Les Relations amoureuses entre les femmes
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Les Relations amoureuses entre les femmes

  1. 420 pages
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Les Relations amoureuses entre les femmes

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Citations

À propos de ce livre

Il faut se rendre Ă  l'Ă©vidence: l'amour entre les femmes sent le soufre. Qu'il soit combattu, niĂ© ou mĂȘme tolĂ©rĂ©, aujourd'hui comme hier, il dĂ©range un certain ordre patriarcal fondĂ© sur la famille et la reproduction. Rares sont les historiens qui ont eu le courage de ne pas l'exclure de leur champ. Et pourtant, l'histoire des relations amoureuses entre les femmes est nĂ©cessaire pour l'histoire de toutes les femmes, tant il est vrai que les lesbiennes ont jouĂ© un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans les mouvements progressistes politiques et artistiques, et dans l'Ă©volution des mƓurs et des mentalitĂ©s. " Souhaitons que le prĂ©sent livre rende mieux perceptible la prĂ©sence des lesbiennes dans la citĂ©. Peut-ĂȘtre alors leur amour sera-t-il enfin reconnu comme l'un des leviers de la libĂ©ration des femmes. " M.-J. B. Marie-Jo Bonnet est docteur en histoire, spĂ©cialiste d'histoire culturelle.

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1995
ISBN
9782738171474

DEUXIÈME PARTIE

DES MYSTÈRES DE LA NATURE À CEUX DE LESBOS (XVIIIE SIÈCLE)



CHAPITRE PREMIER

Lumiùres
 sur la passion du semblable


Au XVIIIe siĂšcle, un verrou religieux va sauter sous la double pression de la philosophie des LumiĂšres et du libertinage. ChassĂ©e par l’ñge classique, la sexualitĂ© revient en force reconquĂ©rir ses droits. Droit au plaisir pour les libertins, mais aussi pour les philosophes qui attaquent l’idĂ©ologie religieuse sur son point faible : sa morale sexuelle. « La nature ne souffre rien d’inutile, Ă©crit Diderot. Tout ce qui est ne peut ĂȘtre ni contre nature, ni hors nature1. »
Ces affirmations rĂ©vĂšlent Ă  quel point la vision du monde de l’Homme du XVIIIe siĂšcle est en train de changer. Ce ne sont plus les mystĂšres de la religion qui l’intĂ©ressent, mais ceux de la nature et des ĂȘtres qui peuplent la terre. Que sait-on du corps humain, de la circulation du sang, des nerfs, du plaisir et de la douleur ? Sur quoi fonder une morale naturelle ? Les nouveaux principes du droit et de la loi naturelle ne sont-ils pas en train de miner ceux de la loi divine qui lĂ©gitime la monarchie absolue de droit divin ? Le dĂ©mon de l’expĂ©rimentation s’empare de toute une sociĂ©tĂ© « Ă©clairĂ©e » qui remet en question les vĂ©ritĂ©s Ă©tablies, cherche une nouvelle façon de vivre, vĂ©rifie ce qu’on lui dit, explore, dĂ©couvre de nouveaux horizons, rĂȘve tout haut et pense que le salut ne vient plus de Dieu, mais de l’Histoire, c’est-Ă -dire de la capacitĂ© de l’Homme Ă  Ă©tablir sur terre le bonheur commun.
Et cela peut aller loin. Car si reconquĂ©rir le plaisir, au XVIIIe siĂšcle, c’est lutter contre la religion, c’est aussi reconnaĂźtre aux femmes le droit au plaisir, quel qu’il soit, mĂȘme avec une femme.
Cette Ă©vidence va confronter le libertin Ă  un mystĂšre indicible
 Si le plaisir entre femmes est un plaisir « sans homme », il Ă©chappe fatalement Ă  son regard, Ă  sa curiositĂ©, Ă  sa connaissance expĂ©rimentale. Alors, qu’y a-t-il quand il n’y a pas d’homme ? N’y a-t-il pas lĂ  une question excitante qui appelle logiquement sa rĂ©ponse ? LĂ  oĂč il n’y a pas d’homme, au XVIIIe siĂšcle, il y aurait
 l’idĂ©al libertin.
Car si le libertin trouve normal qu’une femme puisse en aimer une autre, c’est lui, malgrĂ© tout, qui Ă©crit sur les tribades, soulĂšve un coin du voile, imagine ce qu’il ne peut voir, philosophe sur le plaisir et dĂ©finit la « nature de la femme ». Les femmes ont beau ouvrir des salons, voyager, Ă©tudier les sciences, chanter, aimer, monter sur la scĂšne des thĂ©Ăątres, ne plus craindre le qu’en-dira-t-on, elles ne parlent pas de leur plaisir.
Se taisent-elles parce qu’elles n’ont pas d’espace propre pour s’exprimer ou parce que le discours sur le plaisir est un besoin spĂ©cifiquement masculin ? À lire les textes produits par le XVIIIe siĂšcle Ă©clairĂ©, on a l’impression que le libertinage est un fait d’homme, et nous renseigne bien plus sur celui qui tient le discours, sur sa langue, sa vision du monde, ses structures mentales et sexuelles, que sur les relations amoureuses vĂ©cues par ses contemporaines.

