Penser vite ou penser bien ?
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Penser vite ou penser bien ?

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D'où viennent nos stratégies de pensée?? Pourquoi est-on curieux, pourquoi ne veut-on rien savoir, pourquoi a-t-on l'impression d'avoir raison là où on a tort?? Penser par soi-même suppose de savoir ce que l'on sait ou ne sait pas, de choisir entre les arguments valides et les faux-semblants. Mais comment faisons-nous le tri, dans le feu des urgences?? Spontanément, avant toute réflexion, telle affirmation nous paraît plausible, telle autre indubitable. Ce livre montre que la décision comporte une part émotionnelle qui dicte ce qu'il faut approfondir ou négliger, qui discerne si nous pouvons nous rappeler un nom, résoudre un problème, gagner une partie d'échecs. Mais elle peut être socialement manipulée?: encourager nos réactions spontanées, réduire nos capacités critiques, étouffer celles de nos enfants. Comment résister au déferlement de la pensée impulsive?? En sachant de quoi elle est faite. Joëlle Proust expose ici le compromis que l'évolution de la pensée et de la cognition nous pousse à négocier à tout instant entre penser vite et penser bien. Elle propose de nouvelles pistes pour aider chacun à éduquer sa capacité de raisonnement, donner aux enfants l'envie d'apprendre, permettre aux agents collectifs de parvenir aux décisions les plus informées, et comprendre pourquoi la postvérité en séduit plus d'un. Joëlle Proust est philosophe, directrice de recherche émérite au CNRS, membre de l'Institut Jean-Nicod et du Conseil scientifique de l'éducation nationale.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2021
ISBN
9782738157188

CHAPITRE 1

Qu’est-ce qu’une action ?

Questions auxquelles ce chapitre se confronte :
– Quels sont les points communs entre les actions corporelles et cognitives ?
– Qu’est-ce que l’autorégulation nous apprend sur l’action ?
– Comment les conséquences d’une action en viennent-elles à représenter son but ?
– Les différents types d’action sont-ils cérébralement différenciés ?
Comprendre les particularités de la pensée en action suppose de comprendre ce qu’est une action. Vous savez quand vous agissez, mais vous êtes-vous demandé : qu’est-ce au juste qui me fait agir ? Mon envie d’agir ? (l’explication vous semble circulaire). Mon intention (mais qu’est-ce au juste qu’une intention ?). Est-ce qu’il y a des aires cérébrales qui « décident » que je vais agir ? Avant d’examiner des éléments de réponse conceptuels et neuroscientifiques, commençons par nous demander ce qu’on peut attendre d’une théorie de l’action. Elle doit expliquer 1) ce qui distingue le mouvement corporel produit par un agent (sauter dans la piscine) d’un mouvement corporel subi (être poussé dans la piscine) ; 2) ce qui distingue l’action cognitive de l’enfant qui essaie de calculer combien font 4 fois 11 – de l’association automatique effectuée quelques années plus tard, lorsque le produit lui vient automatiquement à l’esprit ; 3) expliquer la conscience d’agir ou d’avoir agi de telle ou telle manière. Les théories philosophiques de l’action ont tenté de comprendre les relations entre l’intention et son effectuation. Les théories « causales » et les théories « étiologiques » divergent sur le rôle des raisons d’agir, sur la signification de l’autorégulation et sur la conscience d’agir. Quelle que soit la famille gagnante, elle n’a des chances de survivre dans la mêlée des idées que si elle incorpore les meilleures analyses conceptuelles de la perdante et peut répondre à ses objections. L’historique du débat et la solution proposée, présentés dans les deux sections suivantes, intéresseront surtout les lecteurs philosophes. Pour accéder directement à l’analyse de l’action défendue dans cet ouvrage, rendez-vous ici (« Qu’est-ce qu’un système d’autorégulation ? ».

La structure de l’action selon les théories « causales »

