Tableau de la vie
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Tableau de la vie

Échanges, Ă©mergence, complexitĂ©

  1. 352 pages
  2. French
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Échanges, Ă©mergence, complexitĂ©

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À propos de ce livre

Percevons-nous la rĂ©alitĂ© du monde qui nous entoure? L'abeille butine la fleur et la fĂ©conde, les atomes se partagent des Ă©lectrons et crĂ©ent des liaisons chimiques, par les mots nous communiquons pensĂ©es et Ă©motions: les Ă©changes sont partout. Le monde nous apparaĂźt comme un ensemble d'objets, de l'infiniment petit Ă  l'infiniment grand, mais il y a entre eux d'innombrables interactions souvent invisibles. Certaines associations donnent naissance Ă  des fonctions ou Ă  des entitĂ©s nouvelles: on parle d'Ă©mergence. C'est Ă  ce phĂ©nomĂšne omniprĂ©sent et mystĂ©rieux que nous devons la complexitĂ© de l'univers qui nous compose et nous entoure, Ă  toutes les Ă©chelles de la rĂ©alitĂ©: des particules atomiques jusqu'au vivant, aux sociĂ©tĂ©s animales et aux formes humaines de la culture. Sous cet angle, ce livre brosse un magnifique tableau de la vie. Du vide bruissant de particules en interaction au foisonnement de la vie, il dĂ©peint un extraordinaire rĂ©seau d'Ă©changes crĂ©ateurs. Dans une langue claire et imagĂ©e, l'auteur en dĂ©voile la complexitĂ© et en cĂ©lĂšbre la beautĂ©. Il Ă©voque aussi la force des solidaritĂ©s humaines, Ă  travers un exemple personnel oĂč le mĂ©decin se retrouve en position de patient. Francis Waldvogel est professeur de mĂ©decine. Figure marquante du systĂšme acadĂ©mique suisse, il a Ă©tĂ© directeur du dĂ©partement de mĂ©decine Ă  GenĂšve, vice-prĂ©sident du Conseil de la science et technologie suisse, prĂ©sident des Écoles polytechniques fĂ©dĂ©rales et cofondateur du World Knowledge Dialogue, une plateforme promouvant un meilleur dialogue entre sciences naturelles et sciences humaines et sociales. Il a prĂ©sidĂ© le Novartis Venture Fund, soutenant le dĂ©veloppement de plus de soixante start-up dans les sciences mĂ©dicales, ainsi que diverses institutions Ă  but humanitaire, social et de finance inclusive.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2020
ISBN
9782738150905

