Les Fanatiques
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Les Fanatiques

La folie de croire

  1. 224 pages
  2. French
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Les Fanatiques

La folie de croire

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À propos de ce livre

Pourquoi devient-on fanatique? Comment comprendre que des individus qui croient en une cause en viennent parfois insensiblement à passer à l'action destructrice et à bafouer ainsi les idées qui les animent? Quels sont les ressorts inconscients qui poussent les fanatiques à accomplir des actes définitifs dont ils sont peut-être les premières victimes?Le fanatisme a des degrés et tous les fanatiques ne se ressemblent pas. De l'illuminé au possédé, de l'anarchiste au martyr, du kamikaze au terroriste, Bernard Chouvier brosse le portrait des différents types de fanatiques et leur donne un visage sur lequel apparaissent les lignes essentielles et les traits particuliers qui le constituent et peuvent, selon les circonstances, conduire tout être humain sur cette voie. Bernard Chouvier est professeur de psychopathologie clinique à l'université Lyon-II. Il dirige depuis dix ans le Centre de recherches en psychopathologie et psychologie clinique de cette même université.

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Informations

Chapitre 5
Le terroriste ou les vertiges
de la destructivité
« Fanatique : Héros qui, pour le triomphe de ses préjugés, est prêt à faire le sacrifice de votre vie. »
Albert BRIE,
Le Mot du silencieux.
Après la Révolution française apparaît une nouvelle configuration du fanatisme. Tout se passe comme si en allant de la religion aux Lumières, le fanatisme ne disparaissait pas, comme l’espérait Voltaire, mais se métamorphosait et ressurgissait sous une forme tout aussi virulente : la terreur.
La terreur est une forme particulière du fanatisme. L’intime conviction de celui qui sait ne lui suffit plus, il a besoin de faire partager ses idées. Et le partage est ici à la mesure de la conviction : sans limites. Ou l’autre se soumet aux idées du doctrinaire, ou on le soumet. La vérité ne supporte aucune restriction, et surtout aucune compromission. La puissance du vrai doit se manifester dans les faits, de gré ou de force. L’idée juste ressemble fort au destin tel que le concevaient les stoïciens. Soit l’homme marche volontairement dans son sens, soit il y est traîné malgré lui. La force du croire est si irrésistible qu’elle ne saurait rencontrer aucun obstacle.
L’adhésion est emportée par la démonstration, la persécution ou la séduction. Mais que faire face à ceux qui résistent, oublient ou retombent dans l’erreur ? La solution proposée dans cette nouvelle posture fanatique est la terreur. La crainte du châtiment s’accroît au point que l’autre consent et adopte les pratiques qu’on veut lui faire admettre.
Mais que représente exactement la méthode terroriste et comment s’applique-t-elle ? Le terrorisme est tellement passé dans le langage courant aujourd’hui que sa représentation est vague et incertaine. On assimile trop aisément sous ce terme tous les usages de la violence dans le corps social.
La terreur représente une peur excessive et violente dont les effets sont saisissants : elle peut rendre muet ou paralyser tous les membres. Elle s’apparente, dans le registre de l’excès, à l’effroi qui a pour caractéristique de glacer l’ensemble du corps, ainsi qu’à l’épouvante qui suscite une telle émotion qu’elle provoque des tremblements irrépressibles. C’est donc d’abord au niveau du corps que se produisent les effets de la terreur. La conviction s’ensuit, tacitement, sans besoin de longs raisonnements ni de fastidieuses argumentations. Il suffit de frapper l’imagination et de pousser l’émotion à son paroxysme.
Qu’elle soit pratiquée de façon très empirique ou qu’elle fasse l’objet de théories précises ou plus ou moins échafaudées, la terreur est devenue, au fil du temps, une méthode sûre et efficace appliquée par les fanatiques pour répandre leurs idées ou tout simplement pour établir leur pouvoir.
