Le Monde des bébés
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Le Monde des bébés

  1. 320 pages
  2. French
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Le Monde des bébés

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Lorsqu'il regarde un mobile s'agitant au-dessus de son berceau, sa mère qui s'approche ou ses petits doigts de pied qui gigotent, qu'est-ce qu'un bébé découvre? N'est-ce pour lui qu'un brouillard confus? Que ressent-il? Que comprend-il à ce qui se passe autour de lui et au sein même de son corps? À quel moment commence-t-il à considérer les autres comme des personnes, dotées de sentiments et d'intentions? À quel moment prend-il conscience de lui-même? Voici une introduction limpide et émouvante à l'un des champs les plus en pointe de la psychologie scientifique, une plongée étonnante dans ce que voit, entend, ressent le tout-petit. Philippe Rochat est professeur de psychologie à l'Université Emory, aux États-Unis.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2006
ISBN
9782738188830
Chapitre 2
Le sens du soi chez le nourrisson
Les grands phénomènes psychologiques tels que l’amour, la haine ou la jalousie comptent souvent parmi les expériences les plus marquantes de notre vie ; ils correspondent aussi à des ensembles particuliers de réactions neurochimiques qui mettent en jeu des régions spécifiques de notre cerveau. Les recherches récentes en neurosciences, qui reposent sur des techniques d’imagerie et d’enregistrement de l’activité électrique cérébrale, apportent de nombreuses preuves de la corporalité des phénomènes psychiques. Il est clair que les pensées, les idées et les émotions ne sont pas des systèmes éthérés qui existent indépendamment du corps. La vie mentale est fermement implantée et organisée dans le corps physique, et il suffit pour s’en convaincre d’observer la tendance précoce qu’ont les bébés à explorer leur propre corps. Objet de leurs premières expériences perceptives, le corps est en effet le fondement même de la psychologie, son point de départ dans le développement. Dès la naissance et probablement même avant, le corps propre est un objet privilégié d’exploration. À l’instar des objets physiques et des personnes évoluant dans l’environnement, l’expérience perceptive du corps propre est permanente. Les personnes et les objets vont et viennent alors que le corps reste permanent dans sa perception par le bébé. À partir de la naissance, le corps propre accompagne toutes les expériences psychologiques.
En percevant et en agissant, les nourrissons découvrent les structures invariantes de leur corps. Ils découvrent ce qu’ils sont capables de faire sur les choses. Ils apprennent aussi que le corps est un lieu de souffrance, de plaisir et d’humeurs fluctuantes. La tendance précoce à l’exploration du corps est en quelque sorte le berceau de la perception et de la conscience de soi. Pour le nourrisson, le corps propre est l’élément primordial de son monde, sa clef de voûte.
Les origines de la conscience de soi
La question des origines et du développement du sens du soi est certainement l’une des questions primordiales de la psychologie. Que savons-nous de nous-mêmes en tant qu’entités différenciées capables de sentir, de percevoir et d’agir ? Comment faisons-nous pour acquérir une connaissance de nous-mêmes, et quelle est la nature de cette connaissance ? Les recherches en psychologie comparée et en psychologie du développement ont développé d’ingénieux paradigmes expérimentaux pour traiter ces questions et retracer les origines de la conscience de soi tant dans la perspective de l’évolution des espèces (phylogenèse) que dans celle du développement individuel (ontogenèse).
De nombreuses expériences désormais classiques ont documenté systématiquement les réactions animales et infantiles à l’exploration de l’image de soi reflétée dans le miroir. On enregistre systématiquement les réactions comportementales face au miroir afin de déterminer les signes d’une reconnaissance de soi, les individus se percevant eux-mêmes dans l’image reflétée (image spéculaire). Le but premier de ces expériences est de fournir un test irréfutable de la conscience de soi, conçue comme capacité à se reconnaître dans le reflet du corps propre, en l’occurrence dans son image spéculaire.
