Le Futur du cosmos
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Le Futur du cosmos

MatiĂšre noire et Ă©nergie sombre

  1. 168 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Le Futur du cosmos

MatiĂšre noire et Ă©nergie sombre

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Table des matiĂšres
Citations

À propos de ce livre

Joseph Silk est célÚbre pour avoir fait le lien entre les minuscules fluctuations qui ont résulté du Big Bang et les majestueuses galaxies qui peuplent aujourd'hui notre ciel. Car, bien avant que les satellites COBE, Planck ou WMAP ne cartographient le fond de rayonnement cosmique et ne donnent un instantané de l'Univers juste aprÚs le Big Bang, la cosmologie théorique dut aller de spéculations hasardeuses en observations plus ou moins fiables pour construire le scénario aujourd'hui admis. Il est donc question ici de la naissance de l'Univers et de sa structure à grande échelle, mais aussi de la notion d'univers multiples, du principe anthropique, de l'apparition de la conscience et de la possibilité du voyage dans le temps. Plus crucialement encore, la cosmologie relie la question de l'avenir de l'Univers à celle de la quantité de matiÚre qu'il contient. Les mystérieuses « matiÚre noire » et « énergie sombre » décideront ainsi, entre effondrement et expansion éternelle, du destin de notre Univers. Joseph Silk est chercheur à l'Institut d'astrophysique de Paris et au CEA de Saclay. Il enseigne également à l'Université Johns-Hopkins et, en tant que professeur émérite, à l'Université d'Oxford. Prix Balzan international en 2011, il est l'auteur de nombreux livres de vulgarisation, dont Le Big Bang et L'Univers et l'Infini.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2015
ISBN
9782738166265