Du bon usage de la langue et des femmes

Cela commence avec la dĂ©finition du mot « tribade », qui change non seulement par rapport Ă  l’ñge classique, mais au sein des Ă©lites, selon qu’elles se trouvent du cĂŽtĂ© du pouvoir ou de sa contestation.
Pour les acadĂ©miciens du XVIIIe siĂšcle chargĂ©s par le roi de « lĂ©gifĂ©rer en matiĂšre de langue » (Vaugelas), c’est-Ă -dire de rĂ©diger un dictionnaire de langue française, la chose s’impose comme une vĂ©ritable nouveautĂ©, puisque le mot « tribade » fait son entrĂ©e dans la quatriĂšme Ă©dition de leur dictionnaire, celle de 1762, avec la dĂ©finition suivante : « Tribade : Femme qui abuse d’une autre femme. »
Selon ces mĂȘmes acadĂ©miciens, abuser signifie « user mal, user autrement qu’on ne doit [
]. On dit abuser d’une fille pour dire en jouir sans l’avoir Ă©pousĂ©e. “C’est une fille dont il a longtemps abusĂ©.” » Comme pour dire que si la « fille » devient sa femme, « il » n’en abuse pas ou que jouir d’une fille est un droit d’usage conforme Ă  la nature des choses, Ă  condition qu’il soit sanctifiĂ© par la loi d’alliance. Or, comme nous savons qu’il ne saurait ĂȘtre question pour une femme d’en Ă©pouser une autre, on se demande ce qu’elle doit faire pour ne pas en abuser si ce n’est que de n’en point user du tout.
Le mot « abus » doit donc avoir une autre signification, s’inscrire dans un autre systĂšme de rĂ©fĂ©rences, suffisamment « Ă©tabli » pour faire autoritĂ© sur l’ancien en contraignant les acadĂ©miciens Ă  sortir de leur vertueux silence.
Est-il une Ă©manation du savoir de l’ñge classique dont on sait qu’il fut prĂ©occupĂ© d’ordonner les mots et les choses Ă  la norme du Bon Usage ? Les sciences, les techniques, les arts, la littĂ©rature, la vie de sociĂ©tĂ©, tout devait se soumettre Ă  la rĂšgle du Bon Usage, Ă  commencer par la langue qui devint l’enjeu et le ferment de bouleversements trĂšs importants. D’abord avec les grands auteurs de la littĂ©rature qui donnĂšrent Ă  la langue française ses lettres de noblesse, en imposant le français comme langue des Ă©lites savantes. Ainsi, on peut lire dans la prĂ©face du Dictionnaire de TrĂ©voux (1732) ce dĂ©saveu formel des auteurs du passĂ© parce qu’ils parlent latin en français : « La connaissance des langues savantes ou Ă©trangĂšres est encore un Ă©cueil pour plusieurs, qui confondant ces idĂ©es diffĂ©rentes transportent souvent dans leur langue naturelle des tours et des maniĂšres de s’exprimer, qui ne sont propres que des langues qu’ils ont apprises, et parlent souvent latin, ou italien en françois. D’autres, Ă  force de s’ĂȘtre rendu familiĂšres certaines façons de parler, se sont imaginĂ© qu’elles Ă©taient en usage, parce qu’ils s’y sont habituĂ©s, et qu’ils s’en sont fait un usage eux-mĂȘmes2. »
La langue de Martial souffrirait-elle du mĂȘme dĂ©saveu, devenant impropre Ă  signifier dans la « langue naturelle » l’idĂ©e qu’on doit se faire des tribades ? Mais si certaines façons de bien parler impliquent certaines façons de bien penser, pourquoi, en « matiĂšre de langue » comme en matiĂšre de relations « abusives » entre femmes, les acadĂ©miciens se rĂ©fĂšrent-ils Ă  la mĂȘme notion d’usage ?
