participation des soldats et officiers de confession juive à la victoire, précédant son explosion dans les années 1930 jusqu’à l’antisémitisme organique du régime de Vichy, un antisémitisme jamais disparu, agrégé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale au nationalisme français et qui croise maintenant les courants antisémites du fondamentalisme musulman.
De récents travaux ont souligné que l’antisémitisme de l’affaire Dreyfus n’avait pas constitué un enjeu pour les républicains, qui l’ignorèrent largement, notamment en raison de sa propension à l’amateurisme, du caractère instable de ses partisans et de son désordre doctrinaire le rendant incapable de produire une idéologie politique. L’antisémitisme serait sans objet d’un point de vue politique, souligne Bertrand Joly dans une étude d’ampleur sur l’affaire Dreyfus6. L’historien choisit de s’intéresser aux mutations des nationalistes qui entretiennent, pour une partie d’entre eux, avec les antisémites des relations troubles propres à diluer l’antisémitisme dans des protestations confuses et indistinctes. Un autre historien, Steven Englund, travaillant sur les antisémitismes français, allemands et austro-hongrois, s’applique à montrer la faiblesse structurelle et politique du premier en comparaison des deux autres7. Ces acquis de la recherche, certes fondés, découlent de cadres méthodologiques qui ne prennent pas en compte l’ensemble du phénomène antisémite en France – du moins durant l’affaire Dreyfus, à laquelle il est associé. Le rôle intellectuel et sa dimension politique sont ainsi minorés par Bertrand Joly.
La comparaison d’empires et d’une république explique pourtant que l’antisémitisme n’ait pas la même signification dans un régime d’État de droit et d’égalité civique que dans un système fondé sur l’inégalité des statuts, interdisant, par exemple, comme en Allemagne, à un juif d’accéder au grade d’officier dans l’armée et encore moins de pénétrer l’état-major général8. Même si l’antisémitisme est appelé à se montrer toujours moins fort en France qu’en Allemagne, le fait qu’il ait justifié en partie l’élimination du capitaine Dreyfus représente une négation des principes sur lesquels se fonde la République et qu’avait rappelés Charles de Freycinet, ministre de la Guerre, lors d’un discours à la Chambre des députés après la mort du capitaine Mayer, tué en duel par un antisémite notoire : « L’armée ne doit pas faire de distinction entre juifs, protestants et catholiques. » Il ajoutait : « Une telle division de l’armée est un crime contre la nation9. »
Les comparaisons européennes justifient une critique de la forme des régimes qui développent l’antisémitisme. Fonctionnant comme un système idéologique s’imposant à l’ensemble de la vie politique et impériale, l’antisémitisme allemand ne présente pas dans ses manifestations de caractère aussi transgressif que dans un régime démocratique (ou se définissant comme tel). Il n’en demeure pas moins qu’il mérite d’être étudié en profondeur. En France, à l’inverse, où les acquis civiques excluent toute discrimination fondée sur la race ou sur la religion, l’irruption de l’antisémitisme au sein même des institutions, qu’elles soient parlementaires, militaires ou judiciaires, constitue une rupture de l’ordre constitutionnel et une transgression majeures des valeurs politiques, lourdes de menaces pour l’avenir de la République. Que l’antisémitisme français n’ait pas le caractère structurel et organique de l’antisémitisme allemand ne saurait atténuer la portée du premier puisqu’il a dû forcer, pour pénétrer l’État, de puissantes barrières légales. Rien de cela n’existe dans le cas allemand, qui a intégré l’antisémitisme dans son fonctionnement : c’est donc un système oppressif qui existe, à l’opposé du système transgressif qui se développe en France.

Des intellectuels juges de l’antisémitisme

La transgression survenue en France avec l’affaire Dreyfus a été rapidement identifiée, d’abord de manière isolée mais éloquente par le premier des dreyfusards, le jeune écrivain et journaliste Bernard Lazare, juif et anarchiste. Celui-ci démontra dès 1896 que l’antisémitisme non seulement a pesé sur la condamnation du capitaine Dreyfus, mais que la situation judiciaire qui lui est faite dans la France républicaine menace les principes fondamentaux gouvernant la justice et restreint dramatiquement la garantie même de cette dernière à l’ensemble des Français. L’injustice faite à un juif est annonciatrice à ses yeux d’un système d’arbitraire généralisé dont il a déjà perçu la menace avec la promulgation des « lois scélérates » et les procès contre les anarchistes, et qui frappait cette fois, à travers un officier innocent d’un crime de trahison, une population bien plus importante et sans lien avec aucun engagement politique. De plus, l’accusation dressée contre le capitaine Dreyfus fait écho aux procès rituels faits aux juifs dans le passé, particulièrement au Moyen Âge.
