Entreprenante Afrique
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Entreprenante Afrique

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En 2050, le PIB de l'Afrique pourrait égaler celui de l'Union européenne, tandis que sa population comptera deux milliards d'habitants. Au cœur de cette expansion, des PME – et à leur tête des femmes et des hommes africains – qui sont en train d'écrire l'histoire économique et sociale du continent. Ce livre nous invite à les découvrir: qui sont-ils, ces entrepreneurs africains, et quelles sont leurs motivations? Dans quels secteurs se développent-ils tout particulièrement? En quoi innovent-ils et comment cela les conduit-il à remodeler leur continent?De l'agroalimentaire à la téléphonie, du bâtiment à la santé en passant par le tourisme et l'énergie, une autre économie africaine se dessine. Sans nier ses fragilités ni sa pauvreté encore endémique, Jean-Michel Severino et Jérémy Hajdenberg nous montrent qu'elle se construit sur un cercle vertueux, où les handicaps deviennent des opportunités, où ceux qui offrent de nouveaux services en sont aussi les consommateurs. Forte de son nouveau marché intérieur, cette Afrique-là porte de plus en plus les espoirs de la croissance mondiale. Jean-Michel Severino dirige aujourd'hui Investisseurs et Partenaires (I&P), un fonds d'investissement destiné aux PME africaines. Il a été vice-président de la Banque mondiale et directeur général de l'Agence française de développement (AFD). Jérémy Hajdenberg, directeur général adjoint de I&P, spécialiste de la microfinance, accompagne depuis des années des entrepreneurs africains dans leur gestion et leurs stratégies de développement.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2016
ISBN
9782738159465

DEUXIÈME PARTIE

Rien ne leur résiste !



CHAPITRE 1

Du paysan
à l’entrepreneur alimentaire


Nourrir l’Afrique est une urgence pour l’humanité tout entière ; mais c’est aussi la première des opportunités pour les entrepreneurs africains.
Pour l’illustrer, partons à la rencontre de l’aviculture, le secteur des entrepreneurs spécialisés dans la production de poules et d’œufs, un domaine qui a rarement la vedette de la littérature économique. Nous allons ainsi découvrir l’histoire et la performance de cinq entreprises, ainsi que leur impact sur leur environnement. Cela permettra d’exposer en quoi elles sont révélatrices d’un mouvement plus vaste au sein du secteur agroalimentaire africain avant d’approfondir notre compréhension des défis de ce secteur en examinant une autre production, celle des produits laitiers frais.

