Retour de la guerre
eBook - ePub

Retour de la guerre

  1. French
  2. ePUB (adapté aux mobiles)
  3. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Retour de la guerre

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Une guerre comme celles qu'a connues le XXesiècle est-elle de nouveau possible?? «??Paix impossible, guerre improbable??», écrivait Raymond Aron en 1947 à propos de la guerre froide. Mais qu'en est-il aujourd'hui alors que les théâtres de conflits se multiplient au Moyen-Orient et surtout en région indo-pacifique?? Qu'en est-il alors que les grandes puissances n'hésitent plus à prendre le risque de la guerre, qu'il s'agisse de l'aventurisme militaire de la Russie ou de l'affirmation de la puissance chinoise en mer de Chine du Sud?? Dans cet essai, bref et percutant, François Heisbourg montre que l'ombre de la guerre est désormais bien présente, des forever wars à la lutte idéologique que se livrent les États-Unis et la Chine en passant par la cyberconflictualité. Quant aux armes de la guerre, elles concourent à l'instabilité ambiante en fragilisant la dissuasion nucléaire. Déclassé, humilié, déboussolé par la pandémie, notre continent, et avec lui notre pays, aura fort à faire pour défendre ses intérêts et ses valeurs. François Heisbourg est conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique et a présidé l'International Institute for Strategic Studies de Londres et le Centre de politique de sécurité de Genève.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Retour de la guerre par François Heisbourg en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Política y relaciones internacionales et Relaciones internacionales. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

CHAPITRE I

La pandémie comme accélérateur de l’Histoire

La pandémie a commis suffisamment de ravages sur notre planète pour en marquer le visage géopolitique et stratégique. Certaines de ces modifications sont apparues dès les débuts, même si elles étaient souvent fugaces, comme en témoignent les articles et ouvrages qui leur ont été consacrés dès les premiers mois de 2020. En février 2020, le ton sur les réseaux sociaux comme dans les médias classiques était souvent sur le thème : le PC chinois est dans les cordes. En mars, c’était, parfois de la part des mêmes : l’Europe est éclatée et incapable. En avril, la mode était à l’irrésistible montée de la Chine, etc. En mai, on passait à l’échec du Royaume-Uni de Boris Johnson et à la déconfiture de l’Amérique de Trump. Dix mois plus tard, on en était aux jugements définitifs sur le succès de la sortie de crise des Américains et des Britanniques, qui avaient vacciné vite et fort en attendant la suite… Ces rappels, et il en existe tout un florilège, ne sont faits ni par cruauté pour leurs auteurs, ni pour affirmer une quelconque supériorité, car au moment où ils étaient diffusés, ces airs du temps n’étaient pas faux. Simplement, la Covid était au centre du jeu : c’est elle qui a dicté le rythme des événements au moins jusqu’à l’extension de l’immunité de groupe à travers les politiques vaccinales. Mieux vaut donc éviter de fixer le regard sur l’instantané du jour et analyser l’impact de la pandémie sur nos sociétés en profondeur et dans la durée. Ce sont ces transformations qu’il faut comprendre pour saisir la nature, l’ampleur et l’évolution de la géopolitique et la stratégie à l’épreuve et au débouché de la pandémie.
L’exercice est comparable à ce que pouvait être l’analyse des conséquences en termes de guerre et de paix de la crise de 1929 : mieux valait comprendre le potentiel de transformation de la « Grande Dépression » pour en saisir le caractère belligène.