On pourrait objecter, au fond, que la terreur est connue et appliquée depuis toujours par ceux qui cherchent à imposer leur pouvoir. Il est certain que Cyrus, Tibère ou Attila usaient de tous les moyens pour établir leur puissance et avec eux la force l’emportait largement sur le droit. Cependant, en parlant ici de terreur, nous voulons nous limiter à son usage explicite pour imposer des doctrines religieuses ou sociales à valeur humaniste. Le terroriste, au sens restreint du terme, est le fanatique si convaincu du bien-fondé de ses idées qu’il est prêt à faire usage de la violence pour les transmettre et les imposer. La valeur de la théorie rend pour lui légitimes de telles méthodes. Le terroriste a une conception, même sommaire, de la terreur. Il réalise et actualise cet ultime paradoxe du « détruire pour créer » au niveau concret de la vie collective. Raser, écraser, éliminer pour mettre en place un ordre de paix et de sérénité. Emprisonner, mutiler, tuer pour mettre en place la liberté et la solidarité. Le terroriste oublie les moyens au profit des fins. Plus le but est sublime, plus la destructivité peut se déployer, pourvu qu’elle soit à son service.
Nous allons distinguer pour débuter deux types de terreur et deux figures fondatrices pour les représenter, l’une qui se réfère à la croyance religieuse, l’autre qui repose sur des théories rationnelles. Toutes deux appuient leurs pratiques sur l’art et le pouvoir de la parole, toutes deux s’originent dans la puissance de l’éloquence. Il s’agit de Savonarole et de Robespierre.
À partir de la Révolution française, la Terreur introduit quelque chose de radicalement nouveau qui aura des effets redoutables sur la mise en œuvre des méthodes fanatiques. Depuis, l’acte destructeur est placé sous l’égide de la modernité et de la raison. Ce qui est « terrible » dans un phénomène de cette nature, c’est le caractère systématique et ordonné, selon un plan rationnel, de la violence. La victime visée n’est plus une personne considérée comme mauvaise et qui est à ce titre haïe et détestée, mais elle devient un être nuisible en soi, déshumanisé, une entité chosifiée qui est à évincer comme un simple obstacle afin de réaliser un projet grandiose. Ainsi l’acte fanatique devient un acte de pure suppression ou de simple soustraction. Les sujets visés deviennent des êtres décorporéisés, des noms aléatoires sur une liste, des numéros. Avec une telle approche politique, Robespierre invente la destruction de masse. Un mort, des dizaines de morts, des centaines, des milliers, quelle importance puisque la cause est juste ? On va même aller jusqu’à parler d’un bain de sang purificateur censé régénérer l’organisation du monde social. Alors pourquoi ériger d’absurdes obstacles moralisateurs ? La finalité est juste, donc il n’est pas question de meurtre mais d’un assainissement politique pour le bien de tous.
Le plus étonnant dans le processus de mise en œuvre de la Terreur est son caractère logique d’évidence, comme s’il devenait « naturel » que les événements évoluent de la sorte ; l’élimination systématique des gêneurs s’inscrit peu à peu dans l’ordre des choses et on a très vite l’impression que plus rien ne peut arrêter la machine. Une fois mise en marche, la guillotine exige, comme les monstres mythiques, son lot de têtes quotidien. Par la suite, ce sera la chambre à gaz et le Goulag. Notons bien que la logique interne du fonctionnement psychique est strictement la même et c’est cette logique-là qu’il paraît important de décrypter pour en saisir la construction paradoxale. À quel moment les choses basculent-elles dans l’horreur ? On part de bonnes intentions, d’une vision idéale de l’humanité et puis le processus s’inverse et passe sous le contrôle de la pulsion de mort.
L’étude de quelques figures du terrorisme va nous permettre de mieux saisir le phénomène à partir de son ancrage dans une perspective subjective. En effet les instigateurs de la Terreur sont tous des hommes remarquables qui ont mis leur talent et leur intelligence au service de leur croyance en un idéal qu’ils n’ont pas tardé à dévoyer.