CHAPITRE 1

L’ñge des tĂ©nĂšbres
La question de l’origine du monde a de trĂšs anciennes racines. Elle apparut certainement dĂšs qu’Homo sapiens leva les yeux vers le ciel. Plus prĂšs de nous, le Livre de Job, Ă©crit il y a quelque 2 500 ans, pose deux questions : « OĂč est le chemin qui conduit au sĂ©jour de la lumiĂšre ? Et les tĂ©nĂšbres, oĂč ont-elles leur demeure ? »
Aujourd’hui, nous disposons de tĂ©lescopes gĂ©ants qui sont des machines Ă  remonter le temps. Car voir dans le passĂ©, c’est voir loin, trĂšs loin. Jusqu’oĂč peut-on voir ? Le Soleil, tout prĂšs de nous, est Ă  9 minutes-lumiĂšre de distance. L’étoile la plus proche est Ă  4 annĂ©es-lumiĂšre. Le centre de notre Galaxie est Ă  24 000 annĂ©es-
lumiĂšre, et notre plus proche voisine, la galaxie d’AndromĂšde, visible Ă  l’Ɠil nu, est Ă  2 millions d’annĂ©es-lumiĂšre.
La galaxie la plus lointaine actuellement connue a Ă©tĂ© trouvĂ©e grĂące Ă  la conjonction des deux plus grands tĂ©lescopes du monde, au Chili et Ă  Hawaii. Elle est Ă  12 milliards d’annĂ©es-lumiĂšre. Ces tĂ©lescopes ont des miroirs de 8 Ă  10 mĂštres de diamĂštre. Ce sont des machines gĂ©antes et trĂšs sophistiquĂ©es, dont la dimension permet de collecter la faible lumiĂšre des objets les plus lointains.
En reculant les frontiĂšres de notre exploration de l’Univers, on peut replacer notre propre planĂšte dans l’échelle des plus grands objets de l’Univers. On sait par exemple que la Terre s’est formĂ©e il y a 4,6 milliards d’annĂ©es. On utilise les roches les plus anciennes pour dater la Terre, et les mĂ©tĂ©orites pour dater le SystĂšme solaire. Notre Galaxie, la Voie lactĂ©e, s’est formĂ©e il y a 10 milliards d’annĂ©es, ce qui correspond Ă  l’ñge des plus vieilles Ă©toiles. Les abondances des Ă©lĂ©ments chimiques dans ces Ă©toiles sont trĂšs primitives par rapport Ă  celles de notre Soleil ; ce sont des fossiles qui nous permettent de dater la Voie lactĂ©e elle-mĂȘme.
On peut remonter le temps bien plus loin encore. Nous avons dĂ©couvert que l’Univers est en expansion. Les galaxies s’éloignent de nous, d’autant plus vite qu’elles sont plus loin. Nous savons aussi que notre Ă©toile, le Soleil, et mĂȘme notre Galaxie, la Voie lactĂ©e, ne sont pas au centre du monde. Imaginons un point quelconque Ă  la surface d’un ballon qui se gonfle. Ce point, comme tous les autres, est au centre d’une surface courbe en expansion. Quand la Terre s’est formĂ©e, l’Univers avait les deux tiers de sa taille actuelle. Quand notre Galaxie s’est formĂ©e, elle avait environ le tiers de sa taille actuelle. Et la lumiĂšre des galaxies les plus lointaines a Ă©tĂ© Ă©mise quand l’Univers avait le dixiĂšme de sa taille actuelle. Les galaxies Ă©taient alors 10 fois plus proches qu’elles ne le sont aujourd’hui. La nuit, le ciel Ă©tait plein de galaxies.
Mais cette remontĂ©e dans le temps a des limites, que l’on a comprises bien avant l’époque des grands tĂ©lescopes : on voit de moins en moins de galaxies brillantes quand on regarde de plus en plus loin. Et quand l’observation fait dĂ©faut, il reste Ă  se tourner vers la thĂ©orie.
La thĂ©orie nous dit que les galaxies doivent nĂ©cessairement se rarĂ©fier Ă  mesure que l’on remonte le temps. Sinon, le ciel nocturne serait aussi brillant que le ciel diurne. C’est le « paradoxe d’Olbers », attribuĂ© Ă  l’astronome allemand Heinrich Wilhelm Olbers en 1823. Ce paradoxe Ă©tait mĂȘme connu dĂšs 1610 de Johannes Kepler, et il fut dĂ©crit au XVIIIe siĂšcle par deux astronomes, l’Anglais Edmond Halley et le Suisse Jean-Philippe Loys de ChĂ©seaux.
L’écrivain et poĂšte Edgar Allan Poe s’intĂ©ressa aussi au paradoxe d’Olbers, dont il donna la solution moderne :
Si la succession des Ă©toiles Ă©tait illimitĂ©e, l’arriĂšre-plan du ciel nous offrirait une luminositĂ© uniforme, comme celle dĂ©ployĂ©e par la Galaxie, puisqu’il n’y aurait absolument aucun point, dans tout cet arriĂšre-plan, oĂč n’existĂąt une Ă©toile. Donc, dans de telles conditions, la seule maniĂšre de rendre compte des vides que trouvent nos tĂ©lescopes dans d’innombrables directions est de supposer cet arriĂšre-plan invisible placĂ© Ă  une distance si prodigieuse qu’aucun rayon n’ait jamais pu parvenir jusqu’à nous1.
Nous en dĂ©duisons que les galaxies, toutes les galaxies y compris celles que nous n’avons pas encore vues, ont un Ăąge fini. Aussi, quand nous remontons le temps, nous devons parvenir aux Ăąges obscurs, avant l’apparition des Ă©toiles. Mais mĂȘme les Ăąges obscurs n’étaient pas des tĂ©nĂšbres absolues. Un faible rayonnement micro-onde Ă©mane de cette Ă©poque. Pour le voir, allumez votre tĂ©lĂ©vision et rĂ©glez-la sur un canal inoccupĂ©. 1 % du « bruit » dĂ©sordonnĂ© que vous voyez sur l’écran est la lumiĂšre fossile du Big Bang. Et ce rayonnement datant de l’origine de l’Univers est une des plus grandes dĂ©couvertes scientifiques qui soient.


