Femmes hors normes
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Femmes hors normes

  1. 240 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Femmes hors normes

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À propos de ce livre

Dans cet essai tout à fait singulier, Barbara Polla, féministe et humaniste, montre à toutes les femmes comment s'émanciper des normes qui leur sont trop souvent imposées par la société: l'obligation de devenir mère, la nécessité d'être en couple, le devoir de concilier avec succès vie professionnelle et vie familiale… Sortir du cadre donné, s'il ne nous convient pas, et nous définir nous-même pour notre propre équilibre et notre propre bonheur au quotidien, tel est l'objectif de Barbara Polla dans ce nouveau livre. Pour que chacune de nous devienne un être unique et irremplaçable. Barbara Polla est médecin, mère de quatre filles à qui elle dédie son livre, politicienne, galeriste engagée pour l'art et la culture. Elle est aussi l'auteur de Tout à fait femme et de Tout à fait homme.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2017
ISBN
9782738135742

1

Autonormie :
l’ordre moins le pouvoir


Les normes, telles que définies par le Larousse, sont un ensemble de règles, de principes, de critères admis dans une société donnée et qui servent de référence – l’ensemble des règles de conduite « qui s’imposent à un groupe social ». Qui s’imposent, ou qui sont imposées ? À qui, par qui, comment ?
Les normes ne sont pas des lois. Norme n’est pas nomos. Elles ne sont pas non plus des « règlements », lesquels découlent des lois et se multiplient, souvent à tort et à travers. « Neither laws nor bylaws », la norme est la coutume, l’habitude, ce que l’on considère comme « normal » ou normé, un ensemble de manières d’être, d’exister, de se présenter au monde ; un ensemble de stéréotypes souvent obsolètes, voire abscons, mais qui n’en sont pas moins contraignants.
Les normes ? De puissants carcans. Avec des cases, des murs, des prescriptions, des punitions et des exclusions. Les normes préviennent le développement libre et harmonieux de l’individu. Hors normes, citoyens, citoyennes ! Femmes, rejetons les carcans normatifs !
Et un peu d’anarchie pour commencer.

L’ordre moins le pouvoir :
un vécu personnel

Quand on me demandait, à l’époque où mes quatre filles étaient petites et que j’étais très engagée tant professionnellement que politiquement, comment donc je les élevais, je répondais volontiers : dans l’anarchie. Et alors, très exactement comme le décrit Normand Baillargeon dans L’Ordre moins le pouvoir. Histoire et actualité de l’anarchisme1, tout le monde m’assimilait immanquablement à une partisane du chaos – voire bien pire encore. J’ai toujours été considérée, dans le milieu bourgeois de ma ville, comme hors normes. Une forme d’exclusion.
Et pourtant, j’essayais bien d’expliquer, comme le fait Baillargeon, qu’« anarchie » vient d’a(n)-archos, « absence de pouvoir ». Le a privatif. Et que l’absence de pouvoir n’équivalait pas au chaos, loin s’en faut. Et qu’en lieu et place de pouvoir, nous avions tous des devoirs : les filles, essentiellement celui d’apprendre, à l’école et ailleurs, d’acquérir du savoir ; et nous, les parents, le devoir de les « faire grandir » (terme emprunté de l’italien et que j’ai toujours préféré à « éduquer ») et de leur assurer gîte, couvert et respect. Les relations entre parents et enfants : des devoirs réciproques, en l’absence de pouvoir. Comme devraient l’être – et le sont dans les démocraties les plus élaborées – les relations entre citoyens et politiciens. Les politiciens ont le devoir de gérer la Cité, par délégation et selon leurs compétences. La compétence : peut-être le seul pouvoir à reconnaître. À respecter, en tous les cas.
Les filles comprenaient très bien ce concept de « devoir ». Les rares fois où nous devions les punir, elles acceptaient car elles sentaient que nous le faisions non pas par (abus de) pouvoir mais par devoir, justement, parce que c’était nécessaire pour les « faire grandir ». De la même manière, nous avions établi cette règle admise des quatre : les secrets entre sœurs devaient être respectés sauf si l’une d’entre elles se mettait en danger : il fallait alors, dans ce cas, nous en parler. Par devoir de protection.
Quelques exemples concrets de cette éducation prétendument hors normes :
– La télévision. La majorité décidait quoi regarder, pas les parents. Je me souviens d’avoir essayé trois fois de regarder Paris-Texas, le film de Wim Wenders, puis j’ai abandonné : la révolte grondait chez les filles. Je n’ai jamais vu Paris-Texas en entier.
– Les vacances. On va où ? Skier ? Je n’aime pas la neige sauf quand elle tombe : tout ce blanc, le froid, les skis, s’habiller, s’équiper, et puis monter, descendre, monter, descendre, monter, descendre… absurde dans mon monde à moi. Mais elles aimaient cela… J’ai passé des semaines à l’hôtel ou au chalet, à lire, écrire et rêver, pendant que les demoiselles skiaient avec leur père.
– La parole. Pas de préséance pour les adultes. Un enfant parle, on l’écoute. Elles ont ainsi appris à s’exprimer, se sachant écoutées ; et à écouter, aussi.
– Le secret. Roxane, la petite dernière, 11 ans, avait rencontré un homme sur le Net. Avait un rendez-vous. Ses sœurs, sentant le danger, nous ont prévenus, juste à temps. Roxane était presque sur le pas de la porte. Son père est allé au rendez-vous avec elle. L’homme ne s’est pas montré. Roxane a compris.
Mais tout cela ne se voyait pas vraiment de l’extérieur. Mes filles avaient l’air très « bien élevées ». Elles l’étaient indubitablement. Elles s’élevaient toutes seules, et les unes les autres aussi, littéralement. C’était très exactement l’« ordre moins le pouvoir2 ». Car il est un ordre possible en l’absence de pouvoir : celui qui découle de la liberté. La liberté est mère de l’ordre, comme dit Proudhon. Et l’ordre est beau quand il est fille de la liberté. Quand il se met en place, comme de lui-même, par goût, par exigence et par respect.
Sans le savoir précisément, à l’époque, par intuition plutôt, j’ai donc suivi, pour « faire grandir » mes filles, les préceptes anarchistes : « Toute éducation rationnelle n’est au fond que l’immolation progressive de l’autorité au profit de la liberté, le but final de l’éducation devant être de former des hommes libres et pleins de respect et d’amour pour la liberté d’autrui3. »

