1- La plupart des remarques d’ordre historique proviennent de ce merveilleux ouvrage. Nombre des informations utilisées dans ce livre ont été puisées à cette source, à laquelle on ne saurait trop recommander le lecteur de se référer pour tout ce qui touche à l’histoire des découvertes concernant les mécanismes de la contraction musculaire : Dorothy M. Needham, Machina Carnis – The Biochemistry of Muscular Contraction in its Historical Development, Cambridge University Press, 1971.
2- Pour mesurer l’importance de la révolution épistémologique qui a marqué la première moitié du IIIe siècle avant J.-C., et sur les rôles respectifs d’Hérophile d’Alexandrie (ou de Chalcédoine) et d’Erasistratos, on peut se reporter au chapitre sur la médecine hellénistique de Mario Vegetti, in Histoire de la pensée médicale en Occident sous la direction de M. Grmek, tome 1, p. 67-94, Seuil, 1995.
Rufus d’Éphèse fut considéré comme le premier médecin de son temps. On lui doit entre autres les descriptions de la peste bubonique, de la lèpre et de la goutte… On lui devrait aussi d’avoir le premier reconnu la valeur de l’anamnèse, c’est-à-dire de l’interrogatoire des patients. J.-C. Sournia, Histoire de la médecine et des médecins, Larousse, 1991.
3- Il faut en effet admirer l’extrême précision de la description des muscles intrinsèques de la langue et du plancher de la bouche, des muscles peauciers, digastrique, transverse ou mylo-hyoïdien, oblique ou myoglosse, des cornes de l’os hyoïde. Selon M. Vegetti (op. cit., p. 77) Galien suggérait à ses élèves des pratiques presque clandestines d’ouverture de tombeaux… et de se rendre à Alexandrie. Sur Galien, l’ouvrage de référence reste celui de Daremberg : C. V. Daremberg, Œuvres anatomiques, physiologiques et médicales de Galien, 2 vol., Paris, 1854-1857.
4- Le traité de Galien, De Motu musculorum, sera traduit pour la première fois par Nicolas Leonicenus à Ferrare et publié à Londres en 1522. Il sera publié pour la première fois en « françois » sous les presses d’Étienne Dolet, à Lyon, en 1541. J. F. Fulton, Muscular contraction and the reflex control of movement, Williams et Wilkins Co, Baltimore, 1926.
5- Sur Léonard de Vinci et l’expérience scientifique au XVIe siècle, on peut consulter les comptes rendus du Colloque international du CNRS, 4-7 juillet 1952 (CNRS et PUF, 1953), et le merveilleux catalogue de l’exposition de la Hayward Gallery (Londres, 1989). André Vésale, reçu le 5 décembre 1537 (à 23 ans !) docteur en médecine et professeur de chirurgie à l’Université de Padoue, commença sa première autopsie le lendemain de sa nomination ; il la mènera jusqu’au 24 décembre. Comme Galilée, Vésale occupera par la suite une chaire à Pise à la demande de Come Ier de Médicis, il suivra Charles Quint en Europe, deviendra médecin de Philippe II à Madrid, et mourra en Terre sainte en 1564. L’œuvre de Vésale va déclencher tout le mouvement d’études physiologiques de la contraction musculaire, avec Steno au Danemark, Borelli en Italie, Croone, Mayow, Willis, Glisson en Angleterre… (J.-C. Sournia, op. cit.).
6- On doit à la lecture du livre de Jean Hamburger une excellente analyse de cette forme majeure de la « pensée unique » que fut la scholastique. Dans son chapitre sur la longue marche menant au raisonnement scientifique moderne, il a très bien montré combien il était dangereux de s’écarter de l’orthodoxie régnante et que le bûcher n’était jamais loin pour les esprits originaux, citant en particulier les exemples de Pietro d’Albano, mort pendant son procès et dont l’effigie fut brûlée en place publique, ou celui de Michel Servet, également brûlé en place de Genève pour avoir déclaré que « les Anciens s’étaient égarés dans leur description du cœur et des vaisseaux sanguins ». J. Hamburger, La Raison et la Passion – Réflexion sur les limites de la connaissance, Le Seuil, 1984.