Naissance de la cosmologie moderne

Dans le lointain passĂ©, l’Univers Ă©tait aussi dense que le Soleil. Avant la Seconde Guerre mondiale, la grande intuition du physicien russo-amĂ©ricain George Gamow fut de prĂ©dire que l’Univers a dĂ» ĂȘtre aussi chaud que le Soleil pour que s’y produisent les rĂ©actions thermonuclĂ©aires qui ont engendrĂ© les Ă©lĂ©ments chimiques les plus lĂ©gers : l’hĂ©lium, par exemple, qui constitue plus du tiers de la masse de la matiĂšre de l’Univers, et qui fut essentiellement produit lors du Big Bang. La lumiĂšre rĂ©siduelle du Big Bang fut dĂ©couverte par hasard un an avant la mort de Gamow, alors que sa thĂ©orie Ă©tait depuis longtemps oubliĂ©e. C’est souvent ainsi que la science avance – par interaction des faits et de la thĂ©orie, mĂȘme quand la thĂ©orie est durablement mise de cĂŽtĂ©.
La thĂ©orie de Gamow fut confirmĂ©e par les AmĂ©ricains Arno Penzias et Robert Wilson, qui ignoraient tout de ses idĂ©es. Ces radioastronomes avaient dĂ©cidĂ© de cartographier la Voie lactĂ©e en utilisant un vieux radiotĂ©lescope autrefois employĂ© pour les communications avec les satellites. Ils dĂ©couvrirent un rayonnement micro-onde Ă©manant de toutes les rĂ©gions du ciel. Il n’était pas d’origine locale (ils soupçonnĂšrent un moment les pigeons qui avaient fait leur nid dans l’antenne), ni terrestre, ni solaire, ni galactique. En procĂ©dant par Ă©limination, ils en dĂ©duisirent que ce rayonnement provenait des profondeurs de l’Univers.
On l’identifia vite comme la lumiĂšre fossile du fabuleux Big Bang. À l’époque, l’Univers avait le milliĂšme de sa taille actuelle. C’est Ă  ce moment que le rayonnement devint visible, 300 000 ans aprĂšs le dĂ©but de l’expansion. L’Univers devint transparent. Avant cela, il Ă©tait obscurci par un dense brouillard de rayonnement.
Une fois Ă©tablie la rĂ©alitĂ© du « fond diffus cosmologique », ou « rayonnement cosmique », par la dĂ©couverte de Penzias et Wilson de 1964, une nouvelle quĂȘte commença afin de trouver et de mesurer d’éventuelles fluctuations dans ce rayonnement. Il devait nĂ©cessairement y en avoir pour rendre compte de la grande inhomogĂ©nĂ©itĂ© de notre Univers actuel. Les scientifiques voulaient utiliser le fond diffus de rayonnement pour dĂ©velopper et prĂ©ciser la thĂ©orie de la formation des galaxies. C’est alors que commence ma propre histoire, un mĂ©lange de dĂ©bats, de thĂ©ories et de tests observationnels. La thĂ©orisation avait commencĂ© en 1946, mais elle fut complĂštement abandonnĂ©e jusqu’aux annĂ©es 1960. Elle impliqua ensuite trois dĂ©cennies d’un pĂ©nible travail de dĂ©tective qui se traduisit finalement par l’une des plus grandes dĂ©couvertes du XXe siĂšcle.
Le principal obstacle Ă  notre comprĂ©hension de la formation des galaxies Ă©tait le manque de donnĂ©es sur les conditions initiales de l’Univers primordial. Sans cela, les astronomes en Ă©taient rĂ©duits Ă  tĂątonner dans le noir. Comme le Big Bang Ă  ses dĂ©buts Ă©tait une intense Ă©poque radiative, la gravitĂ© avait beaucoup de mal Ă  amplifier d’éventuels grumeaux de matiĂšre. Le rayonnement supplantait la gravitĂ©. Or il est intrinsĂšquement expansif alors que la gravitĂ© a tendance Ă  contracter les amas de matiĂšre les plus denses.
