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Haute Tension
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Ă propos de ce livre
MathĂ©maticien, Ă©conomiste, Marcel Boiteux a dirigĂ©, des annĂ©es durant, EDF, qu'il a profondĂ©ment marquĂ© et dont il est aujourd'hui prĂ©sident d'honneur. Son parcours Ă©claire un milieu social (celui des scientifiques et des grands commis de l'Ătat), un processus de recherche (le coĂ»t marginal), une grande entreprise et sa stratĂ©gie, les mĂ©canismes de carriĂšre et de pouvoir dans le secteur public, les rapports entre l'Ătat et les entreprises publiques, les processus de dĂ©cision sur d'importantes questions comme la politique nuclĂ©aire.
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Business BiographiesDEUXIĂME PARTIE
XIII
Grandes manĆuvres salariales
Un normalien Ă la tĂȘte dâEDF ! Paris-Presse titra en gros caractĂšres, comme si une catastrophe sâĂ©tait abattue quelque part dans le monde : « LâEDF arrachĂ©e Ă lâĂcole Polytechnique. » Une cabale, que jâaffectai dâignorer, rĂ©unit quelques seigneurs de la Maison : non seulement je nâĂ©tais pas corpsard mais, Ă la diffĂ©rence de tous mes collĂšgues, je nâavais jamais « commandĂ© devant lâennemi ». Autrement dit, je nâavais jamais Ă©tĂ© Ă la tĂȘte dâune unitĂ© dâexploitation, jamais Ă©tĂ© soumis aux manifestations parfois violentes dâun personnel en action revendicative. Je nâavais mĂȘme pas eu lâoccasion de mener une rĂ©union paritaire avec les syndicats. CâĂ©tait vrai. Dans une maison oĂč les relations avec le personnel et ses reprĂ©sentants Ă©taient dâune importance majeure, Pierre MassĂ© faisait le pari, osĂ©, que je saurais mâen tirer.
Il Ă©tait vrai que, nâĂ©tant pas ingĂ©nieur, jâĂ©tais pratiquement restĂ© Ă lâĂ©cart du nuclĂ©aire, Ă lâĂ©cart des conflits dâattribution et de filiĂšres quâil suscitait, alors que ma nomination intervenait en pleine crise. Oserai-je mĂȘme avouer quâĂ©cologiste de naissance â mon pĂšre et ma mĂšre Ă©taient tous deux naturalistes â, jâavais quelque apprĂ©hension devant cette nouvelle forme dâĂ©nergie, frappĂ©e du sceau dâHiroshima ? Je partageais plus ou moins consciemment cette impression, assez rĂ©pandue chez les protestants, quâen mobilisant lâĂ©nergie qui rĂ©gnait au cĆur de la matiĂšre, lâHomme sâemparait dâune force que le Bon Dieu nâavait pas mise dans son berceau. Le mythe de PromĂ©thĂ©e⊠Toutefois, Ă la diffĂ©rence de beaucoup dâautres, ma culture scientifique mâinterdisait de transformer cette impression en conviction tant que je nâaurais pu me faire une idĂ©e plus prĂ©cise du sujet. Lâoccasion allait venir dâen savoir plus.
Mais, comme il Ă©tait Ă prĂ©voir, câest par les affrontements avec le personnel que je commençai mes classes.
*
Ă dĂ©faut dâen avoir la pratique, jâavais quand mĂȘme une bonne connaissance des questions salariales et des conditions, trĂšs particuliĂšres, de leur rĂšglement. EDF Ă©tait devenue, en matiĂšre de salaires, le phare de la fonction publique et des entreprises nationalisĂ©es. Nos agents avaient, souvent Ă tort, parfois Ă raison, la rĂ©putation dâĂȘtre bien payĂ©s, et tous les « autres » avaient les yeux fixĂ©s sur nous. Moyennant quoi, lâouverture dâune nĂ©gociation salariale Ă lâEDF Ă©tait un Ă©vĂ©nement majeur : tout le reste du secteur public et parapublic attendait dâen connaĂźtre lâissue pour rĂ©clamer au moins autant. Lâenjeu de la nĂ©gociation prenait donc une dimension nationale, le sort du franc en dĂ©pendait, et tout se dĂ©cidait Ă Matignon.
