Des âmes et des saisons
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Des âmes et des saisons

Psycho-écologie

  1. 304 pages
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Des âmes et des saisons

Psycho-écologie

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À propos de ce livre

«L'impact du milieu n'a pas le même effet sur un bébé, sur un adulte, selon la construction physique et mentale de chacun. Ce que nous sommes aujourd'hui n'est pas ce que nous serons demain, marqués, expérimentés et souvent blessés par l'existence. Notre corps et notre esprit modifiés par la vie devront s'adapter à un monde toujours nouveau. Les hommes et les femmes, les pères et les mères, voient leurs places respectives bouleversées par une nouvelle donne qui chamboule les schémas traditionnels du masculin et du féminin et qui redistribue l'identité et le rôle de chacun dans le couple et dans la famille. Notre culture a perdu la boussole, nous naviguons à vue, bousculés par les événements, errant là où le vent nous porte. Il nous faut reprendre un cap, car nous venons de comprendre que l'homme n'est pas au-dessus de la nature, n'est pas supérieur aux animaux, il est dans la nature. La domination, qui a été une adaptation pour survivre, aujourd'hui ne produit que du malheur. Une étoile du berger nous indique cependant la nouvelle direction, vers l'unité de la Terre et du monde vivant.»B.C. Un livre d'une richesse exceptionnelle, conjuguant tout le savoir le plus récent de l'éthologie, de la préhistoire, des neurosciences. Une méditation profonde sur la condition humaine et sur l'avenir de nos sociétés. Boris Cyrulnik est neuropsychiatre. Il est l'auteur de nombreux ouvrages qui ont tous été d'immenses succès, notamment Un merveilleux malheur, Les Vilains Petits Canards et, plus récemment, Sauve-toi, la vie t'appelle, Psychothérapie de Dieu et La nuit, j'écrirai des soleils.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2021
ISBN
9782738154125
Il était né sur les pentes de l’Everest où le serpent Nâga l’avait instruit aux sciences de l’âme. En haut du haut sur la montagne, il a promulgué des lois de fer. Mais dans le pays d’en bas, le relâchement était total.
Spyod-Po a dit : « J’ai dans cette plaine tout ce dont j’ai besoin […] l’eau des prairies a pris la couleur de l’or […] les oiseaux n’ont plus de nid et les hommes de maison […] j’ai la siddhi, ce pouvoir parfait que donnent la maîtrise du corps et de la nature […] que le cerf donc emporte les paroles de mon serment. »
Ayant ainsi parlé, Spyod-Po se mit à gravir les flancs de la montagne pour retrouver les lois de fer1.

