La Pensée clinique
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La Pensée clinique

  1. 368 pages
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La Pensée clinique

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À propos de ce livre

La pensée habite des champs d'activité divers. Elle peut être philosophique, scientifique ou religieuse. Mais elle ne peut pas, à moins de renoncer à l'exigence théorique qui la fonde, investir le domaine de la clinique. Et pourtant… Comment qualifier le mode de rationalité issu de la pratique psychanalytique? Comment rendre compte du travail de pensée qui est à l'œuvre dans l'expérience de la cure? André Green montre de quelle façon il est possible d'introduire en psychanalyse le concept de pensée clinique. Il analyse, en particulier, la modification des tableaux cliniques sur lesquels l'œuvre de Freud s'est édifiée, apportant des innovations et des réponses que le père de la psychanalyse ne pouvait prévoir. André Green est psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de Paris, dont il a été président. Il a notamment publié La Causalité psychique et Les Chaînes d'Éros.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2002
ISBN
9782738183187
Clés théoriques
5
Sur la discrimination
et l’indiscrimination
affect-représentation
« Ce sont les instincts, les sentiments, qui constituent la substance de l’âme. La cognition n’en est que la surface, son point de contact avec ce qui lui est extérieur. »
C. S. PEIRCE,
Le Raisonnement et la logique des choses.
« C’est là, dans cette situation hautement spécialisée [la situation analytique], plutôt que dans l’observation directe des tout-petits, que l’état de choses normal, lors du débat théorique de la petite enfance, peut être étudié. »
D. W. WINNICOTT,
La Nature humaine.
Discrimination et indiscrimination entre affect et représentation : questions
L’écoute analytique
Au début d’une séance d’analyse, dans quelle disposition d’esprit suis-je pour répondre à ce que je pense que la situation exige de moi ? Je me situe en position d’analyste, lorsque, m’étant efforcé de maintenir autant que possible l’attention librement flottante – on verra qu’elle ne va pas de soi et rencontre parfois de sérieuses difficultés –, j’entends la communication de l’analysant, simultanément sous un double éclairage. À savoir que, d’une part, je tente de percevoir la conflictualité interne qui l’habite et, d’autre part, je la considère sous l’angle de l’adresse, implicite ou explicite, qu’elle constitue à mon égard. La conflictualité à laquelle je fais allusion ne concerne pas les conflits dynamiques particuliers que l’interprétation permettrait de dégager, mais la façon dont le discours alternativement se rapproche et s’éloigne d’un noyau significatif ou d’un ensemble de noyaux significatifs qui tentent d’effectuer une percée vers le conscient. Il n’est pas nécessaire d’avoir une idée précise de ce qui active ou au contraire freine ou détourne la communication pour percevoir le mouvement qui porte celle-ci tantôt vers une expression plus explicite ou plus précise, tantôt l’éloigne de l’accomplissement verbal de ce qui cherche à se transmettre. On peut donc percevoir intuitivement ces variations sans connaître pour autant la nature exacte du foyer autour duquel elles gravitent et qui souvent apparaîtra plus ou moins soudainement, parfois en pleine clarté, parfois de manière plus accidentelle, au cours du parcours discursif. C’est en ce dernier cas que l’attention flottante change d’état pour devenir acuité investigatrice, le temps d’une réorganisation de ce qui a glissé sous la fluidité de la réception « en suspens » du discours en association plus ou moins libre de l’analysant. Il ne s’agit pas seulement dans cette description de nommer la résistance, telle que celle-ci se rencontre à l’approche de moments transférentiels activés. Je fais allusion à l’état de fond sur lequel apparaissent les mouvements du discours en attente d’être entendu, ou de l’oscillation de base de toute prise de parole de l’analysant, incertaine de son acceptabilité tant pour la conscience de celui qui l’émet que pour celle de celui à qui elle est adressée. Un mouvement convergent – mais qui est loin d’être synchrone – fait donc évoluer la pensée de l’analyste de son identification de la position transférentielle ponctuelle de l’analysant dans le moment présent vers une image plus globale de sa conflictualité telle que le flux du discours permet de l’appréhender, soit encore vers ce qui, à un moment défini, témoigne d’une part de l’activation d’un conflit singulier, d’autre part de la manière dont celui-ci prend un relief momentané dans une configuration d’ensemble. Ainsi se mettent en perspective les conditions générales de la verbalisation, partagée entre ce qui cherche à se satisfaire à travers son expression et ce qui traduit un sentiment de danger à le faire sans entraves. Autrement dit, nous sommes devant un double rapport : conflit local singulier renvoyant à une conflictualité plus générale chez l’analysant, appréciable selon les relations qu’entretiennent les parties du discours entre elles et la façon dont la présence de l’objet excite et inhibe leurs figures, et, du côté de l’analyste, examen de la portée significative du moment présent évalué en fonction de la conflictualité générale de la vie psychique telle qu’elle se traduit dans le rapport analytique. Celui-ci est pris entre l’idéal d’une communication libre de toute censure et les vicissitudes d’un désir de dire, contrecarré par la peur imaginaire et ses conséquences qui laisse penser que ce dire ici a perdu en partie son écart avec le faire.
