Chronique de Platine
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Chronique de Platine

Pour une gastronomie historique

  1. 320 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Chronique de Platine

Pour une gastronomie historique

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À propos de ce livre

Jean-Louis Flandrin esquisse ici une vĂ©ritable histoire du goĂ»t et de la fantaisie culinaire qui permet d'Ă©clairer la gastronomie d'aujourd'hui. Recettes et tours de mains, pratiques et usages du passĂ©, maniĂšres anciennes de cuisine et de table revivent sous sa plume curieuse et gourmande pour suivre les traces des habitudes d'hier et dessiner la gĂ©nĂ©alogie de nos plaisirs. Jean-Louis Flandrin, spĂ©cialiste de l'histoire des mentalitĂ©s, est professeur Ă  l'universitĂ© de Paris VIII et directeur de recherche Ă  l'École des hautes Ă©tudes en sciences sociales. Il est l'auteur notamment du Sexe et l'Occident.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1992
ISBN
9782738163011
Sujet
Art
Sous-sujet
Arts culinaires

CHAPITRE 1

Cuisiner comme autrefois



Cuisine médiévale


Venant du QuĂ©bec, Pain, vin et venaison1 a Ă©tĂ© publiĂ© en 1977. Aux maĂźtresses – ou aux maĂźtres – de maison qui manquent d’imagination, il propose d’abord quelques formules de menus adaptĂ©es aux Ă©ventualitĂ©s d’aujourd’hui : « dĂźner simple mais Ă©lĂ©gant pour 4 Ă  6 personnes », « repas de gourmet », « dĂźner pour 8 Ă  12 personnes », « banquet pour 20 personnes » ou « pour 30 personnes environ ». Tous ces menus sont exclusivement composĂ©s de plats dont on trouvera la recette dans le corps de l’ouvrage, parfois mĂȘme avec plusieurs variantes. La seule diffĂ©rence avec les livres de cuisine dont vous avez l’habitude, c’est que ces recettes sont mĂ©diĂ©vales.

Une cuisine fade

Dans l’introduction qu’elles ont donnĂ©e Ă  leur recueil, Constance Hieatt et Sharon Butler avancent en une quinzaine de pages quelques thĂšses historiques originales sur la cuisine mĂ©diĂ©vale. La plupart des historiens ont affirmĂ© « qu’au Moyen Age on prĂ©fĂ©rait les mets riches et Ă©picĂ©s, prĂ©parĂ©s avec des sauces exotiques, et que les aliments simples, surtout les lĂ©gumes et les salades, Ă©taient rĂ©servĂ©s aux pauvres ». « Ces affirmations, Ă©crivent-elles, se rĂ©vĂšlent tout Ă  fait inexactes. »
Elles observent en effet que, selon les livres de comptes de l’époque, les quantitĂ©s annuelles d’épices achetĂ©es Ă©taient minimes ; que les banquets les plus fastueux... comptaient plus de rĂŽtis et de viandes bouillies au naturel « que de ragoĂ»ts Ă©picĂ©s » ; que, certes, les menus aristocratiques « ne nous donnent que peu de rĂ©fĂ©rences prĂ©cises quant aux lĂ©gumes et ne font jamais mention des salades », mais que « bon nombre de lĂ©gumes devaient cependant entrer dans la composition des potages et autres mets ». Elles fondent cette impression sur le fait que « les traitĂ©s de jardinage mentionnent des douzaines de variĂ©tĂ©s de lĂ©gumes et prĂ©cisent souvent lesquels doivent ĂȘtre cuits et lesquels peuvent entrer dans la composition des salades » ; que d’ailleurs les nombreuses « mises en garde contre la consommation de salades et de fruits frais » prouvent que l’on en consommait ; et « les traitĂ©s culinaires qui prĂ©tendent tirer leur origine des cuisines royales ou de celles de la haute noblesse contiennent beaucoup de recettes de lĂ©gumes simples ». Elles concluent que « les prĂ©tendus changements rĂ©volutionnaires en ce qui concerne la saveur des mets et la façon de les prĂ©parer, qui auraient pris naissance aprĂšs l’époque mĂ©diĂ©vale », sont imaginaires ou se rĂ©duisent Ă  « la disponibilitĂ© de nouveaux produits alimentaires ».

