Samedi 22 août 1914
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Samedi 22 août 1914

Un médecin dans la bataille

  1. 208 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Samedi 22 août 1914

Un médecin dans la bataille

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À propos de ce livre

En quelques heures, le samedi 22 août 1914, plus de 10 000 hommes sur un effectif total de 15 000 ont été tués, blessés ou portés disparus dans les Ardennes belges, entre Rossignol et Neufchâteau. Cette journée sera la plus meurtrière de l'histoire de France. Soldats, officiers et gouvernement comprennent que cette guerre ne sera pas ce qu'on imaginait. Sophie Delaporte donne vie à un jeune médecin pour écrire une histoire «à hauteur d'homme» et nous faire ainsi comme participer à l'horreur du champ de bataille. Dire la guerre avec les yeux de ceux qui l'ont faite: telle est l'ambition de ce livre. Tout ce qui est écrit est vrai et rigoureusement reconstitué à partir d'archives, de carnets et de témoignages. Sophie Delaporte est historienne, maître de conférences à l'université de Picardie, spécialiste des traumatismes, des pratiques de soins du XIXe siècle à nos jours. Elle est notamment l'auteur des Médecins dans la Grande Guerre, et des Carnets de l'aspirant Laby.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2016
ISBN
9782738160614
Sujet
History
Sous-sujet
World War I

Soir



19 heures-22 heures

image

« Il m’a offert son porte-monnaie pour que je le tue »


Alors que les derniers prisonniers disparaissaient, Narcisse vit arriver, venant de Saint-Vincent, un groupe d’une trentaine d’autres prisonniers parmi lesquels se trouvaient des hommes portant le brassard de la Croix-Rouge.
« Mon commandant, regardez, dit Narcisse se tournant vers le docteur Bresson. Ce sont des infirmiers du 2e régiment d’artillerie et, avec eux, le médecin René François. »
Il s’avança vers eux toujours escorté de soldats baïonnette au canon. Le personnel médical s’était porté en tête de ce petit cortège pensant protéger les blessés. Ils étaient à bout de forces.
« D’où venez-vous ?
— De la forêt de Bellefontaine, mon commandant, lui répondit le médecin auxiliaire François. Nous avons été faits prisonniers, il y a à peu près une heure. J’avais organisé un petit poste de secours dans une maison près de Tintigny et elle a été bombardée et incendiée, ils tiraient même à travers les portes, les fenêtres. On a descendu les blessés dans la cave mais quand l’incendie a gagné l’escalier, on a dû sortir et on s’est fait cueillir avec nos blessés. Et puis on en a ramassé d’autres dans le village et sur la route menant à Breuvanne. Et les Allemands nous ont dirigés jusqu’ici pour nous regrouper, criaient-ils. Qu’est-ce qu’on fait, mon commandant ? »
Le docteur Bresson s’employait déjà à parlementer avec l’un des officiers allemands, justifiant l’arrivée d’un personnel médical dont il avait grand besoin pour soigner les blessés du château mais aussi ceux restés dans le village, laissés sans soins. Il avait bien insisté sur les nombreux blessés allemands qu’il ne pourrait pas soigner avec un personnel si peu nombreux.
« D’accord, répondit le jeune lieutenant, les médecins et les infirmiers peuvent rentrer dans le château, mais pour les blessés, vous séparez ceux qui peuvent marcher. Ils ne peuvent pas rester ici, commandant. »
Sans doute par respect de l’autorité et de la hiérarchie n’avait-il pas osé décliner la demande du commandant Bresson. Il s’était même mis au garde-à-vous devant lui. Le docteur Bresson prit cela pour une petite victoire.
« Messieurs, si vous avez des blessés en état de marcher, vérifiez leurs pansements avant de les laisser aux Boches. »
Le docteur François lui expliqua qu’il ne pouvait infliger à ces hommes de nouveaux efforts, beaucoup avaient été blessés aux membres inférieurs et s’étaient traînés jusqu’ici, accrochés à leurs camarades.
« Bien, convenut Bresson, on les emmène au château, et, se tournant vers l’officier allemand, lieutenant, nous devons changer les pansements de ces blessés et les appareiller, pour l’instant ils ne peuvent pas repartir. Je vous les amènerai dès que nous en aurons terminé avec eux. »
Il tourna le dos à l’officier allemand et repartit en direction du château, suivi du petit cortège.
« Vous savez, commandant, reprit le docteur François, les Allemands n’ont pas toujours été aussi disposés que celui-là. Tout à l’heure, lorsqu’ils nous ont mis la main dessus, ils nous ont fait coucher à terre, avec les blessés, et ils continuaient à tirer juste au-dessus de nos têtes, avant de nous faire relever. On n’était pas fiers ! J’ai failli faire dans mon froc ! En venant, sur la route, j’ai soigné un groupe de blessés allemands. Il y en a un qui m’a offert son porte-monnaie pour que je le tue, tellement il était mutilé, en bouillie. C’était tentant, je vous le dis, mais j’ai eu pitié, je lui ai fait de la morphine, je ne pouvais pas l’abattre quand même !
— Et vous en avez vu des blessés, d’autres corps sur le chemin ?
— Non mais ça tirait encore quand les Boches nous ont rassemblés pas loin de Saint-Vincent, le 3e peut-être ?
— Peut-être, on n’en a pas encore vu.
— Demandez à la comtesse où l’on peut mettre ceux-là sans énerver les Boches. Voyez avec elle si, dans une cave ou un autre abri, il reste de la place pour une quinzaine de blessés », s’empressa le docteur Bresson auprès de l’un de ses infirmiers.
Avant de réunir le personnel soignant autour de lui. Narcisse l’écoutait attentivement. Il était très calme, très droit, il avait dirigé d’une main de maître tout son personnel depuis le matin, mis en place un véritable hôpital de campagne. Toute la journée, il avait vu passer entre douze cents et quatorze cents blessés, sans jamais perdre son sang-froid.
« Messieurs, nous allons essayer de nous organiser pour en soigner le plus grand nombre sans chatouiller les Boches. Ils acceptent de nous prêter des compresses, du coton, de la teinture d’iode, on n’en a presque plus. On fait des équipes avec un médecin et des infirmiers ou des brancardiers et vous emportez avec vous une table de pansements ou ce qui y ressemble. Deux équipes restent ici, les autres, vous allez chercher les blessés dans le village, dans les maisons, dans les granges, dans l’école ou dans l’église, partout où vous en trouverez. Il faut refaire leurs pansements et demander aux Boches leur évacuation. Le colonel a été très clair, ils seront évacués à l’arrière mais dans leurs propres formations avant les camps de prisonniers.
— Mon commandant, demanda Narcisse, et les blessés de ce matin, ceux de la forêt du 1er et du 2e restés à Neufchâteau, ils ont été relevés ?
— Je ne crois pas, lieutenant, ça, il faudra négocier avec les Boches. Vous vous répartissez les postes de secours. Et, s’adressant à l’ensemble du personnel médical, n’oubliez pas que nous sommes nous aussi leurs prisonniers. »

