Sortilèges de la séduction
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Sortilèges de la séduction

Lectures critiques de Shakespeare

  1. 176 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Sortilèges de la séduction

Lectures critiques de Shakespeare

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À propos de ce livre

Dans Le Songe d'une nuit d'été, les sortilèges d'Obéron font que le filtre extrait d'une fleur, quand il est enduit sur les paupières d'un dormeur, rend amoureux de la première personne aperçue au réveil, ce qui conduit à des situations cocasses: la reine Titania s'amourache d'un âne. Dans Antoine et Cléopâtre, la reine d'Égypte séduit Marc Antoine après la mort de Jules César et exerce sur lui une influence telle que ses entreprises tournent à la catastrophe et au suicide des amants. Dans La Tempête, Prospero, sorcier et magicien, se venge de ses ennemis, avant de donner sa fille Miranda en mariage. Dans « Le Phénix et la Colombe », l'animal mythique déploie les sortilèges du surnaturel. Dans toutes ces œuvres, on peut identifier différentes sortes de sortilèges de la séduction. Le théâtre et la poésie n'y jouent pas le moindre rôle. Amoureux de Shakespeare, André Green met ici ses dons d'interprète au service de celui qui a su saisir à quel point l'illusion est essentielle à la psyché humaine. André Green est membre de la Société psychanalytique de Paris, dont il a été président. Il a notamment publié La Causalité psychique, Les Chaînes d'Éros et La Pensée clinique.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2005
ISBN
9782738167057

