Pierres vives de la préhistoire
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Pierres vives de la préhistoire

Dolmens et menhirs

  1. 288 pages
  2. French
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Pierres vives de la préhistoire

Dolmens et menhirs

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À propos de ce livre

On s'émerveille à Carnac, on s'émeut à Stonehenge. Mais à quoi donc servaient les étranges mégalithes qui ont comme poussé partout à l'ouest de l'Europe, du VIIIe au IIe millénaire avant notre ère? Et pourquoi ces blocs ont-ils été érigés justement face à l'Atlantique?Pour faire parler ces « grosses pierres », comme disait Flaubert, c'est une véritable « ethnologie du passé » que propose ici Jean-Pierre Mohen, convoquant géologie, géographie, science de l'ingénieur et des matériaux, chimie et même psychologie. Seule cette approche pluridisciplinaire permettra de comprendre ce qu'était la vie du « peuple des dolmens », ces premiers hommes sédentaires. C'est ce qu'offre cet ouvrage, qui nous fait voyager dans l'Europe côtière de la fin de la préhistoire, de la Scandinavie à l'Algarve, du Morbihan à l'Irlande. Jean-Pierre Mohen a été directeur du laboratoire de recherche des Musées de France et du département du patrimoine et des collections du musée du quai Branly, à Paris. Il dirige actuellement le chantier de rénovation du musée de l'Homme.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2009
ISBN
9782738196941
Troisième partie
Architectures
monumentales
des premières sociétés
rurales de l’Ouest
européen
(VIe-IIIe millénaires avant J.-C.)
Chapitre 6
La néolithisation de l’Armorique
et ses tombeaux géants
de pierre
Alors que les sites mésolithiques du littoral atlantique semblent toujours jouer un rôle important pendant le Ve millénaire avant J.-C., dans le cadre d’une économie opportuniste de cueillette et de pêche de fruits de mer et de poissons de rivage, l’industrie lithique de cette période montre des modèles nuancés, variables et évolutifs, sur le plan du matériau, de la conception et de la technique (Marchand, 2005). Cette dernière activité technique qui prend sa source dans les gisements géologiques d’origine, microquartz de la Forest-Landerneau, ultra-mylonite de Mikaël et de Tréméven, phtanite de Kerhuellan à Plusquellec, jaspe de Saint-Nazaire, offre une autre image du mésolithique armoricain et conduit à moduler notre vision des communautés mésolithiques considérées comme trop exclusivement littorales. C’est pourtant elles qui sont les plus concernées par les nouvelles constructions tumulaires et mégalithiques contemporaines, dont le contexte archéologique est néolithique.
Quelles sont donc ces communautés mésolithiques et néolithiques qui, très vraisemblablement, cohabitent vers 5000 avant J.-C., et évoluent pour aboutir à une néolithisation généralisée ? J’ai évoqué les conditions spécifiques de la néolithisation au Portugal dès le VIIe millénaire. Les circonstances sont différentes dans l’ouest de la France, où se réunissent des courants méridionaux diffusés par la vallée de la Garonne, d’autres courants méridionaux atlantiques et des influences venues du Bassin parisien. Les résultats de ces pressions sont différents selon les régions envisagées, Centre-Ouest, Bretagne ou Normandie. D’autres courants culturels, en particulier rhénans, parviennent en Europe scandinave méridionale, où chacune de ces influences vient se faire sentir pour peser sur les communautés mésolithiques conservant leur identité, comme l’atteste la survie des amas coquilliers.
Les différents aspects de la néolithisation de la façade atlantique du centre-ouest et de l’ouest de la France sont résumés dans une étude de Luc Laporte publiée en 2007. Il en ressort l’impression d’un puissant style architectural.
La façade atlantique, dans le centre-ouest et l’ouest de la France, a subi, dès le mésolithique et le néolithique ancien du VIe millénaire avant J.-C., les influences culturelles méridionales (directement par la vallée de la Garonne et par le détour de la péninsule Ibérique, le long de la côte atlantique) et des influences continentales dites « danubiennes », mais plus directement originaires du Bassin parisien. Ainsi, dès la seconde moitié du VIe millénaire, dans le Centre-Ouest, l’industrie lithique du Retzien avec ses microlithes du mésolithique final montre avec ses « pointes à éperon » des contacts avec des groupes installés plus au nord et au contraire avec des pointes dites du « Châtelet » des affinités d’origine méridionale, comme certains sites le confirmeraient dans le nord du bassin aquitain à la même époque.
