Tout le monde veut être heureux, se sentir joyeux, énergique, amoureux, détendu et fort. Nous voulons tous être en bonne santé, être appréciés et être emplis de sagesse. Reste à savoir comment y arriver en sachant que tout démarre dans notre si brillant cerveau. Mon objectif est de vous aider à le comprendre et à comprendre ce qui s’y passe et comment la méditation peut l’influencer. Mais rassurez-vous, je ne vais pas vous bombarder de termes neurologiques ni de mots de sanskrit, ou de n’importe quelle autre langue étrangère d’ailleurs. Je veux simplement partager avec vous quelques histoires, quelques anecdotes cliniques et quelques connaissances scientifiques pour vous expliquer ce qui se passe dans le cerveau, pourquoi probablement cela se passe ainsi et quelles en sont les conséquences.
Cela me fait penser à une anecdote. L’année dernière, j’ai été invité à faire un exposé sur la méditation devant un groupe d’élèves d’une douzaine d’années et j’ai accepté avec plaisir. À ma grande surprise, ils étaient 130 à m’attendre avec impatience. Lorsque je leur ai demandé qui parmi eux avait déjà été stressé, préoccupé ou insomniaque, plus de 8 élèves sur 10 ont levé le doigt. Contre toute attente, ces enfants en fin de cycle primaire se réjouissaient de faire des exercices de méditation avec moi alors que je croyais, comme probablement bon nombre d’entre vous, qu’ils menaient une existence simple et sans souci. Eux aussi, apparemment, cherchent, comme les adultes, une façon de trouver une certaine quiétude et de laisser de côté tous leurs soucis du moment. J’ai été touché par le fait que ces enfants sont déjà aussi préoccupés à leur âge et qu’ils aient autant besoin de trouver un moyen de se détendre et de se vider l’esprit.
Réfléchir et cogiter est, hélas, propre à notre nature ! Ce flux incessant de pensées, d’opinions et d’analyses est tellement omniprésent qu’il porte même un nom : l’« ESPRIT SINGE ». C’est un reliquat de l’évolution humaine du primate à Homo sapiens, à savoir l’homme qui pense et qui prend conscience qu’il pense.
Au fil des siècles, notre cerveau a été programmé pour détecter à la fois les stimuli positifs et négatifs, à la fois les opportunités et les menaces. L’histoire commence d’ailleurs dès les premiers micro-organismes qui ont colonisé la terre. Ces microbes étaient affublés d’antennes très pratiques qui les aidaient à trouver les endroits sûrs, où ils pourraient trouver à manger, et à éviter les endroits plus dangereux. Ce mécanisme de survie s’est développé au rythme de l’évolution de la vie sur terre. Ainsi, nos ancêtres préhistoriques ont compris qu’ils pouvaient survivre en cueillant des baies sauvages et en chassant de petits animaux et qu’il valait mieux éviter de croiser la route de plus gros animaux sauvages. Notre cerveau s’est ensuite développé et complexifié, et ce mécanisme intégré de survie est devenu plus ingénieux avec le temps.
Notre cerveau a appris à analyser très rapidement toutes sortes de stimuli sensoriels comme des images, des sons et des odeurs afin de pouvoir aussi anticiper rapidement. Prenons un petit exemple : en voulant entrer dans la douche, vous remarquez du coin de l’œil une petite tache noire près du trou d’évacuation des eaux. En deux temps trois mouvements, votre cerveau a parcouru vos archives d’expériences personnelles et a décidé qu’il pouvait s’agir d’une petite araignée. Résultat : vous poussez un cri, votre pouls s’accélère, vous commencez à transpirer et vous êtes sur la défensive. Il ne vous a fallu qu’une petite seconde pour retirer votre pied de la douche. Ce n’est qu’en y regardant à deux fois que vous avez vu qu’il ne s’agissait en fait que de quelques cheveux restés coincés. Aucune raison donc de paniquer. Votre corps s’est à nouveau détendu, et vous avez pu prendre votre douche en toute tranquillité.
