Le Bel Avenir de la croissance
eBook - ePub

Le Bel Avenir de la croissance

Leçons du XXe siècle pour le futur

  1. 204 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Le Bel Avenir de la croissance

Leçons du XXe siècle pour le futur

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

La croissance économique n'a jamais été aussi faible depuis un siècle et demi que sur ces deux dernières décennies. Pourtant, chacun perçoit que la révolution numérique va totalement bouleverser la donne dans un avenir proche. Comme les précédentes révolutions technologiques, ces innovations peuvent constituer une fantastique opportunité de croissance à condition de nous y préparer. La croissance connaîtrait alors un bel avenir, nous permettant d'affronter plus sereinement les grands défis du XXIe siècle comme la soutenabilité environnementale de cette croissance, le vieillissement de la population, le désendettement ou la réduction des inégalités... En étudiant les trajectoires de nombreux pays sur les deux derniers siècles, cet ouvrage identifie les principaux ressorts de la croissance. Avec une attention toute particulière portée sur la France et l'Europe, il démontre la nécessité d'adapter notre régulation économique afin de bénéficier pleinement des fruits des changements technologiques en cours. Tout ce qu'il faut savoir pour comprendre les enjeux actuels du débat sur la croissance. Antonin Bergeaud est économiste à la Banque de France et expert de la productivité, de l'innovation et de la dynamique des entreprises. Gilbert Cette est économiste à la Banque de France, professeur associé à l'université d'Aix-Marseille, expert du marché du travail, de la croissance et de la productivité, et auteur de nombreux livres qui font référence sur le sujet. Rémy Lecat est économiste à la Banque de France et enseignant à l'université d'Aix-Marseille, expert de la productivité et de l'immobilier. Les positions exprimées dans ce livre ne reflètent pas nécessairement celles de la Banque de France ou de l'Eurosystème.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Le Bel Avenir de la croissance par Antonin Bergeaud, Gilbert Cette, Rémy Lecat en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Business et Business General. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2018
ISBN
9782738145659

CHAPITRE 1

La croissance,
pour quoi faire ?


La croissance semble une notion abstraite, avec peu de conséquences sur nos vies. Les chiffres tombent chaque trimestre, parfois repris et commentés par les médias, sans que nous percevions forcément le lien avec notre prospérité ou notre bonheur. Les trimestres de croissance forte, molle ou négative se suivent sans que notre activité professionnelle en soit forcément affectée. La naissance d’un enfant, une maladie, une séparation… ont bien évidemment plus d’influence sur notre bonheur que le dernier chiffre de croissance. Finalement, que nous importe la croissance ?