Ce schéma est confirmé au début du Ve millénaire avant J.-C., au néolithique ancien, avec des céramiques retrouvées dans la vallée moyenne de la Loire et attribuées au faciès d’Augy-Sainte-Pallaye proches de poteries du néolithique ancien du centre atlantique, elles-mêmes marquées par des affinités méridionales, celles de la culture cardiale et de Montbolo, en particulier. On en retrouve aussi des traces dans les céramiques du groupe de Chambon (Indre-et-Loire) et dans les rites funéraires à coffres formés de dalles sous tumulus, comme dans la nécropole de La Goumoizière à Saint-Martin-la-Rivière (Vienne).
Au début du néolithique moyen, vers le milieu du Ve millénaire, tandis que le fonds mésolithique continue à se manifester dans l’Ouest côtier, des anneaux, des haches et des pendeloques polies en jadéite proviennent des Alpes, tandis que des perles en variscite sont sans doute originaires de Catalogne. Par ailleurs, des motifs décoratifs appliqués aux céramiques se retrouvent aussi bien dans les corpus de la culture d’Île-de-France de Cerny que dans le style Castellic du Morbihan. Ces deux exemples rappellent les liens culturels lointains qui existaient au cours du Ve millénaire entre les sociétés continentales et les sociétés méditerranéennes dans une France atlantique traditionnelle avec ses groupes côtiers de chasseurs-pêcheurs et ses puissants constructeurs de monuments mégalithiques, formes issues de synthèses culturelles multiples, mais s’inscrivant avec originalité dans le grand mouvement mégalithique de la façade atlantique.
Un changement de régime alimentaire
J’ai déjà évoqué les traces de néolithique ancien, c’est-à-dire des manifestations d’un élevage lié à des contraintes sédentaires et d’une agriculture, au Portugal dès la fin du VIe millénaire, en parallèle avec les modes de vie de pasteurs-cueilleurs mésolithiques. Une approche originale concernant le changement de régime alimentaire entre le mésolithique et le néolithique a été proposée par Rick Schulting (2005), de l’Université de Belfast. Il reconnaît que ce changement pourrait relever à la fois de choix culturels et identitaires, et de considérations plus matérielles, liées aux activités d’agriculture et d’élevage. Sa démonstration repose sur un bilan des datations AMS ainsi que des valeurs d’isotopes stables du carbone et de l’azote obtenus sur des restes humains de plusieurs sites.
Les résultats présentés sont spectaculaires : trois zones écologiques ont été définies à partir des mesures en isotopes stables du carbone des os humains pour le sud de la Bretagne, la zone marine, la zone intermédiaire et la zone terrestre. Dans la zone marine correspondant aux deux sites de Hoëdic et Téviec, les échantillons du premier (Hoëdic) indiquent tous une dépendance alimentaire totale de la population par rapport à la mer entre 5400 et 4200 ; il en va de même de la moitié de ceux du second (Téviec) correspondant à la même séquence chronologique, mais l’autre moitié des échantillons osseux du même site et du même temps (5200-4200 avant J.-C.) montre un régime alimentaire « intermédiaire » entre marin et terrestre. Dans la démonstration de Rick Schulting, la catégorie de l’alimentation à partir de produits « terrestres » (en réalité, moins de 15 % de nourriture marine) ne caractérise que les seuls échantillons des individus de culture néolithique à partir de 4000 jusqu’à 2000. L’auteur de l’article attire l’attention sur les deux échantillons de Port-Blanc, datés de 3800, correspondant à deux squelettes humains trouvés dans deux couches séparées par un lit de pierres dans une tombe à couloir de la commune de Saint-Pierre-de-Quiberon, à proximité de Téviec, et témoignant chimiquement de l’évolution du mode de vie.