Quand le bonheur des perroquets s’oppose au bonheur de triompher du malheur

Ce conte tibétain est aujourd’hui confirmé par l’écologie scientifique. L’homme s’adapte à la rudesse des hauts sommets, aux pentes escarpées, à la glace des nuits en acceptant des rituels implacables, ce qui le rend heureux. Quand il redescend dans la vallée, il retrouve la douceur de vivre, la tiédeur des nuits et le relâchement des mœurs, ce qui le rend heureux.
C’est un médecin zoologue, Ernst Haeckel, très favorable à l’idée d’évolution qui a proposé le mot « écologie » pour désigner comment un organisme s’adapte à son habitat.
Cette idée est née en 1866, dans un contexte culturel agité par les idées de Darwin qui soutenait qu’un organisme ne cesse de se développer sous les pressions constantes d’un milieu qui ne cesse de changer. Autant dire que ceux qui ont besoin de certitudes ont été angoissés par une telle conception du monde vivant. Le fixisme est sécurisant parce qu’il donne une vision simple du monde, une clarté abusive qui offre une agréable paresse intellectuelle. Une vérité absolue, en arrêtant le plaisir de penser donne le plaisir de réciter. Le psittacisme consiste à répéter la parole des autres sans en comprendre le sens : c’est le bonheur des perroquets.
La pensée évolutionniste entraîne à raisonner en termes de systèmes et non plus de causalités linéaires : le système respiratoire est composé par l’oxygène de l’air qui franchit la paroi solide des poumons, est recueilli dans les globules rouges qui flottent dans le plasma. C’est un ensemble hétérogène qui permet la fonction respiratoire. Et les êtres humains ne cessent d’inventer des mondes artificiels de machines et de mots qui composent un habitat culturel.
Dans les plaines tropicales de l’Himalaya où poussent le riz et la canne à sucre, les Tibétains élèvent des buffles et des zébus. Les animaux vaquent à proximité des villages2.
Dans les plaines arrosées, riches en feuillage et en fruits, les hommes construisent des abris ouverts avec des terrasses. Le soir, à la veillée, ils parlent des tigres, racontent comment des hommes courageux ont pu leur échapper et parfois les tuer. Depuis quelque temps, ils signalent que l’urbanisation, en empiétant sur les territoires des animaux, les a rendus plus agressifs.
Quand la mousson arrive, les hommes montent sur les versants de l’Himalaya et s’adaptent au climat subtropical vers 1 500-1 700 mètres. Ils construisent des maisons tibéto-birmanes regroupées en hameaux au milieu de champs de maïs et de millet. C’est déjà la montagne. Pour nourrir les buffles et les vaches qui ne peuvent pas dépasser 2 000 mètres, ils construisent des étables pour engranger des réserves et tracent des chemins vers les zones où persiste le feuillage. Un ordre social apparaît, plus rigoureux que dans les plaines, permettant d’adapter la technique des hommes aux besoins des animaux.
Certains habitants des villages népalais poursuivent leur marche vers les grands sommets. Ils sont accompagnés par les yaks, les chèvres et les moutons qui supportent le climat sec et la végétation éparse. La surveillance des animaux, la technologie des habitats et les rituels humains deviennent contraignants. Le soir, à la veillée, on parle désormais de la demeure des dieux, qu’on a aperçue dans la brume, du glissement furtif des fantômes, et de l’apparition soudaine d’une panthère des neiges. Les nouveaux récits donnent une forme angoissée et merveilleuse au monde des forces invisibles qui habitent les hauts sommets.
Entre 4 000 et 7 000 mètres, l’altitude devient très contraignante. Quand l’air et l’oxygène se raréfient, la vitalité diminue : moins de plantes, moins d’animaux, le pas se fait plus lent, la respiration accélère et les petits en haute altitude ralentissent leur croissance3.
La haute montagne fragmente les populations. Les villages étendus des vallées tropicales deviennent des hameaux tibétains. Avec l’altitude apparaissent des maisonnettes et, sur le haut du haut, la technologie des tentes modernes permet de ne pas mourir de froid.
La culture, elle aussi, varie selon les niveaux. Les vêtements, bien sûr, mais aussi les rituels de rencontre et les mots de politesse s’adaptent aux températures. Quand on se croise en montagne, on dit : « Que Dieu vous bénisse », mais quand on passe près de la même personne dans une grande ville, on fait comme si elle était transparente. Les cérémonies religieuses, tolérantes et dissipées dans les plaines, deviennent rigoureuses avec l’altitude. Le calendrier communautaire, la répartition du travail, la construction des abris, la conduite des troupeaux, la fumure des champs évoluent différemment d’un groupe à l’autre4.
Quand le contexte écologique suscite des événements différents, on n’a pas les mêmes choses à raconter. L’éthos, la hiérarchie des valeurs morales qui caractérise une culture, dépend, plus qu’on le croit, de la structure du milieu.
Dans les plaines tropicales où la vie est facile, l’éthos privilégie la libido, le plaisir des petites jouissances. Dans les grandes étendues urbaines, il faut organiser des lieux de rencontre si l’on veut parler, jouer, assister à un combat de coqs ou tenter une aventure sexuelle. Alors que l’éthos des hauts sommets met en valeur le courage physique, la rigueur des rituels de rencontre, l’ingéniosité des constructions, la générosité de ceux qui partagent leurs biens et respectent les codes sexuels.
Le bonheur des vallées n’a pas la même connotation affective que le bonheur des sommets. En haut du haut, l’estime de soi est renforcée par la fierté d’avoir surmonté les épreuves du froid et de la surveillance des troupeaux.
La pente naturelle nous fait plutôt glisser vers le bonheur des vallées où l’eau coule à flots, où les nuits sont douces et où les fruits poussent à portée de la main. Ce bonheur bébête est agréable comme une immanence qui habite à l’intérieur des êtres et des choses. Il suffit de boire un peu d’eau fraîche et de manger une goyave pour ressentir un moment de bonheur immédiat. Alors que le bonheur du haut des hauts implique une transcendance qui monte et nous élève au-delà du froid, des précipices et de la proximité de la mort. Quand le bonheur bébête alourdit notre corps et engourdit notre âme, nous aspirons à l’événement qui réveille la vie. On est malheureux et on se suicide beaucoup dans les paradis terrestres5. Ceux qui prennent le chemin des sommets aiment les épreuves où ils côtoient la misère, le désespoir et la mort, ils éprouvent le bonheur de triompher du malheur. Quand le bonheur difficile les a épuisés, quand, à force de transcendance, la montée vers les cieux a provoqué l’angoisse du vide, ils aspirent à se laisser glisser vers les vallées tropicales.
Le bonheur des vallées n’existe qu’en s’associant avec celui des sommets. L’un sans l’autre n’est que malheur. Quand le bonheur facile nous mène à la nausée, nous aspirons à la pureté des bonheurs difficiles. Mais, dès que le bonheur de triompher du malheur nous mène à l’épuisement physique et à l’usure de l’âme, nous éprouvons soudain le plaisir de régresser. Alors, entre deux malheurs, nous connaissons le bonheur.