CHAPITRE 1

La générosité de la nature :
Ă©changes et Ă©mergence de la vie



La vie a besoin d’énergie

Nous sommes tous Ă©merveillĂ©s par les performances d’un sprinter olympique avalant les 100 mĂštres Ă  la vitesse de 36 kilomĂštres Ă  l’heure, ou d’un coureur de fond couvrant la distance de 42,195 kilomĂštres du marathon en deux heures et quelques secondes. Mais si on Ă©largissait la participation Ă  nos compĂ©titions sportives au monde animal, les deux athlĂštes seraient largement distancĂ©s, le premier par la rapide antilope ou par son ennemi jurĂ©, le guĂ©pard. Le second finirait largement en retard d’un cheval d’endurance, ou du tenace chameau accomplissant une telle performance mĂȘme sous un soleil accablant et une chaleur Ă©touffante.
Et comment ne pas admirer les innombrables oiseaux migrateurs que nous observons en nuĂ©es compactes s’élançant dans le ciel automnal, qui rĂ©alisent des performances d’endurance uniques vu leur taille et les distances parcourues ? GrĂące Ă  des mini-puces GPS implantĂ©es, il a Ă©tĂ© possible en 2015 de suivre l’extraordinaire randonnĂ©e de quelques sternes arctiques. Parties le 25 juillet des Ăźles Farne au nord-ouest de l’Angleterre, elles ont poursuivi leur vol jusqu’à l’ocĂ©an Indien pour le terminer en Antarctique, leur rĂ©sidence hivernale. DĂšs le mois de mars suivant, elles ont repris leur envol, remontant l’ocĂ©an Atlantique pour retrouver l’Angleterre le 4 mars 2016 [1]. Cette performance nous laisse rĂȘveurs lorsque l’on sait que la sterne arctique ne pĂšse guĂšre que 100 grammes, le poids d’une plaque de chocolat ou d’un tĂ©lĂ©phone portable moderne. Comment sont-elles capables de rĂ©soudre les problĂšmes Ă©nergĂ©tiques permettant de telles performances, avec des ravitaillements minimes pendant le vol ? Outre les autres problĂšmes qu’elles doivent rĂ©soudre, tels que la gouvernance du vol en groupe, la guidance gĂ©ographique, l’alternance de veille et de sommeil, les dangers climatiques et les attaques de prĂ©dateurs, la question centrale Ă  laquelle les sternes doivent rĂ©pondre est bel et bien celle de l’énergie Ă  disposition et nĂ©cessaire Ă  un tel vol transcontinental : Ă©nergie Ă  emmagasiner, puis Ă  libĂ©rer en Ă©change de l’effort musculaire fourni pendant le vol.
Explosion d’énergie pour les animaux sprinteurs et prĂ©dateurs, consommation minutieuse et parcimonieuse de l’énergie pour les marathoniens et les migrateurs, les deux types de performance du monde animal provoquent Ă©merveillement et incrĂ©dulitĂ©. Mais revenons Ă  l’ĂȘtre humain, Ă  sa condition terrestre, et examinons de plus prĂšs ses performances qui mĂ©ritent Ă©galement notre respect. Rappelons qu’il est composĂ© d’innombrables cellules (on en dĂ©nombre environ 30 000 milliards, le chiffre 3 suivi de 13 zĂ©ros !) regroupĂ©es en organes vitaux. Puis ceux-ci se mettent ensemble dans une grande orchestration, nous permettant de sentir, de nous mouvoir, de parler et de penser. Pour accomplir ces missions si diverses, les cellules humaines qui nous composent ne sont de toute Ă©vidence pas identiques. Elles prĂ©sentent une grande variĂ©tĂ©, puisqu’elles forment des organes aussi diffĂ©rents que l’Ɠil, le cƓur, le foie. Cette diversitĂ© cellulaire est considĂ©rable : on estime que nous sommes composĂ©s d’environ 300 piĂšces cellulaires diffĂ©rentes – un grand Lego de piĂšces de formes ou de couleurs distinctes. Certaines cellules qui ont acquis une grande spĂ©cificitĂ© nous sont bien connues comme, par exemple, un globule rouge, une cellule de la peau, une cellule musculaire. Cette diversitĂ© n’empĂȘche pas toutes les cellules d’avoir aussi de nombreuses propriĂ©tĂ©s communes et universelles, qui sont celles de croĂźtre, de se multiplier, puis d’entrer dans le cycle immuable menant Ă  la mort. Il n’y a pas d’exception Ă  cette loi fondamentale de la biologie.
Afin d’accomplir ce cycle biologique universel les menant de la naissance Ă  la mort tout en remplissant leurs fonctions individuelles et spĂ©cifiques, nos cellules ont besoin d’énergie et ont Ă©galement Ă  disposition un certain nombre de constituants chimiques fondamentaux : de l’eau (60 % de notre poids corporel) ; des acides nuclĂ©iques (longues chaĂźnes de macromolĂ©cules portant et transmettant l’information gĂ©nĂ©tique), d’autres constituants organiques tels que des protĂ©ines, des sucres, des graisses (ces derniĂšres appelĂ©es aussi lipides), des sels minĂ©raux. Les progrĂšs considĂ©rables de la biochimie de ces deux derniers siĂšcles ont permis de caractĂ©riser au niveau molĂ©culaire une bonne partie des interactions entre ces diffĂ©rents composĂ©s. Ces recherches ont ainsi permis de dessiner un grand tableau rĂ©sumant les rĂ©actions chimiques nĂ©cessaires Ă  produire et Ă  utiliser l’énergie indispensable Ă  la vie cellulaire. On utilise pour ce tableau le terme de mĂ©tabolisme cellulaire : il peut ĂȘtre comparĂ© Ă  une carte gĂ©ographique montrant l’ensemble des routes, tracĂ©s de chemin de fer et autres liaisons entre des villes, leur permettant de vĂ©hiculer les Ă©changes de denrĂ©es alimentaires, d’eau potable, d’énergie nĂ©cessaires Ă  leur fonctionnement et Ă  l’élimination des dĂ©chets dĂ©sormais inutiles.