Certes, plus qu’une grippette…

Lorsque ces lignes ont été écrites, sur la base des chiffres fournis par l’Organisation mondiale de la santé, ce sont près de 4,5 millions de personnes dont la vie a été abrégée par la Covid, dont plus de 750 000 au sein de l’Union européenne, plus de 600 000 aux États-Unis et officiellement de l’ordre d’un demi-million au Brésil et près de 450 000 en Inde. Le chiffre de 4,5 millions est un simple ordre de grandeur, et constitue une sous-estimation. Dans de nombreux pays, le système de santé et les services de l’état civil ne sont pas en mesure de déterminer de manière systématique et fiable la cause d’une partie notable des décès, par exemple au Brésil et surtout en Inde. Dans certains États, les autorités ont voulu minimiser le bilan de la pandémie : tel est notamment le cas au Mexique et en Russie, pays dans lesquels la surmortalité est de 2 à 4 fois supérieure au nombre « officiel » des morts de la Covid. Pour l’Inde, les estimations tournent autour de 2 millions de morts, soit 6 fois plus que les données hospitalières.
Cela concerne aussi tout particulièrement la Chine, où le bilan officiel de moins de 5 000 morts laisse rêveur vu la violence de la pandémie dans la province du Hubei (60 millions d’habitants) et spécialement de sa capitale, Wuhan : nonobstant les efforts d’une censure chinoise elle-même débordée par les événements, chacun se souviendra des scènes de rue et d’hôpital à Wuhan relayées par les médias et les réseaux sociaux. Elles préfiguraient celles de l’Italie du Nord quelques semaines plus tard, avec ses 20 000 morts pendant les premières semaines de la pandémie. Les données locales permettent d’estimer à 38 000-39 000 le nombre de décès à Wuhan et dans sa région. L’engorgement des crématoires de Wuhan, répertorié par les ONG locales, avait précédé le sinistre cortège des camions militaires italiens à la recherche de places dans les cimetières lombards.
L’OMS considère que le bilan mondial serait de 2 à 3 fois supérieur aux 4,5 millions de décès « officiels », soit de 9 à 13 millions de victimes. Certaines modélisations concluaient en juillet 2021 à un total de l’ordre de 16 millions.
Cette comptabilité un brin macabre a pour seul objectif de mettre en perspective le coup de faux du coronavirus : sur sa durée depuis décembre 2019, il s’agit bien de la pandémie la plus meurtrière en l’espace d’un siècle. Elle dépasse nettement la grippe asiatique H2N2 de la fin des années 1950 (de l’ordre de 2 à 4 millions de victimes à l’échelle mondiale), et celle dite « de Hong Kong » de 1969-1970 (17 000 morts directes en France, et jusqu’à 40 000 décès au total dans notre pays). On est cependant très loin des pandémies « historiques » qu’ont constitué les vagues successives de peste avec leurs dizaines de millions de morts dont un tiers ou plus de la population européenne à l’occasion du pic de 1347-1349. Plus près de nous, la grippe dite « espagnole » de 1918-1919 a tué de l’ordre de 20 à 40 millions de personnes dans le monde, dont près de la moitié en Inde. Le nombre de décès en France se situerait entre 200 000 à 400 000, avec un meilleur estimé à 240 000 – soit environ 3 fois plus que la Covid en un an. Notons que pour la France ces chiffres considérables ont été largement dépassés par le nombre de morts sur les champs de bataille, avec 1,4 million de soldats français tués de 1914 à 1918 : la guerre faisait de l’ombre au virus.
Par ailleurs, et contrairement à la grippe espagnole qui fauchait volontiers des personnes jeunes et souvent en assez bon état général, pendant sa première année donc avant la campagne de vaccination, la Covid a tué principalement des retraités (âge médian des décès en France : 85 ans) et des personnes atteintes de comorbidités. La Covid peut entraîner par ailleurs des séquelles substantielles chez les patients qui s’en remettent, notamment chez les sujets jeunes. En outre, un nombre encore indéterminé de décès anticipés frapperont les personnes dont les soins auront dû être déprogrammés du fait de la pandémie. Ce n’est qu’au fil du temps que l’on pourra mesurer pleinement les effets sanitaires directs et indirects du fléau.
Enfin, il faut garder à l’esprit que le bilan de la Covid aurait été plus lourd si les pays industrialisés avaient dû y faire face avec les moyens sanitaires et hospitaliers disponibles il y a un siècle. Cependant, il ne faut pas exagérer les progrès accomplis et leur impact sur le bilan pandémique : pendant le gros de l’année 2020, il n’y avait pas plus de traitement spécifique et de vaccins qu’en 1918-1919. Face à la pandémie du moment, nous nous trouvions aussi démunis à cet égard que nos ancêtres il y a plus d’un siècle. Si, face à la Covid, l’équipement sanitaire de nombreux pays, comme l’Inde, l’Afrique du Sud, le Mexique ou le Brésil, n’était pas au même niveau que le nôtre, force est de constater que les ravages de la pandémie, même