La Revanche de l'Histoire
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La Revanche de l'Histoire

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La Revanche de l'Histoire

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À propos de ce livre

Jamais le passĂ© n'a Ă©tĂ© aussi prĂ©sent. Dans notre monde prĂ©tendument sans mĂ©moire, l'Histoire ne cesse d'ĂȘtre invoquĂ©e: la Russie annexe le lieu de son baptĂȘme, la Chine justifie ses droits sur son voisinage en se rĂ©fĂ©rant Ă  des cartes antiques, la Turquie s'inspire de son passĂ© impĂ©rial, la Hongrie octroie des passeports aux anciens sujets de l'Empire et, en Occident, les migrants sont vus comme les nouveaux Barbares. Pour Bruno Tertrais, le passĂ© reconstruit, mythifiĂ©, se venge des fausses promesses du libĂ©ralisme et du socialisme. D'anciennes passions ressurgissent. Les peuples s'Ă©lĂšvent contre la dilution des identitĂ©s dans le grand bain de la mondialisation. La religion du progrĂšs a vĂ©cu, balayĂ©e par les nationalismes et le fanatisme. Or plus le passĂ© est instrumentalisĂ©, plus les risques de conflits augmentent. Un livre pour comprendre le monde qui nous attend. Bruno Tertrais est spĂ©cialiste de gĂ©opolitique, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratĂ©gique. En 2011, il a reçu le prix Vauban pour l'ensemble de son Ɠuvre. En 2016, son ouvrage Le PrĂ©sident et la Bombe. Jupiter Ă  l'ÉlysĂ©e, coĂ©crit avec Jean Guisnel, a reçu le prix Brienne du livre gĂ©opolitique de l'annĂ©e.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2019
ISBN
9782738150585

