GAFA
eBook - ePub

GAFA

Reprenons le pouvoir !

  1. 192 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

GAFA

Reprenons le pouvoir !

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Il y a vingt ans Apple entamait avec le retour de Steve Jobs sa seconde vie. Google et Amazon étaient des start-up et Facebook n'existait pas. Vingt ans après, les GAFA font partie des entreprises les plus puissantes au monde. N'avons-nous pas fait preuve de naïveté face à ces jeunes pousses qui se réclamaient de la liberté d'entreprendre et de l'innovation? Peut-on encore lutter contre ces empires plébiscités par les consommateurs et aux ambitions sans limite? Joëlle Toledano montre dans ce livre comment les GAFA arrivent à s'extraire du droit commun, à verrouiller la concurrence, à définir leurs propres règles en s'appuyant sur l'efficacité des outils numériques. Dénonçant notre retard face à ces entreprises sophistiquées et agiles, elle nous exhorte à comprendre ce nouveau monde et à reprendre l'initiative. La transformation numérique est rapide, bouleverse les chaînes de valeur. Les intérêts de court terme sont souvent opposés à ceux de long terme, d'où les difficultés à définir l'intérêt général. Donnons-nous les moyens de fabriquer les institutions du XXIe siècle au service du bien commun! Joëlle Toledano, économiste, est reconnue en Europe comme une spécialiste de la régulation des marchés. Elle a été membre du collège de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP, 2005-2011) et a occupé des fonctions importantes dans de grands groupes français. Aujourd'hui, professeure émérite associée à la chaire « Gouvernance et régulation » à Dauphine, elle est au « board » de plusieurs jeunes pousses du numérique.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à GAFA par Joëlle Toledano en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Business et Business General. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2020
ISBN
9782738153258

CHAPITRE 1

Le triomphe du Web commercial


Le Web historique se rêvait mondial, ouvert à tous, sans autres règles que celles que les internautes auraient bien voulu se donner. L’Internet d’aujourd’hui est celui de la National Security Agency (NSA), l’agence de renseignement américaine pour laquelle travaillait Snowden, de Cambridge Analytica, des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et de leurs « homologues » chinois les BATHX (Baidu, Alibaba, Tencen, Huawei, Xiaomi), des infox (fake news) et des discours de haine, de la cybersécurité… La tendance est au Web cartellisé avec un Internet chinois, qui favorise la surveillance et le développement de grands acteurs protégés par le pouvoir politique alors que Facebook s’appuie plutôt sur les sciences cognitives pour garder toujours plus longtemps ses utilisateurs dans l’application, et maximiser ses revenus publicitaires. Dans ces deux mondes, surveillance, fermeture et développement commercial sont d’ailleurs loin d’être exclusifs, au contraire. Vue de France – ou plus généralement des pays démocratiques – la situation chinoise apparaît de plus en plus comme la réalisation concrète de romans de science-fiction du XXe siècle. Le pouvoir politique chinois, en complément d’une censure très organisée, est en train de tester le système de surveillance qu’Orwell aurait pu imaginer. Il s’appuie sur une note de « crédit social » établie à partir des comportements des internautes en ligne, d’informations fournies par les entreprises, par le réseau des caméras de surveillance… Les droits des citoyens dépendront de leurs notes. La vocation du système de contrôle social chinois est d’inciter les citoyens à se comporter « bien ». Il peut être vu, soit comme l’automatisation des systèmes classiques de contrôles totalitaires, soit comme la transposition dans la vie sociale des systèmes de notation économique (le scoring), par exemple les mesures de solvabilité financière des particuliers qui conditionnent l’accès au crédit. L’autre facette de l’intranet chinois, c’est la puissance des géants du numérique chinois (symbolisés par les fameux BATX) qui se sont formidablement développés derrière des frontières protectrices érigées, non seulement pour contrôler les flux de communications, mais aussi pour permettre le développement de champions nationaux.
Le comportement des plateformes telles que Facebook ou YouTube présente beaucoup de similitudes. Certes, dans les deux cas, il n’y a aucune obligation pour leurs plus de deux milliards d’utilisateurs de rester « scotchés » derrière leur smartphone à s’émouvoir, s’énerver, lire et poster des messages, regarder des vidéos, les liker, etc. Pour autant, l’objectif que ces deux réseaux sociaux partagent, sans coercition bien sûr, c’est d’inciter leurs utilisateurs, en créant des mécanismes d’addiction, à y demeurer le plus longtemps possible. Ces deux entreprises ont bâti leur modèle économique sur la publicité ciblée et s’appuient sur des méthodes issues des sciences cognitives pour créer chez le consommateur le besoin de se connecter en provoquant des mécanismes d’addiction1. Toute la journée, de nombreuses fois par jour, les utilisateurs se connectent, attendent les réactions des amis ou des followers, désirent leurs « j’aime » ou au contraire craignent l’absence de réactions. L’objectif des acteurs vivant de la publicité est de conserver l’attention des consommateurs afin de pouvoir leur envoyer le plus de publicité possible. Cette dernière, d’autant plus lucrative qu’elle est bien ciblée, s’appuie sur la collecte et le traitement des traces numériques laissées sur leur passage par les consommateurs. C’est une des formes du « capitalisme de surveillance » dont l’expression a été popularisée par Shoshana Zuboff aux États-Unis2.
Obligés ou fortement incités, les utilisateurs des plateformes chinoises et américaines sont surveillés et s’enferment dans des mondes largement organisés par d’autres. Il est loin, le cyberespace rêvé des années 1990 !

