L' Islam et l'Occcident
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L' Islam et l'Occcident

Rencontre avec Jacques Derrida

  1. 176 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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L' Islam et l'Occcident

Rencontre avec Jacques Derrida

Détails du livre
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Citations

À propos de ce livre

Ce livre est le récit d'une rencontre, au moment même où, entre l'Occident et l'Orient, nous sommes dans l'intolérance ou du moins l'absence de dialogue et la méconnaissance.À l'intellectuel algérien Mustapha Chérif répond l'un des maîtres de la philosophie française, lui aussi originaire d'Algérie, autour de la relation à l'autre, des rapports entre l'Islam et l'Occident, du dialogue des civilisations, de la liberté, de la justice et de la démocratie. Plus qu'un hommage à l'auteur de Spectres de Marx et de Voyous, cet ouvrage est une façon inédite de nous faire de nouveau entendre sa parole en liaison directe avec les tensions les plus aiguës de notre temps. Philosophe et islamologue, spécialiste du dialogue des cultures, des religions et des civilisations, Mustapha Chérif est professeur à l'Université d'Alger et a été professeur invité au Collège de France. Il a également été ministre et ambassadeur d'Algérie. Il est l'auteur de L'Islam. Tolérant ou intolérant?

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2006
ISBN
9782738189516
SÉPARATION OU LIEN ?
Je considérais, et encore à ce jour la problématique est de mise, que la pratique de l’interconnaissance est vitale, au vu, à la fois, de la difficulté d’apprendre à vivre, au vu des injustices, des échecs, des impasses ou dérives, et de la raison moderne et des églises, et pour nous musulmans aussi au vu de la prise de conscience que l’exister, fondamentalement, se présente, d’une part, sous la forme du Mystère, de l’Ouvert qui se tient en retrait, se dérobe et demande à être assumé en tant que tel, et, d’autre part, de celle de l’incontournable rapport de l’unité et de la pluralité, deux dimensions confortées par de nombreuses orientations majeures qui résonnent en profondeur dans la mémoire des musulmans. Certains en Occident considèrent qu’il ne peut y avoir aucune possibilité de cohérence, nul lien possible, nulle communication entre les niveaux essentiels, le sens spirituel et ceux de la logique et de la justice. L’islam se veut, de son côté, donc, engagement à l’égard du mystère, fidélité au Message révélé, attachement particulier à la vision religieuse que la vie dernière est la visée finale. Cela ne l’empêche pas de distinguer entre religion et politique, avec le souci, comme je disais, de ne pas opposer ces deux dimensions et de s’engager aussi au regard du siècle, domaine où il est en retard aujourd’hui ou, pire, apparaît comme antimoderne du fait que certains des siens, de manière mortelle, instrumentalisent la religion et versent dans l’intolérance. Par-delà ces contradictions et dérives, faits négatifs, et le fait positif que l’islam ne néglige pas le terrestre, sans que le ciel écrase la terre ; le rapport au mystère reste au cœur de la foi du musulman. Je savais que ce point était un point de la différence, je formulais ma question ainsi : que peut dire la philosophie aujourd’hui au sujet de la question du mystère ?
Avec un large sourire, il me dit : « Quand j’étais étudiant, on distinguait souvent, dans la tradition de Gabriel Marcel, le mystère et le problème, le problème qui est l’objet d’une élaboration philosophique, et puis le mystère qui n’est pas problématisable. Mais je ne vais pas me lancer dans cette histoire du concept de mystère et de problème. Je dirai que tout ce qui touche à ce qui, dans la vie, nous reste encore inconnu, aussi bien au sens où la science a encore à en connaître, où la science a à progresser, dans le savoir sur la vie, sur le génétique, sur le biologique, ou aussi bien le mystère au sens de la vie comme existence. Je crois que la sécularisation du politique, c’est-à-dire la séparation entre le politique et le théocratique, ne nuira en rien, au contraire, à l’approfondissement des questionnements sur ce que vous avez appelé le mystère de la vie, sur