Un privilège exorbitant
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Un privilège exorbitant

Le déclin du dollar et l'avenir du système monétaire international

  1. 288 pages
  2. French
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Un privilège exorbitant

Le déclin du dollar et l'avenir du système monétaire international

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À propos de ce livre

Pourquoi le dollar reste-t-il la seule monnaie de réserve internationale alors que l'économie américaine connaît un déclin relatif? De quels privilèges abusifs jouissent les États-Unis grâce à cette situation? Enfin, comment réformer le système monétaire international? D'une plume alerte, Barry Eichengreen raconte comment le dollar a supplanté la livre sterling dans les années 1920 pour acquérir dès 1945 une hégémonie sans partage, consacrée par les accords de Bretton Woods. Précisant en quoi consiste le «privilège exorbitant» que le dollar confère aux États-Unis (la formule est de Valéry Giscard d'Estaing, alors ministre des Finances) puisqu'il leur permet de financer à moindre coût un endettement abyssal, Barry Eichengreen analyse les alternatives que représentent l'euro ou le renminbi, dont la Chine veut renforcer le rôle dans les transactions internationales. Il plaide pour un système monétaire multipolaire dans lequel l'euro aurait une place décisive. Barry Eichengreen est professeur d'économie et de sciences politiques à Berkeley (Californie). Ancien conseiller au FMI, il est un spécialiste mondialement reconnu des questions monétaires internationales.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2011
ISBN
9782738187413
Chapitre 1
Introduction :
le dollar, monnaie dominante
Le célèbre film allemand Les Faussaires se déroule dans l’Europe des années 1940. L’acteur autrichien Karl Marcovics y campe Salomon Sorowitsch, survivant des camps de concentration. À la première scène, celui-ci est assis sur une plage en tenue de ville à côté d’une valise bourrée de dollars. La guerre à peine finie, il compte faire travailler cet argent d’origine douteuse sur les tables de jeu de Monte-Carlo. Qu’il s’agisse de dollars plutôt que de francs français est essentiel à l’authenticité de la scène. En Europe, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la devise convoitée par tous, dans tous les pays, était celle de l’unique grande économie encore debout. Le dollar était la seule devise qu’un survivant de l’Holocauste pouvait jouer, en toute vraisemblance, dans les casinos de 1945.
Avance rapide sur une cinquantaine d’années. Dans City of Ghosts, un thriller de 2002 situé dans le Cambodge contemporain, on retrouve une valise bourrée de dollars entre les mains de Matt Dillon, qui incarne le personnage principal, un escroc travaillant pour une fausse compagnie d’assurances. Elle est destinée à payer la rançon de son partenaire et mentor, joué par James Caan, mystérieusement kidnappé par des acolytes. Plus d’un demi-siècle de temps cinématographique s’est écoulé, et la scène se déroule à présent en Asie plutôt qu’en Europe, mais la valise contient toujours des dollars et non des yens japonais ou des renminbis chinois. Tout ravisseur qui se respecte compte que la rançon sera payée en dollars : c’est si évident que cela va sans dire.
La valise bourrée de dollars est aujourd’hui une figure obligée des polars et des scenarii hollywoodiens. Mais cette convention artistique reflète une vérité commune. Depuis plus d’un demi-siècle, le dollar est la lingua franca monétaire du monde entier. Un sénateur de la république de Kalmoukie touche un pot-de-vin d’une compagnie aérienne russe ? Il est arrêté en possession d’une valise contenant 300 000 dollars en billets américains dont les numéros avaient été préalablement relevés. Des pirates somaliens capturent un navire ? Ils réclament le parachutage d’une rançon en dollars. Comme l’écrit le Wall Street Journal, « le dollar reste le maître du marché noir1 ». Le fait que près des trois quarts des billets de 100 dollars émis circulent en dehors des États-Unis montre bien que le dollar domine ce douteux empire.
Mais ce qui est vrai des transactions illicites l’est aussi des affaires légitimes. Le dollar reste de loin la monnaie la plus importante pour la facturation et le règlement des transactions internationales, y compris pour les importations et les exportations qui ne touchent pas les côtes américaines. La Corée du Sud et la Thaïlande fixent en dollars les prix de plus de 80 % de leurs échanges alors que 20 % seulement de leurs exportations sont destinées à des acheteurs américains. Pas moins de 70 % des exportations australiennes sont facturées en dollars alors que moins de 6 % sont destinées aux États-Unis. Les marchés des principales matières premières cotent en dollars. Le pétrole est coté en dollars. Le dollar est utilisé dans 85 % de l’ensemble des opérations de change dans le monde. Il représente près de la moitié du stock mondial d’obligations internationales2. Il est la forme sous laquelle les banques centrales détiennent plus de 60 % de leurs réserves en devises.