La croissance a un impact sur la prospérité de tous

La croissance est un chiffre agrégé, qui laisse place à une grande variété de situations individuelles. Prenons l’exemple de la crise de 2008-2009. Avec une croissance négative de près de 3 % en France, cette crise est, Seconde Guerre mondiale mise à part, la plus grave depuis les années 1930, au point d’être qualifiée de « Grande Récession ». Pourtant, au cœur de cette crise, certaines entreprises se sont développées et ont même prospéré : 260 000 entreprises (et même plus de 580 000 si l’on y ajoute les 300 000 autoentrepreneurs) ont été créées en France en 2009 et pour 5 % des entreprises de plus de 20 salariés, le chiffre d’affaires a même augmenté de plus de 37 %. Malgré l’ampleur de la crise, on pouvait donc être salarié, actionnaire ou dirigeant d’une entreprise en création ou en très bonne santé économique. Néanmoins, pour la majorité des entreprises, les résultats ont baissé, avec un recul moyen de près de 9 % du chiffre d’affaires1. Mais surtout, les défaillances d’entreprises sont passées de près de 50 000 en 2007 à 63 000 en 2009. Concernant le marché du travail, le taux de chômage a progressé mais n’a pas atteint les précédents sommets de 1997. Les emplois en CDI, surtout dans de grandes entreprises, n’ont pas été nécessairement menacés. Les salaires ont poursuivi leur progression et le pouvoir d’achat a été soutenu par la baisse des prix du pétrole. En revanche, les plus précaires ont payé le prix fort de la crise, les fins de contrat d’intérim ou de CDD alimentant fortement le chômage. Le taux de pauvreté (défini par rapport à un seuil de 60 % du revenu médian) est ainsi passé de 13 % en 2008 à 14,1 % en 2014. Et de l’autre côté du spectre de la richesse, les détenteurs de patrimoine, notamment sous forme d’actions, ont également été touchés au travers de la baisse des prix de leurs actifs.
Finalement, pour les ménages, cette « Grande Récession » a surtout été directement et immédiatement ressentie par les plus précaires et à un moindre titre par les détenteurs d’actions. Néanmoins, cela ne veut pas dire que les autres n’en subiront pas les conséquences. Le choc de la crise a en effet été amorti par les finances publiques, avec une progression de la dette souveraine à des niveaux inédits en période de paix, atteignant près de 100 % du PIB. Le remboursement de cette dette publique pèsera à long terme sur le pouvoir d’achat, quelles qu’en soient les modalités. En effet, elle occasionnera nécessairement des hausses d’impôt ou des baisses de dépenses publiques. Cet ajustement des finances publiques, à son tour, pèsera sur notre revenu après impôt, sur la santé des entreprises et de là sur nos salaires et nos emplois…
Il est ainsi difficile d’échapper aux conséquences de la crise, quel que soit notre statut. Parmi les personnes apparemment immunisées des conséquences directes de la crise, les salariés de la fonction publique ont vu leur salaire progresser plus lentement et leurs conditions de travail se dégrader en raison notamment de moindres recrutements. Les salariés des grandes entreprises en CDI ont pu être indirectement touchés par les augmentations d’impôt et une dégradation des perspectives d’évolutions salariales. Enfin, les retraités ont pu être touchés par la dégradation de la valeur de leur épargne et un nouvel ajustement des dépenses de retraite ne peut être exclu.
À l’inverse, les Trente Glorieuses, cette longue période de croissance à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, ont permis une amélioration considérable des niveaux de vie, dont la plupart des Français ont profité. Entre 1950 et 1983, le pouvoir d’achat par adulte a augmenté en moyenne de 3,5 % par an pour la moitié de la population la moins riche, comme pour la population aisée (de 50 à 90 % de la distribution des revenus), et de 2,9 % pour les 10 % les plus riches2. Concrètement, cet enrichissement s’est traduit par un bien meilleur équipement du foyer en voitures et appareils ménagers, et une consommation de loisirs plus élevée (nous y reviendrons au chapitre 4). Dans le même temps, la protection sociale s’est élargie et a mieux couvert tous les accidents et toutes les étapes de la vie (maladie, accidents du travail, chômage, vieillesse…). La pauvreté des plus âgés a notamment reculé avec la création du minimum vieillesse en 1956 et sa multiplication par plus de trois en termes réels entre sa création et 19803. Sur cette période, les congés payés sont passés de deux semaines après la Seconde Guerre mondiale à cinq semaines en 1982. Ainsi, si les Trente Glorieuses ont bénéficié à une large partie de la population, ces bénéfices n’ont pas été uniformes et leur calendrier a pu être différent d’une catégorie à l’autre.
Au travers de l’exemple de la Grande Récession et des Trente Glorieuses, nous voyons que l’impact de la croissance sur notre prospérité, nos emplois et nos revenus n’est ni uniforme, ni immédiat. Les chiffres agrégés cachent une grande diversité de situations. Une part des entreprises peut être protégée contre une crise majeure quand d’autres seront touchées de plein fouet. Certains emplois ne seront pas menacés quand d’autres seront les premiers à souffrir de la crise. Mais à long terme, la croissance aura un impact sur la prospérité de tous.

La croissance fait-elle le bonheur ?