Il faut distinguer

Ces thĂšses, qui s’appuient sur nombre de faits exacts, me paraissent nĂ©anmoins contestables. On pourrait soutenir, pour pousser encore plus loin le paradoxe, que la cuisine mĂ©diĂ©vale Ă©tait beaucoup moins Ă©picĂ©e que la nĂŽtre, puisque les paysans constituaient l’immense majoritĂ© de la population et qu’ils ne consommaient vraisemblablement pas d’épices exotiques du tout. Mais est-ce bien Ă  eux qu’il faut se rĂ©fĂ©rer lorsqu’on parle de la cuisine mĂ©diĂ©vale en tĂȘte d’un livre de recettes ? N’est-ce pas plutĂŽt aux bourgeois et, mieux encore, aux princes et autres grands personnages dont quelques festins nous sont connus et dont les cuisiniers nous ont laissĂ© leurs carnets de recettes ? Sur l’alimentation de chacun de ces groupes sociaux, nous ne possĂ©dons, Ă  vrai dire, que des renseignements partiels, incomplets. Mais rien ne nous permet de supposer qu’ils participaient Ă  la mĂȘme culture, mangeaient les mĂȘmes aliments, les cuisinaient de la mĂȘme façon, et avaient les mĂȘmes goĂ»ts. Bien au contraire : tout nous porte Ă  croire que, d’un groupe social Ă  un autre, il existait des diffĂ©rences et mĂȘme des oppositions caractĂ©ristiques du systĂšme socio-alimentaire de l’époque.
Si les Ă©lites sociales, au Moyen Age, ont fait grand cas des Ă©pices – comme on le dit gĂ©nĂ©ralement et comme je continue de le croire –, c’est entre autres raisons pour distinguer leur alimentation de celle du peuple. Aujourd’hui, le vrai luxe c’est de manger des produits naturels, cuisinĂ©s intelligemment – c’est-Ă -dire de maniĂšre Ă  utiliser au maximum leur goĂ»t propre – parce que la plupart des gens, dans nos pays industrialisĂ©s, sont condamnĂ©s aux poulets de batterie, aux cochons ou aux veaux bourrĂ©s d’antibiotiques et d’aliments artificiels, aux fruits traitĂ©s, gonflĂ©s, mĂ»ris dans la chambre Ă  gaz, et aux lĂ©gumes cultivĂ©s aux engrais chimiques. Je laisse aujourd’hui la caille, la pintade, la truite, la dinde chantĂ©es par les gourmands du XIXe siĂšcle, aux gougnafiers : je leur prĂ©fĂšre l’honnĂȘte saucisse qu’un charcutier du Gers m’expĂ©die par la poste, je rĂȘve de poulets kabyles et je m’empiffre des oies Ă  chair noire qu’on m’apporte parfois de Pologne. C’est cette recherche du naturel, du « comme autrefois », qui caractĂ©rise, selon moi, la gastronomie nouvelle, parce que le naturel est aujourd’hui exceptionnel. De mĂȘme, je croirais volontiers que la gastronomie mĂ©diĂ©vale mettait les Ă©pices au-dessus de tout, parce qu’elles provenaient d’un Orient mythique et Ă©taient hors de portĂ©e du commun.