7- La faculté de médecine de Montpellier inaugura son premier théâtre d’anatomie en 1536, l’Université de Padoue son premier amphithéâtre permanent en 1584, la faculté de médecine de Paris son amphithéâtre, confié à Riolon, en 1620. M. Lemire, Artistes et Mortels, Paris, Chabaud, 1990.
8- Le chirurgien Antoine Dubois louait les services de filles publiques pour occuper la police aux abords des cimetières… Il sera arrêté le 29 décembre 1791 place Maubert dans un fiacre transportant des cadavres et relâché sur conclusion « que ces gens étaient morts de mort naturelle et devaient être abandonnés aux élèves de chirurgie pour leur utilité » (M. Lemire, op. cit., p. 8).
9- L’abbé Gaetano Giulio Zummo (ou Zumbo) d’origine sicilienne, « inventeur » des têtes anatomiques en cire, travailla pour Come III de Médicis avant de rencontrer à Gênes, le chirurgien français Guillaume Desnoues et de réaliser des compositions anatomiques qui feront le tour de l’Europe. M. Lemire, « Fortunes et infortunes de l’anatomie et des préparations anatomiques, naturelles et artificielles », in L’Âme au corps. Arts et sciences, 1793-1993, catalogue de l’exposition organisée dans les Galeries nationales du Grand-Palais (19 octobre 1993-24 janvier 1994), Éditions de la Réunion des Musées nationaux, Gallimard, 1993.
10- Honoré Fragonard, cousin germain du peintre, fondateur et directeur des deux premières écoles vétérinaires de Lyon et d’Alfort, fut l’auteur d’une extraordinaire série d’écorchés aux chairs séchées et aux vaisseaux injectés. Il eut des relations tumultueuses avec ses collègues, en particulier avec le professeur Burgelat, qui le déclara tout simplement fou. Une rumeur voulait que son fameux cavalier écorché fût en fait une cavalière aimée de lui, morte de chagrin parce que ses parents s’opposaient à son mariage… C’était sans imaginer que la Révolution française permettrait à H. Fragonard de revenir au premier plan, à la tête de l’École de Santé, et qu’il y reconstituerait sa collection d’écorchés. Celle-ci peut toujours être admirée au Musée de l’école vétérinaire d’Alfort (M. Lemire, op. cit.).
11- Sur la naissance de l’anatomo-pathologie, et l’École de Paris, voir en particulier l’ouvrage de J. Poirier La Médecine est-elle un art ou une science ?, Académie des sciences, 2004.
12- Nous retrouverons Duchenne de Boulogne tout au long de cet ouvrage. Sa biographie a fait l’objet de la thèse de Paul Guilly dont la lecture est tout simplement captivante. P. Guilly, Duchenne de Boulogne, Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1936.
13- Avant de se consacrer à l’étude du système nerveux, Charles Bell (1774-1842) fut d’abord un anatomiste intéressé par l’expression des sentiments sur le visage (Essays on the anatomy of expression in painting, Londres, 1806). On lui doit en particulier d’avoir démontré que les nerfs d’origine spinale convoyaient des influx moteurs et sensitifs, et d’avoir identifié les fonctions de certains nerfs crâniens (Ve et VIIe paires en particulier). W. Haymaker et F. Schiller, The Founders of Neurology, 2e édition, Ch. Thomas Publishers, 1970.
14- Une querelle de priorité opposa Charles Bell et François Magendie sur les fonctions motrices et sensitives des racines médullaires antérieures et postérieures, dont Magendie apporta le premier les preuves expérimentales. Magendie fut clinicien à l’Hôtel-Dieu et physiologiste, titulaire au Collège de France de la chaire de physiologie et pathologie générale. Il fut le maître et l’inspirateur de Claude Bernard.
15- Fallope (1528-1562) fut le continuateur de l’œuvre de Vésale. Il fut le premier à saisir l’importance des fibres musculaires dans la contraction. Fabrice d’Aquapendente (1537-1619) fut l’élève de Fallope et le maître de William Harvey ; il mettait l’accent sur le rôle des tendons dont la structure fibreuse et la solidité l’impressionnaient. Il n’en est pas moins remarquable que W. Harvey, lui, revint à la chair comme source de la contraction (D. Needham, op. cit., p. 13).