L’hypothèse d’un changement brutal de régime alimentaire peut-elle être admise dans l’état de nos connaissances ? Quelle incidence cette situation a-t-elle pu avoir sur la relation entre les groupes littoraux de pêcheurs-chasseurs et peut-être d’éleveurs, et les autres groupes agriculteurs-éleveurs ? Il nous manque encore des échantillons prélevés dans les premiers monuments « mégalithiques » construits à proximité du littoral, avant 4500, tout à fait contemporains des sites « mésolithiques ». Ces deux types d’occupation du sol, probablement compatibles, possédaient sans doute l’un et l’autre des caractéristiques beaucoup plus diversifiées qu’on ne l’imagine. Les exemples bretons et charentais font donc écho à ce que nous avons décrit pour l’Algarve et l’embouchure du Tage au Portugal qui correspondait sans doute aussi à la situation littorale de la Scandinavie méridionale.
Le gigantisme morbihanais
Il est remarquable que l’apparition du mégalithisme nous apparaisse souvent dans l’ouest de la France comme un soudain engouement vers le milieu du Ve millénaire avant notre ère pour des monuments spectaculaires par la masse des pierres utilisées, des « tumulus géants », selon l’expression de Claude Burnez (1976).
On en trouve dans le centre-ouest de la France, où quelques-uns ont été fouillés ces dernières années comme les tumulus de Bougon ou de Prissé-la-Charrière (Deux-Sèvres). Ils témoignent souvent d’une variété architecturale interne complexe, certains autres tumulus volumineux, comme les trois de Tusson en Charente, dont le plus grand atteint 150 mètres de long, restent énigmatiques. La variété colossale de ces tertres se retrouve en Bretagne, où leur forme générale intérieure recouvre des constructions souvent très variées, que l’on a encore des difficultés à bien cerner. Plus au nord, en Normandie, de grands tertres plus ou moins arasés recouvrent des chambres à couloir, le plus souvent de plan circulaire. L’apparition des sépultures-sanctuaires monumentales dans les pays de l’Ouest français correspond à l’ampleur prise par les rites funéraires.
De passage à Carnac pour préparer mon enquête sur les alignements que le ministère de la Culture m’avait confiée en 1998, je savais pouvoir compter sur les conseils de Gérard Bailloud qui s’était retiré dans la maison familiale de Mimi Le Rouzic, à la suite du décès prématuré de celle-ci. Chaque année, elle préparait la saison d’été dans l’hôtel du Tumulus, qui appartenait à la famille. Cette vaste bâtisse, sous les grands arbres du parc, était construite au pied même du fameux tumulus Saint-Michel de Carnac, du côté sud. Un chemin conduit d’en bas jusqu’au sommet, à la chapelle construite sur le tumulus, qui attire les promeneurs curieux de découvrir le paysage magnifique jusqu’à la mer et, en même temps, la décoration des fresques de la chapelle. Mimi Le Rouzic était la petite-fille de Zacharie, l’explorateur acharné des mégalithes de la région de Carnac et en particulier du tumulus Saint-Michel, si intéressant pour comprendre la genèse des rites funéraires liés au mégalithisme. La hauteur de ce tertre, soit 7 mètres, permet de son sommet de découvrir l’ampleur des alignements des menhirs, qui se poursuivent sur plus de quatre kilomètres, sans compter les autres alignements plus lointains et découverts récemment. Tout est gigantisme dans les mégalithes morbihanais, surtout les plus anciens !
Était-ce un Vatican néolithique ? Mais où étaient les habitants de cette population si fervente ? Il faut bien se rendre compte, comme Téviec et Hoëdic nous l’ont montré, que, depuis sept mille ans, cette région morbihanaise a été envahie par la mer, dont le niveau s’est élevé de plus de 10 mètres, à la suite de la transgression flandrienne, mais aussi à la formation de dépressions provoquées par des failles hercyniennes du vieux massif armoricain. Nous ne percevons plus aujourd’hui que les monuments construits sur les crêtes des reliefs de ce paysage entourant le golfe du Morbihan, aux eaux si actives.