Dans de nombreuses recherches, un peu de peinture est appliquée sur le visage de l’individu sans qu’il puisse s’en apercevoir. Puis il est placé face à un miroir pour étudier sa réaction, et en particulier établir dans quelle mesure il va réagir à la découverte de la tache se trouvant sur son visage (figure 2.1). Certains primates (notamment des chimpanzés et des orangs-outangs) de même que les enfants à partir d’environ 18 mois ont tendance à toucher leur visage à l’emplacement de la tache de peinture, pour l’explorer et même essayer de l’effacer, ce qui prouve une reconnaissance de soi (Lewis et Brooks-Gunn, 1979 ; Gallup, 1971 ; Povinelli, 1995 ; Tomasello et Cann, 1997 ; Zazzo, 1981). Le comportement d’autoréférence manifesté par les enfants qui touchent leur visage s’explique par une identification de l’image dans le miroir avec le soi corporel.
La question est de savoir si le test du miroir et de la tache est le test absolu de la naissance d’une conscience de soi. L’échec à ce test signifie-t-il que l’enfant n’aurait pas encore un sens de soi élémentaire, comme par exemple le sens de soi en tant qu’entité différenciée ? Nous allons voir que des recherches récentes suggèrent que, bien avant de se reconnaître dans le miroir, le bébé manifeste un sens du corps propre en tant qu’entité différenciée et organisée. Les bébés se situent dans leur environnement et, très vite, ils manifestent un sens de leur action sur les choses qui les entourent. Ce sens de soi premier correspond au soi écologique du nourrisson. Bien qu’il n’implique pas encore de re-connaissance à proprement parler, il implique un certain degré de conscience de soi : à savoir une conscience du corps propre comme entité différenciée, située et active dans l’environnement.
Les inventeurs de robots capables de percevoir et d’agir dans l’environnement savent bien à quel point la capacité de se distinguer d’autres entités est fondamentale. Sans elle, aucune action orientée vers un but ne serait possible. Imaginez que vous deviez construire un robot capable de chercher des cubes éparpillés dans une pièce, puis de les empiler les uns sur les autres. Même une tâche aussi simple exige que votre machine soit capable de faire la différence entre des stimulations provenant de sa propre machinerie et d’autres issues des cubes qui l’entourent. Par exemple, supposez que votre robot possède un œil et un membre artificiels pour détecter, saisir et empiler les cubes. Pour réussir, votre machine aura besoin d’un système interne qui lui permette de différencier un cube et son propre membre. Sans cela, le robot pourrait se pourchasser lui-même sans fin au lieu de saisir les cubes. Il se lancerait donc dans des actions circulaires, centrées sur lui-même, et non sur la cible ou le but extérieur. Chez les bébés, l’incapacité à différencier entre des stimulations d’origine interne ou externe entraînerait aussi une confusion considérable.
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Figure 2.1. – Au milieu de la deuxième année, les bébés commencent à se reconnaître dans des miroirs. Ils manifestent une conscience d’eux-mêmes et une autoréférence quand ils découvrent qu’ils ont une tache rouge sur le visage (en haut). Ils commencent aussi à manifester du recul et de l’embarras en présence de leur image spéculaire (en bas). À la fin de la petite enfance, les enfants deviennent progressivement conscients d’eux-mêmes pour eux-mêmes, mais aussi devant un public virtuel qui les évalue au regard des normes sociales. (Photos L. R. Pascale.)