La relation entre croissance et bonheur est complexe. Une branche de l’économie, l’« économie du bonheur », s’est ainsi intéressée à ce qui détermine notre bonheur, tel que mesuré par les enquêtes de satisfaction dans la vie, la consommation de psychotropes, le nombre de suicides ou d’autres indicateurs de santé reflétant le bonheur. Ces mesures, très cohérentes, dégagent des régularités empiriques valables quel que soit le pays ou l’époque. Les caractéristiques individuelles ont un impact majeur sur le bonheur. L’âge en particulier détermine un profil en « V » du bonheur au cours de la vie, avec une baisse régulière de 20 à 45 ans puis une remontée jusqu’à l’âge de la retraite. D’autres caractéristiques non économiques interviennent, ainsi les femmes, les personnes en couple ou ayant des relations sociales riches sont plus heureux que les autres, toutes choses égales par ailleurs.
Les études mettent également en avant le rôle de la génétique. À partir d’études sur des jumeaux, des chercheurs estiment que la moitié des différences de bonheur entre individus tiendrait à la génétique4. Une partie importante du bonheur relève ainsi de caractéristiques individuelles sur lesquelles la croissance et l’économie en général n’ont pas de prise.
Pourtant, croissance et bonheur ne sont pas sans lien. À court terme, cette relation est même très étroite. En effet, un déterminant majeur du bonheur est le chômage : au-delà de l’effet de la seule perte de revenu occasionnée par le chômage, les chômeurs sont moins heureux que les personnes en emploi. Or, dans ses variations, le chômage est étroitement lié à la croissance, qu’il suit généralement avec quelques trimestres de retard. C’est donc une des raisons pour lesquelles le bonheur suit le cycle de la croissance. En période de récession, le bonheur baisse et il augmente en période de reprise. Cela n’est qu’un effet de court terme.
Au-delà de la durée d’un cycle économique, chômage et croissance ne sont pas nécessairement corrélés : depuis 2000, l’Allemagne a eu un taux de chômage plus faible que la France avec une croissance similaire. Le taux de chômage de long terme dépend en effet des caractéristiques structurelles du marché du travail, et notamment de sa capacité à former et intégrer les plus précaires.
À plus long terme, la relation entre bonheur et PIB est donc complexe. Alors que le bonheur déclaré reste stable autour d’une moyenne depuis les années 1970, le PIB par habitant a été multiplié par près de 2 dans les pays avancés sur cette période. C’est le « paradoxe d’Easterlin », du nom de l’économiste qui l’a énoncé le premier. Ce paradoxe a été constaté dans de nombreux pays, avancés ou non.
Easterlin5 a montré que dans les pays développés, le niveau de bonheur moyen ne semble pas augmenter avec le niveau de PIB par habitant. Ce constat a suscité une abondante littérature6 dont le consensus semble être que :
  • Au cours du temps, le niveau de développement moyen influence le bonheur de chaque individu, mais avec un impact de moins en moins fort au fur et à mesure de l’augmentation du niveau de développement. Le gain peut finir par devenir marginal, ce qui explique le constat d’Easterlin sur les pays industrialisés. Mais une relation positive apparaît nettement dans les pays émergents au cours de leur développement.
  • Le statut relatif de chaque personne par rapport à la moyenne de la population ou par rapport à un groupe de référence peut influencer son bonheur personnel. Le bonheur se perçoit ainsi de façon relative aux autres : les plus riches dans une société se déclarent plus heureux, comme les pays les plus riches ont des indices de bonheur moyens plus élevés. Dans son groupe social, voir des individus mieux lotis est source de frustration. Au niveau international, le progrès des technologies de l’information permet désormais de constater les différences de conditions de vie partout sur la planète. Un revenu plus faible par rapport à d’autres pays entraîne à terme ce type de frustration. Prenons l’exemple du progrès médical : savoir qu’un traitement coûteux dans un pays plus riche permettrait de soigner une maladie incurable dans notre pays paraît difficilement acceptable ; pourtant, c’est bien déjà le cas pour la France face à certains traitements, par exemple ponctuellement contre l’hépatite C7.