Le directeur gĂ©nĂ©ral dâEDF nâen devait pas moins affecter de nĂ©gocier en toute libertĂ©, dans le seul souci des intĂ©rĂȘts de lâentreprise et de ses agents, comme le voulait lâarticle 9 du statut du personnel. Et les dirigeants syndicaux Ă©taient dans leur rĂŽle en affichant ne rien savoir de cette situation, ou en exigeant que le directeur gĂ©nĂ©ral prenne ses responsabilitĂ©s lorsque des fuites avaient eu lieu dans la presse sur les directives Ă©mises par le Premier ministre.
Il existe, Ă vrai dire, bien des maniĂšres dâaccroĂźtre les rĂ©munĂ©rations sans augmenter le taux des salaires : par exemple, en nommant capitaines tous les lieutenants, on accroĂźt les rĂ©munĂ©rations par tĂȘte dans lâentreprise sans toucher Ă la grille des rĂ©munĂ©rations⊠Jâavais suivi les travaux des Commissions ToutĂ©e et GrĂ©goire, qui visaient prĂ©cisĂ©ment Ă mettre de lâordre dans les concepts, Ă distinguer les hausses de salaires en « niveau » et en « masse »1, et Ă codifier lâanalyse des hausses de rĂ©munĂ©ration autres que salariales, le fameux GVT : on devait sĂ©parer les effets de la « technicitĂ© » T (un lieutenant devient capitaine parce quâil en a acquis et les compĂ©tences et la fonction â ou des responsabilitĂ©s Ă©quivalentes), de ceux des « glissements » G (on nomme des lieutenants capitaines sans rien changer Ă leurs fonctions) et du « vieillissement » V (Ă fonction inchangĂ©e, lâagent obtient tous les trois ans une hausse de salaire Ă lâanciennetĂ©).
Ces subtilitĂ©s, qui passaient trĂšs loin au-dessus de la tĂȘte de lâagent moyen, Ă©taient essentielles pour analyser les hausses annuelles de rĂ©munĂ©ration, les contrĂŽler et les comparer valablement dâune entreprise Ă lâautre.
Tandis que ces concepts prenaient forme, AndrĂ© Decelle mâavait demandĂ© de rĂ©flĂ©chir discrĂštement, avec le directeur du Personnel, Ă une rĂ©forme de la grille des rĂ©munĂ©rations, qui Ă©tait complĂštement rouillĂ©e. Une hausse des salaires Ă lâanciennetĂ©, notamment, y Ă©tait prĂ©vue, mais cette « anciennetĂ© » pouvait ĂȘtre accĂ©lĂ©rĂ©e, au choix, pour rĂ©compenser les agents les plus dĂ©vouĂ©s Ă leur tĂąche. Le systĂšme Ă©tait excellent dans ses dĂ©buts, mais il avait vieilli et le moment Ă©tait venu oĂč tous les bons agents Ă©taient arrivĂ©s, jeunes encore, au butoir de leur grade. Dâautre part, Ă lâexemple de la plus ancienne entreprise nationalisĂ©e â je veux parler de lâArmĂ©e â, il eĂ»t fallu quâun vieil adjudant-chef puisse ĂȘtre nettement mieux rĂ©munĂ©rĂ© quâun jeune aspirant. Cela conduisait Ă crĂ©er, au sommet de la maĂźtrise, une position de rĂ©munĂ©ration recouvrant celle des jeunes cadres. On Ă©viterait ainsi que se gĂ©nĂ©ralise le procĂ©dĂ© fĂącheux consistant, pour sanctionner les mĂ©rites dâun excellent agent de maĂźtrise, Ă le promouvoir systĂ©matiquement comme cadre Ă une fonction dont il pouvait nâavoir ni le goĂ»t ni les capacitĂ©s.