Les théoriciens du développement ont souvent décrit un état de confusion initiale de ce genre qui existerait chez les nourrissons : il s’agit de la fameuse « confusion rayonnante et bourdonnante » décrite par William James (1842-1910) il y a plus d’un siècle. Selon lui, les nouveau-nés ne montrent en rien qu’ils sont capables de distinguer entre l’autostimulation et la stimulation provenant d’une source extérieure. Ils vivraient dans un état de fusion ou d’indifférenciation entre eux-mêmes et leur environnement. Selon Freud (1856-1939) et dans la tradition psychanalytique, les nouveau-nés ne sont pas considérés comme confus, mais ils seraient à l’origine incapables d’avoir une relation avec le monde qui les entoure et entièrement tournés vers le plaisir de l’autogratification immédiate. Dans la tradition freudienne, les nourrissons se comporteraient comme s’ils ignoraient le monde extérieur. Égocentriques et autistes, ils manifesteraient des pulsions biologiques (ce que Freud appelle le « ça ») plutôt que les pulsions d’un ego (ou « moi »). Dans cette tradition, certains théoriciens, en particulier Margaret Mahler et ses collègues, présentent l’étape initiale du développement psychologique comme un « autisme normal », selon lequel le nourrisson se comporte en indépendance par rapport à l’environnement, en quelque sorte coupé de lui (Mahler, Pine et Bergman, 1975).
Cette description est fondée sur l’impression que, pendant les deux premiers mois après la naissance, les comportements du bébé paraissent souvent coupés des stimulations en provenance de l’environnement. Quand ils ne sont pas en train de dormir, de manger ou de pleurer, les nouveau-nés semblent passer la plus grande partie de leur temps à glisser de la conscience à l’inconscience, dominés qu’ils seraient par des processus physiologiques plutôt que psychologiques.
Dans la vision psychanalytique freudienne, il y aurait une barrière entre le nourrisson et son environnement. Pour décrire cet état initial, Freud fait une analogie avec l’œuf d’un oiseau, qui permet au jeune de se développer « autistiquement », c’est-à-dire quasiment sans échanges avec l’environnement extérieur à cette coquille, ce qui réduit le rôle de la mère à celui de « couveuse » fournissant la chaleur nécessaire au développement du jeune enfant.
Il faut noter que toutes ces hypothèses théoriques sur l’état initial de confusion, d’absence de relation, d’indifférenciation ou de fusion du nourrisson par rapport à son environnement sont hautement spéculatives ; aucune, à ma connaissance, ne s’appuie sur des données expérimentales. Elles sont essentiellement fondées sur l’observation occasionnelle des nourrissons ou, dans le cas de Freud, à partir du matériel fourni par des patients adultes à qui l’on demandait de reconstruire leur prime enfance. Cependant, les données expérimentales fournies par les recherches récentes suggèrent que les nouveau-nés ne se comportent pas de façon totalement confuse ou autiste. En réalité, ils témoignent de capacités de perception et d’action qui leur permettent de développer un sens de leur propre corps en tant qu’entité différenciée du monde qui les entoure et capable d’interagir avec ce monde (ce qu’on appelle le soi écologique).
Mes propres recherches confirment le fait que, dès la naissance, les bébés semblent capables de faire la différence entre autostimulation et stimulation provenant d’une source extérieure. À partir de cela, ils peuvent développer un sens du soi précoce. Au lieu d’être dans un état initial de confusion avec l’environnement, les nouveau-nés manifestent dès la naissance, et peut-être déjà dès les dernières semaines de gestation, un sens du corps propre qui est différencié des choses qui l’entourent. On peut d’ailleurs se demander si les nourrissons pourraient développer une conscience de soi s’il en était autrement.
La perception intermodale et le soi
Nous nous percevons nous-mêmes dans le miroir, mais nous prenons aussi conscience de notre corps en écoutant nos battements de cœur et notre respiration, en ressentant de la douleur, en écoutant notre voix et surtout en nous déplaçant. C’est vrai aussi pour les bébés, et ce, dès la naissance. Comme Daniel Stern (1985) le suggère, les nourrissons se perçoivent eux-mêmes principalement en ressentant les fluctuations de leur corps : l’immobilité et le mouvement, le silence et les bruits qu’ils produisent eux-mêmes, les impressions changeantes de satiété, de joie, de faim, de confort ou de douleur. Ils ressentent leur propre vitalité en tant qu’entités sensibles et agissantes dans l’environnement. Ce ressenti s’appuie sur des perceptions multimodales qui spécifient le corps propre.