Matière du corps ou éther de l’âme ?

Il est difficile de penser que deux sentiments opposés peuvent s’harmoniser comme un couple qui danse en accordant ses mouvements. Le dualisme produit des frères ennemis où l’on nous demande de choisir son camp : la matière du corps ou l’éther de l’âme. Chaque entité aide à prendre conscience de l’autre. Dans un univers où tout serait bleu, le concept de bleu ne pourrait pas être pensé. Pour qu’il vienne en conscience, il faut qu’il y ait une autre couleur que le bleu. Dans un monde où il n’y aurait que du bonheur, c’est le sentiment d’être gavé qui viendrait en conscience et non pas celui de bonheur. Dans un monde où tout serait malheur, le psychisme s’éteindrait avant que mort s’ensuive.
La pensée dualiste crée un piège de l’évidence : « J’ai bien vu que ton corps était là, dormant profondément, et pourtant, à ton réveil, tu nous as raconté un étrange voyage dans un monde invisible où ton âme a connu des événements insensés6. » Le corps d’un côté, l’âme de l’autre ordonnent le monde comme une opposition binaire : tout ce qui n’est pas grand est petit, tout ce qui n’est pas homme est femme, tout ce qui n’est pas corps est esprit. Deux entités séparées se font la guerre. L’une est composée de matière étendue et mesurable et l’autre, sans substance, n’est ni observable ni mesurable7. Cette méthode n’est pas pertinente pour l’étude de l’âme qui, n’ayant pas de substance ne peut se diviser pour être analysée8.
Une telle attitude épistémologique, une telle méthode d’extraction des connaissances, convient aux sciences dures où la fragmentation du savoir, la manipulation expérimentale et la synthèse explicative fabriquent des faits scientifiques et des causalités linéaires qui justifient le succès des méthodes scientifiques.
Mais comment expliquer qu’un mot, une représentation sans substance, puisse agir sur la matière ? Une insulte nous fait rougir en dilatant nos vaisseaux, une mauvaise nouvelle nous fait pâlir et tomber en syncope, une posture symbolique comme se mettre à genoux pour prier peut nous faire ressentir une dimension métaphysique, et la perception d’une croix gammée peut déclencher une angoisse en réveillant le souvenir d’une période tragique. Descartes se dépatouille en imaginant que la glande pinéale permet aux passions de l’âme d’agir plus que le corps9.
En cas d’appauvrissement en stimulations affectives, la réduction du volume de l’hippocampe est facile à photographier, ainsi que la moindre connectivité du cortex préfrontal ventro-médian et du striatum ventral10. La structure écologique du milieu peut donc impacter la construction du cerveau. C’est ainsi qu’une infection virale en début de grossesse, un stress maternel excessif et durable, et la niche sensorielle des premiers mois tracent sur le terreau du cerveau une tendance variable à la névrose ou à la schizophrénie11. Les difficultés relationnelles, l’adversité éducative, les catastrophes sociales et l’appauvrissement culturel ont le même effet puisque les substances toxiques sécrétées lors des épreuves de l’existence franchissent l’équivalent moderne de la glande pinéale, qu’on appelle aujourd’hui « barrière méningée ».