Cette situation ne laisse pas d’intriguer. Elle était logique après la Seconde Guerre mondiale, quand les États-Unis représentaient plus de la moitié de la production économique totale des grandes puissances3. Puisque les États-Unis étaient de loin le plus grand importateur et la principale source de crédits commerciaux, il était logique que les importations et les exportations soient libellées en dollars. Puisque les États-Unis étaient la principale source de capitaux étrangers, il était logique que les affaires financières internationales se traitent en dollars. Et puisque ces mêmes considérations poussaient les banques centrales à stabiliser leur monnaie par rapport au dollar, il était logique que celles-ci détiennent des dollars en réserve en cas de problème sur les marchés des changes.
Mais ce qui était logique alors l’est moins aujourd’hui : aussi bien la Chine que l’Allemagne exportent plus que les États-Unis. La part américaine dans les exportations mondiales est tombée à 13 %. Moins de 20 % des investissements directs à l’étranger viennent des États-Unis, contre près de 85 % entre 1945 et 19804.
Ce sont là deux manifestations d’un même fait : sur le plan économique, les États-Unis sont moins dominants qu’il y a cinquante ans. Cela tient aux progrès d’autres économies, l’Europe d’abord, puis le Japon, et plus récemment les marchés émergents comme la Chine et l’Inde, qui ont réduit l’écart de leur revenu par habitant. Les économistes parlent à ce sujet de rattrapage ou de convergence. Le phénomène est tout à fait naturel : il n’existe aucune raison intrinsèque pour que les revenus et les niveaux de productivité de la main-d’œuvre aux États-Unis soient plusieurs fois supérieurs à ceux du reste du monde. Ce processus de rattrapage est l’une des grandes réussites de la fin du XXe siècle et du début du XXIe, car il a commencé à sortir de la pauvreté la majorité de la population mondiale. Mais il signifie aussi que la part des États-Unis dans les transactions internationales diminue. Et cet état de fait crée un contraste irritant avec la domination particulière du dollar.
Pour un dollar de papier, un dollar de biens réels
De cette domination, les Américains tirent des avantages considérables. Un touriste américain peut payer son chauffeur de taxi en dollars à New Delhi, ce qui lui évite de changer de l’argent à son hôtel. De même, la large utilisation internationale du dollar est un avantage pour les banques et les entreprises américaines. Une société allemande qui exporte des machines-outils vers la Chine et reçoit des paiements en dollars supporte un coût supplémentaire quand elle convertit ces dollars en euros, la monnaie qu’elle utilise pour payer ses travailleurs et acheter ses fournitures. Rien de tel pour un exportateur américain de machines-outils. Contrairement aux entreprises des autres pays, le producteur américain est payé dans la monnaie qu’il utilise pour payer ses travailleurs, ses fournisseurs et ses actionnaires.
De même, une banque suisse qui reçoit des dépôts en francs suisses mais octroie des prêts étrangers en dollars (car c’est ce que veulent ses clients) doit s’inquiéter pour ses profits en cas de fluctuation du taux de change5. Ce risque est gérable, mais au prix d’un renchérissement de ses coûts de fonctionnement. Elle peut se protéger en achetant un contrat dit forward lui permettant de convertir en francs suisses à un taux prédéterminé les remboursements perçus en dollars à l’échéance des prêts. Mais cette opération supplémentaire a un coût. Les banques américaines, elles, puisqu’elles accordent des prêts étrangers en dollars et reçoivent des dépôts en dollars, n’ont pas à supporter le coût d’une couverture de leurs positions en devises.
Plus sujet à controverse est un autre avantage du statut de devise internationale du dollar : les ressources réelles fournies aux États-Unis par d’autres pays afin de se procurer des dollars. Fabriquer un billet de 100 dollars ne coûte que quelques cents à l’imprimerie nationale des États-Unis mais, pour l’obtenir, les autres pays doivent débourser 100 dollars de biens et services réels. (Cette différence entre le coût supporté par le gouvernement pour imprimer le billet et le coût supporté par un étranger pour se le procurer est appelée « seigneuriage », par allusion au droit du seigneur médiéval de battre monnaie et de garder pour lui-même une partie du métal précieux utilisé pour la frappe.) Environ 500 milliards de dollars de monnaie américaine circulent à l’extérieur des États-Unis ; en contrepartie, les étrangers ont dû fournir aux États-Unis 500 milliards de dollars de biens et services réels6.
Plus important encore est le fait qu’entreprises et banques étrangères ne détiennent pas seulement de la devise américaine mais aussi des effets de commerce et des obligations en dollars, pratiques pour les transactions internationales et qui en même temps ont l’avantage de rapporter un intérêt. Les banques centrales étrangères détiennent près de 5 000 milliards de dollars de bons du Trésor américain et de créances d’organismes quasi publics comme Fannie Mae et Freddie Mac. Et ce volume croît d’année en année.