Une surface d’échanges : la membrane cellulaire

Afin d’utiliser leurs constituants de façon efficace, les cellules ont besoin de calme : elles le trouvent grĂące Ă  un cadre, une dĂ©limitation vers l’extĂ©rieur, leur permettant de travailler en toute quiĂ©tude dans des conditions stables. La cellule – comme entitĂ© vivante dĂ©limitĂ©e – a ainsi Ă©tĂ© comparĂ©e Ă  une petite usine, recevant des matiĂšres premiĂšres pour les convertir en produits qui seront soit consommĂ©s sur place, soit acheminĂ©s vers le marchĂ© pour leur vente : car les limites d’une usine sont Ă©galement ses surfaces d’échanges, telles que les centres d’achat, le bureau de vente, le service clients, etc. Il en est de mĂȘme pour la cellule : son cadre ou sa dĂ©limitation vers l’extĂ©rieur est une surface d’échanges permanents et s’appelle la membrane cellulaire. Elle est constituĂ©e de lipides (graisses) spĂ©cialement conçus Ă  cet effet, les phospholipides. Ce sont de longues molĂ©cules filamenteuses qui ont la propriĂ©tĂ© chimique particuliĂšre de possĂ©der une « tĂȘte » qui attire l’eau (hydrophile), et Ă  l’autre extrĂ©mitĂ© une « queue » qui repousse l’eau (hydrophobe). Cette double attirance contradictoire – appelĂ©e polaritĂ© – soit vers l’eau, soit loin d’elle, leur permet de s’adosser verticalement l’une Ă  l’autre, comme une palissade, tĂȘte contre tĂȘte, queue contre queue. La nature a eu la bonne idĂ©e de dĂ©doubler cette palissade comme une image en miroir. RĂ©sumons pour ĂȘtre clair : nous pouvons alors, en voyageant depuis l’extĂ©rieur de la cellule, identifier quatre couches, une premiĂšre couche phospholipidique dont les tĂȘtes attirent l’eau, ensuite deux couches qui se tolĂšrent mutuellement mais qui repoussent l’eau, et enfin une quatriĂšme couche hydrophile. Par analogie, on peut se reprĂ©senter la membrane cellulaire comme un sandwich : du pain Ă  l’extĂ©rieur, enrobant deux couches de beurre, Ă  nouveau du pain sur la face infĂ©rieure du sandwich.
Et Ă  l’intĂ©rieur ? L’eau est le constituant chimique principal de toutes les cellules. Elle joue le rĂŽle de solvant, c’est-Ă -dire de milieu liquide dans lequel tous les autres composants chimiques se dissolvent et se mĂȘlent pour accomplir leurs actions. Sans eau, il n’y a pas de vie. Telle est du moins notre conception actuelle de la vie dans l’univers et nous n’arrivons pas Ă  nous reprĂ©senter une vie alternative utilisant d’autres liquides comme solvants tels que le mĂ©thane ou l’alcool. Ainsi, la raison principale de la recherche de traces d’eau lors de l’exploration des astres composant notre systĂšme solaire et galactique rĂ©sulte du fait qu’elle reste le biomarqueur le plus simple qui permettra de rĂ©pondre Ă  la question si nous sommes les seuls ĂȘtres vivants dans notre systĂšme solaire
 ou au-delĂ .
En rĂ©sumĂ©, la membrane cellulaire est donc une structure trĂšs importante dĂ©limitant la vie dans un espace circonscrit. Elle est commune Ă  toutes les cellules des ĂȘtres vivants, y compris des micro-organismes, des plantes, des animaux, et de nous-mĂȘmes. Elle dĂ©limite un espace clos – d’oĂč le nom de « cellule » – dans lequel les rĂ©actions chimiques peuvent se dĂ©velopper en toute quiĂ©tude, Ă  l’abri de l’environnement, et nous reverrons son rĂŽle fondamental dans le chapitre 2 en parlant d’homĂ©ostase.