CHAPITRE 1

Quand l’Histoire recommence,
le passé refait surface


Fukuyama 0, Huntington 1

DĂ©jĂ  discutable Ă  l’étĂ© 1989, l’idĂ©e d’une « fin de l’Histoire » paraĂźt pour le moins dĂ©calĂ©e aujourd’hui. On ne compte plus ses rĂ©futations et il est devenu de bon ton de se moquer de l’auteur, Francis Fukuyama, parfois d’ailleurs sans l’avoir lu. Que de retours de l’Histoire ont-ils ainsi Ă©tĂ© annoncĂ©s9. DĂšs 1991, avec l’extinction de l’Union soviĂ©tique et l’éruption des Balkans. « L’Histoire se remet en marche », disait Pierre Hassner en 199910. En 2001, avec les attentats de New York et Washington. En 2011, avec les printemps arabes, suivis quelques annĂ©es plus tard de l’invasion de la CrimĂ©e, de l’irruption de Daech sur la scĂšne irakienne, de la crise europĂ©enne et du Brexit. « Nous vivons la fin de la fin de l’Histoire », affirmait Alain Finkielkraut fin 201511. Et encore aprĂšs l’élection de Donald Trump, qui vit les commentateurs amĂ©ricains proclamer « la fin de la fin de l’Histoire » ou la « vengeance de l’Histoire », tandis qu’un Ă©ditorialiste français renchĂ©rissait : « Nous sommes rentrĂ©s Ă  nouveau dans l’Histoire12. »
Fukuyama mĂ©rite-t-il une telle indignitĂ© ? Il ne prĂ©tendait nullement que la faillite du communisme – rappelons que l’article avait Ă©tĂ© Ă©crit Ă  l’étĂ© 1989, avant mĂȘme la chute du mur de Berlin – avait mis un terme Ă  l’Histoire au sens de l’affrontement des idĂ©es politiques, de la dialectique hĂ©gĂ©lienne ou marxiste13. S’inspirant de la dĂ©marche du philosophe Alexandre KojĂšve, il affirmait que le dĂ©bat sur la forme optimale de gouvernement Ă©tait dĂ©sormais clos : selon Fukuyama, la dĂ©mocratie libĂ©rale et l’économie de marchĂ© Ă©taient les seules options viables pour les sociĂ©tĂ©s modernes*1. Dix ans plus tard, en dĂ©pit de la concurrence des modĂšles russe, chinois et surtout islamiste, il maintenait son analyse : la dĂ©mocratie libĂ©rale finira par triompher, c’est une question de temps*2. Et vingt ans aprĂšs, il soulignait encore Ă  quel point la Russie et la Chine Ă©taient dans l’incapacitĂ© de proposer une alternative idĂ©ologique viable, et l’islamisme radical incapable sinon de conquĂ©rir le pouvoir, du moins de s’y maintenir14.
C’est peut-ĂȘtre vrai. On y croit sĂ©rieusement aux États-Unis. Nul n’est censĂ© ĂȘtre « du mauvais cĂŽtĂ© de l’Histoire », selon l’une des expressions favorites des prĂ©sidents amĂ©ricains. Mais en tout cas, nous en sommes encore loin.
Pris ensemble, le rĂ©veil russe, l’irruption de Daech et le vote du Brexit ont Ă©tĂ© un signal d’alarme en Europe. « J’ai pris conscience du caractĂšre tragique de l’Histoire », disait François Hollande en mai 201615. « C’est l’Histoire qui frappe Ă  notre porte », renchĂ©rissait-il un mois plus tard, apprenant les rĂ©sultats du rĂ©fĂ©rendum britannique16.
Il serait temps, en effet, d’en prendre conscience. Car cela fait dĂ©jĂ  plusieurs annĂ©es que la mise en question du progrĂšs de nos sociĂ©tĂ©s, le dĂ©veloppement de la mondialisation Ă©conomique et la diffusion du brassage culturel produisent des effets politiques majeurs dans le monde occidental. Le phĂ©nomĂšne Trump aux États-Unis comme le vote souverainiste en Europe ont bien des racines communes. Ce sont les symptĂŽmes d’une rĂ©volte conservatrice, une « rĂ©volte du passĂ©*3 ». Le slogan Ă©lectoral de Donald Trump Ă©tait « Make America Great Again ». Il est aisĂ©ment transposable : Make Russia Great Again ! Make China Great Again ! Partout l’on cherche Ă  revenir en arriĂšre. La contre-rĂ©volution socioculturelle est engagĂ©e depuis longtemps au Moyen-Orient par les mouvements islamistes. Elle est dĂ©sormais en plein essor en Russie, en Europe et aux États-Unis. Elle atteint l’Inde, oĂč le Bharatiya Janata Party veut imposer les traditions hindouistes Ă  l’ensemble de la nation.