Lorsque, changeant de vertex, j’entends ce qui est dit comme s’adressant à moi, je livre ce que j’ai entendu à un éclairage où la conflictualité interne rencontre, dans sa tentative d’externalisation par la parole, un retour réflexif sur le sujet qui la prononce, transformation produite par cette publication de la pensée qui, en s’adressant à un autre, engendre rétroactivement l’écho de son propos sur celui qui parle selon un effet favorisé par le cadre. La singulière altérité du rapport analytique engendre aussi symétriquement l’idée que la causalité qui gouverne le propos de celui qui parle modifie le statut du destinataire du message. Celui-ci, pris à partie comme témoin ou objet d’une demande, est changé dans le monde interne et devient, à l’insu de l’analysant, cause du mouvement qui anime sa parole. C’est bien ce qui gît au fond de tout transfert. Le destinataire – invisible dans la situation analytique – est pour ainsi dire rabattu sur le mouvement de parole, se fond en elle et est désormais interprété selon un double registre. S’il fut, à l’origine, consciemment défini comme celui à qui le discours – dont il a d’ailleurs fixé le mode singulier – s’adresse pour tenter de s’approcher de l’univers intime du patient, inconsciemment cette condition de récepteur du message se change en inducteur de celui-ci. Il en devient le provocateur par la présence des mouvements internes issus aussi bien de ce qui lui est adressé que de ce qui a animé l’analysant à tenir de tels propos. La séparation, entre les mouvements internes – affectifs – du sujet et leur objectivation par le discours adressé à un tiers, tombe pour l’inconscient. On en arrive à un point où les deux ne font plus qu’un, l’objet à qui s’adresse ce discours – c’est-à-dire ce que la demande, l’attente, l’espérance du patient attendent de quelque autre – et sa source subjective inconsciente et pour tout dire pulsionnelle deviennent plus ou moins échangeables à l’insu de celui qui parle. À ce niveau, le destinataire de la mise en mots des mouvements internes n’est plus séparé que d’un fil de la tendance à voir en lui l’agent causal de ceux-ci. De cette cause il est attendu des conséquences, le discours s’efforçant de susciter une réponse chez celui à qui le discours s’adresse. Il est sans doute espéré de façon tacite, non seulement que sa réponse satisfasse la demande qui lui est adressée – demande inhérente à la démarche même d’entreprendre l’analyse –, mais singulièrement qu’elle révèle à celui à qui elle est formulée un désir en correspondance avec la quête dont il est l’objet.