en tenant compte d’une estimation parfois approximative des décès, n’y ont pas été notoirement plus élevés que dans certains pays d’Europe ou en Amérique du Nord tout au long de l’année 2020. Les écarts entre pays en termes de sévérité de la pandémie ne sont pas systématiquement corrélés aux inégalités de développement. Ils s’expliquent davantage par les différences démographiques (les peuples jeunes de l’Afrique subsaharienne ont moins souffert que les régions âgées d’Europe), virologiques (il est possible mais non démontré que certains pays d’Asie du Sud-Est auraient bénéficié d’immunités croisées), géographiques (par définition, les îles peuvent s’isoler plus facilement) ou de préparation aux grandes catastrophes naturelles ou humaines, sans parler de choix différenciés de politiques publiques. Les pays asiatiques les plus frappés par des coronavirus dans un passé récent étaient mieux préparés que d’autres.
La prospérité du système de santé n’est pas non plus le prédicteur le plus évident de la qualité de la réponse à la pandémie, pas plus que ne l’est le niveau de vie. Ainsi, par rapport à la Covid, mieux valait au 30 avril 2021 être burkinabé que belge (157 et 24 185 décès), thaïlandais que texan (245 et 50 518), malais que suédois (1 521 et 14 048) et cubain qu’autrichien (654 et 10 233). Nous verrons que cette nouvelle géographie humaine aura aussi ses effets géopolitiques.
C’est à l’intérieur de chaque pays que les inégalités joueront un rôle majeur dans le sort des populations face à la maladie : mieux valait être riche que pauvre, bien nourri qu’obèse ou dénutri, convenablement logé que condamné à la promiscuité, membre du groupe dominant que victime de discriminations ethniques ou religieuses… Nous y reviendrons.
Il reste que le bilan sanitaire de la pandémie tel qu’il est connu aujourd’hui ne suffit pas à expliquer à lui seul l’ensemble des bouleversements causés par la Covid, qui dépassent de toute évidence ceux provoqués par la grippe espagnole. Aussi élevé et inégalement réparti que soit le prix humain direct et indirect de la maladie, c’est souvent dans les domaines économiques et sociétaux que se produisent dans la réalité comme dans les perceptions les chocs principaux.
Les prévisions économiques du Fonds monétaire international pour l’année 2020 rendues publiques en janvier, alors que le virus de Wuhan n’avait pas encore reçu son nom, n’étaient pas particulièrement optimistes. Les tensions géopolitiques, les incertitudes concernant les politiques commerciales, notamment américaines, les catastrophes météorologiques en Australie, en Afrique et dans les Caraïbes, les troubles sociaux ici ou là – sans doute le FMI pensait-il entre autres aux Gilets jaunes – avaient amené l’institution à réviser légèrement à la baisse les perspectives de croissance de la planète pour 2020 et 2021, soit en définitive 3,3 et 3,4 % respectivement. C’était cependant mieux qu’en 2019 et le FMI, tout en évoquant une « reprise poussive », notait que les conditions financières étaient favorables. Somme toute, tout allait plutôt bien même si ça aurait pu aller mieux.
Six mois plus tard, tout cela était emporté par la tempête. Jamais, depuis que les sociétés humaines tiennent des statistiques économiques, il ne s’était produit un retournement aussi brutal à l’échelle de la planète tout entière.
Au premier trimestre 2020, la Chine, le premier pays frappé, connaît un effondrement de –6,8 % de son activité économique par rapport au trimestre précédent : la chute était ainsi de plus de 12 % par rapport au taux de croissance chinois d’environ 6 %. Les pays européens suivront le mouvement au deuxième trimestre, avec une baisse de –14,7 % dans la zone euro (et –18,9 % pour la France) et de –21,7 % au Royaume-Uni. Le même schéma se reproduira dans les autres grands ensembles économiques, États-Unis (–9,0 %), Inde (–23,9 %), Brésil (–11,4 %), Japon (–9,9 %), comme ailleurs dans le monde. Des politiques sanitaires précoces et intelligentes permettront dans certains pays de limiter le bilan de la pandémie en termes de décès : mais quelles que soient les mesures spécifiques suivies en matière de lutte contre la pandémie, tous subiront par ricochet les conséquences du collapsus économique mondial.
Une fois arrivé l’été boréal, la pandémie paraît être tenue en lisière en Europe, au Moyen-Orient, en Inde, en Asie-Pacifique. En juillet 2020, dans ces régions, les décès par Covid étaient devenus statistiquement « invisibles » : dans la plupart des pays de ces régions, tout comme dans l’immense continent africain, il n’y a plus de surmortalité apparente dans les chiffres des instituts d’études statistiques. La politique du coup de frein brutal a été sévère mais elle semble alors avoir payé en termes de mortalité. Les États-Unis, pour des raisons tenant à leur structure fédérale et aux signaux contradictoires de l’administration Trump, ne connaissent pas la même embellie mais leur hot spot le plus grave, la région new-yorkaise avec plus de 30 000 morts au printemps 2020, avait été calmé. Restait une Amérique latine, où entre l’hiver austral des uns (Argentine), les postures « trumpiennes » des autres (Brésil, Mexique, qui nient dans un premier temps la réalité de la pandémie) et le sous-équipement des États andins, la pandémie flambe : mais cela paraît se passer aux marges du monde.