Peloton d’exécution et convention de Genève


Narcisse se retrouva avec Antonin et deux infirmiers du 2e RIC. Ils avaient travaillé toute la journée dans le château avec le docteur Bresson, ramenant des blessés, prenant tous les risques, ils étaient exténués. Les présentations furent rapides. Toujours placé sous escorte, le petit groupe quitta le château. L’église n’était pas très loin, Narcisse voulait revoir ses blessés, abandonnés après l’arrivée des Allemands dans le village. Il était un peu plus de 19 heures. Combien en restait-il ? Et dans quel état allait-il les retrouver ?
L’aspect du village n’avait pas beaucoup changé. Les rues étaient encore jonchées de cadavres, d’hommes et d’animaux, de débris matériels, mais l’armée allemande s’imposait par sa présence. Partout, l’uniforme gris avait rempli les rues du petit village ravagé et incendié. Deux soldats allemands les encadraient, d’autres ricanaient à leur passage. En bordure de la rue principale, des soldats boches s’empiffraient de nourriture, buvaient même du champagne.
« On dirait des goinfres, mon lieutenant, et nous, on n’a pas mangé depuis hier, et vous, mon lieutenant ?, demanda Étienne, l’un des infirmiers.
— Nous non plus, vous savez, on a pu boire de l’eau dans l’après-midi mais là, je mangerais bien quelque chose. Il vous reste de quoi manger ?, interrogea Narcisse.
— Rien, mon lieutenant, pas même une croûte de pain, annonça Étienne.
— Non seulement ils se moquent de nous, nous menacent avec leurs fusils ou leurs sabres mais en plus ils nous narguent avec leur nourriture. Ils sont vraiment d’une impolitesse crasse, reprit Antonin.
— Vous êtes sûr, mon lieutenant, qu’on peut pas leur demander un peu à manger ?, insista Étienne.
— On verra, on verra tout à l’heure, peut-être qu’on en trouvera de plus chics que ceux-là », finit Narcisse.
Dans l’église tout n’était que désolation. Il ne restait plus que cinq blessés allemands dits intransportables, les blessés français avaient quitté le lieu. Un infirmier allemand se trouvait avec eux. Il ne parlait pas français, mais s’adressa à Narcisse et à ses hommes sans retenue, arborant un large sourire qui les surprit.
« Et à celui-là, mon lieutenant, on peut pas demander à manger ? », reprit Étienne.
Narcisse le salua et tenta d’expliquer leur situation : « Nous afons un peu de pain, fous donner un peu et pommes de terre un peu aussi. »
Narcisse le remercia et s’assit quelques instants avec ses trois camarades, tous fourbus, mais la vue d’un pain rond et d’une pomme de terre les réjouit comme des enfants. Ils partagèrent le pain en quatre, Étienne remerciant avec effusion l’infirmier allemand, qui répétait : « Schön, schön. »
« Et les blessés français, où sont-ils partis ? », lui demanda Narcisse, inquiet de savoir ce qu’il était advenu des plus grièvement atteints et infectés. Mais là-dessus, l’infirmier allemand ne lui apporta aucune réponse. « Les gars, dit Narcisse, on peut lui demander à celui-là pour les blessés dans la forêt, s’il pense qu’on peut y aller, il sait peut-être quelque chose, cet ahuri », reprit-il en se tournant vers l’infirmier.
Celui-ci saisit la requête de Narcisse : « Voyez avec officier », lui répondit-il sèchement.
Ils sortirent de l’église non sans avoir à nouveau remercié l’infirmier allemand, et Narcisse se tourna vers l’une de ses escortes, réclamant à parler à un officier. On le dirigea vers un poste de commandement installé derrière l’église. Le petit groupe se posa devant un capitaine allemand.
« Mon capitaine, commença Narcisse, je viens vous demander l’autorisation de relever les blessés français tombés dans la forêt et d’y installer un poste de secours. »