Les poules aux œufs d’or

Lorsque nous avons fait nos premières rencontres d’aviculteurs, nous pensions qu’il s’agissait, avouons-le, d’un domaine trivial. Mais nous avons découvert non seulement qu’il s’agit d’un enjeu alimentaire fondamental, ce qui est évident, mais surtout que cette activité est nettement plus technique qu’il n’y paraît. C’est aussi une illustration particulièrement frappante de l’émergence d’une génération d’entrepreneurs africains qui marquent une rupture.
Les œufs constituent des aliments riches en protéines. Ils présentent l’avantage d’être généralement moins chers que les autres sources de protéines animales, donc accessibles à un public plus large. Ils constituent sans doute l’une des meilleures armes de l’Afrique dans le combat pour l’autosuffisance en protéines animales33. Le marché de la volaille en Afrique subsaharienne connaît d’ailleurs une croissance rapide. La consommation a augmenté à un rythme de 6 % par an entre 2008 et 2012. Cependant, une grande partie de cette croissance a bénéficié aux importations, qui ont doublé sur la période.
Cette croissance de la demande en produits avicoles (notamment dans les villes) produit un appel d’air pour que des entrepreneurs africains viennent créer des unités de production modernes, là où il n’existait traditionnellement que des petites exploitations familiales et des comptoirs d’importation. Depuis les années 1980 et surtout 1990, une génération d’entrepreneurs africains s’y est attelée.
Une première approche entrepreneuriale pour tirer parti de la croissance de la demande consiste tout simplement à jeter un pont entre les petits exploitants et le marché.
C’est la mission que s’est donné une entreprise kényane nommée Pwani Feeds34. Son fondateur et dirigeant, Shem Mwanra, travaillait auparavant dans une usine de céréales. Il avait également mis en place avec son épouse des épiceries et magasins de céréales dans lesquels ils commencèrent à vendre des œufs. Cela les amena à constater une forte demande de la part des particuliers mais également des hôtels. Fort de ce constat, il décida en 1995 de quitter son emploi pour lancer sa propre affaire de commerce d’œufs et de nourriture pour volailles à Thika, dans le centre-nord du Kenya.
Son projet reposait dès l’origine sur deux principes : d’une part collecter des œufs auprès des fermiers locaux pour les revendre sur le marché à Mombasa, leur évitant de devoir y aller eux-mêmes, sur des routes africaines pas toujours bien adaptées au transport d’une denrée aussi fragile qu’un œuf ; d’autre part, proposer à ces mêmes fermiers des aliments pour leurs volailles, que Pwani Feeds allait bientôt produire elle-même, principalement à partir de céréales. Ainsi, Pwani Feeds offre aux petits exploitants qui sont ses fournisseurs des services gratuits de formation, par exemple sur la santé animale, ce qui contribue à les fidéliser à long terme. Pwani Feeds estime avoir contribué de manière significative à l’augmentation des revenus des exploitants familiaux (dont 70 % sont des femmes) et avoir créé 300 emplois dans ses usines. Cet exemple illustre bien l’importance décisive de l’accès à l’aliment destiné aux poussins et poules, poste qui représente en général 60 % du coût de production des produits avicoles35 – si bien que l’aviculture a un fort effet d’entraînement sur la production céréalière locale.
Pwani Feeds n’est pas une entreprise sociale, mais la recherche d’un impact social est au cœur de son projet d’entreprise. C’est une motivation également fortement exprimée par les quatre autres entrepreneurs africains que nous allons présenter, bien que, pour leur part, ils aient choisi non pas de se fournir auprès de petits exploitants, mais de créer leur propre unité moderne de production de poules et d’œufs. Ils y ont vu, à juste titre, une formidable opportunité de création d’emplois, de savoir-faire et de richesse en substitution aux importations, qu’ils souhaitent bien entendu également convertir en opportunité financière pour eux-mêmes. L’un d’eux s’appelle Mamadou Lamine Sylla, entrepreneur ivoirien et fondateur de la société Le Fermier du Denguele. En apparence, rien ne destinait ce cadre supérieur à créer son unité de production avicole en Côte d’Ivoire. Il avait connu une belle réussite au sein de la société Nestlé – dont il était devenu directeur commercial pour l’Afrique après un parcours de quinze années dans l’entreprise – puis dans la société Carré d’Or. C’est pourtant ce qu’il fit en 2010, en pleine crise politique ivoirienne, à Odienne dans le Nord-Ouest ivoirien (sa région d’origine). Il affirme que la motivation fondamentale de sa démarche était sa conviction personnelle du rôle particulier à jouer par les cadres supérieurs africains dans le contexte d’aujourd’hui : quitter la sécurité de leurs postes pour créer des PME, donc des emplois, dans leurs pays.