1

Entendre le Songe d’une nuit d’été1


Pour Stéphane Braunschweig.
Dans les vers connus sous le nom de Bottom’s Dream (« Le rêve de Bottom »), on l’entend dire :
« Il faudrait être un âne pour essayer d’interpréter ce rêve… Il me semble que j’étais – mais nul ne pourrait dire ce que j’étais… Il me semble que j’étais, il me semble que j’avais… mais il faudrait être un fou bien bigarré pour se proposer de dire ce que je pensais avoir2…». (IV, 1, 201-206)
Admirons l’exactitude du récit du rêve quatre cents ans avant S. Freud. Un âne – ou un cul ou encore un con (qui ignore s’il en est un ou s’il a été ainsi transformé) – qui prétendrait interpréter ce qui lui apparaît en rêve (ou qui est) dans la confusion où se mêlent les temps, l’être et l’avoir dans le semblant ou la réalité, ne peut être qu’un fou.
Lorsqu’il « associe » un peu, voilà ce qui vient à l’esprit de Bottom :
« L’œil de l’homme n’a jamais entendu, l’oreille de l’homme jamais vu, la main de l’homme jamais goûté, la langue de l’homme jamais conçu, ni son cœur jamais raconté ce qu’était mon rêve3. » (IV, 1, 206-209)
Les sens entrecroisés, le sens pensé et éprouvé. Comment se les représenter ? Comment le garder pour soi, comment ne pas le dire à ceux qui voudraient l’entendre ? Bottom se décide, comme un analysant consciencieux, à en faire part à ses compagnons :
« Je vous dirai tout, exactement comment ça s’est passé4. » (IV, 2, 24-25)
Les comédiens, comme un bon analyste, lui répondent :
« Nous sommes tout oreilles, cher Bottom5. » (IV, 2, 26)
Après quoi il se rétracte :
« Non, vous n’aurez pas un seul mot de moi6. » (IV, 2, 27)
Alors moi l’âne, ou le cul, me voilà, peut-être plus présomptueux, me risquant à vous demander d’entendre mon songe d’une nuit d’été.
*
* *
La féerie sur la scène. La scène dans la scène devenue songe à l’intérieur d’un songe, de la nuit la plus courte de l’année, où le jour n’en finit pas de s’étirer et de se prolonger sous la clarté de la lune. Le cosmos est tout entier contenu dans l’espace du théâtre sous le soleil qui n’est jamais nommé ; le spectacle nous fait descendre jusqu’à la magique fleur des pois. Le Songe d’une nuit d’été, titre consacré par le temps, fut à l’origine Le Songe de la nuit de la Saint-Jean et, pour ajouter à notre perplexité, se passe en fait la veille du premier mai. Ainsi, nous voilà quelque part entre le 1er mai et le 24 juin, alors que nous sommes supposés être au milieu de l’été, soit à peu près autour du 4 août (midsummer).
La pièce a lieu dans une Athènes imaginaire. On parle volontiers d’un cycle romain chez Shakespeare, mais son théâtre grec n’offre pas une cohérence méritant d’être baptisée de façon similaire. Rien de commun apparemment entre Le Songe, Troïle et Cressida et Timon d’Athènes. D’ailleurs, il est traditionnel de rappeler que Shakespeare savait peu de latin et encore moins de grec.
L’Athènes du Songe est bien une Athènes de convention théâtrale. Il faut néanmoins tenter d’éclairer le choix de Shakespeare, qui place à la tête de la cour le duc Thésée (qui n’a jamais eu de duché) et la reine Hippolyta. Le vrai sujet de la comédie ne serait-il pas la pièce jouée par ces comédiens de fortune, artisans de leur métier (tout comme le théâtre à Athènes était joué par des acteurs non professionnels amoureux de théâtre), qui ont décidé de représenter – autant pour leur plaisir que pour célébrer les noces du duc – Shakespeare ironisant sur les formules employées dans les titres de son temps, « La très lamentable comédie de la très cruelle mort de Pyrame et Thisbé » ? Une comédie ? Plutôt une parodie de tragédie, propre à susciter des sarcasmes et, néanmoins, sublimement métaphorique pour qui sait l’entendre. À mon avis, la pièce doit être centrée sur la représentation des comédiens, conclusion de l’intrigue principale qui se passe dans l’univers des Elfes et des Fées qui évoluent autour d’Obéron et de Titania.
Trois mondes coexistent donc sur la scène. Le premier est celui des souverains surnaturels qu’une brouille oppose : Obéron et Titania. Une division sépare ce monde au-delà du nôtre avec celui d’ici-bas, monde de la société des hommes, lui-même divisé en deux : celui de la cour, aux destinées de laquelle président le duc Thésée et sa fiancée Hippolyta, amoureux qui nagent dans la félicité et attendent la célébration proche de leurs noces ; Thésée et Hippolyta savourent le bonheur d’un amour partagé et sans nuage, tandis que les sujets de leur entourage sont divisés par des querelles d’amoureux. Enfin, en bas de l’échelle et comme en dérivation avec les autres, des artisans comédiens amateurs mobilisés à l’occasion de ces noces, appelés par Shakespeare mechanicals ; moins des mécaniciens que des « machinistes », comme sont nommés les ouvriers de théâtre qui veillent au bon déroulement du spectacle. Ils seront les machinistes de l’illusion théâtrale. Ils se nomment selon leur état Peter Quince (Pierre Lecoin), charpentier, Nick Bottom (Navette, disent pudiquement les Supervielle, littéralement : baise-fondement ou cul), tisserand (d’où le prétexte à Navette), Francis Flute (Francis Tubulure), raccommodeur de soufflets, Tom Snout (dit Marmiteux), rétameur, Robin Starveling (Famélique), tailleur, Snug (Gâtebois), menuisier. Le petit peuple, industrieux mais imaginatif.