L’autonormie

Être « hors normes » ? Il ne s’agit pas d’être « hors la loi ». L’autonormie est une attitude individuelle, discrète, voire invisible : il s’agit avant tout de résister et de se soustraire au pouvoir insidieux de l’entourage normatif moral, familial, social, religieux, économique, médiatique ou autre. Il s’agit d’être soi. L’autonormie suppose la résistance de l’individu contre la norme (et non contre la loi) au sein même de la société et la création de nouvelles normes (ou leur absence). Mais il ne s’agit pas de mettre en cause les lois, et c’est bien la raison pour laquelle nous parlerons ici d’« autonormie » et non pas d’autonomie.
« Autonome », dans le langage courant, équivaut à « indépendant », mais, stricto sensu et étymologiquement parlant, « autonome » signifie « qui se donne ses propres lois » (auto-nomos). En se voulant « hors normes », l’individu ne cherche pas à se donner ses propres lois : il se plie volontiers, tout comme moi, aux lois de la société à laquelle il appartient et les respecte. Il s’agit d’autre chose : de résister, de manière individuelle et motivée, à la prescription sociale, aux stéréotypes de tous genres (et à ceux de genre en particulier) ; de se choisir ses propres normes (et son, ou ses propres genres). Il s’agit de se rapprocher de soi-même, avec la conviction, ou tout au moins avec l’espoir, que le processus d’individuation tel que décrit par Cynthia Fleury4 va conduire à une meilleure intégration sociale. Plus chacun de nous, en sa qualité d’individu, se rapproche de lui-même, plus il se connaît soi-même et vit en accord avec qui il est vraiment, plus il sera ouvert à l’autre – à tous les autres – et plus il sera à même de s’intéresser à cet autre, de le comprendre et de l’aimer.
Le terme autonormie se veut à cet égard doublement éclairant.
Il s’agit d’une part, certes, de fixer des normes (la norme pouvant être l’absence de norme, qui devient alors la norme individuelle de la personne qui fait ce choix) qui conviennent à chacun, aux contours de sa personnalité, à son identité complexe.
Mais si autonormie n’est pas anormie, dans le concept d’autonormie, en revanche, les normes sont fixées par chacun, par chacune, pour soi-même et non pas infligées par un pouvoir qui ne devrait pas être, un pouvoir qui relève, encore une fois, de l’ordre moral, familial, social, religieux, économique, médiatique.
Dans le concept d’autonormie, les normes sont donc irréductiblement individuelles et complexes ; elles ne sont jamais univoques ; et, de plus, elles sont évolutives. L’autonormie telle que pensée ici rejoint ainsi le concept d’identité d’Amin Maalouf : « L’identité ne se compartimente pas […], elle ne se répartit pas par plages cloisonnées5. » On ne sort pas d’un type de cloisons sociales pour entrer dans un autre : « L’humanité entière n’est faite que de cas particuliers, la vie est créatrice de différences, et s’il y a “reproduction” ce n’est jamais à l’identique », dit encore Maalouf6.
Il ne s’agit pas non plus d’être « exceptionnel », compris au sens de porteur de qualités « supérieures », inhabituelles. L’appel et l’argumentaire à être « hors normes » qui font l’objet de cet ouvrage n’équivalent pas à une promotion de l’exception, ni à une volonté d’extravagance ou d’excentricité. Extravagance, excentricité, oui, pourquoi pas : être en dehors du centre (ex-centrique), se promener ailleurs (extra-vagare) sont des manières, parfois, d’être « hors normes ». Mais extravagance et excentricité, si elles peuvent être un moyen de préciser une identité autonormée, ne sont en revanche pas des buts. Encore une fois, il ne s’agit pas d’être « exceptionnel ». Bien au contraire : l’autonormie est à la portée de tout un chacun, une solution d’existence harmonieuse, pour soi et pour le groupe7. L’invisibilité est d’ailleurs aujourd’hui plus que jamais, à l’ère des médias obligés, une sortie de la norme, un « hors normes » bien plus réel et efficace que l’hypervisibilité associée à l’exception, à l’extravagance ou à l’excentricité.