Le métabolisme cellulaire : une petite usine

Pour que le mĂ©tabolisme – cette « machinerie » cellulaire chimique subtile – fonctionne, la cellule doit avoir Ă  sa disposition les mĂȘmes Ă©lĂ©ments de base qu’une usine, soit des matiĂšres premiĂšres, un plan de travail, des ouvriers, de l’énergie et des services d’achat et de vente. Pour maintenir cette activitĂ© dans les deux cas, il faut un systĂšme d’échanges matĂ©riels et monĂ©taires. Une responsabilitĂ© importante dans les Ă©changes cellulaires revient Ă  la membrane. Celle-ci contient de trĂšs nombreux passages, des « trous » appelĂ©s des pores, par lesquels les Ă©changes s’opĂšrent Ă  grande vitesse. Ces pores peuvent ĂȘtre virtuels, rĂ©els ou encore modulables en diamĂštre, ce qui leur donne une grande flexibilitĂ© d’adaptation. Nous pourrions appeler la membrane cellulaire une « passoire », car son rĂŽle n’est pas seulement de dĂ©limiter, mais aussi de trier. Et, subtilitĂ© additionnelle, cette passoire est constamment modulable en ce qui concerne le diamĂštre de ses trous. Les pores permettent aux constituants de base nĂ©cessaires Ă  la cellule et nageant dans l’environnement de s’y glisser pour ĂȘtre reconstituĂ©s en molĂ©cules beaucoup plus complexes de l’autre cĂŽtĂ© de la membrane. Sucres, graisses, protĂ©ines, acides nuclĂ©iques – tous des composĂ©s Ă  poids molĂ©culaire trĂšs Ă©levĂ© – sont ainsi construits en quelques secondes ou minutes dans cette petite usine performante Ă  partir des constituants Ă©lĂ©mentaires qui ont pĂ©nĂ©trĂ© par les pores. Les produits chimiques complexes ainsi gĂ©nĂ©rĂ©s, de grosses molĂ©cules, interagissent entre eux et donnent alors naissance Ă  un phĂ©nomĂšne miraculeux qui se rĂ©pĂšte des milliers de fois chaque seconde dans votre corps : Ă©merge alors la vie. La cellule devient autonome, croĂźt en taille, se multiplie, remplit ses fonctions pour retourner finalement Ă  son origine, le nĂ©ant.
Nous n’avons toujours pas d’idĂ©e claire sur l’évĂ©nement faisant Ă©voluer l’enchevĂȘtrement actif de molĂ©cules vers ce nouvel Ă©tat Ă©mergent autoreproductif et autonome qu’est la vie. Une approche intĂ©ressante et novatrice consiste Ă  considĂ©rer le mĂ©tabolisme cellulaire comme un exemple typique d’un systĂšme complexe. Comme nous l’avons vu dans le prologue, ceux-ci se caractĂ©risent par le fait que leurs interactions et Ă©changes rĂ©ciproques provoquent l’émergence d’une nouvelle fonctionnalitĂ©, un nouvel Ă©tat, inconnu auparavant et ne s’expliquant pas par l’addition des caractĂ©ristiques prĂ©alables. Échanges et Ă©mergence dans les systĂšmes complexes seront revus en dĂ©tail au chapitre 12. Dans le cas des Ă©changes cellulaires, un Ă©lĂ©ment imperceptible qui doit jouer un rĂŽle dĂ©terminant dans l’émergence de la vie est celui de l’échange d’énergie. Il est donc temps d’y consacrer quelques instants. L’énergie pourrait-elle ĂȘtre sinon la cause, tout au moins un agent de transformation d’un systĂšme complexe, gĂ©nĂ©rant une organisation Ă©mergente qui a de la vie ?

Mais l’énergie, c’est quoi ?

