Amitiés philosophiques
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Aron-Sartre, Foucault-Deleuze, Ricœur-Derrida, Derrida-Lévinas… D'où sont nées ces amitiés entre des philosophes qui ont marqué leur temps?? En quoi ces «?couples?» sont-ils absolument singuliers et que nous disent-ils de leur époque et de ses enjeux intellectuels?? «?Parce que c'était lui, parce que c'était moi?», écrivait Montaigne à propos de l'amitié qui le liait à La Boétie, s'exclamant également?: «?O mes amis, il n'y a nul amy?!?» S'appuyant sur leurs correspondances, des écrits peu connus, des récits de témoins, François Dosse lève le voile sur l'intimité de ces relations marquées par une proximité affective qui n'exclut pas jalousies et rivalités, rancœurs et haines recuites. L'intensité des joutes le dispute au caractère spectaculaire des réconciliations, parfois à titre posthume. À travers ces itinéraires croisés, c'est toute la seconde partie du xxe siècle qui nous est restituée, avec ses controverses, ses déchirures, ses explosions sociales… François Dosse est professeur émérite d'histoire contemporaine, spécialiste de l'histoire des idées au xxe siècle. Il est l'auteur de plusieurs essais sur la vie intellectuelle française ainsi que de biographies qui font référence.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2021
ISBN
9782738157577

CHAPITRE 1

Aron et Sartre :
« les petits camarades »

« Les petits camarades »