Les auxiliaires d’Obéron : Puck ou Robin Bon Diable, ancêtre de l’Ariel de La Tempête, assisté des Elfes – Bon Diable, mais tout de même Diable. Toutefois, puck en anglais signifie « rouge-gorge » et la pièce fourmille d’allusions à l’opposition des couleurs blanche et rouge. Obéron, son maître, est un peu sorcier, il commande à la Nature et veut faire prévaloir sa domination sur cette épouse insoumise qu’est Titania. Les Elfes sont Peaser Blossom (Fleur des pois), Cobweb (Toile d’araignée), Moth (Phalène), Mustardseed (Graine de moutarde). La pièce ne cesse de faire allusion aussi au monde animal, parfois de façon centrale : Bottom transformé en âne par Puck (par prédestination : Bottom renvoie à ass), dont Titania tombe amoureuse sur commande et par effet magique ; enfin, le lion supposé avoir dévoré Thisbé, ce qui provoque le suicide des amants.
Si l’on se rappelle, pour finir, que Titania (qui fait penser aux Titans) est probablement une figure dérivée de Diane-Artémis (déesse vierge, protectrice de la chasse, des animaux et des naissances, elle combat les Géants et est la personnification de la lune) et qu’Obéron est un personnage de la chanson de geste du XIIIe siècle, Huon de Bordeaux où figure un nain Auberon, auxiliaire du héros (comme Puck l’est d’Obéron), le tour est complet. Il y a inversion des situations d’origine : Obéron n’est plus un nain et Titania n’est pas davantage une géante. Nous sommes bien les spectateurs d’un monde de légendes et de mythes à l’imagination libérée, certains remontant à l’Antiquité grecque ou latine (Plutarque, pour les relations Thésée-Hippolyta, ou Ovide, narrateur de la légende de Pyrame et Thisbé dans ses Métamorphoses), ou, à une période plus récente, la chanson de geste du XIIIe siècle, Huon de Bordeaux. En fait, Shakespeare dresse dans cette captivante féerie, tout entière habitée par le charme et l’humour, un encadrement naturel aussi divers que surprenant et imprévisible, qui résonne avec les mystères de l’âme – que celle-ci connaisse l’amour, soit freinée par ses obstacles, traverse ses inconstances – et vis-à-vis desquels le théâtre se situe en absolu opposé et miroir sans complaisance. Car l’imitation de la vie, comme de la nature, ne reproduit pas celles-ci : elle révèle la création qui est à la source du spectaculaire, toujours surprenante. Ce ne sont pas les modèles qui sont décrits (la nature, la vie), mais le travail de l’esprit qui, ayant au départ le projet de les reproduire, aboutit à la production encore plus étonnante de ce à quoi le théâtre fait allusion en son simulacre. Alors même qu’il ne fera – en se moquant au besoin – que nous renvoyer à l’image que d’autres pourraient avoir de nous, sans que nous-mêmes y voyions goutte, alors que nous rions à gorge déployée du spectacle qui nous est adressé depuis la scène.
Shakespeare s’amuse avec ces fables, qui ne servent qu’à nourrir sa fantaisie quelque peu iconoclaste. La source principale sur Thésée est La Vie de Thésée, de la main de Plutarque, traduite par North en Angleterre, l’équivalent de la traduction d’Amyot en France à la Renaissance, encore en usage aujourd’hui. Mais alors que, chez Plutarque, Thésée est un héros guerrier, grand séducteur de femmes, réputé pour avoir favorisé le synœcisme, c’est-à-dire le rassemblement des communautés pour créer la cité d’Athènes, c’est ici un Thésée mûr et sage, un législateur et un juge plein d’usage et de raison, qui ne ressemble guère à l’image qu’on a de lui. Hippolyté est le nom que porte la reine des Amazones, fille d’Arès. Elle sera enlevée par Thésée qui avait fait la guerre aux Amazones. Et toutes les amours de Thésée et d’Hippolyté sont tumultueuses. Le rapt par Thésée arrache donc Hippolyté au monde des Amazones qui non seulement se mutilent d’un sein pour mieux tirer à l’arc et montent à cheval,...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Avant-propos
  6. 1 - Entendre le Songe d’une nuit d’été
  7. 2 - César entre Antoine et Cléopâtre - L’amour et le fantôme de la gloire
  8. 3 - La scène, une île déserte - À propos de La Tempête
  9. 4 - L’effroi de la propriété et la raison amoureuse - « Le Phénix et la Colombe »
  10. Épilogue. Sortilèges du théâtre
  11. Table
  12. Du même auteur