Toujours est-il que la position du majestueux tumulus Saint-Michel, face au sud, et à la baie de Quiberon qui s’ennoyait, dominant vers le nord les alignements de Carnac, a joué sans aucun doute, un rôle primordial dans l’organisation du paysage de cette région devenue au fil du temps un vaste sanctuaire allant de Locmariaquer à l’est à Erdeven à l’ouest, sur près de 20 kilomètres !
Les fouilles de Locmariaquer ont permis de retrouver une série de larges fosses comblées et alignées, entre l’arrière du tumulus de la Table des Marchand et le Menhir brisé. Ces fosses servaient à caler en position verticale de grands menhirs dont le plus spectaculaire (350 tonnes) est celui dit du « Menhir brisé », le Men-er-Hroeg (pierre de la fée), dont les quatre fragments sont restés sur le sol en place à proximité de la fosse qui le maintenait debout quand il était dressé et dominait le paysage de ses 20,30 mètres de haut, avant d’être abattu. Un charbon de bois prélevé dans cette fosse a été daté de 5000 avant notre ère.
Le fait que certaines pierres géantes provenant presque certainement de cet alignement aient pu être reconstituées, à partir de dalles ou fragments du dolmen de la Table des Marchand, du dolmen de Gavrinis, du tertre d’Ergrah, permet de reconstituer en partie cet alignement géant de Locmariaquer, détruit à la fin du Ve millénaire avant notre ère. Je reviendrai au chapitre suivant sur les hypothèses entourant la destruction de cet ensemble. Pour l’instant, je voudrais souligner l’effet spectaculaire qu’ont ces grandes pierres érigées bien avant la construction des dolmens et vues de loin avec leurs symboles piquetés.
Le « Men-er-Hroeg » brisé de Locmariaquer présente sur son flanc un motif piqueté effacé où l’on peut reconnaître un « cachalot » selon l’hypothèse avancée par Serge Cassin. On voit aussi une autre figuration plus réaliste, piquetée sur la stèle et au profil de divinité féminine. Ce symbole marin est associé à la femme ou plutôt à la « déesse-mère ».
Je retrouve devant le premier tumulus de Petit-Mont à Arzon (Morbihan), le menhir reconstitué à partir des blocs utilisés comme dalle de couverture de la chambre dolménique de la Table des Marchand à Locmariaquer, qui appartenait sans doute aussi à l’alignement de Locmariaquer, deux des blocs étant restés sur ce site. Sur ce menhir géant, le « cachalot » apparaît, ainsi que deux taureaux à larges cornes, les plus explicites de tout l’art mégalithique, et la hache emmanchée, tous motifs exprimant la force et l’autorité masculines, à partir de symboles marins et terrestres, sauvages et techniques.
images
Figure 12 — « Idole » piquetée sur l’une des dalles de la tombe J du cairn de Barnenez, à Plouézoc’h (Finistère), en Bretagne. Ce monument long de plus de 100 mètres contient onze chambres funéraires à couloir. Il a été construit en deux temps. La tombe J se trouve dans la partie la plus ancienne, soit le milieu du Ve millénaire avant notre ère. Cette figure de l’« idole » échevelée, stylisée, est une convention de cette époque, qui reste une énigme (photo Jacques Briard).