Dans les pays industrialisés, la réponse économique à la pandémie sera forte et rapide.
Lorsqu’une voiture « pile » brutalement, mieux vaut pour ses occupants qu’elle dispose de ceintures de sécurité et d’airbags. Ce sera le cas pour les pays les plus riches, non d’ailleurs sans quelques surprises, généralement bonnes. Dès avril et tout au long de l’année 2020, l’Amérique si individualiste, si hostile au « socialisme » sous toutes ses formes, met en œuvre une politique d’aides aux populations et aux entreprises atteignant $4 000 milliards, soit un cinquième du PIB américain. Le revenu des ménages dépasse même de 6 % le niveau atteint en 2019. Au final, le déficit budgétaire américain s’envole en 2020 à 14,9 % du PIB, chiffre sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Les plans de soutien et de relance exécutés en 2020 et pendant le premier semestre de 2021 sont voisins du quart du PIB de 2019.
Avec des variantes diverses, le même phénomène se produit dans une mesure un peu plus faible à l’échelle de l’Union européenne comme des États membres. L’Allemagne, confite en dévotion pour le Schwarze Null (l’équilibre budgétaire, et plus si affinités), commençait 2020 avec une prévision d’excédent budgétaire de 13,5 milliards d’euros. En cours d’année, elle tombe dans le péché : elle dépense 130 milliards pour soutenir l’économie face à la pandémie, soit 4 % du PIB, et ce n’est qu’un début. Le déficit budgétaire pour 2020 passe du noir au rouge, à –4,8 %. Elle paraît un instant oublier son « Nein ! » absolu à la mutualisation des risques à l’échelle de l’Union, rendant possible la levée de 750 milliards d’euros pour abonder le plan de relance européen : sur le moment, cela pouvait surprendre même si la suite n’a que partiellement confirmé le caractère fondateur du geste (chapitre V). Au global, pendant la première année de la pandémie, les mesures de soutien de tous ordres consentis par l’Allemagne se montent à 8 % de son PIB de 2019.
Le chiffre correspondant pour la France est de 12 % du PIB. La France, avec son « quoi qu’il en coûte », découvre avec étonnement que Bercy sait verser aux particuliers et aux entreprises de l’argent, massivement et surtout quasi instantanément. Dans le courant de 2020, la dette publique française s’accroît de 233 milliards, passant de 98 à 116 % du PIB. Avant la troisième vague de la pandémie en avril 2021, le déficit budgétaire prévisionnel pour 2021 était estimé à –8,5 %, soit à peine moins que les –9,2 % de 2020. Ces chiffres vertigineux, dignes du temps des guerres mondiales, laissent fort heureusement de marbre marchés et établissements financiers.
Partout dans le monde, à commencer par la Banque centrale européenne, les principales banques centrales ouvrent en grand les vannes dès avril 2020, allant bien au-delà des mesures d’injection de liquidités dans le système économique via la pratique du quantitative easing (assouplissement quantitatif) qui avaient naguère et tardivement permis de sortir de la crise de l’euro. De fait, chacun avait appris les leçons négatives de la grande récession de 2008-2009 et de ses suites européennes : en cas de grande crise, mieux vaut appuyer sur l’accélérateur de la dépense que de presser le frein de l’austérité. Certes, la dette publique s’envole partout, mais les marchés ne s’en inquiètent pas et avec des taux de base tournant autour de zéro, elle pèse fort peu sur les comptes des États.
L’économiste néomonétariste Milton Friedman évoquait jadis la nécessité en certaines circonstances de survoler les populations en hélicoptère toutes portes ouvertes et de larguer les billets de banque sur la foule. Hélicoptères en moins, c’est ce qui a été fait. Au moins, l’orthodoxie et la paralysie n’auront pas caractérisé la gestion économique et sociale des principaux acteurs publics en temps de Covid. Dans le microcosme français, Bercy a brillé là où Ségur a cafouillé.
Ainsi, à l’été 2020, la Covid était en recul, sauf en Amérique latine, et la reprise économique était au coin de la rue. La pandémie avait fait perdre près de l’équivalent d’un trimestre d’activité économique dans de nombreux pays et alourdi la dette publique dans des proportions dignes des deux guerres mondiales. Mais maintenant venait le temps de s’intéresser à « la vie d’après ». Dès juillet 2020, les rayons des librairies rouvertes en France croulent d’ailleurs sous les livres tournant autour de cette thématique.
Ce récit était trop beau pour rester tout à fait vrai.