L’autre grand mĂ©tarĂ©cit des annĂ©es 1990, le « choc des civilisations », s’impose comme grille de lecture pertinente. Choc des civilisations ? Ici encore, il est convenu de se gausser et plus encore de s’indigner. Au risque de battre un cheval mort, comme on dit outre-Manche, un philosophe français s’est risquĂ© en 2015, aprĂšs tout le monde, Ă  prĂ©dire que celui-ci « n’aura pas lieu17 ». On reste sans voix devant tant d’audace. D’autres s’échinent mĂȘme Ă  dĂ©montrer que nous vivons l’ñge de la « fusion » des civilisations18. C’est pourtant bien dans ces termes que certains des acteurs clĂ©s de la scĂšne contemporaine voient le monde aujourd’hui. Le djihadisme combattant mĂšne une guerre de civilisation contre l’Occident, tout comme une partie de l’élite de la RĂ©publique islamique d’Iran. La classe dirigeante russe contemporaine n’a aucun mal Ă  assumer cette vision – parfois de maniĂšre explicite – Ă  la fois face Ă  l’islam radical et – de maniĂšre heureusement moins violente – contre l’Occident dĂ©cadent. À la Maison Blanche, une telle vision a aujourd’hui le vent en poupe. Et force est de constater que nombre de conflits contemporains ont lieu ou sont sur les lignes de contact tracĂ©es en 1993 par le politologue amĂ©ricain : dans les Balkans, dans le Caucase, en Afrique, en Asie. On en a particuliĂšrement voulu Ă  Samuel P. Huntington pour avoir Ă©crit, dans la lignĂ©e de Bernard Lewis, que « l’islam a des frontiĂšres sanglantes*4 ». La formule Ă©tait grossiĂšre mais dĂ©crivait une certaine rĂ©alitĂ©*5. La grille de lecture proposĂ©e par Huntington est Ă  la fois discutable (les conflits se dĂ©roulant sur les lignes de faille culturelles ne sont pas nĂ©cessairement des guerres « de » civilisation), insuffisante (la plupart des zones de crise ou d’affrontement militaire ne cadrent pas avec le rĂ©cit du politologue) et incohĂ©rente (pourquoi donc une seule « civilisation » musulmane, mais trois « civilisations » chrĂ©tiennes : Occident, Russie, AmĂ©rique latine ?). Ce serait cependant lui faire injure que de ne pas reconnaĂźtre par exemple qu’il avait par ailleurs pris en compte, dans son livre, l’affrontement « intracivilisationnel » entre monde sunnite et monde chiite.
Les problĂ©matiques soulevĂ©es par Fukuyama et par Huntington se rejoignent dans les discours apocalyptiques contemporains que l’on entend parfois en Russie, aux États-Unis et dans le monde musulman. Peut-on trouver plus belle fin de l’Histoire que celle du combat terminal du Bien contre le Mal ? Pour ceux qui y croient, ces rĂ©cits donnent le sens le plus clair possible aux Ă©vĂ©nements historiques. Mais leur affrontement peut aussi faire du choc des civilisations un paradigme autorĂ©alisateur. Le rĂ©cit apocalyptique des djihadistes fait Ă©cho Ă  celui des Ă©vangĂ©liques et surtout des « sionistes chrĂ©tiens », dont on connaĂźt l’importance aux États-Unis et dont l’influence au sein du camp rĂ©publicain est loin d’ĂȘtre marginale. Depuis les annĂ©es 1980, et surtout depuis 2001, les deux discours se nourrissent l’un l’autre*6. Avec eux, c’est le choc des civilisations et la fin de l’Histoire pour le mĂȘme prix. L’invasion de l’Irak ? Babylone contre Babylone, la revanche de la nouvelle (New York) contre l’ancienne, et l’invocation de Gog et Magog des deux cĂŽtĂ©s (par George Bush et par les djihadistes), avec cantiques et hadiths en toile de fond. C’est aussi la vision de Steve Bannon, le conseiller de Donald Trump, qui voit dans l’époque actuelle un nouveau cycle de l’affrontement sĂ©culaire entre l’islam et le monde judĂ©o-chrĂ©tien, et se dit inspirĂ© par Le Camp des saints, l’ouvrage au titre apocalyptique de Jean Raspail (1973).