Masse et niveau salarial
Si le « niveau » des salaires augmente de 4 % au 1er janvier, le poste salaires de la comptabilitĂ© passera de 100 Ă 104 : lâeffet de « masse » est aussi de 4 %. Mais si la mĂȘme hausse a seulement lieu le 1er juillet, son effet sur les comptes de lâexercice est limitĂ© Ă six mois et le poste salaires passe seulement de 100 Ă 102 : la hausse est de 4 % en niveau et de 2 % en masse. En revanche, lâannĂ©e suivante, la hausse du 1er juillet prĂ©cĂ©dent pĂšsera sur tout lâexercice et, en lâabsence de nouvelle hausse en niveau, la masse sera de 104 ; dâoĂč, pour ce deuxiĂšme exercice comptable rapportĂ© au premier, une hausse du poste salaires de 104/102. Ainsi, lâannĂ©e suivante, on observera une hausse en masse de 2 % (exactement 1,96 â quotient de 104 par 102), malgrĂ© lâabsence de toute hausse en niveau : câest lâeffet « report ». En somme, une hausse en cours dâannĂ©e entraĂźne un effet de masse infĂ©rieur Ă son effet en niveau, lâĂ©cart se retrouvant, lâannĂ©e suivante, sous forme dâeffet report.
En revanche, si lâon dĂ©cide dâaccorder une prime exceptionnelle, et non reconductible, faisant passer la masse de 100 Ă 102, lâannĂ©e suivante la masse se retrouvera Ă 100 en lâabsence de mesures nouvelles et, rapportĂ©e Ă lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente, la masse salariale aura variĂ© de 100/102, donc baissĂ© de 2 % : lâeffet report est nĂ©gatif et Ă©gal Ă lâeffet en masse de lâannĂ©e prĂ©cĂ©denteâŠ
Ainsi mâĂ©tais-je initiĂ© aux concepts grĂ©goriens et aux joies de la grille.
Enfin, pour assurer ma formation accĂ©lĂ©rĂ©e, jâavais accompagnĂ© Decelle depuis le dĂ©but de lâannĂ©e aux grand-messes salariales oĂč, sur lâessentiel, le directeur gĂ©nĂ©ral nâavait le droit de rien faire mais nâavait pas le droit de le dire, face Ă des dĂ©lĂ©guĂ©s syndicaux qui, au risque de ne pas ĂȘtre rĂ©Ă©lus, ne pouvaient sortir trop souvent de ces rĂ©unions sans un peu de blĂ© Ă moudre.
En fait, les syndicats nâen voulaient pas au directeur gĂ©nĂ©ral, plaquĂ© contre son mur. Mais ce mur mĂȘme, parce quâil ne comportait aucune issue, les mettait dans un Ă©tat extrĂȘme dâexaspĂ©ration. Les plus constructifs se dĂ©sespĂ©raient de ne pouvoir avancer utilement la moindre idĂ©e, tandis que les autres renforçaient leur pouvoir sur leurs troupes en les appelant Ă lâindignation et Ă la rĂ©volte.
JâhĂ©ritai de ce climat difficile. Les dirigeants des syndicats « minoritaires » (FO, CFDT, UNCM â lâUnion des cadres) ne mâĂ©taient pas hostiles a priori, mais ceux de la CGT, que je nâavais jamais rencontrĂ©s, nâavaient aucune raison de me faire des cadeaux.
*
Incidents, affrontements, grĂšves locales, rien ne sâarrangeait lorsque Ă©clatĂšrent les Ă©vĂ©nements de Mai 1968.
Tandis que sâamorçaient, sous la prĂ©sidence du Premier ministre, les nĂ©gociations de Grenelle pour le secteur privĂ©, je fus chargĂ© de rĂ©unir les dĂ©lĂ©guĂ©s syndicaux dâEDF-GDF2 au ministĂšre de lâIndustrie â rue de Grenelle aussi. CâĂ©tait donc sur mes Ă©paules, apparemment, quâallait reposer la nĂ©gociation dont sâinspirerait tout le secteur public et parapublic, soit 30 % de la population active.
Ă son retour de Roumanie, le dimanche 12 mai, Georges Pompidou mâavait convoquĂ© Ă Matignon pour me dire quâil Ă©tait indispensable que le rĂ©seau Ă©lectrique tienne, afin de ne pas ajouter Ă la confusion.