Le virus est un acteur stratégique

Tout d’abord, le virus a rapidement rappelé qu’il n’était pas une matière inerte dont on vient à bout comme on peut réparer les dégâts d’un séisme ou d’une inondation. Soumis aux lois darwiniennes de sélection biologique, le SARS-CoV-2, pour l’appeler par son nom, fait un retour en force dans l’hémisphère nord dès la fin de l’été, mettant à profit le relâchement des mesures de distanciation sociale et le débordement des politiques de tests et de traçage. C’est ainsi qu’une nouvelle vague, plus meurtrière que la première, va s’abattre sur l’Europe, les États-Unis, l’Inde, le Moyen-Orient. Des pays qui avaient traversé sans trop de dommages la première vague prennent la deuxième de plein fouet, notamment l’Allemagne, l’Europe centrale, le Portugal, la Grèce, la Russie, Israël. Un peu partout, le confinement revient à l’ordre du jour, avec un quatrième trimestre qui va tuer dans l’œuf la reprise constatée pendant l’été, cette dernière étant en deçà des espoirs initiaux. En effet, les ménages, devenus naturellement prudents, avaient choisi d’épargner au lieu de consommer à tout-va : l’argent-hélicoptère se retrouvait plus que de raison chez l’écureuil : en France, le taux d’épargne passe ainsi de 15 % des revenus des particuliers à la fin 2019 à près de 27 % six mois plus tard. Sur les trois premiers trimestres de 2020, l’épargne supplémentaire atteint de l’ordre de 90 milliards d’euros, soit 4 % du PIB, et cela en gardant à l’esprit que moins de la moitié des ménages était en mesure d’accumuler une épargne supplémentaire.
Le cas français est illustratif de ce qui s’est passé dans d’autres économies avancées. Aux États-Unis, ce sont plus d...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Prologue
  5. CHAPITRE I - La pandémie comme accélérateur de l'Histoire
  6. CHAPITRE II - Chine – États-Unis : les superpuissances et la guerre
  7. CHAPITRE III - La démocratisation de la guerre
  8. CHAPITRE IV - Un monde sans loi, ou le piège de Kindleberger
  9. CHAPITRE V - L'Europe déboussolée
  10. ÉPILOGUE - And the winner is…?
  11. Sommaire
  12. Du même auteur chez Odile Jacob