Je sais bien que le concept d’objet interne de Melanie Klein a tenté de réunir ces deux aspects sous un seul et unique chef, mais je vois un intérêt plus grand à les séparer pour mieux appréhender la façon dont ils entrent en relation d’une manière plus ou moins contradictoire. Ces deux aspects se réfèrent à ce que j’ai décrit sous le nom de double transfert : le transfert sur la parole et le transfert sur l’objet (Green, 1984) qui se présentent en apparence sous une forme unique mais dont je crois qu’il y a avantage à les distinguer pour mieux appréhender les rapports de l’intrapsychique et de l’intersubjectif. Les rapports mutuels de la vectorisation par la parole et des boucles rétroactives de l’adresse à l’objet font ressortir des traits particuliers à la communication analytique. Le vide que doit traverser la parole analytique adressée à un destinataire invisible – donc en quelque sorte dérobé – confère à celle-ci, outre le renoncement à la maîtrise exigée par la règle fondamentale, la potentialité de la faire retourner à sa source aussitôt émise. « Ce vide cesse alors d’être un simple milieu véhiculant pour le message pour donner lieu à un double effet ; d’une part, il produit la réflexion de l’énigme de la polysémie qu’il a engendrée chez le destinataire sur l’émetteur, d’autre part, ce vide se reproduit chez celui qui parle, expression du décalage entre la source énigmatique de la parole et son produit fini » (Green, 1973).
Dans une telle perspective – qui est celle des situations analytiques ordinaires –, l’évaluation de l’interprétabilité de ce qui est dit ne se soucie pas de séparer l’affect des autres aspects du discours, car l’entreprise qui consisterait à les distinguer serait artificielle puisqu’elle isolerait une des composantes de la communication qui n’est intelligible que dans son lien avec les autres.
Soit dit en passant, lorsqu’on survole les écrits de Freud sur l’affect, on constate que toute la théorisation initiale est née des différences de son rapport à la représentation à partir des catégorisations internes à la classe des psychonévroses de transfert, essentiellement. Si la réflexion sur l’affect se poursuit une fois que Freud a pris ses distances avec ce point de départ, ce qu’elle gagne en complexité et en finesse doit sacrifier la préoccupation antérieure d’une mise en perspective différentielle avec la représentation selon les névroses. On ne saurait non plus considérer que les modifications apportées à la théorie de l’angoisse peuvent à elles seules répondre à l’ensemble des problèmes posés par la conception de l’affect. D’ailleurs, Inhibition, symptôme, angoisse ne l’avoue-t-il pas explicitement à travers l’addendum intitulé « Angoisse, douleur et deuil » ? Lorsque Freud décrit tardivement le travail analytique dans « Constructions dans l’analyse1 », cette place de l’affect est relativisée par son insertion dans un ensemble comprenant les divers constituants de la communication (souvenirs, rêves, idées nées de l’association libre, allusions à des événements internes à l’analyse et extérieurs à elle, etc.). Mais elle est aussi implicitement située en position privilégiée (par la répétition qui en marque le retour dans le texte). L’affect y occupe la place d’une médiation entre le passé – pas forcément identifié comme tel, c’est-à-dire limité à la remémoration –, le présent actualisé dans la relation à l’analyste, à travers ce qui est explicitement ressenti et ce qui s’actualise de manifestations psychiques anciennes, non reconnues par la conscience. L’énoncé des diverses formes d’événementialité psychique, du souvenir remémoré au retour plus ou moins intempestif des motions refoulées, renvoie à ce que j’ai appelé l’hétérogénéité du signifiant, ce dernier terme étant pris ici comme équivalent d’élément de signification, celle-ci s’exprimant de manière non univoque à travers divers canaux, chacun selon le mode qui lui est propre. On voit donc que ce qui fait retour à la surface de la communication analytique s’étend sur un spectre qui mêle en proportions diverses une composante dont le contenu s’apprécie généralement en termes idéiques et une autre qui ne peut être englobée par la précédente, reconnue comme traduisant des « motions », c’est-à-dire des mouvements où se retrouvent l’affect, en tant que phénomène dynamique, et la pulsion, comme concept en rendant compte théoriquement.