Maximilien de Robespierre
Robespierre attire autant qu’il dérange. On admire sa droiture, sa rigueur et son sens de l’idéal. Pourtant, on est effaré par la violence de son action politique, les exécutions systématiques qui n’épargnent personne. Peu d’hommes ont suscité autant de réactions contraires : certains en font un héros et un génie précurseur, d’autres un paranoïaque sanguinaire.
Ce qui nous importe ici est moins de porter un jugement sur l’œuvre sociale et politique de Robespierre que de comprendre de l’intérieur comment un homme de valeur en arrive, au nom de grands principes, à concevoir une pensée terroriste et à la mettre en pratique de manière raisonnée.
L’enfance
Robespierre est né à Arras en 1758 dans une famille de petite noblesse. Il est pour ainsi dire chassé d’une enfance heureuse par un événement aussi soudain que tragique : la mort de sa mère, alors qu’il vient d’avoir 6 ans. Il est abandonné par le père, ainsi que ses frères et sœurs. Les deux filles sont confiées à leurs tantes paternelles, tandis que l’aîné, Maximilien, et son jeune frère Augustin sont pris en charge par les grands-parents maternels, brasseurs de leur état. Ils y seront élevés dans le goût du travail et de la piété religieuse. Notons que leur jeune mère est morte dans des conditions tragiques. Elle a d’abord accouché d’un cinquième enfant mort-né, une nouvelle petite fille, puis a été emportée peu après par la tuberculose. François, le père, ne se remet pas de cette catastrophe. Bien qu’il ait un métier stable et qu’il soit installé socialement, il perd pied et ne parvient pas à faire son deuil. Très vite, il lâche sa charge d’avocat et quitte Arras pour se lancer dans une longue errance qui s’achèvera par sa mort prématurée en Allemagne, quand Maximilien atteint ses 19 ans. Depuis le départ du père, il s’était déjà instauré en tant que chef de famille prenant un grand soin de l’éducation de ses sœurs et des études de son jeune frère. La haine contre ce père fantasque et déboussolé ne fait que s’accumuler sans pouvoir s’adresser à celui qui les a laissés sans soin ni nouvelles toutes ces années d’enfance et d’adolescence. Un tel ressentiment ne trouvera son expression que par la suite, à l’époque de la maturité, dans une froide et systématique détermination contre les ennemis de l’ordre et de la justice. On peut dire que cet acte réel, avéré, certain, devient pour le jeune garçon la pierre de touche d’une construction fantasmatique de type persécutoire. Ce père qui abandonne ses enfants pourrait bien être celui par qui le malheur est arrivé. Il aurait donc pu induire la mort de la mère pour commettre l’acte ignoble de l’abandon. Ce père haï, ce père honni, ce père maudit, Maximilien va en retrouver la figure récurrente dans l’image du roi.
La première scène marquante est celle de l’humiliation par Louis XVI, au moment de l’entrée dans l’adolescence. Avec l’élite du lycée Louis-le-Grand, Maximilien est venu faire son compliment au souverain. Il se tient sous la pluie avec ses camarades et le roi ne daigne même pas descendre de son carrosse pour les écouter. Rancœur, amertume et rejet se développent chez le jeune homme envers ce père symbolique à valeur négative. Et le cours des événements historiques va lui donner l’occasion d’exercer projectivement sa haine contre ce « Louis le Petit ». Dans sa plaidoirie contre le roi dans laquelle il exige la mort, Robespierre a cette formule extraordinaire : « Si Louis XVI n’est pas coupable, ce sont les Révolutionnaires qui doivent être mis en accusation… » Le mécanisme projectif mis en œuvre peut se formuler ainsi : le sujet se dédouane de sa propre culpabilité en la projetant sur l’autre. Et le système se conforte lui-même jusqu’à l’évidence, dans la mesure où il s’appuie sur des faits avérés et indiscutables : l’abandon des enfants par le père, comme la fuite du roi.