les questions de la foi. Personnellement, je distingue toujours entre la foi et la religion. Je crois qu’il y a des religions, des religions positives, qui sont multiples et auxquelles on peut appartenir ou ne pas appartenir ; il y a les religions que j’appelle abrahamiques, qui sont la religion juive, la religion chrétienne, la religion musulmane, avec leur fonds ou leur tronc commun. Il y a d’autres cultures que l’on appelle religieuses et qui ne sont peut-être pas des religions. Le concept de religion est un concept obscur. J’ai essayé d’écrire, dans Foi et savoir, à ce sujet, sur l’obscurité du concept même de religion. Le bouddhisme est-il une religion ? Le taoïsme est-il une religion ? Ce sont des questions essentielles, que nous devons ici laisser de côté. Si nous nous en tenons, pour l’instant, à ce que nous avons pour coutume d’appeler religion dans l’univers abrahamique des religions du Livre, eh bien je distinguerai entre les appartenances religieuses au judaïsme, au christianisme, à l’islam, et puis la foi sans laquelle aucun rapport social n’est possible. Je ne peux pas m’adresser à l’autre, quel qu’il soit, quelles que soient sa religion, sa langue, sa culture, sans lui demander de me croire ou de me faire crédit. Le rapport à l’autre, l’adresse à l’autre, suppose la foi. On ne pourra jamais démontrer, on ne pourra jamais prouver que quelqu’un ment ou ne ment pas, c’est impossible à prouver. On pourra toujours dire, j’ai dit quelque chose qui est faux, mais je l’ai dit sincèrement, je me suis trompé, mais je ne mentais pas. Par conséquent, quand quelqu’un nous adresse la parole, il nous demande de le croire. Et cette croyance assure aussi bien l’échange des paroles que le crédit financier, que le crédit social, que toutes les formes d’accréditation, de légitimation dans la société. Cette foi est la condition du lien social lui-même. Il n’y a pas de lien social sans une foi. Eh bien je crois qu’on peut radicaliser la sécularisation du politique, tout en maintenant cette nécessité de la foi au sens général que je viens de définir et ensuite, sur le fondement de cette foi universelle, cette foi partagée, cette foi sans laquelle il n’y a pas de lien social, on peut et on doit respecter les appartenances religieuses proprement dites. Et je suis persuadé que les croyants authentiques, ceux qui sont authentiquement juifs, chrétiens ou musulmans, qui ne sont pas seulement des dogmatiques de ces religions, ceux qui sont vraiment dans la croyance religieuse, sont plus prêts à comprendre la religion de l’autre et à accéder à cette foi, dont je viens de décrire la structure universelle, que les autres. Par conséquent, je crois qu’il n’y a pas de contradiction entre sécularisation politique et rapport à ce vous appelez le mystère de la vie, c’est-à-dire le fait de vivre ensemble dans la foi. L’acte de foi n’est pas une chose miraculeuse, c’est l’air que nous respirons. Dès que j’ouvre la parole, même si je mens, je suis en train de vous dire : je vous dis la vérité, croyez-moi, je vous promets de vous dire la vérité. Et cet acte de foi qui est impliqué dans le rapport social, dans le lien social lui-même, je suis persuadé que les croyants authentiques, ceux qui ne sont pas ce que l’on appelle des fondamentalistes, intégristes, dogmatiques prêts à transformer leur croyance en arme de guerre, ceux-là qui ne sont pas dogmatiques et fondamentalistes et intégristes sont plus prêts à comprendre la religion de l’autre et la foi universelle. Par conséquent, je crois que loin qu’il y ait une contradiction, il y a un lien entre la sécularisation du politique, la dissociation, en quelque sorte, du lien social en lui-même, du lien politique en lui-même, et ce que vous appelez le rapport au mystère de la vie. »
J’ai alors recentré ma question sur la dure réalité : comment renouer le dialogue entre les mondes ? Comment s’opposer aux forces de la fermeture, alors que c’est l’ouverture qui devrait dominer, pour pouvoir faire face aux défis communs et à la complexité de notre histoire ?
