Les Pouvoirs de la tolérance

Marion Mari-Bouzid

• Éditeur: Odile Jacob
• Année: 2015
• ISBN:
  9782738166364
• Sujet: Psychology
• Sous-sujet: Emotions in Psychology

Parmi ces valeurs fondamentales qui aident à mieux vivre avec nous-même, avec les autres, dans nos vies et dans bien des situations conflictuelles, la tolérance occupe une place centrale. Qu'est-ce que la tolérance? Quelles sont ses différentes formes? Pourquoi être tolérant? Aujourd'hui, la science valide les nombreux bénéfices sur la santé physique et psychologique des valeurs profondes comme la tolérance. Alors, concrètement, comment l'introduire dans notre quotidien? Comment créer plus de compréhension, plus d'harmonie dans nos relations aux autres, ou avec nos proches? Comment se relier à la tolérance pour évoluer vraiment, pour changer? C'est tout l'objectif de ce livre que de proposer un véritable chemin pour comprendre, explorer et, au travers d'exercices pratiques, s'approprier cette valeur. Car être tolérant est bon pour notre sérénité, l'équilibre de tous et notre capacité à vivre ensemble. Tous les bienfaits de la tolérance pour les autres et pour soi-même. Marion Mari-Bouzid est psychologue clinicienne, spécialisée en thérapies comportementales et cognitives, et instructrice en thérapie cognitive basée sur la pleine conscience. Ancienne compétitrice en savate-boxe française et kick boxing, elle est également spécialisée dans la préparation mentale en sports de combat. Un Carnet de Vie pour se relier à ce qui, profondément, construit le sens de notre vie, à ces valeurs qui sont nos piliers. Une collection imaginée par Jeanne Siaud-Facchin

QUATRIÈME PARTIE

COMMENT ÊTRE TOLÉRANT ?

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CHAPITRE 8

Qu’est-ce que je tolère et qu’est-ce que je ne tolère pas ? Faites votre autodiagnostic !

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Chaque personne a ses propres zones d’intolérance qui lui sont toutes personnelles. Une situation peut très bien m’importuner au plus haut point et être considérée comme parfaitement sans importance pour un autre. Apprenez à mieux cerner vos zones d’« intolérance » et faites votre autodiagnostic. La lecture de ce livre vous aura déjà peut-être permis, au travers des exemples donnés, de mieux cerner quelles situations concrètes vous insupportent et provoquent votre indignation : la lenteur, la simplicité d’esprit, le manque d’humour, le non-respect, l’ironie ou la moquerie, le cynisme, l’indifférence, le mépris, la prétention, la lâcheté, la mauvaise foi, l’hypocrisie, l’autoritarisme, la violence, le refus d’obéir, la critique, etc. Nous pouvons prendre comme indice d’intolérance en nous la présence de fortes émotions d’aversion dans des situations où nous aurons tendance à adopter un point de vue radical, extrême. La tolérance est en effet cette capacité à faire coexister un autre point de vue à côté du sien prompt à le tempérer et à le ramener vers un « juste milieu ».

Tâchez également de cerner vos « zones de tolérance », c’est-à-dire les situations qui mettent d’ordinaire les autres (vos proches, votre conjoint[e]…) dans un état d’agacement qui peut virer à la colère mais que vous supportez très bien. C’est essentiel car, avant de s’attaquer à ce qui ne va pas bien, il est très important de pouvoir considérer ce qui fonctionne pour nous. En ce qui me concerne par exemple, ayant travaillé dans le champ de l’éducation, il m’est arrivé de sanctionner certains jeunes ayant commis des vols. Si j’étais loin d’approuver leurs actes, je suis en revanche toujours parvenue à faire preuve d’une certaine clémence dans mon jugement. Je ne pouvais m’empêcher de penser que les coupables étaient des personnes malheureuses, soit parce qu’elles étaient dans un manque matériel réel, soit parce qu’elles construisaient leur bonheur sur l’envie dévorante et destructrice de s’emparer du bien d’autrui. J’arrive donc parfaitement à faire preuve de tolérance dans ces situations, à tempérer mon jugement, à garder la tête froide et, si c’est possible, à trouver les solutions qui s’imposent et qui permettent à chacun de sortir la tête haute de la situation. Par contre, il en est autrement pour ce qui est de l’attitude de certaines personnes qui n’assument pas leurs erreurs et qui préfèrent renvoyer la responsabilité de leurs actes sur les autres. Ce comportement n’est pas objectivement plus condamnable en soi que le vol, mais j’arrive plus difficilement à faire preuve de tolérance dans de telles situations qui la plupart du temps m’irritent au plus haut point.