Ce mécanisme de survie hyperdéveloppé est, évidemment, la raison pour laquelle nous avons pu aller si loin dans notre processus d’évolution. Hélas, c’est aussi la raison pour laquelle, au XXIe siècle, nous cogitons autant et connaissons autant d’épisodes de stress. Notre mécanisme interne de survie est devenu si complexe que notre cerveau n’a plus jamais la paix, même lorsque nous allons nous coucher le soir. Combien de fois nous arrive-t-il de rester éveillés parce que nous pensons à mille et une choses à la fois ? Nous avons l’impression que le danger nous guette à chaque coin de rue : des embouteillages au terrorisme, en passant par l’urgence des délais et la peur incessante du lendemain et de ce qui pourrait arriver. Notre mécanisme intérieur de survie s’est affolé, et nous ne parvenons plus à lâcher prise. Au sens propre comme au sens figuré ! Cette région du cerveau responsable de toute cette anxiété – en neurologie, nous l’appelons le « réseau de la conscience interne » – continue même à être partiellement active chez les patients comateux, un peu comme un réfrigérateur qui émet constamment un bruit de bourdonnement tant qu’il n’a pas été débranché.
Bref, notre cerveau est assailli de stimuli, et nous n’en sortons plus. Les sensations de stress, d’anxiété et de dépression prennent le dessus sur les sensations agréables comme la quiétude et le plaisir. Heureusement, rien n’est perdu. Nous sommes tous dans le même bateau, mais nous pouvons encore tous nous en sortir. Comment ? En reconfigurant notre cerveau préprogrammé, notamment grâce à la méditation. Et, de cela, je peux témoigner non seulement en me fondant sur mon expérience personnelle, mais aussi en le démontrant grâce à la science. Des dizaines d’années de recherches fondées sur la collaboration entre la psychologie et la neurologie occidentales, d’une part, et le monde contemplatif, d’autre part, nous ont appris que la méditation est un moyen de reprendre le contrôle sur ce mécanisme interne de survie affolé, ce dialogue interne, cette petite voix qui nous parle constamment. La méditation est un outil qui permet de choisir sciemment de rester calme et de maîtriser le flux perpétuel de nos pensées. Aussi peut-elle offrir une solution aux problèmes modernes tels que le stress et les maladies liées au stress, l’anxiété, les difficultés émotionnelles1, les troubles de la concentration, la dépression et le burn-out2, l’insomnie3, les douleurs chroniques4, les désordres liés au système immunitaire, les maladies cardio-vasculaires5, le manque de bien-être généralisé et le manque d’amour, de compréhension et d’empathie6. En d’autres termes, en apprenant à utiliser votre esprit différemment, à le « reprogrammer » et à développer davantage certaines de ses zones, vous allez pouvoir reprendre votre bonheur en main et devenir plus heureux. Les événements de la vie quotidienne sont importants, mais c’est surtout la manière dont vous les vivez qui compte. Rien qu’en lisant ce livre, vous faites déjà un premier pas vers une vie plus calme, plus sereine, plus consciente et plus positive. Votre bonheur se trouve partiellement à la portée de votre cerveau.
En apprenant à utiliser votre esprit différemment, à le reprogrammer et à développer davantage certaines zones, vous pourrez reprendre votre bonheur en main et devenir plus heureux.
Cette petite anecdote révèle parfaitement les malentendus à propos de la méditation. Pour pouvoir répondre à la question de ce qu’est au juste la méditation et en quoi elle peut vous apporter quelque chose, je dois commencer par préciser ce qu’elle n’est pas.
Méditation ≠ origami
Le premier cliché que je souhaite réfuter porte sur les postures origami censées être adoptées pendant la méditation. Vous savez, cette fameuse position du lotus où vous devez croiser les jambes en bretzel, les mains posées sur les genoux, paumes vers le bas, le pouce et l’index formant un cercle et où vous devez regarder droit devant vous à l’infini. Oubliez-la ! La méditation ne requiert ni n’impose de posture idéale. Bien que la position du lotus soit une position traditionnelle chez les bouddhistes, elle ne doit pas obligatoirement être adoptée pour méditer. Vous pouvez choisir de vous asseoir, de vous coucher, de vous tenir debout ou de bouger. Moi, je préfère m’asseoir en tailleur sur un coussin. Il m’arrive aussi de m’asseoir sur une chaise et, parfois, avant une réunion importante, il m’arrive aussi de m’installer sur mon bureau. Je peux ainsi jouir de la vue magnifique qui s’offre à moi depuis mon bureau, au dernier étage de notre hôpital.