L’utopie perdue des débuts

L’Internet des années 1990 est celui de l’accès à la connaissance et de la création partagés, de la « Net étiquette » – pas toujours respectée –, qui définissait les règles de conduite et de courtoisie recommandées, de la non-monétisation, de la décentralisation et de la démocratie horizontale permettant à la culture libertaire de se déployer librement3. Internet était vu comme un monde distinct du monde réel dont il fallait le protéger en empêchant toute contamination. N’oublions pas qu’en 1996 le nombre de participants et de sites accessibles était extrêmement limité, respectivement 16 millions et 100 000 sites Web. Ainsi, à l’époque, c’était moins de 0,3 % de la population mondiale – un public très spécifique majoritairement masculin, jeune et diplômé – qui l’utilisait contre aujourd’hui presque 60 % de la population mondiale4. Dans ce cyberspace utopique, détaché du monde physique, et encore de taille très limitée avec une sociologie particulière – des hommes blancs plutôt geek – toute idée de régulation était une atteinte à la liberté d’expression et s’apparentait à de la censure.
Dans la fameuse « déclaration d’indépendance du cyberespace », celui qu’on a pu appeler le père de la dernière utopie du XXe siècle5, John Perry Barlow, écrivait ceci : « Nous devons déclarer nos subjectivités virtuelles étrangères à votre souveraineté, même si nous continuons à consentir à ce que vous ayez le pouvoir sur nos corps. Nous nous répandrons sur la planète, si bien que personne ne pourra arrêter nos pensées. Nous allons créer une civilisation de l’esprit dans le cyberespace. Puisse-t-elle être plus humaine et plus juste que le monde que vos gouvernements ont créé6. »
Cette règle du laissez-faire ne s’est pas arrêtée aux réglementations et aux contenus mais a concerné aussi les pratiques commerciales. Selon la très intéressante analyse proposée par Yochai Benkler à l’occasion d’un colloque consacré à John Perry Barlow, l’idéologie ne se voulait pas seulement antiétatique, elle cherchait aussi à s’écarter de la société de marché7. Mais « le principal échec de cette vision tient à ce qu’à l’exception d’endroits importants mais isolés, où les pratiques communes se sont enracinées tôt et ont pu faire concurrence à l’État et au marché, l’expansion du domaine de la production non marchande est au point mort ». L’Internet commercial l’a emporté. En matière de production sociale distribuée, Wikipédia et le développement des logiciels libres, apparaissent certes comme des modèles exemplaires mais aussi comme des exceptions.
En plus de cette première limite au projet initial que constitue la capacité limitée des « communautés ouvertes et les individus décentralisés » à contester le développement du marché, et des États, l’histoire a par ailleurs montré que des groupes d’individus autonomes (ou pas) peuvent également utiliser les caractéristiques d’ouverture du net pour produire des contenus haineux ou dangereux. C’est ce qu’on a pu observer avec les fameuses controverses autour des joueurs en ligne, la propagande et la manipulation de l’opinion dans les mouvements d’opinion et les élections de ces dernières années8, les mouvements de harcèlement à l’égard des femmes, des homosexuels, etc.