Le tumulus géant de Barnenez, à Plouézoc’h dans le Finistère, est un rescapé ! Il est monumental et des plus spectaculaires avec ses 100 mètres de longueur et une élévation de 5 mètres dans son paysage grandiose sur une presqu’île dominant la mer. Jacques Briard que j’ai rencontré régulièrement lors des réunions de la Société préhistorique française à l’Institut de paléontologie humaine, à Paris, dès 1968, puis au musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, a participé au sauvetage de Barnenez avec l’équipe du professeur Pierre-Roland Giot, alors directeur des antiquités préhistoriques de Bretagne, autour duquel se réunissaient aussi Jean L’Helgouach, Charles-Tanguy Leroux et bien d’autres. Des récits de Jacques Briard, j’ai compris comment le sauvetage de Barnenez a marqué le renouveau des études mégalithiques en France. L’histoire commence en 1954 quand une route touristique est aménagée dans la région de Morlaix, en bordure de la côte. L’entrepreneur chargé de ces travaux, ayant besoin de matériaux d’empierrement, repère deux buttes qu’il prend pour des pierriers sur l’éperon de Barnenez. Il s’en prend d’abord à celle qui est située au nord, le plus près de la mer ; ses ouvriers l’avertissent de certains aménagements internes, mais il ne s’attarde pas à vérifier ces observations : il vient de détruire le premier tumulus géant de Barnenez, dont il reste quelques débris et une énorme dalle de couverture en granite d’une chambre dolménique ! Pressé de terminer son chantier, l’entrepreneur s’attaque alors à l’autre butte, plus importante que la première ; il l’entame sur son long côté septentrional en creusant une carrière élargie, qui éventre cinq grandes chambres mégalithiques. Les services de l’archéologie sont alors alertés et des travaux de sauvetage sont conduits sous la direction de Pierre-Roland Giot, de 1955 à 1968, suivis d’une réflexion sur la restauration du monument qu’on peut visiter et admirer de nos jours encore.
La fouille de sauvetage démontre que le grand tertre de 100 mètres était le résultat de deux parties emboîtées l’une dans l’autre. La partie orientale, la plus ancienne, est en dolérite sombre locale ; elle comprend cinq chambres à couloir, dont seule la chambre médiane est mégalithique, avec dalle de couverture, les autres étant construites en pierres sèches, avec voûte à encorbellement plus claire ; il s’agit de granite blanc provenant de l’îlot Sterec à quelques kilomètres au nord. Jacques Briard évoque à l’ouest, une plate-forme triangulaire, parée de dalles et schématisant la proue d’un bateau. Ce long massif funéraire émergeant de la terre, face à la mer, peut en effet faire penser au départ d’un long voyage.
Quant à la symbolique, d’assez nombreux signes sont gravés dans plusieurs chambres de Barnenez, comme des haches triangulaires emmanchées ou non, un arc, des motifs « cornus », ou ondulés, et même une « déesse-mère » en écusson avec cheveux hirsutes. Ces motifs semblent être contemporains de la construction même des deux ensembles juxtaposés.
André Malraux est venu visiter la fouille de Barnenez. Émerveillé, il a qualifié le monument de « Parthénon des Bretons » !
De tels monuments à chambres multiples à couloir se retrouvent sur la côte finistérienne dans des zones littorales inondables par la transgression flandrienne. De nos jours, ces monuments se trouvent sur des îles au relief relativement élevé, ce qui les a sauvés de l’immersion. Des découvertes de lambeaux de tourbe dans la mer et de vestiges néolithiques prouvent que ces constructions des cairns ont été réalisées alors que Carn et Guennoc n’étaient pas des îles. La mer avançait pourtant, et d’autres monuments dont il reste quelques indices ou traces ont sans doute disparu.
La première campagne de fouilles dans l’île de Carn a été décidée entre le 2 et le 10 août 1954 : l’équipe de fouilleurs se composait, en dehors de Pierre-Roland Giot, l’initiateur du projet, de Jacques Briard, de Jean L’Helgouach et d’Yves Coppens, alors étudiants. Quelques remaniements dus à l’aménagement d’une casemate de la dernière guerre semblaient avoir perturbé la zone orientale. Mais dès le deuxième jour d’investigation, les fouilleurs ont découvert un vide dans la masse de pierrailles large de 110 à 130 mètres et haute de 5 à 8 mètres ! Un couloir paraissait f...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Introduction
  5. Première partie - À la découverte des monuments mégalithiques
  6. Deuxième partie - L’émergence en Europe atlantique de l’idéologie mégalithique - (VIIe-IIIe millénaires avant J.-C.)
  7. Troisième partie - Architectures monumentales des premières sociétés rurales de l’Ouest européen - (VIe-IIIe millénaires avant J.-C.)
  8. Quatrième partie - Quand la Grande-Bretagne devient une île - (Ve-IIe millénaires avant J.-C.)
  9. Cinquième partie - Du Nord au Sud - (Ve-IIe millénaires avant J.-C.)
  10. Épilogue
  11. Bibliographie
  12. Du même auteur chez Odile Jacob