Le phĂ©nomĂšne qui permet Ă  la gravitĂ© d’engendrer des inhomogĂ©nĂ©itĂ©s de matiĂšre est appelĂ© instabilitĂ© gravitationnelle. Cette tendance Ă  concentrer la matiĂšre fut totalement contrariĂ©e pendant les premiers 10 000 ans du Big Bang. Le rayonnement dominait alors la matiĂšre.
Des structures ne purent apparaĂźtre que lorsque l’Univers se refroidit. Avec le temps, la matiĂšre finit par dominer Ă  son tour le rayonnement. Les fluctuations de densitĂ©, qui Ă©taient prĂ©sentes dĂšs le dĂ©but, purent enfin, sous l’effet des forces gravitationnelles, s’amplifier et constituer les germes des futures structures de l’Univers. Une question cependant : en avaient-elles la force ?
Depuis 1967, une thĂ©orie s’intĂ©resse Ă  ce problĂšme. Elle affirme que le fond diffus de rayonnement doit prĂ©senter la mĂȘme granularitĂ© que la matiĂšre car c’est la gravitĂ© qui a couplĂ© le rayonnement Ă  la matiĂšre. De fait, on observe depuis longtemps cette inhomogĂ©nĂ©itĂ© dans l’Univers, mais hors de toute base thĂ©orique.
D’abord, rien n’impliquait l’existence de structures, du moins aux Ă©chelles supĂ©rieures Ă  celles des amas de galaxies. La prĂ©sence de structures Ă  grande Ă©chelle, cependant, impliquait Ă  son tour celle de fluctuations de grande ampleur dans le fond diffus cosmologique. Une premiĂšre estimation des annĂ©es 1970 donnait 10 %, mais cela fut vite considĂ©rĂ© comme exagĂ©rĂ© ; le fond diffus Ă©tait beaucoup plus lisse que cela. Mais en quoi cette question concernait-elle les thĂ©oriciens ? À l’époque, les cartes de distribution Ă  grande Ă©chelle des galaxies Ă©taient trop vagues pour que les cosmologistes en tirent des conclusions claires.
Les physiciens Ă©tudiaient le couplage et la croissance des irrĂ©gularitĂ©s primordiales de densitĂ©, et commençaient Ă  prĂ©dire des amplitudes de fluctuation. Mais le raisonnement qui consiste Ă  imaginer des « bosses » dans la distribution Ă  grande Ă©chelle des galaxies me paraissait bien vague. En 1967, alors que j’étudiais Ă  Harvard, les rares observations Ă  de telles distances, de l’ordre de la centaine de millions d’annĂ©es-lumiĂšre, ne donnaient que des indications de structure purement qualitatives. On avait bien identifiĂ© les amas de galaxies mais au-delĂ , on Ă©tait dans le domaine de la conjecture.
Il parut cette annĂ©e-lĂ  un article pionnier, signĂ© Arthur Wolfe et Rainer Sachs de l’UniversitĂ© du Texas Ă  Austin, affirmant que rien ne s’opposait Ă  l’existence, Ă  trĂšs grande Ă©chelle, de fluctuations de densitĂ©. Cette Ă©chelle incluait la plus grande distance parcourue par la lumiĂšre depuis l’émergence du rayonnement cosmique. Sachs et Wolfe pensaient que les fluctuations de densitĂ© de 10 % des galaxies, Ă  l’échelle de 1 000 mĂ©gaparsecs, devaient y laisser une empreinte, sous forme de petites fluctuations de tempĂ©rature.