Les limites de l’autorégulation

De leur côté, des entreprises comme Google, Amazon, Apple ou Facebook ont su utiliser les ressources ouvertes disponibles pour créer des goulets d’étranglement les protégeant de la concurrence, utilisant la décentralisation du réseau pour collecter des données privées et des informations produites volontairement par les consommateurs pour évaluer telle ou telle prestation. Bref, l’usage du cyberespace a produit le meilleur comme le pire. Et les acteurs économiques se sont révélés des sources centrales de pouvoir. Toutefois, contrairement aux années 1990, Yohai Benkler – à qui l’on doit la notion de production par les pairs sur la base des biens communs9 (commons-based peer production) – peu suspect de sympathie à l’égard de l’interventionnisme d’un État tout puissant, estime aujourd’hui que le pouvoir des États, malgré son potentiel d’oppression, peut et doit être utilisé pour faire contrepoids au pouvoir du marché10.
Du côté des États, le Web était essentiellement porteur d’innovations qui semblaient cantonnées à des domaines limités. Ce n’est que plus tard que le phénomène de numérisation de l’économie dans son ensemble a vraiment été perçu. D’une certaine manière, ce qu’on a appelé en 2000 l’explosion de la « bulle Internet » a contribué à minorer les effets anticipés de la diffusion des technologies numériques. Dans le cadre d’une tradition libérale où l’intervention de l’État est suspecte, la technologie et la valorisation des innovations ont été considérées comme prometteuses en termes de croissance et de productivité, dans une période de ralentissement de la croissance. La lecture des préconisations des multiples rapports traitant du numérique et de sa régulation éventuelle faite par Pierre Kosciusko-Morizet en 2011, et synthétisées dans son propre rapport, illustre la tonalité générale des débats : l’État doit éviter d’intervenir directement. Les mots qui reviennent sont autorégulation, concertation, médiation, corégulation, information… Quant aux modèles institutionnels envisagés pour organiser ces différentes activités, il s’agit essentiellement d’associations ou d’organisations de droit privé11 .
Cependant, peu à peu, le laissez-faire et l’autorégulation ont montré leurs limites. D’abord parce que, comme on va le voir, le numérique a envahi le monde physique alors que quelques entreprises en prenaient le contrôle. Et aussi parce que l’expérience a montré que les discours et les engagements des acteurs n’étaient pas franchement suivis d’effets.
L’exemple de Mark Zuckerberg et de ses promesses vient immédiatement à l’esprit, lui qui a commencé par détrôner MySpace en se présentant d’abord en protecteur de la vie privée. Quand on a en tête les scandales récents, dont le plus connu est celui de Cambridge Analytica, la lecture de la politique de confidentialité de Facebook en 2004 est confondante de bonnes intentions12. L’objectif de monétisation par la publicité a ensuite totalement changé la stratégie de Facebook à l’égard des données personnelles ! Mais comme on le verra plus loin, il n’est pas le seul à ne pas avoir tenu ses engagements à l’égard de ses utilisateurs, particuliers comme entreprises.
Le droit commun a été progressivement amendé pour tenir compte des spécificités du numérique. En intégrant les modèles économiques nouveaux, les nouvelles lois avaient vocation à s’appliquer aux entreprises issues de la révolution numérique comme aux plus anciennes. La liste des textes préparés par la Commission européenne sur le numérique pendant la mandature 2014-2019 concerne des sujets extrêmement variés et s’inscrit largement dans cette perspective13. On y retrouve des questions de commerce électronique transfrontalier et de colis, des problèmes de fiscalité (TVA et impôt sur les sociétés), de droit d’auteur, de révision des cadres réglementaires des télécommunications et de l’audiovisuel, du traitement des données à caractère personnel, etc.14.
L’exemple de la TVA et du commerce en ligne illustre bien à la fois ces délais de prise en compte et la complexité de certaines adaptations. C’est ainsi qu’aux États-Unis il a fallu un arrêt de la Cour suprême (2018) pour casser un arrêt datant de 1992 qui interdisait aux États d’obliger les sociétés n’ayant pas de « présence physique » chez eux, comme les distributeurs en ligne, à collecter la TVA. En Europe, les États membres se sont mis d’accord pour que se mette en place progressivement une taxation évitant les distorsions de concurrence et la fraude à la TVA (TVA du lieu de résidence de l’acheteur, simplifications administratives, etc.). Le processus a été long et se poursuivra jusqu’en 2021.

Le triomphe du Web commercial

À côté du Web collaboratif rêvé à l’origine, s’est donc développé un Web commercial qui a pris une part croissante. Dans le premier cas, les contributions des utilisateurs servent à tous. Wikipédia en est d’ailleurs l’exemple parfait. Cette encyclopédie collective en ligne offre un contenu multilingue librement réutilisable, objectif et vérifiable, que chacun peut modifier et améliorer, sous le contrôle de la communauté des lecteurs. Dans le second cas, celui du Web commercial, le consommateur par ses données personnelles, ses avis et/ou ses achats crée, favorise, l’attractivité des plateformes pour les entreprises qui y participent. Certes, les consommateurs accèdent ainsi à des prestations gratuites mais le reste de la valeur créée est capté par des acteurs au pouvoir de marché toujours croissant. L’idée selon laquelle ces prestations ne seraient pas gratuites mais payées en données personnelles est assez couramment admise. Si on adopte ce point de vue, la question est celle de la valeur de ces données personnelles et de leur juste rétribution. Les énormes profits de Google depuis maintenant de nombreuses années et un peu plus récemment ceux de Facebook peuvent laisser supposer que le partage n’est pas équitable. D’autant que rien ne semble indiquer qu’il y ait une tendance à ce que ce rapport de force évolue au bénéfice des utilisateurs.
L’introd...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Introduction
  6. Chapitre 1 - Le triomphe du Web commercial
  7. Chapitre 2 - Google ou la dépendance aux algorithmes
  8. Chapitre 3 - Un monde économique bouleversé
  9. Chapitre 4 - Consolidation des empires et vassalisation des entreprises
  10. Chapitre 5 - Quand le code privé se substitue à la loi
  11. Chapitre 6 - Revenir aux marchés régulés et à l'intérêt commun
  12. Conclusion
  13. Parabole Robert Zarader
  14. Notes
  15. Remerciements
  16. Table