Dans la mesure où les banques et les entreprises étrangères apprécient la commodité des titres libellés en dollars, elles sont disposées à payer plus cher pour en obtenir. Ou, ce qui revient au même, le taux d’intérêt qu’elles réclament pour les conserver est moins élevé. Cet effet est considérable : le taux d’intérêt que les États-Unis doivent payer sur leur dette extérieure est inférieur de deux à trois points au taux de rendement de leurs investissements à l’étranger7. Les États-Unis peuvent se permettre un déficit extérieur à hauteur de la différence, en important plus qu’ils n’exportent et en consommant plus qu’ils ne produisent, année après année, sans aggraver leur dette envers le reste du monde. Ou bien, toujours à hauteur de la différence, ils peuvent rafler des entreprises étrangères grâce au statut singulier du dollar, devise mondiale.
C’est depuis longtemps un sujet d’amertume pour les étrangers, qui estiment que la mécanique de ce système financier asymétrique les amène à contribuer au niveau de vie américain et à subventionner les multinationales américaines. Charles de Gaulle a fait de la question une cause célèbreI lors d’une série de conférences de presse présidentielles dans les années 1960. Son ministre des Finances Valéry Giscard d’Estaing y voyait un « privilège exorbitantII » de l’Amérique.
Cette rhétorique ampoulée est restée sans effet sur la réalité du système en vigueur. Dans la finance internationale comme en politique, être déjà en place confère un avantage. Puisque les autres pays effectuaient l’essentiel de leurs transactions en dollars, il était impossible à tout pays, fût-il aussi fier que la France et aussi critique envers le privilège exorbitant de l’Amérique, de renoncer à cette devise. Et ce qui était vrai dans les années 1960 l’est resté jusqu’à la fin du XXe siècle.
La crise, profitable pour les États-Unis ?
Mais aujourd’hui, dans le sillage de la crise financière la plus grave vécue depuis quatre-vingts ans – crise nourrie et née aux États-Unis –, le privilège exorbitant de l’Amérique est à nouveau contesté de toutes parts. D’autres pays se demandent s’il était légitime de laisser les États-Unis fonctionner avec des déficits de leur balance courante proches de 6 % du PIB dans les années qui ont précédé la crise. Les marchés émergents se plaignent d’avoir dû financer au rabais le déficit extérieur américain, que cela leur plaise ou non, au fur et à mesure que leur économie se développait et que leurs banques centrales éprouvaient le besoin d’augmenter leurs réserves en dollars. Puisque les financements étrangers bon marché maintiennent les taux d’intérêt américains à un niveau bas et permettent aux ménages américains de vivre au-dessus de leurs moyens, les ménages pauvres du monde en voie de développement subventionnent en fin de compte les ménages riches des États-Unis. Les financements peu coûteux fournis aux États-Unis par les autres pays pour obtenir les dollars nécessaires à l’augmentation du volume des transactions internationales sont à l’origine des pratiques qui ont culminé avec la crise. Le feu a été allumé par les États-Unis, mais la structure perverse du système a obligé les étrangers à fournir le combustible.
Comme si cette injustice ne suffisait pas, ajoutons que la position financière internationale de l’Amérique a en fait été renforcée par la crise. Au cours de l’année 2007, le dollar s’est affaibli d’environ 8 % sur le marché des changes8. Mais puisque les dettes des Américains sont libellées dans leur monnaie nationale, cela n’a aucunement affecté leur valeur. En revanche, leurs investissements à l’étranger, que ce soit sous forme d’obligations ou d’usines, ont pris de la valeur au fur et à mesure que le dollar baissait9. Une fois reconvertis en dollars, les intérêts et les dividendes qui en provenaient valaient davantage.
La dépréciation du dollar a ainsi amélioré la position extérieure des États-Unis de près de 450 milliards de dollars10. Cela a largement compensé l’augmentation de leur endettement envers le reste du monde qui aurait normalement résulté des 660 milliards de dollars de déficit de leur balance courante. Ce montant a été presque suffisant pour assurer la stabilité de leur dette envers les autres pays, alors qu’ils consomment 6 % de plus qu’ils ne produisent. Puis, en 2008, au milieu des affres de la crise financière la plus grave des quatre-vingts dernières années, le gouvernement fédéral a pu emprunter des sommes considérables à des taux d’intérêt peu élevés parce que les étrangers considéraient le dollar comme la monnaie la plus sûre qui soit en période de grandes perturbations. Au printemps 2010 encore, lors d’un pic de volatilité financière, les investisseurs se sont précipités sur le marché le plus liquide, celui des bons du Trésor américains, poussant à la baisse les taux des emprunts pour le gouvernement et les acheteurs de logements américains. Voilà en quoi consiste ce privilège exorbitant.
Mais à présent, à cause de la mauvaise gestion financière qui a engendré la crise et un mécontentement de plus en plus ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Chapitre 1 - Introduction : le dollar, monnaie dominante
  5. Chapitre 2 - Le dollar entre dans le bal
  6. Chapitre 3 - Une domination sans partage
  7. Chapitre 4 - De nouveaux rivaux
  8. Chapitre 5 - La crise
  9. Chapitre 6 - La fin du monopole
  10. Chapitre 7 - Le krach du dollar
  11. Notes
  12. Bibliographie
  13. Remerciements
  14. Index