16- Nicolas Stensen, ou Steno (1638-1686) étudia à Paris. Ian Swammerdam aurait partagé la même « piaule » que lui, dans le Quartier latin, chez Maltusedech Thévenot. Steno eut des mots très durs et très prémonitoires vis-à-vis de la théorie galénique régnante des esprits animaux dans son traité Elementorum Myologiae Specimen : « They are mere words, meaning nothing… » (J. F. Fulton, op. cit., p. 16-17).
17- Francis Glisson (1597-1677), véritable promoteur de la physiologie musculaire, introduisit entre autres concepts celui d’« irritabilité » pour un tissu excitable comme le muscle. C’est à lui, et non à Haller comme on le fait communément, qu’il convient d’attribuer cette innovation remarquable (J. Fulton, op. cit., p. 19-20).
18- Les travaux de Leeuwenhoek ont été datés de 1674 et 1682 pour la découverte de la striation musculaire (D. Needham, op. cit., p. 20-22).
19- Le terme « force vitale » apparut sous la signature de F. C. Médicus en 1774 ; on sait que le concept fut repris en particulier par Xavier Bichat, Recherches physiologiques sur la vie et la mort, 5e édition, revue et corrigée par F. Magendie, Paris, Béchet jeunes lib., 1829.
20- Ces chercheurs de Cambridge n’étaient autres que J. Needham et D. M. Needham, cette dernière, auteur du livre Machina Carnis. Cette période critique y est remarquablement décrite en détail (D. Needham, op. cit., chap. 9 et 10).
21- La ressemblance entre cette superprécipitation et une contraction musculaire (obtenue in vitro) n’avait pas manqué de fortement impressionner Szent-Gyorgyi. En raison de la guerre, les groupes de Szeged et de Cambridge n’eurent pas connaissance de leurs travaux respectifs.
22- La composition en acides aminés fut en particulier l’œuvre de Bailey (1948) dont on reparlera pour la tropomyosine. La détermination du poids moléculaire donna lieu à des résultats divergents pendant plusieurs années, en raison des grandes différences techniques. Ce sont Holtzer et Lowey qui donnèrent en 1959 une valeur de 493 000 daltons ; leurs calculs donnaient pour la myosine la forme d’un bâtonnet de 1 620 Å de long sur 26 Å d’épaisseur (D. Needham, op. cit., p. 197-198).
23- Les travaux de fractionnement par la trypsine initiés en 1950, indépendamment par Perry et par Gergely furent repris par Szent-Gyorgyi : pour la première fois, celui-ci proposa la division de la molécule en une partie légère (LMM) de 96 000 de poids moléculaire et une partie lourde (HMM) de 232 000 ; Lowy et Holtzer proposèrent des valeurs sensiblement différentes (126 000/324 000), mais en proportion équi-moléculaire (D. Needham, op. cit., p. 203-204). L’ensemble des travaux aboutit au schéma classique d’une sous-unité légère formée de deux chaînes en alpha-hélice et d’une sous-unité lourde faite de deux chaînes en alpha-hélice dans leur première partie et divergentes dans leur seconde partie. Il est remarquable de voir que les études de microscopie électronique, faites à partir de 1961, en particulier par Rice, ont entièrement confirmé le bien-fondé de ces travaux menés pour l’essentiel par des techniques de biochimie pure (R. V. Rice, Biochem. Biophys. Acta, 52, 602, 1961).
24- La grande difficulté technique de ces travaux est particulièrement bien illustrée par les longs développements que leur consacre Dorothy N. Needham (Machina Carnis, op. cit., p. 212-227). Les résultats tenaient pour beaucoup au mode de préparation de l’actine. Mommaerts et Szent-Gyorgyi considéraient charitablement que les préparations d’actine faites par Straub n’étaient pures qu’à 50 %… ce sont eux qui donnèrent le chif...