La nouvelle épiphyse philoneurologique

« Je suis une chose qui pense […] j’ai une idée distincte du corps, en tant qu’il est seulement une chose étendue, et qui ne pense point12. » Cette méditation métaphysique de Descartes me rappelle l’explication d’un Papouasien qui voulait démontrer l’existence d’un troisième monde. Le premier monde est celui de l’éveil, disait-il, celui de la chasse et des rapports sociaux. Quand tu t’endors, tu vas dans le deuxième monde du sommeil. Mais quand tu te réveilles, tu nous racontes que, pendant que ton corps dormait profondément, ton âme voyageait dans un troisième monde. Les éveillés ne peuvent pas le voir, alors que les dormeurs le vivent intensément, au point que le rêveur réveille ses camarades pour leur raconter l’étonnant voyage qu’il a fait pendant que son corps gisait par terre. Si bien que pendant la journée on peut voir des Papouasiens somnoler un peu partout, essayant de récupérer la fatigue des voyages nocturnes13.
À Thèbes, il fallait dormir dans une chambre du temple de façon à raconter à l’oracle le rêve de la nuit. De nos jours, ceux qui vont en psychanalyse tentent de se remémorer leurs rêves afin de les élaborer en séance.
Aujourd’hui on sait que l’épiphyse, cet « organe non conjugué », est une glande endocrine enfouie entre les deux hémisphères. Elle sécrète une hormone, la mélatonine, qui aide à réguler l’alternance de la veille et du sommeil. Elle ne sert pas à unifier une personne qui pense avec une autre qui ne pense pas, elle fonctionne comme un trait d’union entre les rythmes cosmiques du jour et de la nuit, entre les flux de la veille et du sommeil, comme si le corps n’était qu’un segment de l’univers. En ce sens, Descartes avait pressenti qu’une entité sans substance peut agir sur la substance du corps. Cette lecture de Descartes est étayée par les neurosciences14, alors que l’interprétation qui lui fait dire que l’âme n’a rien à voir avec le corps est disqualifiée15. Le corps n’est pas que mécanique mathématisable, l’esprit n’est pas qu’éther insaisissable. Je peux provoquer une émotion en chaque lecteur en lui injectant des substances : une amphétamine va le rendre agréablement agressif, la réserpine qu’on donnait pour faire baisser les accès d’hypertension déclenchait des accès de mélancolie surprenants. L’interféron nécessaire pour soigner certains cancers occasionne souvent des dépressions sans objet : rien n’a changé dans l’existence de celui qui avale ce cachet et, soudain, sans savoir pourquoi, il est désespéré.
L’autre versant de ce trait d’union, c’est le sentiment. L’émotion, cette fois-ci, est déclenchée par une représentation verbale qui, elle aussi, agit sur le corps. Une insulte serre votre gorge et vos vaisseaux, vous rend pâle de colère et accélère votre cœur, jusqu’à la syncope parfois. Une mauvaise nouvelle augmente la sécrétion de vos hormones de stress (cortisol, catécholamines). Un récit peut vous bouleverser jusqu’aux larmes, provoquer votre haine ou vous euphoriser en inondant votre organisme d’endomorphines naturelles.
La plaque tournante entre l’émotion, provoquée par une substance, et le sentiment inspiré par une représentation abstraite est aujourd’hui dosée dans les astrocytes et les cellules endothéliales de la barrière hémato-méningée16. Lorsque ces substances euphorisantes ou angoissantes franchissent cette enveloppe du cerveau, elles modifient la circulation des nappes de neuromédiateurs, ce qui entraîne la stimulation de zones cérébrales différentes. Quand vous mettez dans l’âme d’un ami un mot qui l’euphorise ou le désespère, l’émotion que vous venez de provoquer grâce à une représentation verbale augmente la sécrétion des substances d’alerte ou de plaisir. Ces molécules baignent les cellules des méninges qui enveloppent le cerveau et modifient leur perméabilité. Ce...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Quand le bonheur des perroquets s'oppose au bonheur de triompher du malheur
  5. L'amour est une révolution, l'attachement est un lien
  6. Attachements et traditions culturelles
  7. Période sensible neuroculturelle de l'adolescence
  8. Sommaire
  9. Du même auteur chez Odile Jacob