Jusque-là nous avons affaire à une construction psychique persécutoire. Il faut un déclencheur particulier pour qu’une telle fantasmatique se réalise dans les faits. Autrement dit, il importe de se demander quelle est la logique interne par laquelle la construction imaginaire d’un sujet se transforme en acte concret. Qu’est-ce qui a poussé Robespierre à muer son fonctionnement paranoïaque en action politique d’une part et en action politique centrée sur la destructivité d’autre part ?
Le moteur persécutoire
L’idée directrice que nous proposons est la suivante : Robespierre met en œuvre, en instaurant la Terreur, un processus d’autodestruction. En cherchant à détruire ceux qui représentent l’imago paternelle, puis tous ceux qui lui sont proches, il vise à se détruire lui-même, car il est porteur en lui de l’objet paternel exécré : il a le même prénom que son père, il fait partie, comme lui, de cette noblesse qu’il exècre et il a choisi la même profession. L’image de soi négativée demande, elle aussi, à être détruite en fin de circuit, après avoir tué tous ceux qui peuvent être identifiés à cette image.
Cette boucle rétroactive destructrice est tout à fait caractéristique de ce type de fanatisme : la terreur se retourne en définitive contre soi, car c’est l’ennemi intérieur qui en est le réel objet, l’autre introjecté en soi qui doit être détruit, dans la mesure où une telle identification est devenue insupportable.
Le roi est devenu pour Maximilien le modèle paternel à détruire, comme l’est aussi le Dieu incarné par la religion catholique. Toute sa haine vis-à-vis d’un père absent et destructeur est transposée sur les figures de l’ordre établi. À l’inverse, il construit une image idéalisée de la figure paternelle avec l’Être suprême. Robespierre reprend à son compte le dieu des Lumières, la puissance totalement bonne de la raison. Il proposera même un culte républicain, avec chants et cérémonies, envers cet idéal. Le clivage entre la bonne et la mauvaise image du père se prolonge avec le partage manichéen des citoyens. Il y a ceux qui suivent la voie tracée par le chef éclairé et ceux qui s’en écartent et qui ne peuvent qu’être frappés de l’anathème républicain. La religiosité de l’enfance que l’adolescent Maximilien avait violemment déniée et rejetée fait retour avec l’ivresse du pouvoir absolu. Lui, le plus grand (maximus) ne vénère plus qu’un maître, le plus haut (supremus). L’identification au chef suprême se fait par l’intermédiaire du pouvoir absolu de la pensée rationnelle qui engendre justice et vertu.
L’engrenage de la Terreur
Les défenseurs de Robespierre mettent en avant la gravité de la situation politique, tant à l’intérieur du territoire qu’à l’extérieur, et la nécessité de mesures fermes et efficaces. Ils affirment également que le nombre des victimes de la Terreur s’est limité à quelques milliers et que le coût humain était peu élevé pour l’instauration de la République.
On peut discuter sans fin des mérites ou des méfaits de l’ordre républicain instauré alors, mais là n’est pas le problème qui nous occupe. C’est la logique d’un système, ainsi que ses soubassements psychiques qu’il nous importe de comprendre, car elle est le ressort même de ce nouveau type de fanatisme.
Le 4 septembre 1793, la Terreur est mise à l’ordre du jour de la Convention et à partir de là tout s’enclenche. Les premières mesures sont prises à l’automne sous la pression des Enragés qui avaient déposé leur Manifeste à la Convention dès le 25 juin1. Danton et les siens essaient de freiner le mouvement qui, inexorablement, ne cesse de prendre de l’ampleur. Pour avoir les coudées franches, Robespierre envoie à la guillotine à la fois les uns et les autres.