Il se lança donc dans la production de poules pondeuses, avec une belle réussite : alors que son exploitation ne comptait à l’origine que 500 poules, elle connut une croissance continue pour atteindre en 2014 près de 70 000 pondeuses produisant 17 000 poussins par semaine, faisant d’elle l’une des plus grandes entreprises de toute la région. Mamadou Lamine Sylla a simultanément diversifié son activité en lançant une ferme piscicole (activité qui comporte plusieurs synergies avec l’aviculture).
L’objectif de création d’emplois a été atteint, et de quelle manière ! La ferme emploie directement une cinquantaine de personnes (les plus qualifiées ayant été recrutées à Abidjan, du fait de manque de compétences technique au nord de la Côte d’Ivoire), auxquelles s’ajoutent les emplois créés chez les fournisseurs d’aliments pour la volaille, soit environ 150 personnes.
En effet, Mamadou Lamine Sylla a impulsé un développement considérable de la production de maïs dans la région de son unité de production, alors que jusqu’ici on n’y cultivait presque que de la noix de cajou. Pour cela, il a pris l’initiative d’importer des semences de maïs et de les distribuer à des paysans en leur promettant de leur acheter le maïs une fois produit, à un prix supérieur à celui du marché. Ce faisant, il s’est non seulement assuré une base locale d’alimentation pour son élevage mais aussi de l’existence d’un revenu monétaire, même modeste, pour les paysans, dont certains ont pu devenir clients de sa ferme. Ce maïs acheté aux paysans à qui il a fourni les semences, il le transforme ensuite en aliment pour volaille dans deux petites unités de transformation qu’il a construites à cet effet. D’ailleurs, pour stimuler cette clientèle locale au pouvoir d’achat limité, il a volontairement fixé un prix de vente des œufs plus faible que celui qui prévalait auparavant. Par la suite, sa zone de chalandise s’est étendue à l’ouest et au nord de la Côte d’Ivoire. Son objectif est de poursuivre la croissance et devenir exportateur vers les pays voisins comme le Burkina Faso.
En effet, alors qu’en Côte d’Ivoire on trouve aujourd’hui quelques fermes avicoles de taille moyenne, le Burkina Faso ne compte encore qu’une seule ferme que l’on puisse qualifier de moderne, dans un océan de petites exploitations familiales à l’ancienne ; elle s’appelle Moablaou. Avant de voir son cheptel récemment décimé par l’épidémie de grippe aviaire qui a ravagé tout le Burkina en 2015, Moablaou avait connu une réussite tout aussi spectaculaire que celle du Fermier de Denguele : créée en 1987, elle a conquis en vingt-cinq ans une part de marché de près de 45 % de la production nationale, et détenait en 2015 environ 30 % de l’effectif national de poules pondeuses – qu’elle a beaucoup contribué à faire grandir. Sur sa ferme d’élevage, qui couvre une superficie de 13 hectares à Koubri, à 25 kilomètres de Ouagadougou, la production s’organisait sur quatre poulaillers industriels à atmosphère contrôlée : deux poussinières, de 30 000 poussins de capacité chacune, et deux poulaillers de ponte d’une capacité de 55 000 pondeuses chacun.
Cette réussite est avant tout celle d’un homme, Abou Simbel Ouattara, ancien cadre de l’Office national des céréales. Il a créé Mouablaou en 1987 sur un mode très artisanal, 500 poules pondeuses. Il a ensuite fait grandir et progresser cette entreprise étape par étape, à la force de la volonté, accumulant progressivement les formations et les apprentissages (notamment en Israël), obtenant les soutiens techniques et financiers, et gagnant une place unique sur le marché burkinabé. Cette réussite lui a valu de devenir président de la Maison de l’aviculture, la principale organisation professionnelle du secteur au Burkina Faso.
L’épidémie de grippe aviaire de 2015 n’a pas été la seule ni la première qu’il ait eue à connaître – et nous gageons que Mouablaou va l’affronter avec succès comme elle a su le faire dans le passé. Cette crise vient rappeler à quel point l’aviculture comporte des risques sanitaires particulièrement élevés, notamment de grippe HPAI. En Afrique subsaharienne, le manque d’hygiène dans les fermes avicoles aggrave ces risques sanitaires et constitue un défi majeur à relever autant pour la santé de la volaille que pour la productivité et la qualité des produits36. À défaut, du fait du caractère hautement contagieux des maladies que la volaille est susceptible de développer, il n’est pas rare de voir un exploitant perdre en quelques semaines l’élevage qu’il avait fait grandir au prix de nombreuses années de travail. Le sujet de l’hygiène est évidemment fondamental aussi pour la santé des consommateurs.