  • Le bonheur moyen de la population est décroissant avec le niveau d’inégalités. En effet, la relation entre le gain de bonheur et le revenu personnel relatif est concave. Autrement dit, le bonheur augmente avec le revenu, mais de moins en moins vite. Donc à des niveaux élevés de revenu, l’effet relatif prend une importance croissante pour expliquer le bonheur de chaque individu : nous devenons plus sensibles à la comparaison de notre niveau de revenu avec celui des autres plutôt qu’à la progression de ce niveau de revenu. Le décideur public est alors face à des arbitrages délicats entre politiques d’allocation, qui peuvent influencer le bonheur moyen en augmentant la croissance, et politiques de redistribution, qui modifient surtout le bonheur relatif.
  • Les travaux les plus récents, comme ceux de Betsey Stevenson et Justin Wolfers8, montrent que le bonheur est continûment croissant avec les revenus, même dans les pays les plus développés, et dans un autre papier avec Daniel Sacks9, les deux auteurs montrent de plus que la satisfaction (le bonheur) moyenne est, toutes choses égales par ailleurs, plus forte dans les pays en croissance, et d’autant plus forte que cette croissance est forte. La psychologie expérimentale a en effet mis en évidence l’importance des perspectives d’évolution dans la perception du bonheur. Notre bonheur est renforcé par l’anticipation d’un événement heureux, comme ceux que peuvent apporter la croissance et l’augmentation de la consommation ou des loisirs qu’elle peut générer.
  • Par ailleurs, des travaux récents menés par l’économiste du bonheur Claudia Senik10 montrent que les Français se placeraient, toutes choses égales par ailleurs, à un niveau moins élevé sur l’échelle du bonheur que d’autres nationalités. Cela s’observe, y compris durablement pour les Français vivant à l’étranger et, progressivement, pour les étrangers vivant en France. Cette particularité ne serait pas liée au langage et n’aurait d’autre explication que des facteurs culturels, voire génétiques11.
Une explication du « paradoxe d’Easterlin » pourrait être une réévaluation de l’échelle utilisée dans l’enquête au cours du temps par les personnes interrogées. Cette échelle, fixe dans le temps et bornée entre deux chiffres, pourrait être interprétée en termes relatifs par les personnes interrogées. Une même valeur de cette échelle pourrait ainsi correspondre à un bonheur plus élevé au fur et à mesure de l’élévation du PIB par habitant. L’apport de la psychologie expérimentale vient étayer le lien entre croissance et bonheur. On observe en effet une tendance à s’habituer à un certain niveau de bien-être considéré comme acquis. Il nous serait très difficile de nous passer du confort apporté par le progrès technologique. Une fois habitué aux appareils domestiques permettant de gagner en productivité dans les tâches ménagères (machine à laver, aspirateur…), aux progrès médicaux, aux nouveaux outils de communication, aux nouveaux modes de transport… leurs pertes pèseraient sur notre bien-être. Nous considérons la possession d’un téléphone comme normale et non comme un élément contribuant à notre bonheur en permettant de communiquer régulièrement avec nos proches.
Cela se reflète dans les réponses aux enquêtes : dans une société où il est normal de posséder un téléphone, sa possession ne sera pas considérée comme contribuant à un surcroît de bonheur par rapport aux autres membres de la société, alors qu’elle l’apporte par rapport aux générations antérieures. L’échelle de bonheur se décalerait ainsi avec le progrès moyen de la société dans laquelle les personnes interrogées évoluent. Sans que cela se reflète complètement dans les résultats des enquêtes, la croissance, largement fondée sur le progrès technique au XXe siècle, a ainsi pu augmenter sensiblement notre niveau de bonheur.
Comme on le voit, la relation entre croissance et bonheur n’est pas directe mais elle est présente. À court terme, elle passe notamment par les fluctuations du chômage. À long terme, une croissance négative nous priverait de biens que nous jugeons comme acquis et pèserait sur notre bonheur. Une baisse de la croissance réduit nos perspectives de progrès professionnel ou d’amélioration de notre bien-ê...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Introduction
  5. CHAPITRE 1 - La croissance, pour quoi faire ?
  6. CHAPITRE 2 - Comment mesurer la croissance ?
  7. CHAPITRE 3 - D'où vient la croissance ?
  8. CHAPITRE 4 - Le XXe siècle, une période de croissance exceptionnelle dans l'histoire de l'humanité
  9. CHAPITRE 5 - Les grands émergents : quel rattrapage en vue ?
  10. CHAPITRE 6 - La troisième révolution industrielle : où en est-on ?
  11. CHAPITRE 7 - Stagnation séculaire ou nouvelle vague de croissance ?
  12. CHAPITRE 8 - Les réformes structurelles
  13. Table
  14. Conclusion
  15. Notes
  16. De Gilbert Cette chez Odile Jacob