La distinction affect-représentation
Cette distinction n’est pas sans rappeler les toutes premières intuitions de Freud divisant l’activité psychique en neurones, qu’on pourrait rapprocher de ces unités de représentations idéiques – se raccordant les uns aux autres par des frayages – et quantités mouvantes, précurseurs du futur quantum d’affect. Bien entendu, une fois l’étape de l’Esquisse dépassée, ce qui subsistera, c’est l’idée que le psychisme retrouve cette distinction dans l’intuition de sa nature la plus intime et, à l’inverse, que certaines formes révélées par les névroses peuvent témoigner d’un relatif démantèlement de ces deux types de manifestations étroitement liées mais qui, en certains cas, peuvent suivre un cours séparé. Ajoutons encore que la rencontre entre la recherche d’un régime de pensée (association libre) privilégiant la communication de la mobilité psychique, jointe à la mise en suspens des censures et prohibant toute expression agie, propension qui serait consécutive à ce dynamisme induit et renforcé par rapport aux conditions ordinaires de l’échange verbal, accentue le déséquilibre entre ces deux composantes. Car la tendance au mouvement propre à l’affect, dont l’une des orientations peut passer à l’acte, lorsque l’émotion a investi le corps le mettant en tension et le poussant à liquider la quantité en excès. Quant aux représentations, elles possèdent la capacité de déplacer la charge particulière de chacune dans l’élévation du niveau de l’investissement du réseau qui permet de tenir ensemble leurs formes développées. Le rapport des pensées instituées par les liaisons représentatives est relâché par l’instauration du régime d’association libre. Mieux, on peut dire que l’énonciation elle-même procède à de nouvelles formes de liens remaniant les liaisons anciennes qui cherchent à se réinstaller sous l’égide d’un rassemblement signifiant, en les mettant cette fois au service de la défense (la rationalisation), tandis que par ailleurs l’énonciation du point de vue de l’affect a l’effet inverse, à savoir qu’elle déchaîne encore davantage la part d’elle-même qui s’associait aux représentations. Ces conditions accroissent les contradictions internes du discours transférentiel.
De nos jours, le glissement de l’intérêt des tableaux cliniques que n’éclaire pas beaucoup l’analyse selon la division affect-représentation a produit une rupture de continuité avec la théorie classique. Ils s’imposent comme objet de notre élaboration. Car ou bien l’œuvre de Freud les a ignorés – en dépit de quelques indications dispersées, sans approfondissement particulier sous l’angle de l’affect, je pense à l’analyse de l’Homme aux loups –, ou bien la littérature postfreudienne, à quelques rares exceptions près, n’a fait progresser la connaissance de l’analyse à leur sujet qu’en adoptant un point de vue qui a remplacé le souci de la démarche différentielle en lui substituant souvent une approche globalisante : celle de la relation d’objet.
Deux remarques doivent être faites ici.
L’intérêt du maintien d’une distinction qui prenne en considération la spécificité de l’affect apparaît à l’examen de certaines disciplines. Sans nous attarder sur la neurobiologie qui connaît actuellement un regain d’intérêt autour de l’affect, longtemps négligé par les chercheurs, davantage portés sur les champs d’investigations où pouvaient être mises à profit les théories de l’information, certains domaines de la clinique continuent de nous y renvoyer avec insistance. Le problème de l’angoisse demeure au centre de l’analyse, plus que jamais. Nous ne ferons que mentionner la catégorie dite des psychoses affectives où domine la psychose maniaco-dépressive. Si les analystes n’ont que rarement l’occasion de s’y confronter, on ne peut oublier que la dépression reste un pôle majeur d’élaboration de la clinique psychanalytique. Plus spécifiquement encore, la clinique psychosomatique, où l’éclairage à partir du concept de fonctionnement mental a été décisive, attribue à l’économie affective un rôle capital dans l’intelligibilité des syndromes psychosomatiques et parfois dans leur genèse. Le concept d’alexithymie (Sifneos, 1975) a acquis droit de cité dans la pathologie. Il combine une perturbation dans la reconnaissance et la verbalisation des affects avec, chez certains, l’intervention d’une forme de déni qu’on a rapprochée de la forclusion ou de la réjection radicale observée chez les psychotiques.
Des perturbations comparables ont été relevées chez les victimes des traumatismes occasionnés par l’holocauste (Krystal, 1978). À la différence des situations évoquées précédemment ici, deux facteurs sont indéniablement à prendre en considération : les traumas eux-mêmes qui, pour être massifs, reconnus objectivement et mis à bon droit en cause dans leurs manifestations différées, quoique ne livrant pas le secret des détails de leur action sur le psychisme et l’inhibition des fonctions qui pourraient nous aider à nous en faire une idée. La remémoration agit ici comme une répétition – à peine moins douloureuse et parfois plus – que le trauma lui-même, le temps ne semblant rien faire à l’atténuation de la douleur psychique. Il est indéniable qu’il y a là une source nouvelle de réflexion qui est pour nous l’équivalent de ce que furent les névroses de guerre dans la réévaluation par Freud de sa théorie, à la différence qu’ici ce ne sont pas les représentations qui font défaut, ce qui est en cause, c’est le caractère indicible, affectivement intolérable, des situations qu’elles évoquent.