Jâadmirai son calme olympien et le rassurai sur lâĂ©tat dâesprit des syndicats, et notamment de la CGT qui ne me semblait pas reconnaĂźtre sa rĂ©volution dans les soubresauts qui agitaient la France. EDF nâĂ©tait pas en grĂšve â hors quelques initiatives locales. Ce qui ressemblait partout Ă des piquets de grĂšve, mâassura le dĂ©lĂ©guĂ© CGT, nâavait dâautre mission que de « protĂ©ger » les immeubles et les installations. Je ne pus mâempĂȘcher de penser cependant que ces Ă©quipes, placĂ©es en position stratĂ©gique, pouvaient recevoir dâautres instructions le moment venu.
Le climat Ă©tait Ă©trange. Lorsque jâarrivai au ministĂšre pour rencontrer les dĂ©lĂ©guĂ©s syndicaux, la cour Ă©tait vide. CâĂ©tait le chĂąteau de la Belle au bois dormant. Dans ce dĂ©sert, mon seul contact avec le pouvoir Ă©tait le conseiller social du ministre.
Les instructions Ă©taient de tenir, et de durer, en attendant de mieux savoir oĂč lâon irait. Jâavais quand mĂȘme une petite poire pour la soif, qui mâĂ©vitait, au moment dâouvrir les dĂ©bats, dâĂȘtre totalement inhibĂ© par lâobsession de nâavoir rien dans les poches. Pour « durer », je commençai par solliciter les dĂ©clarations des diffĂ©rents syndicats, posai des questions pour faire rebondir le propos, soulignai un mot de lâun qui suscitait lâindignation de lâautre, ramenai la paix, philosophai sur les mĂ©rites de telle ou telle disposition de lâancienne grille ou de la nouvelle⊠Puis, au bout de quelques heures, la nuit venue, on dĂ©cida dâun commun accord de suspendre la sĂ©ance pour aller dormir.
Ă la reprise, il fallut bien en venir Ă parler gros sous. AprĂšs de longs dĂ©bats souvent houleux, la possibilitĂ© de sâaccorder sur un dispositif commençait finalement Ă se faire jour, mais la CGT bloquait la nĂ©gociation par ses exigences. Celles-ci auraient certainement reçu le soutien de la grande majoritĂ© du personnel, mais les autres syndicats, les « minoritaires », soucieux de mĂ©nager la rationalitĂ© de la grille comme les intĂ©rĂȘts de la haute maĂźtrise et des cadres, sây opposaient courageusement. On frĂŽlait lâinvective. La CGT quitta finalement la sĂ©ance, en dĂ©clarant quâelle en appellerait au ministre.
Quelques heures aprĂšs, je reçus un message mâannonçant quâOlivier Guichard voulait me voir. Suspension de sĂ©ance. Le ministre mâannonça quâinstruit de la situation, il estimait quâil fallait aller dans une voie⊠qui ressemblait singuliĂšrement Ă celle oĂč la CGT voulait nous engager, quitte Ă rajouter 1 % Ă lâenveloppe pour financer lâopĂ©ration. Jâobjectai que câĂ©tait dĂ©savouer la position courageuse prise par les minoritaires. Mais il apparut que lâenjeu dĂ©passait nos modestes personnes. Il fallait sâexĂ©cuter. De retour en sĂ©ance redevenue plĂ©niĂšre, jâessayai dâamortir le choc, sans pouvoir Ă©viter lâexplosion. On en vint aux mains entre la CGT et les autres syndicats, et les plus sages eurent beaucoup de mal Ă sĂ©parer les combattants.
Le calme revenu, le cours de cette nĂ©gociation fleuve reprit. On y passait jours et nuits. Mes habitudes dâintellectuel sâavĂ©rĂšrent bien utiles. Ă minuit, au moment de tout reprendre Ă zĂ©ro, ou presque, jâĂ©tais frais comme lâĆil alors que nombre de mes partenaires Ă©taient Ă ramasser Ă la petite cuillĂšre.
Puis, un matin, le GĂ©nĂ©ral disparut. On ne savait plus Ă quel saint se vouer. Durer Ă©tait de plus en plus difficile. La tension devint extrĂȘme et le soir, avant de nous sĂ©parer, le chef de la dĂ©lĂ©gation CGT, Roger Pauwels, me dĂ©clara, dans le feu de lâexcitation oratoire, que la comĂ©die Ă©tait finie et que tout cela se rĂ©glerait demain par les armes.