Le terme de « théorie causale », appliqué à l’action, s’est imposé au cours d’un débat très vif au siècle dernier : peut-on réduire le langage des raisons d’agir (la manière dont l’agent justifie son action) au langage des causes (les mécanismes qui déterminent le lancement et le guidage de l’action, explorés par les chercheurs, mais inconnus de l’agent)1 ? Pourquoi Norma quitte-t-elle son poste de travail ? Parce que, désirant combattre la somnolence qui l’envahit, elle cherche à atteindre cet objectif en allant prendre un café ? Ou parce que des représentations ont été activées dans le cerveau de Norma, qui ont causalement déclenché son comportement ? Selon les causalistes, il n’existe pas de contradiction entre la recherche des raisons et la recherche des causes de l’agir, parce que, d’après eux, nos raisons d’agir ont un rôle causal dans le déclenchement de l’action. C’est l’histoire causale d’un mouvement ou d’une opération mentale qui permet de savoir s’il s’agit ou non d’une action2. Quels sont les antécédents pertinents ? Pour les premiers théoriciens causalistes, une association particulière entre désirs et croyances a une efficacité causale dans l’action, du fait que cette association est physiquement réalisée par des états cérébraux. Marc désire nager et voit qu’il y a de l’eau dans la piscine. Mathilde essaie de calculer le produit de 11 par 14 parce qu’elle désire connaître ce produit et pense que le calculer le lui permettra. Dans cette conception, ce qui sert de déclencheur est l’événement mental produit par l’activation d’attitudes de croyance et de désir.
La théorie causale de l’action soulève de sérieuses difficultés. Le lien causal entre les raisons d’agir et le comportement n’est robuste ni en amont (du côté de la cause) ni en aval (du côté de l’effet). En amont : les raisons que l’on a d’agir – les croyances et les désirs – peuvent ne pas être conjointement suffisantes pour déclencher une action. Par exemple, certains enfants atteints d’autisme ne peuvent pas porter leurs aliments à la bouche tout en ayant faim et une assiette pleine devant eux. En aval : l’action effectuée peut ne pas avoir été causée par la raison d’agir qui la justifie (l’agent peut se tromper sur ce qui le motive en fait). Les croyances et les désirs, dès lors, ne sont pas nécessaires pour produire le résultat. Prenons le cas de « chaînes causales déviantes » : l’agent remplit son but par des moyens qu’il n’avait pas du tout anticipés3. Dirons-nous que l’action était intentionnelle malgré le fait que les moyens prévus ne sont pas ceux qui ont « marché » ?
Indépendamment de ces questions de structure se pose aussi la question de la pertinence du concept de « raisons d’agir » dans le cas des actions émotionnelles, comme casser intentionnellement un objet dans un accès de colère4, ou des actions routinières effectuées « sans y penser » – sans délibération ni examen.
Si le couple croyances-désirs qui constitue une raison d’agir n’est ni nécessaire ni suffisant pour déclencher une action, et s’il n’est pas pertinent dans nombre de cas, est-il fréquemment conclu, c’est qu’il n’en reflète pas la « métaphysique », c’est-à-dire la véritable structure causale. Certains philosophes causalistes, dont John Searle, considèrent que c’est l’intention, une attitude propositionnelle spécialisée, qui lance l’action5.

Qu’est-ce qu’une attitude propositionnelle ?