Avant de s’intĂ©resser au phĂ©nomĂšne d’émergence dans les systĂšmes complexes vivants, essayons de mieux apprĂ©hender le concept d’énergie, ingrĂ©dient nĂ©cessaire Ă  la marche d’une usine, qu’elle soit de production textile ou cellule humaine. Car l’énergie est nĂ©cessaire Ă  tous les Ă©changes actifs. Mais qu’est-ce que l’énergie ? Quelques notions simples de thermodynamique et de biochimie sont nĂ©cessaires Ă  sa comprĂ©hension. Rappelons d’abord sa dĂ©finition physique : l’énergie caractĂ©rise la capacitĂ© d’un systĂšme de produire un travail ou de la chaleur. Le terme a son origine dans le grec ancien, ou en signifie « dedans » et ergos se traduit par « travail » : donc, interprĂ©tĂ© librement, l’énergie est « ce qui est apte Ă  produire du travail ». C’est ce que vous ressentez un matin de beau temps au saut du lit : « Aujourd’hui je me sens plein(e) de force pour rĂ©aliser tel travail. »
Il existe plusieurs formes d’énergie trĂšs diffĂ©rentes les unes des autres : elles se dĂ©clinent en mĂ©canique (celle activant un moteur ou permettant la contraction d’un muscle), chimique (emmagasinĂ©e dans les liaisons atomiques qui composent des molĂ©cules), thermique (s’exprimant par de la chaleur), Ă©lectromagnĂ©tique (se retrouvant dans la lumiĂšre du soleil ou que vous recueillez par une prise Ă©lectrique). Une autre classification discerne l’énergie potentielle (celle qui n’est pas encore utilisĂ©e, comme celle contenue dans l’eau d’un barrage hydraulique) et l’énergie cinĂ©tique (celle qui est utilisĂ©e lors d’un mouvement, par exemple lorsque vous pĂ©dalez sur une bicyclette). Et voici une constatation clĂ© qui m’a toujours fait beaucoup rĂ©flĂ©chir : l’énergie ne se crĂ©e pas, elle a toujours existĂ©. Dans un systĂšme donnĂ©, elle est constante, elle ne fait que se convertir. Par exemple dans un barrage hydraulique, dans une casserole pleine d’eau sur le feu, voire dans l’univers, l’énergie totale du systĂšme observĂ© est constante. Elle ne fait que se transformer d’une de ses formes en une autre – encore un Ă©change. Cependant, les Ă©nergies n’ont pas toutes la mĂȘme qualitĂ©, l’énergie thermique Ă©tant la « meilleur marchĂ© » et l’aboutissement irrĂ©versible de toutes les transformations. La chaleur est une monnaie Ă©nergĂ©tique de petite qualitĂ© et peu convertible.
Nous allons maintenant nous intĂ©resser Ă  l’énergie chimique composant de grandes molĂ©cules grĂące aux liaisons atomiques qui les tiennent ensemble. Cette Ă©nergie vous est bien connue dans le quotidien, car c’est elle qui est prĂ©sente dans les molĂ©cules d’essence avec lesquelles vous nourrissez le moteur de votre vĂ©hicule. Ce mĂȘme type d’énergie chimique se trouve Ă©videmment dans d’autres macromolĂ©cules, par exemple celles qui rĂ©gissent les mĂ©canismes de la vie – seulement leur composition est diffĂ©rente de celle de l’essence ou du mazout.
Reprenons l’image d’une cellule humaine – provenant de la peau, du muscle ou du foie – et rappelons-nous qu’elle est limitĂ©e vers l’extĂ©rieur par une membrane qui fait office de surface poreuse d’échanges. On appelle une telle petite usine un systĂšme thermodynamique ouvert, car il peut accepter de la matiĂšre venant de l’extĂ©rieur (par exemple des sucres, des acides aminĂ©s) qui seront transformĂ©s par la « manufacture cellulaire » en produits Ă©laborĂ©s (protĂ©ines, graisses, acides nuclĂ©iques). Certains produits seront utilisĂ©s par le propre fonctionnement cellulaire (par exemple pour faire les acides nuclĂ©iques tels que l’acide dĂ©soxyribonuclĂ©ique ou ADN), d’autres seront exportĂ©s Ă  nouveau vers l’extĂ©rieur dans le sang, au service de toutes les autres cellules de l’organisme. Ainsi, une cellule du pancrĂ©as humain recevra les Ă©lĂ©ments nĂ©cessaires Ă  la production d’insuline, une