Abou Simbel Ouattara, bien conscient de ce risque, a progressivement mis en place différents procédés chez Moablaou. Sa ferme fonctionne en atmosphère contrôlée, sur le plan de la température, de l’humidité et de l’intensité de la lumière. Les bâtiments font l’objet de mesures d’hygiène bien spécifiques après chaque cycle de production. Enfin, les poussins sont systématiquement vaccinés contre les maladies les plus fréquentes et dangereuses. Mais cela n’a pas suffi, tous les investissements nécessaires n’ayant pu être achevés avant l’extension de l’épidémie nationale de grippe aviaire de 2015, pour mettre l’entreprise à l’abri.
D’ailleurs, même avant l’épidémie de grippe aviaire de 2015, la production nationale burkinabée était encore loin de couvrir les besoins du pays, qui reste très fortement importateur de poules et d’œufs – et où la demande reste en partie insatisfaite. C’est d’ailleurs une réalité en Afrique subsaharienne bien au-delà du Burkina.
Pour les entrepreneurs, une voie possible est donc de commencer par distribuer des produits importés, avant de se lancer eux-mêmes dans la production. C’est le cheminement qu’a choisi l’entreprise CDPA au Bénin. Le fondateur du groupe, Jean-Baptiste Satchivi, explique posément sa stratégie. Tout a commencé par l’importation et la distribution de volaille et de poisson congelés, par ce qui s’appelait alors la Poissonnerie Dantolpa. Cette activité lui a permis de connaître parfaitement les produits, les prix, les clients et les circuits de distribution, et de mettre en place ses quatre propres agences de distribution. Une fois cette position acquise, Jean-Baptiste Satchivi décida en 2004 de créer une filiale de production avicole locale, nommée Agrisatch37. L’importance des bonnes pratiques d’hygiène fut prise en compte dès l’origine, mais le niveau d’exigence progressa avec les années. En 2009, la direction s’engagea dans la mise en place d’un système de management par la qualité conforme au référentiel ISO 9001. En 2011, CDPA employait déjà plus de 300 personnes. L’entreprise joue un rôle incontestable dans la structuration de la filière avicole dans le pays. La compétitivité de cette filière face aux importations reste toutefois un défi majeur.
Pour donner une chance aux entreprises avicoles de leur pays d’émerger, certains gouvernements africains ont décidé de fermer partiellement ou entièrement leurs frontières aux produits d’importation. C’est notamment le cas de l’Afrique du Sud et du Sénégal38. Cette mesure comporte ses effets pervers (comme l’apparition d’un marché noir de la volaille importée). Elle a cependant eu certains impacts positifs, par exemple au Sénégal, où le dynamisme entrepreneurial dans le secteur avicole est fort. Ce contexte a profité à une entreprise extraordinairement dynamique et devenue emblématique dans le secteur avicole dans toute l’Afrique de l’Ouest, et par laquelle nous finirons notre tour de piste : SEDIMA.
Nul n’aurait pu deviner que son fondateur, Babacar Ngom, allait devenir un géant des poules et des œufs. En 1976, fraîchement diplômé d’un BEP en mécanique, alors que son père l’encourageait à partir en France poursuivre des études d’ingénieur, il réfuta cette voie et, guidé par son amour pour l’élevage, il installa dans sa maison familiale un petit poulailler de 120 poussins. Portée par une demande toujours soutenue et par les qualités de gestionnaire de Babacar, l’entreprise connut une forte croissance et surtout, osa être la première, vers 1990, à investir dans un couvoir moderne. Ayant réussi à en maîtriser le fonctionnement, et ayant ainsi posé les bases de sa compétitivité par rapport aux productions artisanales locales et aux produits importés, Babacar Ngom persista et investit continuellement dans des couvoirs supplémentaires et des augmentations de capacité. En 2013, sa capacité de production était de plus de 17 millions d’œufs par an ! Dans le même temps l’entreprise s’est dotée d’une usine de production d’aliments pour la volaille entièrement automatisée, et de cinq fermes.
Ainsi, le secteur avicole illustre bien le fait que, dans le domaine agroalimentaire, une dynamique entrepreneuriale est à l’œuvre. Faut-il qu’elle s’affirme pour que ses employés viennent constituer les rangs d’une classe moyenne et de futurs clients ? Ou, à l’inverse, faut-il que la classe moyenne grandisse pour que les entreprises trouvent leurs débouchés ? La question est aussi vaine que de se demander qui est venu en premier, de la poule ou de l’œuf.

L’entreprise agricole africaine,
une jeune pousse

Ces cinq aventures de ferm...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Prologue
  6. Introduction
  7. Première partie - Qui sont les entrepreneurs africains ?
  8. Deuxième partie - Rien ne leur résiste !
  9. Troisième partie - Vers une croissance autonome
  10. Quatrième partie - Soutenir l’Afrique entreprenante
  11. Épilogue
  12. Table
  13. Des mêmes auteurs