Pour pouvoir y rĂ©pondre, il est nĂ©cessaire de comprendre au prĂ©alable « ce que c’est que cet usage dont on parle tant » au XVIIe siĂšcle, et dont le grammairien Vaugelas donne une dĂ©finition qui fera autoritĂ© : « Il y a sans doute un bon et un mauvais usage – le mauvais se forme du plus grand nombre de personnes (c’est le langage des nourrices et des domestiques) qui presque en toutes choses n’est pas le meilleur, et le bon, au contraire, est composĂ©, non pas de la pluralitĂ© mais de l’élite des voix, et c’est vĂ©ritablement celui que l’on nomme le MaĂźtre des langues [
]. Voici donc comment on dĂ©finit le Bon Usage. C’est la façon de parler de la plus saine partie de la cour, conformĂ©ment Ă  la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps [
]3. »
On ne pouvait pas mieux dĂ©crire le processus d’une prise de pouvoir linguistique d’une « Ă©lite de voix » sur « le plus grand nombre ». Mais le plus intĂ©ressant est la maniĂšre dont Vaugelas confĂšre Ă  la notion abstraite d’usage le poids concret de l’autoritĂ© en disant : « L’Usage que tout le monde appelle le Roi, le Tyran, l’Arbitre, ou le MaĂźtre des langues » – comme si l’usage avait pouvoir absolu de soumettre la langue Ă  sa loi. Sous la RĂ©volution, on retrouve la mĂȘme occultation du sujet de la loi dans le discours d’Amar destinĂ© Ă  exclure les femmes de la jouissance de leurs droits politiques : « Chaque sexe est appelĂ© Ă  un genre d’occupation qui lui est propre ; son action est circonscrite dans ce cercle qu’il ne peut franchir, car la nature, qui a posĂ© des limites Ă  l’homme, commande impĂ©rieusement et ne reçoit aucune loi4. »
Le principe fait donc la loi aux mots, aux choses, à « la multitude » et aux femmes.
VoilĂ  comment une certaine Ă©lite masculine se rend maĂźtresse de la langue et des femmes en accaparant les fonctions de codification des rĂšgles, du bon usage et de la puretĂ© linguistique. Qu’elle se recrute dans « la plus saine partie de la cour et des auteurs » chez Vaugelas, parmi les « honnĂȘtes gens » chez les acadĂ©miciens de 1694, au sein de « la bonne compagnie » chez les encyclopĂ©distes ou auprĂšs du « public » chez les acadĂ©miciens de 1762, elle assume d’un siĂšcle Ă  l’autre le mĂȘme rĂŽle : lĂ©gifĂ©rer en matiĂšre de langue, de culture et d’usage des femmes.
N’est-il pas frappant de constater que lexicographes et grammairiens se rĂ©fĂšrent au mĂȘme vocabulaire – tel que « dĂ©naturer » ou « abuser » – pour parler du mauvais usage de la langue et des relations entre femmes ? Ainsi l’article « Dictionnaire » de L’EncyclopĂ©die explique : « Une langue se dĂ©nature de deux maniĂšres, par l’impropriĂ©tĂ© des mots et par celle des tours ; on remĂ©diera au premier de ces deux dĂ©fauts, non seulement en marquant avec soin, comme nous avons dit, la signification gĂ©nĂ©rale, particuliĂšre, figurĂ©e et mĂ©taphorique des mots ; mais encore en proscrivant expressĂ©ment les significations impropres ou Ă©trangĂšres qu’un abus nĂ©gligĂ© peut introduire, les applications ridicules et tout Ă  fait Ă©loignĂ©es de l’analogie, surtout lorsque ces significations et applications commenceront Ă  s’autoriser par l’exemple et l’usage de ce qu’on appelle la “bonne compagnie”. »
Si ...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. DĂ©dicace
  5. Remerciements
  6. Introduction
  7. PremiÚre partie - TE NOMMER CORPS LESBIEN (XVIe-XVIIe SIÈCLE)
  8. Deuxiùme partie - DES MYSTÈRES DE LA NATURE À CEUX DE LESBOS (XVIIIe SIÈCLE)
  9. Troisiùme partie - BRÈCHES DANS LA CITÉ DES HOMMES (XIXe-XXe SIÈCLE)
  10. Conclusion
  11. Avertissement
  12. Bibliographie
  13. Table