Les premières théories portant sur le développement du nouveau-né suggèrent que la perception intermodale se met en place lentement. Piaget (1954), par exemple, indique que les modalités sensorielles, en particulier la vision, l’audition et le toucher, fonctionnent au début comme des systèmes indépendants. Sa théorie postule que c’est seulement avec le temps que ces modalités deviennent organisées ou coordonnées pour permettre une perception unifiée du monde. Cela se produirait par assimilation réciproque des choses perçues dans chaque modalité. Selon Piaget, c’est seulement quand les nourrissons commencent à tenter d’atteindre des objets visibles, aux alentours de 4 mois, qu’ils commencent à établir un rapport entre ce qu’ils voient et ce qu’ils touchent. Avant cette coordination entre vision et préhension exprimée par l’action de tendre la main, Piaget pensait que les mondes du toucher et du visible chez le nouveau-né étaient seulement juxtaposés, mais pas encore unifiés. Il estimait aussi qu’avant la coordination de la vision et de l’ouïe, manifestée quand par exemple le nourrisson tourne la tête vers un son, le monde visuel et auditif n’était pas encore perçu comme un tout organisé.
Si au départ, comme Piaget le suggère, le monde perceptif du nourrisson est une juxtaposition d’impressions disjointes et sans relations provenant des différents canaux sensoriels, il est probablement raisonnable de parler de confusion initiale rayonnante et bourdonnante. Mais comment les bébés pourraient-ils développer un sens de leur corps propre différencié des autres objets s’ils ne faisaient aucun lien au départ entre ce qu’ils entendent, touchent, voient ou sentent ? Ils n’auraient aucun moyen de réunir l’information qui les spécifie, leur corps en particulier, en tant qu’entité différenciée des choses du monde. Comment pourraient-ils savoir que c’est leur propre main qui traverse leur champ visuel, si le mouvement du membre qu’ils éprouvent, le courant d’air qu’ils sentent sur la main et la main elle-même passant devant eux n’étaient pas ressentis comme une perception unifiée ?
Piaget ayant postulé des modalités perceptives non coordonnées au début du développement, lui et d’autres chercheurs ont supposé l’existence d’un état initial de fusion ou d’indifférenciation entre les nourrissons et leur environnement. Mais de nouvelles données montrent que les bases de leur interprétation sont erronées. Dernièrement, de nombreuses recherches dans le domaine de la prime enfance ont fourni des preuves solides attestant que le monde perceptif chez le nourrisson est unifié, et que ce n’est pas une mosaïque de sensations éphémères et sans rapport les unes aux autres. Ces recherches montrent qu’à un âge très précoce, les bébés perçoivent un monde, un seul monde spécifié par l’ensemble de tous les systèmes sensoriels.
Même à la naissance, les systèmes sensoriels travaillent de concert, spécifiant pour le nouveau-né un monde unifié dans toutes les modalités. Les choses vues, touchées, entendues ou senties ne sont pas perçues par eux comme déconnectées et sans rapport. Quelques exemples empiriques montrent ainsi que les bébés manifestent une intégration sensorimotrice. Elle implique différents systèmes sensoriels (par exemple la vue, le toucher et l’ouïe), et ce dès la naissance, le bébé se montrant très tôt capable de mettre en rapport ce qu’il perçoit dans différentes modalités.