Méditation ≠ ne penser à rien
« Je ne peux pas me couper du monde ; la méditation, ce n’est donc pas pour moi. » Rien de plus faux ! L’objectif de la méditation n’est pas de se couper du monde ni de ne plus penser à rien, mais justement d’être extrêmement concentré, même si cela ne dure que quelques secondes. En méditant, vous apprenez à rester concentré et à prendre davantage conscience de ce qui se passe autour de vous, en focalisant votre attention sur un objet ou en ouvrant votre esprit à tous les stimuli de l’instant présent. Vous apprendrez un peu plus loin comment y parvenir.
Méditation ≠ religion
Lorsque j’ai rencontré le dalaï-lama, je lui ai demandé ce qui importait le plus à ses yeux : prier ou méditer ? Sa réponse a été claire : « Méditer, évidemment », car il ne saurait qui ou quoi vénérer. Dans le bouddhisme, il n’y a aucun dieu pour vous guider ; vous devez tracer votre propre voie. Les formes modernes de méditation que nous adoptons le plus souvent sont issues du bouddhisme, mais elles ont été mises à la sauce occidentale. Il ne faut donc pas être bouddhiste pour en cueillir les fruits. La méditation peut tout à fait se pratiquer indépendamment de toute croyance ou conviction religieuse. Moi-même, je considère la méditation comme un ensemble d’outils pratiques qui me permettent de vivre mieux et plus consciemment. Voici d’ailleurs l’une de mes citations préférées à ce sujet : « La méditation n’est pas quelque chose en quoi il faut croire, c’est quelque chose qu’il faut faire. »
Méditation ≠ planer
Je suis un scientifique. Lorsque j’entends des mots ou des expressions comme chakra, méridiens énergétiques, énergie astrale, aura/champ énergétique, karma, réincarnation ou conscience cosmique, je veux savoir de quoi il retourne précisément. Or il ne s’agit absolument pas de concepts démontrés ou définis scientifiquement, plutôt de métaphores et de conceptions spirituelles. Je pense qu’une bonne partie de la confusion et des désaccords au sujet de la méditation provient des sens différents que nous donnons à ces mots.
Pour un scientifique, le mot « énergie », par exemple, a un sens très précis qui peut se présenter sous différentes formes, comme l’énergie électromagnétique, l’énergie cinétique, l’énergie gravitationnelle ou potentielle, l’énergie nucléaire et l’énergie quantique. Ces définitions spécifiques, physiques et mathématiques, de l’énergie diffèrent de ce que l’on entend par énergie en biologie ou en psychologie, notamment quand on parle de l’énergie mentale du cerveau ou, dans un sens métaphysico-spirituel, de l’énergie mentale cosmique en dehors du cerveau. Lorsque j’aborde le sujet avec Matthieu Ricard et mes collègues indiens ou chinois, pendant des heures parfois, nous veillons à bien faire la distinction entre ces différences de définition et de sens. Si l’ésotérisme vous passionne, la méditation peut constituer un rituel important de votre expérience spirituelle. Mais je suis, pour des raisons de sobriété scientifique, la preuve vivante que la méditation peut aussi être très terre à terre et très concrète. Bref, tout le monde peut déterminer le degré de spiritualité qu’il désire associer à la méditation. C’est précisément cela que j’aime. Le réalisateur David Lynch l’a parfaitement formulé quand il affirme : « Le fait est que la méditation vous aide à devenir de plus en plus vous-même. » N’ayez donc pas peur de méditer comme bon vous semble, à votre guise.
Méditation ≠ numéro imposé
Le mieux, c’est de méditer comme on peut et quand on peut.
Je pense que le mieux, c’est de méditer comme on peut et quand on peut, si bien sûr ...