Autonormie, anarchie et laïcité

L’autonormie sera évidemment d’autant plus difficile à réaliser que les sociétés sont plus normées, et ce en particulier lorsqu’elles le sont par des codes religieux. En effet, ces codes religieux, lorsqu’ils sont profondément ancrés dans les sociétés qu’ils régissent, deviennent quasiment des lois.
À cet égard, je tiens à préciser que dans mes précédents écrits dédiés aux questions féminines, je n’ai jamais abordé la question de l’islam, du voile, de la femme dans la religion musulmane. Je ne me sentais pas habilitée à parler de ce que je ne connaissais pas, que je ne connaissais pas assez, dont j’ignorais la plupart des fondements.
Mais les choses ont changé. Quand, en 2016, dans ma ville natale, Genève – pour laquelle je me suis engagée pendant douze ans comme élue politique –, une institutrice, pleine des meilleures intentions je n’en doute pas un instant, invite en cours l’imam Hani Ramadan afin qu’il parle d’islam aux élèves, et que celui-ci se permet de leur dire (propos largement rapportés par la presse8) que « les femmes voilées sont comme des perles dans un coquillage. La femme sans voile, comme une pièce de 2 euros. Visible par tous, elle passe d’une main à l’autre », alors je me dis que je ne puis ignorer cette réalité normative, faire comme si elle n’existait pas ici, comme si elle ne concernait qu’un ailleurs que je ne connais pas et sur lequel je n’ai pas à m’exprimer.
Être « hors normes », ce serait alors, par exemple, refuser de se soumettre à toute une série de normes religieuses pour qui ne les considère pas profondément comme « siennes ». Difficile, sans aucun doute, vu la puissance de la norme. Mais aucun de nous – aucune de nous – ne devrait avoir à se soumettre à des normes auxquelles au plus profond de soi il ou elle n’adhère pas. C’est contraire au développement d’une humanité plus humaine.
Selon le philosophe anarchiste russe Mikhaïl Bakounine (1814-1876), célèbre théoricien du rôle de l’État, « il faudra fonder toute l’éducation des enfants et leur instruction sur le développement scientifique de la raison, non sur celui de la foi ; sur le développement de la dignité et de l’interdépendance personnelle, non sur celui de la piété et de l’obéissance ; […] et avant tout sur le respect humain, qui doit remplacer, en tout et partout, le culte divin9 ».
Et ainsi parlait l’activiste russe féministe et anarchiste Emma Goldman (1869-1940) : « Le développement de la femme, sa liberté, son indépendance, doivent venir d’elle-même et exister par et à travers elle. D’abord en s’affirmant comme une personnalité et non comme un objet sexuel ; ensuite en refusant à quiconque quelque droit que ce soit sur so...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. 1 - Autonormie : l’ordre moins le pouvoir
  6. 2 - L’autonormie, résistance et hiérarchie de soi
  7. 3 - Hors normes : pourquoi les femmes ?
  8. 4 - Le plaisir sexuel féminin, pour ou contre ? Contre.
  9. 5 - Le plaisir sexuel féminin, pour ou contre ? Pour.
  10. 6 - Hors normes – hors maternité
  11. 7 - Tout à fait seule
  12. 8 - Créatrices
  13. Interlude Alexandra David-Néel
  14. 9 - L’énergie au-delà de la peur
  15. 10 - Hors les murs
  16. 11 - L’âge d’or
  17. 12 - Mode hors modes
  18. 13 - Histoires de genres
  19. 14 - Et l’amour ?
  20. 15 - Hors normes sur ordonnance
  21. 16 - Une position citoyenne et politique
  22. Table
  23. Du même auteur chez Odile Jacob