Narcisse s’était trouvé tout près tout à l’heure lorsqu’il avait été amené dans l’ambulance installée par les Allemands à proximité de Neufchâteau.
« C’est hors de question, lui répondit l’autre en hurlant. Vos blessés seront relevés par nous et soignés par nous mais vous n’irez pas dans la forêt.
— Mais, mon capitaine, ça fait des heures et des heures qu’ils sont tombés et d’après ce que l’on sait, personne côté français n’a pu aller les relever, ça fait des heures qu’ils agonisent. »
Le capitaine allemand le coupa net : « Nous aussi on agonise, je vous le répète, personne d’autre que nous ne mettra les pieds dans cette forêt pour ramasser les blessés. Nous ferons nous-mêmes ce travail. Maintenant fichez le camp ! »
Narcisse et ses hommes étaient atterrés. Ils comprenaient le sens de ce refus. Si les Allemands interdisaient aux Français de retourner dans la forêt, même pour relever les blessés, c’est qu’ils ne voulaient pas qu’ils voient de quelle manière ils avaient organisé leurs défenses et leurs ravitaillements. Mais il apparaissait clairement aussi que tous ceux qui n’avaient pu fuir cette partie du champ de bataille dans la journée étaient morts ou avaient été achevés par l’ennemi.
« Ce ne serait pas la première fois, mon lieutenant, que ça se ferait aujourd’hui, reprit Étienne.
— Comment ça ?, demanda Narcisse.
— On a relevé un sous-lieutenant tout à l’heure qui nous l’a dit. Il s’était caché derrière un tas de bois pour y planquer ses sous, pas longtemps après que les Boches ont pris le village, et il a dit qu’il avait vu des soldats allemands achever à coups de fusil une vingtaine de blessés tombés autour de lui dans un petit bosquet. Ils sont bien capables de tuer ceux qui n’ont pas pu sortir du bois depuis ce matin, s’ils sont pas morts tout seuls !
— Je ne sais pas, mais on ne pourra pas les faire changer d’avis, il faudra voir avec Bresson, s’il peut intervenir », acheva Narcisse.
Dans l’une des maisons, en face de ce petit poste, se trouvait un groupe de civils, des habitants de Rossignol qui s’étaient cachés dans leurs caves. Ils avaient accueilli plusieurs blessés français mais il n’en restait plus que trois. Narcisse s’approcha avec sa petite escouade. Ils n’avaient pas encore vu de médecins. C’était un vieux couple belge, propriétaire de l’habitation, ou plutôt ce qui en restait, qui les avait soignés avec ses propres moyens. Narcisse déploya la table de pansement. Deux blessés du 1er RIC et un autre du 2e régiment. Ils avaient été envoyés en renfort des premiers bataillons du 1er RIC dans la matinée : deux atteints par des balles de fusil dans les membres inférieurs, le premier au genou, le deuxième avait les os fracturés à la jambe et le dernier avait été touché en plusieurs endroits, au bras gauche et à l’épaule.
« Vous savez, docteur, dit le civil belge, on a fait ce qu’on a pu, on avait juste un peu de coton, du mercure et des bandes, c’est grave ?
— Il faudrait les évacuer jusqu’au château pour les opérer et les appareiller, ici ce n’est pas possible, on va changer les pansements, soyez tranquille, monsieur, soyez tranquille.
— On a cru qu’ils allaient nous fusiller les Allemands parce qu’on avait soigné des blessés français. Ils nous ont fait mettre contre notre mur puis, comme on a aussi aidé des blessés allemands, ils nous ont laissés rentrer chez nous. Ah, quelle affaire, quelle affaire ! Qu’est-ce qu’on va devenir si les Boches restent là ? »
Antonin se penchait sur l’un des blessés dont toute...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Préface
  6. Ouverture
  7. Brassard au bras
  8. Matinée - 4 h 30-15 h 30
  9. Après-midi - 15 h 30-19 heures
  10. Soir - 19 heures-22 heures
  11. Nuit
  12. Épilogue
  13. Sources
  14. Remerciements
  15. Table