Une révolution culinaire

N’en restons pas aux raisonnements : examinons les faits. Des 131 recettes et variantes qu’ont recueillies Constance Hieatt et Sharon Butler, 92 utilisaient des Ă©pices exotiques, soit plus de 70 %. Ces Ă©pices sont au nombre de 15 : le poivre et le poivre long, le cubĂšbe, le garingal, la graine de paradis2, le clou de girofle, le gingembre, la muscade et le macis, la cannelle, la coriandre, le cumin, le safran, le cĂšdre vermeil et le mystĂ©rieux pygurlac. On mentionne en outre des mĂ©langes : « menues Ă©pices » qui, en France, comprenaient gĂ©nĂ©ralement le clou de girofle et la graine de paradis ; une vague « poudre » dont je ne sais pas la composition ; la « poudre forte », qui contenait sans doute du poivre, et la « poudre douce », qui contenait sĂ»rement de la cannelle. Compte tenu de ces mĂ©langes, la cannelle apparaĂźt dans 27 % des recettes, le poivre rond ou long dans 21 %, le clou de girofle dans 18 %, la graine de paradis dans 11 %. Les Ă©pices les plus employĂ©es, Ă  cette Ă©poque, sont le gingembre et le safran, qu’on utilise respectivement dans 31 % et 37 % des plats. Donc quinze Ă©pices dont six interviennent chacune dans plus de 10 % des formules.
Comparons ces rĂ©sultats Ă  ceux d’une enquĂȘte semblable menĂ©e dans Le Cuisinier royal et bourgeois de Massialot Ă  la fin du rĂšgne de Louis XIV : du safran, il n’est plus question, non plus que du macis, de la graine de paradis, du garingal, du cumin, du pygurlac. Le gingembre n’intervient plus que dans 1 % des recettes, la coriandre dans 4,5 %, la cannelle dans 8 %. Il n’y a plus que six Ă©pices mentionnĂ©es au lieu de quinze, et trois seulement sont citĂ©es dans plus de 10 % des recettes : le clou de girofle (22 %), la muscade (27 %) et le poivre (49 %). MalgrĂ© les progrĂšs de ces trois aromates et ceux de la coriandre qui reste cependant mineure, il est clair que la gamme des Ă©pices exotiques s’est considĂ©rablement restreinte et transformĂ©e : ce n’est plus elles qui font la splendeur d’un plat, d’autant que la Compagnie des Indes orientales en a inondĂ© le marchĂ©. Entre la fin de la guerre de Cent Ans et le rĂšgne de Louis XIV, une rĂ©volution s’est accomplie dans la gastronomie française, que nous examinerons plus complĂštement une prochaine fois.

Plaisirs de table

Plus qu’un ouvrage d’histoire, je l’ai dit, Pain, vin et venaison est un livre de cuisine. Il peut intĂ©resser le cuisinier avide d’exotisme aussi bien que l’historien ayant ou n’ayant pas de pratique culinaire. En haut de chaque page, on prĂ©sente une recette mĂ©diĂ©vale authentique, extraite du Viandier de Taillevent, du MĂ©nagier de Paris, ou de divers manuscrits anglais des XIVe et XVe siĂšcles, dont l’un, publiĂ© en 1780 sous le titre The Forme of Cury, serait dĂ» au maĂźtre queux de Richard II. AprĂšs chaque recette, un bref commentaire aplanit les difficultĂ©s d’interprĂ©tation de la formulation mĂ©diĂ©vale, ou tente de dĂ©gager l’esprit du plat compte tenu de ses variantes d’un traitĂ© Ă  un autre et de son Ă©ventuelle postĂ©ritĂ©. « La sauce verte, remarque-t-on par exemple, est la sauce qui accompagne le plus souvent le poisson tant Ă  l’époque mĂ©diĂ©vale que par la suite. Il y a un grand choix de recettes allant du plus simple (persillade Ă  base de vinaigre, sel et pain) au plus compliquĂ©. IndĂ©pendamment des ingrĂ©dients mentionnĂ©s ci-dessus dans une recette du XIVe siĂšcle, on trouve d’autres herbes telles que la sauge, l’oseille, la dictame, le pyrĂšthre, la balsamine et d’autres Ă©pices telles que le girofle. On peut modifier au goĂ»t de chacun la recette qui suit, selon les herbes dont on dispose et les Ă©pices que l’on dĂ©sire essayer. » AprĂšs le commentaire vient l’adaptation moderne : d’abord la liste des ingrĂ©dients tels qu’on peut les trouver aujourd’hui chez les commerçants, la quantitĂ© de chacun d’eux, puis les procĂ©dĂ©s et les temps de cuisson, enfin la prĂ©sentation sur table.
« Évoquer [...] le plaisir de la table est moins difficile que ne le croient la plupart des spĂ©cialistes et moins dĂ©sagrĂ©able aux palais modernes qu’on ne peut le supposer. » De fait, toutes les questions que pour...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Du mĂȘme auteur
  4. Copyright
  5. D’honnĂȘte voluptĂ©
  6. Platine l’ancien
  7. Chapitre 1 - Cuisiner comme autrefois
  8. Chapitre 2 - ConvivialitĂ©, gastronomie, fĂȘtes
  9. Chapitre 3 - Gourmandise et diététique
  10. Chapitre 4 - Le statut des aliments
  11. Chapitre 5 - Assaisonnements
  12. Chapitre 6 - Le vin
  13. Chapitre 7 - Le service de table
  14. Postface
  15. Table