Avec l’instauration de la Grande Terreur en juin 1794, les choses se précipitent. Les condamnations pleuvent et les exécutions suivent, après un jugement plus que sommaire. « Les têtes tombent comme des ardoises. » On dit Robespierre surmené et déprimé. Il s’enferme dans la solitude et se réfugie dans une idéalisation de plus en plus exacerbée. Le 7 mai 1794, il a fait voter par la Convention l’existence de l’Être suprême, afin de garantir la religion et la morale. Le 8 juin, deux jours avant le durcissement de la Grande Terreur, il présidait au Champ-de-Mars la fête nationale consacrée avec magnificence à la nouvelle divinité inspirée par la raison.
On le voit, la violence répressive et aveugle va de pair avec l’extrême idéalisation. Plus Robespierre est convaincu de la justesse de ses idées et de la pureté de ses visées pour l’humanité future, plus il s’applique, avec une sorte de frénésie froide, à liquider tous ceux qui pourraient, d’une façon ou d’une autre, bloquer ou simplement freiner le mouvement d’expansion vers la nation idéale. La déshumanisation des actes est l’exact pendant de la pureté vertueuse des buts à atteindre.
Voici comment il exprime la légitimation de son action, lors du discours prononcé le 5 février 1794 devant les conventionnels réunis : « La Terreur n’est autre chose que la Justice, prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la Vertu ; elle est moins un principe particulier qu’une conséquence du principe général de la démocratie appliquée aux plus pressants besoins de la Patrie. »
Ce qui est frappant, c’est de voir comment Robespierre fait découler la Terreur des principes vertueux liés à sa conception de la démocratie, comme par nécessité interne. Sa volonté propre n’y est pour rien. Il n’est, en tant que personne, que l’incarnation des principes qui émanent de l’Être suprême, être qui n’est autre que le logos, c’est-à-dire la forme absolutisée de la raison.
Plus rien ne saurait arrêter une telle mécanique dont les motifs sont aussi nobles. Robespierre confirme un peu plus tard : « Nous sommes intraitables comme la Vérité, inflexibles, uniformes, j’ai presque dit insupportables comme les Principes. »
La Terreur, c’est le fanatisme du vrai par la pureté. Il faut éliminer tous les mauvais citoyens pour purifier la société. Il y a là le germe de tous les excès futurs.
Les exécutions publiques doivent terroriser tous les membres du corps social, afin de les pousser, bon gré, mal gré, vers la vertu. Le bain de sang est régénérant, car il est une arme de conviction. Chacun n’a d’autre choix que la vertu ou la mort. Ainsi le corps social est lavé, nettoyé de la superstition, de la corruption et de tous les vices, grâce à l’anéantissement de ceux qui en sont les porteurs. Et l’exemplarité de leur mort est le garant des principes vertueux.
Terreo en latin signifie terroriser, épouvanter, mais ce verbe a aussi le sens de chasser par la crainte, faire fuir, détourner. Cet aspect, dans le cas de Robespierre, est d’une grande importance. Il permet de légitimer l’action terroriste par les effets qu’elle produit : la terreur chasse le vice et, par là, instaure la vertu. Chacun doit se sentir menacé pour se comporter en excellent citoyen.
Robespierre meurt le 28 juillet 1794, victime de la machine infernale qu’il avait lui-même mise en ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Introduction
  5. Chapitre premier - L’inspiré : la folie divine
  6. Chapitre 2 - Le possédé : une croyance qui aveugle
  7. Chapitre 3 - L’initié : sous l’emprise de l’idéal
  8. Chapitre 4 - L’enragé : le bras armé du chef
  9. Chapitre 5 - Le terroriste ou les vertiges de la destructivité
  10. Chapitre 6 - Du martyr au kamikaze : les adeptes du sacrifice
  11. Chapitre 7 - Une déviation contemporaine : le fanatisme privé
  12. Conclusion