Il répondit : « L’ouverture, c’est quelque chose qui se décide. On ne peut pas forcer quelqu’un à parler ou à écouter, c’est là où la question de la foi revient. Il doit y en avoir, partout où il y a de la guerre, et il y a de la guerre partout dans le monde aujourd’hui. La paix n’est possible que là où l’un des belligérants fait le premier pas, prend l’initiative risquée, prend le risque d’ouvrir le dialogue, de faire le geste qui entraînera, non seulement l’armistice, mais la paix. La différence entre l’armistice et la paix, c’est que l’armistice met fin provisoirement à une belligérance, alors que la paix, comme dit Kant, est perpétuelle, la paix est perpétuelle par essence. Le concept de paix implique la perpétuité. On ne cesse pas la guerre pour un moment, on s’engage dans la paix pour toujours. Je pense ici aux guerres en cours au Moyen-Orient, je pense à Israël et à la Palestine, et je pense aussi à des guerres plus ou moins virtuelles. Je pourrais donner mille exemples, malheureusement, trop d’exemples de guerres ; chaque fois la différence entre l’ouverture et la fermeture dépend du risque pris, de la responsabilité prise dans le risque, par quelqu’un qui sait que s’il ne s’adresse pas à l’autre le premier, s’il ne tend pas la main le premier, la guerre n’en finira pas. Si on attend, si on pose toujours une condition préalable à la cessation des hostilités, eh bien ce sera la guerre perpétuelle. La différence entre la fermeture et l’ouverture, c’est la question de la responsabilité, n’est-ce pas ? Je dois dire oui à l’autre, le oui à l’autre apparemment est une initiative. Quand on dit oui, c’est un geste libre, c’est une initiative absolue, mais c’est déjà une réponse. Quand je dis oui, la structure du oui est la structure d’une réponse. Quand on dit oui, on commence par répondre. Si quelqu’un, mettons un chef d’État du Moyen-Orient dit oui à la paix le premier, en prenant les risques qu’il faut prendre dans ce cas-là, c’est la question de l’ouverture qui rendra possible réconciliation, négociation, établissement de la paix. Donc, l’ouverture et la fermeture ne s’imposent pas de l’extérieur, il faut prendre le risque du oui, c’est-à-dire de l’affirmation originaire de la vie. »
Soucieux d’ouverture, mais critique au regard des dérives de la modernité, je dis : alors que la difficulté est majeure pour apprendre à vivre, et qu’il n’y a pas de modèle convaincant, mais plutôt décevant et inquiétant, pourquoi cette hargne contre l’islam, pourquoi faut-il s’occidentaliser, s’européaniser, s’américaniser, pour se conformer au progrès et apparaître comme civilisé ?
Ce philosophe majeur, qui me parlait avec tant d’attention et de pédagogie, me dit avec humilité et force : « Là aussi vous me posez une question très difficile, qui appellerait comme toutes vos questions des réponses très longues, et j’ai un peu honte d’improviser des réponses si schématiques. On peut dire d’une certaine manière que ce qu’on appelle, d’un mot souvent confus, la mondialisation, ou la globalisation, comme disent les Américains, a été une européanisation universelle par la science et la technique, et même ceux qui s’opposent à cette européanisation, même ceux qui par des actes de violence terroriste prétendent s’opposer à cette européanisation violente, à cette américanisation violente, le font le plus souvent à partir d’une certaine européanisation technique, technoscientifique, quelquefois technico-économico-scientifique. Donc là, je crois qu’il faut revoir les concepts de fond en comble. D’abord, je crois que, paradoxalement, la mondialisation n’a pas lieu. C’est un faux concept, c’est souvent un alibi, jamais le monde n’a été aussi inégalitaire et aussi peu partageable et partagé. D’autre part, je crois qu’il est temps de distinguer entre l’américanisation et l’européanisation, puisque vous avez parlé d’américanisation et d’européanisation. Ceux qui connaissent mon travail, et pardonnez-moi d’y faire allusion, savent que je ne passe pas pour un eurocentriste, je passe plutôt pour quelqu’un qui a mis en question l’européocentrisme. Néanmoins, je crois que nous sommes à un moment de l’histoire, depuis quelque temps et en particulier depuis quelques mois, où le clivage entre une certaine Amérique, je ne parle pas des États-Unis en général, mais d’un certain pouvoir américain, d’une certaine politique américaine, le clivage entre une certaine politique