Le lendemain, le GĂ©nĂ©ral Ă©tait revenu et le mĂȘme Pauwels, parfaitement urbain, affirmait la nĂ©cessitĂ© de conclure un accord pour le bien de nos entreprises, en conciliant les positions des uns et des autres.
Entre-temps, le Grenelle de Georges Pompidou avait avancĂ© et, par parallĂ©lisme, les marges de mon Grenelle sâĂ©taient singuliĂšrement Ă©largies.
Le texte, soigneusement pesĂ©, dâun accord fut finalement Ă©tabli. Matignon en fut aussitĂŽt averti. Et tout faillit capoter.
Il Ă©tait Ă©crit que la valeur de je ne sais quelle indemnitĂ© sâentendait « en francs 68 ». Ădouard Balladur, alors conseiller technique de M. Pompidou, me requit au tĂ©lĂ©phone pour me dĂ©clarer quâil Ă©tait impossible, Ă une Ă©poque oĂč le franc allait ĂȘtre sĂ©rieusement menacĂ©, de laisser passer une mention qui mettait aussi crĂ»ment en doute la pĂ©rennitĂ© de notre monnaie. Je plaidai lâinnocuitĂ© de ce modeste dĂ©tail dans un texte de plusieurs pages, et le risque que prĂ©sentait pour notre accord le moindre changement. Il fut courtoisement inĂ©branlable.
Le lendemain matin, je dus donc annoncer Ă mes partenaires, venus prendre leur exemplaire dâun texte que la nuit avait eu seulement pour objet de dactylographier, quâil restait toutefois un petit dĂ©tail Ă rĂ©gler. Mais ils avaient tous, eux aussi, des petits dĂ©tails Ă rĂ©gler si lâon se remettait au travail ! AprĂšs les protestations, on en vint quand mĂȘme au fait et je pus assez rapidement dĂ©celer, dans les propos des uns et des autres, de quoi rĂ©diger une phrase qui donnerait satisfaction aux syndicats sans mettre en cause explicitement la pĂ©rennitĂ© du franc. Enfin !
Jâapportai mon papier Ă Olivier Guichard, qui me reçut avec Pierre MassĂ© dans le jardin du ministĂšre et voulut bien me fĂ©liciter.
Ce fut une semaine mĂ©morable. Tel Fabrice del Dongo au sein de la bataille, je nâen vis que mon modeste thĂ©Ăątre dâopĂ©ration. Mais jâavais conquis lâestime et la confiance des dĂ©lĂ©guĂ©s syndicaux.
Ces Ă©vĂ©nements de 68, parce que jây reçus honorablement le baptĂȘme du feu, me furent bien prĂ©cieux par la suite. Il serait excessif dâen conclure pour autant que la paix sociale allait dorĂ©navant rĂ©gner dans nos Ă©tablissements.
*
DĂšs lâannĂ©e suivante, la CGT agitait Ă nouveau ses troupes, les faisait venir de province par cars entiers pour manifester bruyamment. Nos accords de 1968 avaient certes permis dâengager certaines rĂ©formes et de rĂ©gler les problĂšmes salariaux de lâannĂ©e. Mais, en compensation de ces largesses, le gouvernement Ă©tait dâune extrĂȘme fermetĂ© sur lâĂ©volution ultĂ©rieure des rĂ©munĂ©rations, au point de donner une interprĂ©tation restrictive aux accords conclus lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente avec sa bĂ©nĂ©diction.
AprĂšs quelques pĂ©ripĂ©ties, les autres syndicats, indignĂ©s, finirent par rejoindre la CGT pour lancer, en novembre 1969, une grĂšve gĂ©nĂ©rale. La population tolĂšre, certes mal, mais tolĂšre quâune grĂšve entraĂźne des coupures dâĂ©lectricitĂ© pendant une journĂ©e, Ă condition que ces coupures soient annoncĂ©es Ă lâavance et selon un horaire prĂ©cis. Mais si les coupures recommencent le lendemain, bloquent Ă nouveau les mĂ©tros et les ascenseurs, metta...
Table des matiĂšres
- Couverture
- Titre
- Copyright
- DĂ©dicace
- Sommaire
- Préface
- PREMIĂRE PARTIE
- DEUXIĂME PARTIE