Très vive en 1894 et 1895, au moment de l’arrestation d’Alfred Dreyfus, de son procès et de la dégradation suivie de son transfert au bagne – il manque d’être lynché par la foule à La Rochelle –, l’expression publique et sans entraves de l’antisémitisme reflue, mais ne disparaît pas pour autant, comme l’attestent les attaques contre Bernard Lazare10 de la part de La Libre Parole, suivies de la contre-offensive qu’il lance à travers une série d’articles parus dans Le Voltaire du 20 mai au 14 juin 1896. Il annonce d’emblée que le temps de l’inaction et de la soumission des juifs à l’antisémitisme est définitivement révolu et que, pour ce qui le concerne en tout cas, celui de la résistance et de l’action a commencé. Le calvaire infligé au capitaine Dreyfus ne fait encore l’objet d’aucune protestation significative, mais Bernard Lazare y travaille et la révélation, dans Le Figaro encore, des terribles conditions d’internement sur l’île du Diable va l’y aider. Sa première brochure en défense du capitaine Dreyfus et de la justice, préparée depuis plus d’un an, paraît enfin à Bruxelles début novembre 1896. Elle place l’antisémitisme au cœur de sa démonstration et de sa protestation.
Un an plus tard, la question soulevée par Bernard Lazare fait l’objet de sa part d’une puis de deux nouvelles brochures et gagne les milieux intellectuels déjà alertés, pour certains, de la machination survenue au procès de Dreyfus et de plus en plus inquiets devant l’antisémitisme grandissant dans l’opinion publique. Si les deux faits ne sont pas clairement reliés – le respect de l’institution judiciaire et militaire restant très fort –, en revanche cette inquiétude est de plus en plus explicitement exprimée. Elle ne l’est pas des milieux politiques bien étudiés par Bertrand Joly, à l’exception notable il faut le dire de Clemenceau, de Jaurès11 et de quelques députés radicaux et socialistes de moindre envergure mais d’engagement comparable ou plus fort. L’inquiétude face à l’antisémitisme et le devoir de répondre à cette forme de vertige de la société ruinant ses bases morales gagnent les milieux intellectuels. Ceux-ci ne sont pas habituellement reconnus comme faisant partie de la classe politique républicaine. Néanmoins, leur naissance au cours de l’Affaire répond au besoin de faire de la politique différemment ou, pour le dire plus simplement, de suppléer la démission des forces politiques se tenant le plus possible à l’écart de la crise née de l’affaire Dreyfus, surtout dans la période électorale que constitue le début de l’année 1898.
À travers l’« intellectuel », c’est le citoyen qui s’engage individuellement, conscient de sa responsabilité dans la survie des valeurs démocratiques et de son devoir de solidarité avec ceux qui en sont exclus, figure que revendiquent plus que tous l’écrivain, l’artiste et principalement le savant, comme le relève Émile Durkheim après le procès Zola : « Accoutumés par la pratique de la méthode scientifique à réserver leur jugement tant qu’ils ne se sentent pas éclairés, il est naturel qu’ils cèdent moins facilement aux entraînements de la foule et au prestige de l’autorité. Non seulement l’individualisme n’est pas l’anarchie, mais c’est désormais le seul système de croyances qui puisse assurer l’unité morale du pays12. »
Une conception de l’histoire politique centrée sur l’étude du personnel et des mécanismes parlementaires aussi bien que gouvernementaux reste légitimement silencieuse sur la question politique de l’antisémitisme. Le désintérêt des milieux politiques pour ce type de manifestation n’épuise cependant pas la totalité du fait politique. L’abstention des républicains devant l’alliance confuse mais bruyante d’antisémites, de nationalistes et de catholiques et leur hostilité même envers l’engagement dreyfusard, qui s’emploie précisément à la repousser, justifient la naissance des intellectuels et leur volonté d’assumer une part de la légalité républicaine. Loin de pouvoir être confondus avec l’anarchie, les intellectuels dreyfusards s’attaquent à ce qu’ils perçoivent comme une menace fondamentale à l’égard de la démocratie et une remise en cause des valeurs constitutives de la France libérale. Un élargissement du sens politique permet donc d’accéder à cette histoire et de relire l’engagement dreyfusard, réputé universaliste et abstrait, au regard d’un combat contre l’antisémitisme qui soutient davantage encore cette implication dans le droit et la pensée de la démocratie moderne. Si l’on admet que les intellectuels relèvent de formes d’action politique sans constituer pour autant un parti, alors l’antisémitisme fut pris au sérieux en France et combattu directement, avec détermination et mobilisation individuelle autant que collective.
L’inquiétude pour le sort des juifs en France et le risque de parvenir à l’exclusion d’une partie des citoyens français pour des motifs raciaux ou religieux ont été, avant même la première brochure de Bernard Lazare, le souci d’Émile Zola s’exprimant dans Le Figaro par un article au fort retentissement, « Pour les juifs », le 16 mai 1896. Contrairement à ce que l’on ne mentionne pas ou peu, l’écrivain des Trois Villes et des futurs Quatre Évangiles s’est alarmé des faits d’antisémitisme dès ses premiers textes d’octobre et de novembre 1897, qui formeront par la suite le recueil La Vérité en marche13. Le très connu « J’accuse… ! » inclut une éloquente condamnation de l’antisémitisme et de son rôle dans la machination dirigée contre le capitaine Dreyfus. Quelques jou...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Avant-propos
  5. Introduction - Dominique Schnapper
  6. HISTOIRE
  7. XXIe SIÈCLE
  8. Bibliographie
  9. Les auteurs
  10. Table