S’appuyer sur les forces déjà présentes en nous est un puissant tremplin vers le changement ! Cela instaure un sentiment de confiance en soi car nous pouvons constater que, dans de nombreuses situations, nous savons déjà comment faire. Cela évite aussi de nous amener à focaliser sur ce qui ne va pas chez nous, fortement pourvoyeur d’émotions négatives, et dont l’excès comme on l’a vu, peut-être nuisible à notre épanouissement et au changement. Tout apprentissage réclame de la persévérance qui ne peut exister sans la confiance et sans un minimum de bienveillance ! Demandez-vous ensuite comment vous faites pour tolérer ces situations. Cela vous donnera une bonne idée de la forme de tolérance que vous savez déjà pratiquer et que vous pourrez essayer progressivement d’étendre aux situations les plus problématiques pour vous.

Ensuite, je vous propose d’identifier les principaux « ennemis » de la tolérance et de vérifier leur présence éventuelle chez vous :

• Ennemi n^o 1 de la tolérance : le perfectionnisme excessif, l’hypercontrôle et une adhésion rigide à vos propres normes, ou conception de ce qu’il faut faire et ne pas faire. Dans le film As Good as it Gets*1, le personnage incarné par Jack Nicholson présente une caricature de ce type de profil, incarnant une personnalité obsessionnelle dont la vie est réglée au millimètre près afin de ne laisser aucune place à l’imprévu. Mr Yudel dans le film a des avis tranchés sur tout et celui qui ne fonctionne pas comme lui – c’est-à-dire tout le monde – est traité avec le plus profond mépris et la plus grande intolérance. Nous verrons un peu plus loin ce qu’il advient de Mr Yudel lorsque, enfin, il parvient à se libérer de ce carcan de règles et de normes…

• Ennemi n^o 2 de la tolérance : la soumission à l’autorité (adhésion sans regard critique aux normes morales, sociales…). L’expérience de Stanley Milgram (1960-1963) – brillamment reproduite dans le film I comme Icare, d’Henri Verneuil, avec Yves Montand – montre comment la soumission à l’autorité peut conduire, en obéissant aveuglément à une autorité dite « supérieure », à la tyrannie et au renoncement face à toute forme de morale… Cette autorité est, dans l’expérience de Milgram, celle de la science et des blouses blanches, mais elle peut être plus largement celle véhiculée par des règles de vie intériorisées depuis l’école ou l’enfance et que nous prenons comme des vérités incontestables.

• Ennemi n^o 3 de la tolérance : l’adoption de jugements extrêmes. Avez-vous tendance à voir tout en blanc ou tout en noir ? À vous emporter devant votre télé quand vous regardez le journal télévisé, des débats politiques ou de société et sentir « la moutarde qui vous monte au nez » ? Vous avez une précieuse faculté d’indignation mais qui peut virer vers l’intolérance vis-à-vis des points de vue opposés aux vôtres et qui peut vous nuire en vous faisant perdre en crédibilité.

• Ennemi n^o 4 de la tolérance : la résolution des différends par le conflit. Elle repose sur la conviction que, lorsqu’il s’agit de se faire obéir, respecter, entendre…, je dois passer par le conflit et le rapport de force afin de faire valoir mon point de vue. Tout point de vue différent du mien sera considéré par moi comme une menace. Tout devient un conflit. Cette vision des choses peut être le résultat d’une idéologie qui place au cœur de ses principes la lutte entre des groupes de personnes aux intérêts opposés ; elle peut être aussi plus individuelle et le résultat d’une éducation autoritaire où le châtiment, la punition étaient les principales méthodes utilisées, diffusant l’idée implicite qu’il ne peut y avoir d’autorité en dehors d’un rapport de force.

En d’autres termes, si vous avez un schéma de perfectionnisme avec de hauts standards personnels et une aptitude hors du commun à détecter les défauts des autres ainsi que vos propres défauts, que vous suivez sans discuter les règles que d’autres (des « experts », des représentants de la loi) fixent pour vous, que vous avez en général des points de vue très tranchés et une tendance à imposer votre autorité par la force, il se peut que le chemin vers plus de tolérance soit pour vous un véritable « chemin de croix ». Il existe de très bonnes thérapies centrées sur les schémas cognitifs et qui peuvent vous aider à vous libérer de ces quatre ennemis de la tolérance, premier pas avant d’entamer l’« ascension » vers cette valeur qui, je l’espère, est maintenant devenue essentielle pour vous !