La remise en route de l’Histoire

S’il fallait retenir une date clĂ© pour la remise en route de l’Histoire, ce ne serait pas l’annĂ©e 1989, mais plutĂŽt 1979. Et depuis lors, de la rĂ©surgence des religions aux printemps arabes, toutes les charniĂšres dĂ©cennales ont Ă©tĂ© autant de nƓuds historiques apportant leur lot de surprises et de ruptures.
1979 marque l’entrĂ©e en Ă©bullition du triangle Iran-Pakistan-Afghanistan. En fĂ©vrier, le dĂ©part du shah de TĂ©hĂ©ran est suivi du retour de l’ayatollah Khomeiny tandis qu’à Islamabad les ordonnances hudĂ»d (les « limites » fixĂ©es par Dieu) entĂ©rinent l’islamisation dĂ©libĂ©rĂ©e du Pakistan. En juillet, c’est l’ouverture du « piĂšge Ă  ours » destinĂ© Ă  enferrer l’Union soviĂ©tique par le soutien aux rebelles afghans. En septembre, des funĂ©railles grandioses sont faites Ă  Lahore Ă  Abou A’la Maududi, considĂ©rĂ© comme le pĂšre fondateur de l’islamisme moderne. À la fin de l’annĂ©e, l’Histoire s’accĂ©lĂšre. Le 4 novembre a lieu la prise d’otages de l’ambassade des États-Unis Ă  TĂ©hĂ©ran, Ă©vĂ©nement qui ouvre l’acte II de la rĂ©volution iranienne et sa radicalisation antioccidentale. Le 20 se produit une nouvelle prise d’otages fondatrice, celle de la Grande MosquĂ©e de La Mecque, par un individu se proclamant le Mahdi. Le lendemain, c’est l’attaque de l’ambassade des États-Unis au Pakistan. Puis, le 24 dĂ©cembre, l’Union soviĂ©tique entre en force en Afghanistan. Symboliquement, mĂȘme si les moudjahidin sont des rĂ©sistants avant d’ĂȘtre des militants, c’est l’affrontement entre deux forces transnationales qui s’annonce, le communisme et l’islamisme, et qui s’achĂšvera par le triomphe de la seconde.
Alors que Deng Xiaoping, qui vient de revenir au pouvoir l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, s’apprĂȘte Ă  lancer la modernisation de la RĂ©publique populaire, l’irruption des forces chinoises au Vietnam en 1979, et celle des forces irakiennes en Iran l’annĂ©e suivante, suscitent la rĂ©introduction du mot « gĂ©opolitique » dans le vocabulaire des commentateurs : il n’est en effet plus possible d’expliquer les rapports de force par la seule grille de lecture du conflit Est-Ouest.
Le dĂ©but des annĂ©es 1980 voit aussi, aprĂšs la victoire historique du Likoud en IsraĂ«l en 1977, la transformation du projet sioniste d’une aventure laĂŻque socialiste en une Ă©popĂ©e politico-religieuse rĂ©actionnaire, caractĂ©risĂ©e notamment par une affirmation de plus en plus nette des justifications historiques de la prĂ©sence israĂ©lienne en Cisjordanie. Ce n’est pas le Likoud qui a inventĂ© la « colonisation », mais il en a encouragĂ© le caractĂšre messianique, incarnĂ© non pas tant par les haredim (ultraorthodoxes), qui n’habitent gĂ©nĂ©ralement au-delĂ  de la Ligne verte de 1949 que pour des raisons Ă©conomiques, que par les « sionistes religieux », qui installent leurs mobile homes au sommet des collines de Samarie et de JudĂ©e. Au mĂȘme moment l’Égypte transforme l’équation stratĂ©gique de la rĂ©gion en reconnaissant l’existence d’IsraĂ«l – ce qui galvanisera le camp islamiste. Ces mĂȘmes annĂ©es marquent Ă©galement un temps de renouveau et d’engagement politique du christianisme : Ă©lection de Jimmy Carter, prĂ©sident Ă©vangĂ©lique aux États-Unis (1976), arrivĂ©e Ă  la tĂȘte de l’Église du pape Jean-Paul II (en 1978), crĂ©ation du mouvement de la MajoritĂ© morale en 1979 qui contribuera Ă  la victoire de Ronald Reagan*7. C’est le temps de la « revanche de Dieu », qui caractĂ©rise toujours notre Ă©poque19.
La seconde sĂ©quence s’avĂšre tout aussi importante. En ...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Du mĂȘme auteur chez Odile Jacob
  4. Copyright
  5. DĂ©dicace
  6. Introduction
  7. Chapitre 1 - Quand l'Histoire recommence, le passé refait surface
  8. Chapitre 2 - Aux racines de la revanche
  9. Chapitre 3 - L'Histoire a des conséquences
  10. Chapitre 4 - Un tour du monde des fantÎmes du passé
  11. Chapitre 5 - Du bon usage du passé
  12. Postface - Du passé faisons table ouverte
  13. Post-scriptum
  14. Notes et références
  15. Table