S’il est un couple intellectuel qui aura marqué toute la seconde moitié du XXe siècle comme représentatif d’une complicité circulaire dans l’opposition, c’est bien Aron et Sartre, mais, avant d’incarner les deux pôles opposés de l’engagement dans la Cité, ils ont été des amis inséparables, des « petits camarades » solidaires aux relations fraternelles. Lorsqu’en 1945 Raymond Aron et Jean-Paul Sartre se retrouvent à Paris, ils renouent en effet avec la longue complicité amicale qui les a liés depuis le début de leurs études universitaires. Tous deux sont de brillants élèves : Aron au lycée Hoche de Versailles où il est premier de sa classe tous les ans, mention très bien au baccalauréat ; Sartre, prix d’excellence de la première AB du lycée Henri-IV. Ils sont tous deux à la rentrée d’octobre 1922 en khâgne au lycée Condorcet, seconde khâgne de France par ses résultats au concours d’entrée de la rue d’Ulm. En khâgne, Sartre est inséparable de Nizan, et ce n’est qu’au bout d’un certain temps que se noue la relation d’amitié entre Sartre et Aron. Lorsque Paul Nizan se mariera le 24 décembre 1927 avec Henriette Alphen, Aron et Sartre seront ses deux témoins.
Tous deux entrés à Ulm, Aron rejoint Sartre, Nizan et Canguilhem dans le camp des antitalas (contre ceux qui vont à la messe tous les dimanches). Nizan s’éloigne et part pour Aden. Sartre vit alors en trio avec Aron et Pierre Guille. Leur complémentarité est telle qu’Aron demande à Guille, le littéraire, ce que Sartre pense vraiment de ses arguments lors de leurs incessantes joutes philosophiques : « J’étais alors son interlocuteur préféré. Toutes les semaines, tous les mois, il avait une nouvelle théorie, il me la soumettait et je la discutais : c’était lui qui développait des idées et moi qui les discutais ; pour ma part, je ne lui soumettais pas de théories, tout simplement parce que j’en avais pas1. » Cet incessant dialogue dans le vivier de haute culture de l’École normale supérieure contribue à dessiner les contours de ce couple intellectuel fabuleux qui va marquer tout l’après-guerre et au-delà, autour d’une opposition binaire : entre l’intellectuel qui place ses convictions au-dessus de tout et celui qui fait prévaloir le sens des responsabilités, entre la passion d’inventer et la passion du regard critique, entre le rationnel Aron et les provocations de Sartre, entre la figure de l’artiste de Sartre et celle du philosophe méthodique qu’est Aron, entre la retenue exigée du joueur de tennis qu’est Aron et la violence sans fard dans la pratique de la boxe chez Sartre : « Sartre, plus rigide, plus obscur ; Aron, plus souple, plus négociateur ; Sartre, constructeur de magistrales visions du monde ; Aron, promoteur d’outils théoriques adéquats ; Sartre, le génial inventeur ; Aron, l’intelligence exquise ; Sartre, l’affirmation péremptoire ; Aron, la pondération raffinée ; Sartre convainquant, Aron suggérant, Sartre osant, Aron tempérant2… »
Ils partagent alors la même thurne (la même chambre d’élève à l’École normale supérieure), suivent le même cursus ; ils ont les mêmes lectures, et leurs caractères tout en contraste constituent le socle de leur complémentarité amicale. Simone de Beauvoir a décrit leur relation à cette époque : « Aron se complaisait dans les analyses critiques et il s’appliquait à mettre en pièces les téméraires synthèses de Sartre ; il avait l’art d’emprisonner son interlocuteur dans des dilemmes et quand il le tenait, crac, il le pulvérisait. “De deux choses l’une, mon petit camarade”, disait-il avec un pâle sourire dans ses yeux très bleus, très désabusés et très intelligents. Sartre se débattait pour ne pas se laisser coincer, mais comme sa pensée était plus inventive que logique, il avait fort à faire. Je ne me rappelle pas qu’il ait jamais convaincu Aron, ni que celui-ci l’ait jamais ébranlé3. » Ces joutes intellectuelles ne faisaient qu’alimenter entre eux une complicité amicale qui a perduré malgré leurs différends politiques.
Ils n’ont pourtant pas le même tempérament : Sartre beaucoup plus agité, blagueur, prend la tête des bizutages des nouveaux et allie à sa puissance phénoménale de travail son désir de socialité et son génie d’artiste. En 1926, malgré le lourd programme de l’ENS, il a déjà écrit des poèmes, chansons, nouvelles et romans dont un roman mythique sur l’attaque de l’Olympe par les Titans, mais aussi des essais littéraires et philosophiques, comme la tentative de construction théorique sur le rôle de l’imagination chez l’artiste. Ces années sont celles de la conquête de l’indépendance, d’une expression personnelle : « quatre ans de bonheur4 ». Pour lui, il n’y a pas de limites à la connaissance, et il déclare non sans forfanterie à son ami Daniel Lagache qui deviendra un des plus importants psychiatres de l’après-guerre : « Je veux être l’homme qui sait le plus de choses5. » Si Sartre entend déjà devenir un grand écrivain reconnu au plan tant littéraire que philosophique, il avoue à son ami Aron que s’élever au niveau de Hegel lui est possible, plus haut, incertain. Il est encore à l’époque attiré par des envies plus frivoles : « L’ambition, me disait-il, s’exprime en moi par deux images : l’une, c’est un jeune homme, en pantalon de flanelle blanche, le col de la chemise ouvert, qui se glisse, félin, d’un groupe à un autre sur une plage, au milieu des jeunes filles en fleur. L’autre image, c’est un écrivain qui lève son verre, pour répondre à un toast d’hommes en smoking, debout autour de la table6. »
De ses dialogues incessants qu’il entretient avec son « petit camarade », des idées nouvelles ont germé. Il ressort de leurs échanges sur la psychanalyse que Sartre a tôt marqué ses réticences face à la notion d’inconscient, malgré leur proximité avec Lagache. Il semble même qu’il ait déjà émis l’hypothèse de la mauvaise foi qui occupera une place primordiale dans sa philosophie marquée par le désir de ne pas dissocier psychisme et conscience, tout en tenant compte d’une incomplète maîtrise de la raison. Raymond Aron se souvient : « Une autre conception sartrienne se rattache aussi de quelque manière à nos conversations. Mon diplôme d’études supérieures portait sur l’intemporel dans la philosophie de Kant. Sujet qui contenait à la fois le choix du caractère intelligible et la conversion, à chaque instant possible, qui laisse à la personne la liberté de se racheter ou mieux de transfigurer d’un coup l’existence antérieurement vécue. La mort élimine la liberté et fige l’existence en destin, désormais achevé. Il y a quelque chose de ces thèmes dans L’Être et le Néant, dans ses pièces de théâtre. À vrai dire, il combina les deux idées7. »
En ce milieu des années 1920, Aron est plus politisé que Sartre, plus militant, ancré dans les combats en cours. Adhérant à la SFIO, sa conviction socialiste semble sans faille. Il coanime un cercle Jean-Jaurès qui rassemble les étudiants socialistes. Il soutient le cartel des gauches avec enthousiasme, et se rend même à l’Assemblée nationale assister au duel entre Herriot et Poincaré. En ces années 1920, Aron n’hésite pas à descendre dans la rue pour s’opposer à l’Action française et, en 1925, il s’implique dans une association pour la Société des Nations, passant deux semaines à Genève pour la tenue de l’Assemblée générale. Il y voit une institution qui pourrait garantir la paix après les quatre années de barbarie de la Grande Guerre. Comme beaucoup de sa génération – on pense à Paul Ricœur entre autres –, Aron est à l’époque un pacifiste passionnel. Dans le même temps, Sartre se tient à l’écart des enjeux politiques et se fait plutôt sardonique à l’égard des velléités réformatrices de son « petit camarade », professant un anarchisme de bon aloi. Lui, qui sera plus tard le chantre de l’engagement, est alors confiné dans une attitude de détachement ironique.
Au jour de l’agrégation de philosophie en 1928, Aron est reçu premier de la promotion, alors que Sartre est recalé. Aron n’en revient pas et, découvrant ce qu’il considère comme inique, il laisse éclater sa colère : « Passant rapidement sur son nom, il courut à la fin de la liste, hurla de rage, jeta par terre son chapeau et se mit à le piétiner en criant : “Ah, les cons, les cons, ils ont collé Sartre8 !” » Son échec à l’agrégation n’affecte pourtant pas Sartre, et Aron lui prodigue quelques conseils utiles pour la session suivante, le convainquant de ne donner à l’examinateur que ce qu’il attend, sans chercher à exposer son point de vue personnel. L’année suivante, en 1929, Sartre décroche la première place à l’agrégation devant… Simone de Beauvoir, deuxième, qui n’a alors que 21 ans et est de trois ans sa cadette.
La complicité et échanges de services entre les deux amis ne se limiteront pas à leur vie commune à Ulm. Aron fait son service militaire au fort de Saint-Cyr dans un service de météorologie de l’armée de l’air où Sartre le rejoint en 1929 : «...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Avant-propos
  5. Chapitre 1 - Aron et Sartre : « les petits camarades »
  6. Chapitre 2 - Sartre et Merleau-Ponty : les presque frères
  7. Chapitre 3 - Michel Foucault et Gilles Deleuze : une complicité à distance
  8. Chapitre 4 - Gilles Deleuze et Félix Guattari : penser à quatre mains
  9. Chapitre 5 - Claude Lefort et Cornelius Castoriadis : les meilleurs ennemis
  10. Chapitre 6 - Paul Ricœur et Jacques Derrida : un combat amoureux
  11. Chapitre 7 - Emmanuel Levinas et Jacques Derrida : un Adieu redouté
  12. Ouverture - Une culture de l’amitié
  13. Sommaire
  14. Collection