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*1. Sorti en France en 1997 sous le titre Pour le pire et pour le meilleur.

CHAPITRE 9

Les conditions essentielles à la tolérance

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Savoir favoriser un climat relationnel et émotionnel propice à la tolérance

Il est évident que si vous êtes stressé car vous avez un travail très éprouvant dans lequel vos responsables prônent le management par la pression, et que, lorsque vous rentrez chez vous, vous êtes encore astreint à diverses corvées domestiques, votre conjoint étant encore plus débordé que vous, et qu’à tout cela s’ajoute l’éducation de vos deux enfants en bas âge que vous voulez assurer seul, car vous ne faites pas confiance à votre entourage et avez votre propre vision de ce qu’est une « bonne éducation », il puisse être difficile d’entamer, de surcroît, un travail sur vous. Ce travail se transformera alors en une pression de plus parmi la somme des responsabilités que vous avez déjà à assumer et se traduira en stress supplémentaire. Or, comme tout travail, le travail psychologique d’œuvrer à développer des attitudes et des savoir-être nouveaux demande de la patience, de la persévérance, de la bienveillance, mais aussi du temps ! Nous devons donc être en mesure de pouvoir mettre de côté certaines exigences et d’adopter un style de vie propice. Ce style de vie passe également par l’établissement d’un climat sain et de relations positives avec nos proches, faits de petites attentions quotidiennes (petits messages d’amour ou d’amitié, bouquets de fleurs ou compliments…) et de bons moments (week-ends en amoureux, déjeuners avec ses collègues, repas améliorés ou sorties au restaurant…) qu’il nous faudra à tout prix cultiver, tant nous avons vu l’impact des émotions positives sur notre capacité à faire face à l’adversité !

Trouver, à chaque fois que cela est possible, des compromis aux différends qui vous opposent aux autres

Il sera nécessaire, pour faciliter le travail sur soi vers plus de tolérance, d’éliminer à chaque fois que cela sera possible les situations potentiellement conflictuelles en partant à la recherche de solutions qui arrangent tout le monde. Cela reviendra à ne pas chercher à « donner de leçons » et à sortir autant que faire se peut du piège « qui a tort, qui a raison » en développant l’art du compromis. Même si Samia pense que son compagnon devrait penser à reboucher le tube du dentifrice par égard pour elle, elle pourrait, au lieu d’entrer dans un conflit, nourrir l’espoir qu’il comprendra, en achetant au passage un deuxième tube de dentifrice pour que chacun ait le sien… Cela paraît tout bête, mais demande une certaine forme d’acceptation qui consiste à renoncer, pour un moment, à faire changer l’autre, tout en trouvant des solutions pour annuler les conséquences négatives de son comportement. Cela limitera le préjudice subi en le rendant supportable – première forme de tolérance. Il pourra s’agir pour Léa d’éviter avec sa mère, à chaque fois qu’elle le peut, les sujets de conversation concernant l’éducation de son fils où l’on sait que son regard critique affûté ne manquera pas de s’exprimer, afin de ne pas lui tendre le couteau pour qu’elle le remue dans la plaie. De même pourrions-nous conseiller à Loïc de fixer des réunions de travail tôt le matin avec son collègue de travail afin qu’il soit encore à peu près sobre, etc.

Des tas de solutions à nos problèmes et de compromis à nos différends existent mais, le plus souvent, notre intolérance seule nous empêche de les envisager. Nous pensons en effet qu’en refusant énergiquement et en luttant contre le comportement de l’autre, nous parviendrons à nos fins alors que le contraire s’avère beaucoup plus effi...

Table des matières

• Couverture
• Titre
• Copyright
• Les Carnets de Vie
• Prologue
• Introduction
• PREMIÈRE PARTIE - Qu’est-ce que la tolérance ?
• DEUXIÈME PARTIE - Pourquoi être tolérant ?
• TROISIÈME PARTIE - Quand être tolérant ?
• QUATRIÈME PARTIE - Comment être tolérant ?
• Conclusion
• Annexes
• Notes
• Bibliographie
• Table