hormone qui sera sĂ©crĂ©tĂ©e dans le sang et utilisĂ©e par la majoritĂ© des cellules de l’organisme pour brĂ»ler du sucre. Autre exemple, certaines cellules nerveuses ont la gĂ©nĂ©rositĂ© de produire des endorphines, substances envoyĂ©es dans le sang qui nous apportent la sensation de plaisir. Certaines autres cellules du systĂšme immunitaire libĂšrent des substances agissant Ă  courte distance appelĂ©es cytokines, qui peuvent moduler nos mĂ©canismes de dĂ©fense. Enfin, des cellules spĂ©cialisĂ©es comme les muscles produisent de l’énergie qui est alors mĂ©canique et nĂ©cessaire Ă  l’entretien de la course d’un athlĂšte ou d’un vol d’oiseau. Il n’y a donc pas de crĂ©ation d’énergie par la cellule, mais elle est impliquĂ©e dans un vaste systĂšme d’échanges Ă©nergĂ©tiques.
Pour que cette machinerie cellulaire fonctionne, il est donc nĂ©cessaire d’y amener de l’énergie. OĂč se trouve-t-elle, oĂč sont ses rĂ©serves, et d’oĂč vient-elle puisque nous ne pouvons pas la crĂ©er ? Dans le rĂšgne animal et pour nous humains aussi, l’énergie provient des aliments que nous ingĂ©rons. AprĂšs digestion, ils sont transportĂ©s par le sang vers et Ă  travers les membranes cellulaires que nous connaissons maintenant bien, pour y ĂȘtre reconstruits en macromolĂ©cules nĂ©cessaires Ă  la vie. Donc, la pĂ©nĂ©tration Ă  travers la membrane cellulaire de composĂ©s simples stockant de l’énergie chimique est indispensable Ă  la crĂ©ation ultĂ©rieure et au maintien de la vie. Cette constatation peut ĂȘtre insatisfaisante et incomplĂšte pour les curieux. En effet, si l’énergie ne se crĂ©e pas mais est uniquement transformĂ©e, sa premiĂšre origine se trouve alors oĂč ?
Et lĂ , de nouveau, nous allons ĂȘtre surpris : la rĂ©ponse Ă  cette question est le soleil et son interaction avec les vĂ©gĂ©taux. Pour tous nos cohabitants plus simples de la planĂšte, tels que les plantes et les algues – et par consĂ©quent indirectement pour nous –, toute l’énergie provient en effet de notre astre bĂ©ni : l’énergie des rayons solaires frappe les feuilles vertes, leur couleur Ă©tant due Ă  une molĂ©cule compliquĂ©e, pigmentĂ©e, appelĂ©e chlorophylle. Les rayons qui atteignent la chlorophylle en chassent alors des Ă©lectrons. Par une cascade de rĂ©actions Ă©laborĂ©es, celles-ci Ă©changent cette Ă©nergie lumineuse Ă©lec...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. DĂ©dicace
  5. Préface - par Pierre Magistretti
  6. PROLOGUE - Un voyage au pays des échanges
  7. CHAPITRE 1 - La générosité de la nature : échanges et émergence de la vie
  8. CHAPITRE 2 - Trois dialogues du vivant : épigenÚse, symbiose et homéostase
  9. CHAPITRE 3 - Les échanges dans le monde invisible : de la biochimie à l'univers subatomique
  10. CHAPITRE 4 - La force de la parole fait émerger les liens sociaux
  11. CHAPITRE 5 - Échanges de vibrations sonores et émergence d'un enchantement : l'expĂ©rience musicale
  12. CHAPITRE 6 - Les échanges de connaissances, moteurs de notre savoir
  13. CHAPITRE 7 - Vivre ensemble : la société humaine et son passé évolutif
  14. CHAPITRE 8 - Confiance et échanges monétaires
  15. CHAPITRE 9 - La médecine d'aujourd'hui : entre émergences et errances
  16. CHAPITRE 10 - Quand les échanges s'appauvrissent : méfiance, conflit et effondrement
  17. CHAPITRE 11 - Échanges de messages : du coursier de la bataille de Marathon au flux continu de l'infosphùre
  18. CHAPITRE 12 - « Le tout est plus que la somme de ses parties » : émergence et systÚmes complexes
  19. CHAPITRE 13 - La condition humaine : un ensemble d'émergences émanant d'innombrables échanges
  20. ÉPILOGUE - Quand l'individu guĂ©rit par le groupe Échanges et émergence de la rĂ©silience collective : une expĂ©rience personnelle
  21. Bibliographie
  22. Remerciements
  23. Table