Comme ce livre est destiné à éveiller l’intérêt critique des lecteurs sur les contenus de pensée, une petite digression sur le concept d’attitude propositionnelle mérite le détour. Le terme d’attitude propositionnelle est une extension philosophique du terme psychologique d’attitude. En psychologie une attitude est l’évaluation émotionnelle qui régit un certain type de comportement : par exemple, « adorer les animaux ». En philosophie, les attitudes propositionnelles portent sur des contenus sémantiquement évaluables. Un certain contenu est représenté comme vrai (comme dans l’attitude de croire qu’il pleut) ou comme pouvant l’être, soit en conformité avec l’utilité (par exemple dans l’attitude de désirer qu’il fasse beau), soit en opposition avec l’utilité (comme craindre qu’il pleuve). Certaines attitudes propositionnelles ont été adjointes au couple traditionnel « croire/désirer » pour caractériser les représentations impliquées dans l’action. Avoir l’intention de faire A, par exemple, consiste à former une représentation visant à guider le comportement de manière spécifique pour obtenir que le monde change en vertu de sa propre activité.
Avoir une « intention préalable », c’est se représenter le but à atteindre, être motivé à tenter de l’atteindre, avoir sélectionné les moyens de l’atteindre et être en mesure de constater s’il est ou non atteint. Ce constat permet de donner aux intentions l’équivalent des conditions de vérité qui s’appliquent aux croyances ; à défaut d’être vraies ou fausses, elles peuvent être ou non « satisfaites ». De ce fait les intentions peuvent s’insérer dans le raisonnement pratique. Un autre aspect de la théorie de l’intention de Searle permet de rendre compte des actions émotionnelles ou routinières. Alors que l’intention préalable fixe le but à poursuivre avant l’exécution, l’intention en action présente le mouvement à exécuter au fil de l’action dans une expérience caractéristique (ce que d’autres auteurs ont appelé une « image motrice6 »). En vertu de cette présentation, elle cause le mouvement correspondant. Articulée avec une intention préalable, l’intention en action guide le détail de l’exécution motrice. En l’absence d’intention préalable, l’intention en action guide des mouvements imprévus ou routiniers, tels que marcher de long en large, ou les actions effectuées impulsivement, comme les actions émotionnelles. Ainsi les réactions émotionnelles ou les comportements routiniers, en tant qu’ils sont guidés par une intention en action, peuvent eux aussi être qualifiés d’actions intentionnelles. Le schéma suivant représente l’emboîtement des deux intentions et de leur cible causale respective :
Image
Figure 1. L’imbrication causale des intentions selon J. R. Searle.
Ce schéma fait apparaître les deux avancées essentielles de la théorie de Searle. D’une part, l’autoréflexivité référentielle de chaque intention joue en tant que telle un rôle causal. Cette autoréflexivité est exprimée par le démonstratif « cette ». Son usage suppose que l’intention à mettre en œuvre est consciemment représentée en tant qu’événement mental singulier (sous une forme quelconque : par exemple verbalisée – ou imagée) et reste activée tout au long du monitorage de l’action. L’autoréflexivité caractérise aussi bien les intentions préalables que les intentions en action. Cette propriété est essentielle : sa fonction est de protéger l’agent contre l’incidence de facteurs environnementaux sur ses propres actions. Dans les études physiologiques ou robotiques de l’action, l’autoréflexivité est surveillée par des mécanismes dédiés. Un bon exemple en est fourni par le déplacement oculaire. Si un mouvement de l’œil est produit par l’intention perceptive, le champ visuel reste stable. Si vous déplacez votre œil avec le doigt, le champ visuel est affecté par le déplacement. Quoique ce vocabulaire ne soit pas celui de Searle, le monitorage de l’autoréflexivité est l’une des propriétés constitutives de l’action.
L’imbrication des intentions représentée dans la figure 1 fait apparaître la solidarité entre l’intention de produire un certain effet dans le monde, et les micro-intentions motrices permettant l’exécution concrète des sous-étapes pour y parvenir. Jointe à l’autoréflexivité, l’imbrication des intentions permet de résoudre les difficultés liées à la causalité déviante. L’un des exemples classiques de déviance est d’avoir l’intention de faire A, et d’être si ému à cette idée qu’on accomplit finalement A de manière involontaire et non prescrite dans l’intention. Dans le schéma causal proposé par Searle, cette situation ne peut pas se produire, car les intentions préalables et les intentions en action étant causalement autoréférentielles, l’intention préalable inclut dans ses conditions de satisfaction qu’elle doive elle-même causer l’exécution de l’action. Plus précisément, elle doit causer l’activation de l’intention en action qui, en contexte, produira le mouvement corporel requis pour produire l’effet attendu. Si l’action n’est pas exécutée en vertu de son propre plan (son modèle interne), l’intention correspondante n’est pas satisfaite.
Cet aspect de la théorie, par ailleurs intéressant et novateur, présente pourtant une difficulté. Comme l’intention en action ne peut causer que des mouvements, la question reste ouverte de savoir comment les actions émotionnelles (telles qu’exprimer sa colère) ou les habitudes (promener son chien) – qui n’impliquent que des intentions en action – peuvent représenter leur effet attendu : communiquer son mécontentement, promener son chien, et non pas le seul mouvement à faire. Or les intentions en action ne sont pas expérimentées comme « l’image d’un trépignement à accomplir immédiatement ». De même, dans les actions habituelles, l’intention en action ne présente pas l’image motrice à exécuter comme un geste machinal et dépourvu de sens instrumental.
Le problème vaut aussi de la structure intentionnelle des actions cognitives. Comme nous le verrons, les actions cognitives – celles qui visent à connaître, à se rappeler, à raisonner – peuvent, comme les actions sur le monde, être impulsives, routinières ou mûrement réfléchies.
Étant donné notre intérêt, dans ce livre, pour les actions cognitives, examinons comment le schéma intentionnel imbriqué de Searle s’applique à elles. Il s’applique sans difficulté à l’action cognitive réfléchie. Si par exemple l’objectif d’Annie est de connaître le nom de l’insecte qu’elle vient d’observer, elle peut former l’intention préalable de s’en informer, puis mettre en œuvre cette intention en naviguant sur Internet, ou en consultant un ouvrage spécialisé, par une suite d’intentions en action. Elle aura finalement la satisfaction d’avoir atteint son but si elle l’atteint en utilisant les moyens qu’elle aura choisis (en vertu de l’autoréflexivité des intentions). Mais que dire des actions cognitives impossibles à préparer, et pourtant couramment exécutées, comme celle de participer à une conversati...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. INTRODUCTION - Le paysage émotionnel de la pensée en action
  5. CHAPITRE 1 - Qu'est-ce qu'une action ?
  6. CHAPITRE 2 - La pensée de l'action et le temps
  7. CHAPITRE 3 - Qu'est-ce qu'une action cognitive ?
  8. CHAPITRE 4 - De l'animal à l'enfant : débats autour de la métacognition enfantine
  9. CHAPITRE 5 - De l'adolescent à l'adulte : les actions cognitives stratégiques
  10. CHAPITRE 6 - La sensibilité métacognitive à l'école
  11. CHAPITRE 7 - Est-ce que deux têtes valent mieux qu'une ? La métacognition de l'action cognitive collective
  12. CHAPITRE 8 - Postvérité, sentiments et rationalité
  13. CONCLUSION - L'ingénierie de la pensée stratégique et ses enjeux sociétaux
  14. Glossaire
  15. Notes
  16. Bibliographie
  17. Sommaire