La course aux origines

Je ne pouvais tout simplement pas admettre ce raisonnement. Il n’y avait aucune preuve de telles fluctuations gĂ©antes. Tout jeune doctorant Ă  l’époque, je fus encouragĂ© par mon directeur de thĂšse. David Layzer, professeur d’astronomie Ă  Harvard, Ă©tait un des rares iconoclastes dans ce domaine. Il s’était forgĂ© une grande rĂ©putation en cosmologie. Il Ă©tait le hĂ©ros scientifique que j’étais venu rĂ©vĂ©rer Ă  Harvard.
Les encouragements de Layzer m’aidĂšrent Ă  ignorer le discours dominant en cosmologie et Ă  suivre mon propre chemin. Comment pouvais-je dĂ©montrer que les fluctuations du rayonnement fossile n’étaient pas une hypothĂšse, mais tout simplement inĂ©vitables ? Si j’y parvenais, cela ouvrirait la voie Ă  une nouvelle gĂ©nĂ©ration de tĂ©lescopes micro-ondes capables d’explorer ces fluctuations.
En 1967, une question toute bĂȘte m’obsĂ©dait : nous sommes dans une galaxie, la Voie lactĂ©e, qui s’est formĂ©e au dĂ©but de l’Univers. Mais Ă  partir de quoi ? J’étais, moi aussi, persuadĂ© que les galaxies s’étaient formĂ©es Ă  partir d’infimes inhomogĂ©nĂ©itĂ©s de la densitĂ© de matiĂšre. Mais cela aurait-il des consĂ©quences observables ?
La solution vint d’une direction complĂštement inattendue. Las de piĂ©tiner dans ma recherche, je m’inscrivis Ă  une Ă©cole d’étĂ© Ă  Woods Hole, dĂ©licieux village du cap Cod dans le Massachusetts, et institut d’ocĂ©anographie mondialement cĂ©lĂšbre. L’usage y Ă©tait d’organiser chaque Ă©tĂ©, pour les thĂ©sards des universitĂ©s voisines, une sĂ©rie de confĂ©rences donnĂ©es par les meilleurs esprits. En 1967, le sujet Ă©tait la dynamique des fluides en astrophysique. Cela concernait les mĂȘmes Ă©quations que celles qui gouvernent les marĂ©es et le dĂ©bit des riviĂšres, mais appliquĂ©es Ă  la vie et Ă  la mort des Ă©toiles et des galaxies. AprĂšs tout, une Ă©toile n’est-elle pas une Ă©norme boule fluide, et l’Univers un ensemble de milliards de milliards d’étoiles ?
Un des confĂ©renciers Ă©tait George Field, alors astronome Ă  Princeton, qui devait peu aprĂšs diriger le dĂ©partement d’astronomie de Berkeley. Je fus fascinĂ© lorsqu’il prĂ©senta l’histoire de l’Univers comme la dynamique d’un fluide en expansion, et la formation des galaxies comme l’effondrement et la fragmentation en Ă©toiles d’énormes nuages de gaz.
À chaque Ă©tudiant fut attribuĂ© un projet. Le mien consistait Ă  trouver un lien entre la formation des galaxies et le rayonnement cosmique. Il devait y avoir une connexion, quelque part dans l’obscur passĂ© du Big Bang. Sous la houlette de Field, je commençai mes calculs. Les galaxies Ă©taient nĂ©es dans une mer de rayonnement. De fait, si l’on remonte trĂšs loin dans le temps, le rayonnement domine tout, et l’effondrement d’un nuage de gaz est inenvisageable. Cela imposait une limite, de quelques centaines de milliers d’annĂ©es aprĂšs le Big Bang, au-delĂ  de laquelle les premiĂšres structures ont pu se former.
Cet Ă©tĂ©-lĂ , j’ai travaillĂ© trĂšs tard dans les nuits Ă©toilĂ©es du cap Cod. J’étais passionnĂ©, travaillant toute la journĂ©e et une bonne partie de la nuit. Puis une inspiration m’est venue : il a dĂ» se produire de petites rides dans le rayonnement cosmique, et ces rides doivent se manifester comme d’infimes fluctuations de tempĂ©rature d’un point du ciel Ă  l’autre. Si ce n’était pas le cas, les galaxies n’auraient pu se former. J’en dĂ©duisis que l’on devait observer des fluctuations de tempĂ©rature de 0,03 % Ă  des Ă©chelles allant jusqu’à quelques minutes d’arc (il y a 60 minutes d’arc dans un angle de 1 degrĂ©).
À plus petite Ă©chelle, on ne devait pas observer de fluctuations. La « viscositĂ© » du rayon...

Table des matiĂšres

  1. Titre
  2. Copyright
  3. Préface
  4. CHAPITRE 1
  5. CHAPITRE 2
  6. CHAPITRE 3
  7. CHAPITRE 4
  8. CHAPITRE 5
  9. CHAPITRE 6
  10. CHAPITRE 7
  11. CHAPITRE 8
  12. CHAPITRE 9
  13. CHAPITRE 10
  14. CHAPITRE 11
  15. CHAPITRE 12
  16. CHAPITRE 13
  17. CHAPITRE 14
  18. Bibliographie
  19. Du mĂȘme auteur