Le premier exemple concerne l’orientation de la tête. Longtemps on a cru que les nouveau-nés n’étaient pas capables d’orienter leur tête vers une source sonore. Depuis, des chercheurs ont soigneusement mesuré le comportement de pivotage de la tête qui peut suivre une stimulation sonore en provenance de l’hémichamp droit ou gauche du bébé. Leur recherche montre que les nouveau-nés s’orientent systématiquement vers une source sonore droite ou gauche (voir par exemple Clifton et al., 1981). Tourner la tête vers un son fait maintenant partie de la batterie classique de tests neurologiques des nouveau-nés et les chercheurs spécialisés s’en servent pour explorer et mesurer la perception auditive au cours du développement précoce (Clarkson et Clifton, 1991). Le pivotage de la tête montre que les nouveau-nés peuvent détecter un son particulier produit par un expérimentateur. Il indique aussi qu’ils détectent le lieu où se trouve cette source sonore dans l’espace. Cela prouve qu’il existe une connexion entre ce que le bébé entend et l’intuition qu’il a de la position de son propre corps dans l’espace. Plus exactement, les nouveau-nés sont capables de proprioception – acte de percevoir sur la base d’informations fournies par des récepteurs sensoriels situés dans les muscles et les articulations, et qui permettent le repérage en continu des variations de tension et de torsion des différentes parties du corps. La proprioception est le système qui permet de savoir où chacun de nos membres se trouve par rapport au reste de notre corps et qui nous informe sur nos propres mouvements. Si vous fermez les yeux, si vous vous pincez le nez et si vous vous bouchez les oreilles, vous êtes toujours en contact proprioceptif avec votre corps. Parce qu’elle est permanente et que sa sensation ne peut être publique (vous seul ressentez votre corps de façon proprioceptive), c’est la modalité du soi par excellence. Quand vous perdez la proprioception, vous perdez votre sens de vous-même, comme pendant une anesthésie. La proprioception est si profondément implantée que l’adulte et même l’enfant, qui ont subi des amputations, ressentent souvent des membres fantômes. À partir de la proprioception, nous établissons la carte ou organigramme de notre propre corps, comment ses différentes parties se rattachent les unes aux autres et comment le corps se situe par rapport aux informations extéroceptives qui sont relatives au monde environnant et qui proviennent d’autres modalités sensorielles. La proprioception est donc en place dès la naissance. En s’orientant systématiquement vers un son, les nouveau-nés montrent que les espaces corporel et auditif sont représentés ensemble, qu’ils en ont une « carte » unique où ils sont intégrés plutôt que disjoints. Les informations auditives et celles causées par les mouvements du corps sont coordonnées dans un espace unifié. Sinon comment les orientations de la tête vers un son seraient-elles possibles ?
On pourrait soutenir que les tournesols s’orientent vers le soleil et qu’il serait impensable de décrire cette orientation automatique (ou tropisme) en termes d’intégration intermodale ou d’établissement d’une carte spatiale. En effet, le comportement d’un organisme aussi simple qu’une plante représente un mécanisme moins complexe. Toutefois, l’orientation de la tête chez les nouveau-nés n’est pas rigide et automatique comme le tropisme des plantes. Dans une expérience, par exemple, des chercheurs ont habitué les nouveau-nés à un son qui leur parvenait toujours du même côté, droit ou bien gauche. Comme prévu, ils tournent la tête vers le son seulement pendant les premières présentations. Ensuite, ils commencent à répondre en orientant la tête systématiquement de l’autre côté, comme s’ils évitaient le son ou comme s’ils recherchaient une stimulation moins habituelle dans l’autre hémichamp (Weiss, Zelazo et Swain, 1988). En général, les nouveau-nés ne répondent pas de façon automatique comme le font les plantes. L’orientation de leur tête dans ce contexte sonore fait plutôt partie d’une sorte d’exploration active au cours de laquelle ils ont tendance à tourner le nez, les oreilles et les yeux en direction d’événements nouveaux dont ils sont ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Copyright
  4. Table
  5. Dédicace
  6. Préface
  7. Chapitre premier. Que sait-on des bébés ?
  8. Chapitre 2. Le sens du soi chez le nourrisson
  9. Chapitre 3. Le monde des objets dans la prime enfance
  10. Chapitre 4. Le nourrisson et autrui
  11. Chapitre 5. Les principales étapes de la prime enfance
  12. Chapitre 6. Les mécanismes du développement chez le nourrisson
  13. Références
  14. Quatrième de couverture