La tentative de dépassement de la séparation affect-représentation au profit d’une théorie des relations d’objet a sans doute permis de contourner bien des difficultés afin d’apporter des réponses à des questions apparues dans la pratique analytique. Toutefois, le nouveau paradigme faisait resurgir subrepticement les problèmes qu’il voulait enterrer. Ainsi, Melanie Klein, mettant en garde contre une interprétation trop littérale de sa pensée, précise que les divers mécanismes qu’elle décrit se réfèrent à des souvenirs en forme de sentiments (memories in feelings). La construction théorique monumentale de W. R. Bion part de l’expérience émotionnelle primaire, fondement sur lequel s’exerceront les interventions des processus psychiques de différenciation, d’élaboration, de transformation. Winnicott, d’une manière parallèle et avec des axiomes différents, partira lui aussi du développement émotionnel primaire dont la relation au corps est la forme basale, pour développer sa propre conception de la construction du psychisme. Tout tableau clinique interprétable comme signe de mauvaise santé psychique est toujours en rapport avec une perturbation du développement émotionnel selon lui. Du point de vue du développement, précise Winnicott, l’intellect lui-même ne peut être malade (sauf si le cerveau est mal formé ou dénaturé par une maladie physique) au sens où la psyché peut l’être en elle-même. Ainsi, si l’affect cessait d’être spécifiquement mentionné dans les théories nouvelles, ce serait pour être considéré comme référence de base à l’orée du développement.
Principales modalités de la vie affective
Nous sommes partis de la situation où l’écoute de la communication de l’analysant n’appelle pas sa décomposition en affect et représentation. C’est-à-dire que le matériel ne rend cette distinction ni indispensable ni nécessaire. C’était le cas pour le sentiment présent dans tout discours et pour les humeurs. En revanche, il arrive que cette distinction s’impose d’elle-même. Dans ce cas, l’affect cesse d’être fondu dans la communication mais la domine nettement de telle manière qu’on ne puisse échapper à l’impression que ce qui est ainsi exprimé prétend mobiliser l’essentiel de ce que le patient cherche à transmettre à ce moment – ou sa réaction contre lui. L’analyste n’a plus le pouvoir de relativiser cette partie du matériel en la mettant en perspective avec l’ensemble des données qui ont émergé à cette occasion, en même temps. C’est ici que, dans le transport – pour utiliser ce terme dans le sens que lui donne le vieux français et qui traduit l’image de ce qui se produit –, l’analyste perçoit bien le caractère vital pour l’analysant de ce qui occupe présentement son esprit, en même temps qu’il devine la fonction de bouclier défensif qu’assure la prise en masse de la communication psychique placée sous ce signe. Une telle dualité entre le sens positif conscient exprimé et l’intuition de sa valeur défensive n’a rien de surprenant quand on se souvient que, à la différence de la richesse des possibilités de dérive des représentations qui ouvrent sur des réseaux sémantiques compliqués dont le refoulement n’autorise que de manière filtrée l’accès au préconscient tout en conservant dans l’inconscient ce qui ne saurait être admis dans la conscience, le sort des affects dont l’issue est barrée dans cette instance ne connaît qu’un nombre bien plus restreint de transformations.
Il faut à cet égard souligner l’importance du fait que, pour en rester à la conception la plus restreinte de la représentation, celle-ci est marquée par son redoublement en représentation de chose, représentation de mot, situation beaucoup plus riche en significations élaborables que celle qui ne connaît d’autre division qu’entre affect inconscient et affect conscie...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Pour introduire la pensée clinique
  6. La mutation postfreudienne
  7. Retour sur les névroses Relations avec les structures non névrotiques
  8. Clés théoriques
  9. Actuelle
  10. Sources
  11. Bibliographie
  12. Du même auteur