américaine et une virtualité de politique européenne est de plus en plus possible. Encore une fois sans européocentrisme, je crois qu’il appartient, qu’il devrait appartenir à une certaine Europe en train de se faire, de prendre de nouvelles responsabilités, à la fois pour se démarquer, se désolidariser, d’un certain unilatéralisme hégémonique des États-Unis, et pour s’engager avec les forces qui dans le monde, comme dans le monde arabo-musulman, sont prêtes, de leur côté, à s’ouvrir à cette démocratie à venir dont je parlais tout à l’heure. Pour moi, c’est quelque chose de nouveau. Encore une fois, j’ai plutôt tendance dans mon travail à me méfier des traditions européocentristes, non seulement colonialistes bien entendu, mais européocentristes dans la structure des concepts qui ont fondé le droit international. Le droit de l’ONU, le Conseil de sécurité sont fondés sur des concepts occidentaux, et j’ai tendance à remettre tout cela en question. Néanmoins, à partir de ce qui s’est passé dans les prémices de la guerre, de l’agression contre l’Irak (il va de soi que comme beaucoup d’entre nous ici, je n’ai aucune sympathie pour le régime qui vient de s’effondrer en Irak, mais j’étais très fermement opposé à la façon dont les États-Unis ont mené cette affaire, de manière unilatérale, en violation des lois de l’ONU, du Conseil de sécurité, etc.), eh bien, je pense, et ceci va être répété dans un article que je vais signer avec le philosophe allemand Habermas, article qui sera publié dans le journal Libération à la fin de ce mois, je pense qu’il y a eu, récemment, des dates importantes, où tel ou tel ministre européen, je pense à Aznar, à Berlusconi, à Blair, ont prétendu entraîner toute l’Europe derrière les États-Unis, et en même temps, des manifestations populaires massives, dans les rues de ces mêmes pays et d’autres pays, contre l’initiative américaine. Il y a là, et dans le geste conjoint de la France et de l’Allemagne, les prémices d’une figure de l’Europe qui, loin de vouloir européaniser le monde, pourrait, entre l’hégémonie de la superpuissance américaine (elle-même précaire, elle-même critique, parce que cette hégémonie peut être très puissante et en même temps donner des signes d’impuissance, ce n’est pas contradictoire), pourrait donc s’interposer entre cette hégémonie de la superpuissance américaine et le reste du monde, et s’engager dans un dialogue, pour reprendre votre mot, avec les États-nations ou les cultures arabo-musulmanes, dans l’esprit de cette démocratie à venir dont je parlais tout à l’heure. Je crois qu’il y a une nouvelle responsabilité européenne qui se cherche aujourd’hui et pour laquelle je forme des vœux. J’ai essayé de dire cela un peu mieux ailleurs, dans ce petit livre qui s’appelle Voyous, ou dans le texte dont je parlais. Pour le dire très simplement, je crois qu’aujourd’hui, il faut abandonner l’idée qu’il y a une européanisation, une hégémonie violente d’un Occident qui comprendrait les États-Unis et l’Europe contre le reste du monde. Je crois qu’il faut abandonner cette idée-là. Il y a là une spécificité d’une Europe en formation, qui j’espère, avec beaucoup de pays du monde méditerranéen, et notamment les pays du Maghreb, particulièrement l’Algérie bien entendu, mais aussi des pays du Moyen-Orient, transformera la configuration mondiale dans laquelle nous nous trouvons, et tout cela dans le sens de cette démocratie à venir, dont je parle un peu trop ce soir, mais c’est un mot économique dont je suis obligé de me servir pour aller vite. »
À ce moment précis, je l’ai remercié, comme pour lui dire que le message était bien reçu. Puis j’ai ajouté ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Copyright
  4. Table
  5. Dédicace
  6. Dédicace
  7. INTRODUCTION. L'AMITIÉ AVANT TOUT
  8. L'AVENIR DES CIVILISATIONS
  9. LE DÉBAT
  10. LE VÉCU, LE SOUVENIR, COMME ALGÉRIEN
  11. ORIENT-OCCIDENT, UNITÉ ET DIFFÉRENCES
  12. INJUSTICES ET DÉRIVES
  13. SÉPARATION OU LIEN ?
  14. LE PROGRÈS EST TOTAL OU IL N'EST PAS
  15. CONCLUSION. L'AUTRE DIFFÉRENT EST INDISPENSABLE À NOTRE VIE
  16. POSTFACE. DE LA RIVE SUD, ADIEU À DERRIDA
  17. BIOGRAPHIE. DERRIDA ET LA RIVE SUD
  18. Du même auteur :
  19. Quatrième de couverture