L' Information financière en crise
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Comptabilité et capitalisme

  1. 288 pages
  2. French
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L' Information financière en crise

Comptabilité et capitalisme

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À propos de ce livre

Enron, Andersen, Parmalat: des entreprises majeures ont disparu brutalement à la suite de la révélation de manipulations financières. La comptabilité ne peut plus être considérée comme une science exacte, et la crise de confiance s'installe au cœur même du fonctionnement des marchés. En saisir les causes et les enjeux est aujourd'hui indispensable. Ce livre part d'un constat: les règles comptables ne sont pas neutres, elles sont à la fois un miroir et un élément structurant de notre système économique. S'adressant à la fois au public éclairé et aux praticiens, multipliant les exemples et les cas concrets, il donne à chacun les clés pour comprendre le nouveau monde de l'information financière. La montée en puissance et l'internationalisation des marchés de capitaux bouleversent les équilibres traditionnels entre entreprises, auditeurs, investisseurs et puissance publique. En analysant ces mouvements sous le prisme de l'information financière, les auteurs apportent une perspective inédite à la réflexion sur la transformation du capitalisme. Nicolas Véron est le fondateur de la société de conseil ECIF (Études et conseil pour l'information financière). Matthieu Autret est expert détaché auprès de la Commission européenne. Alfred Galichon est doctorant en économie à l'Université de Harvard.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2004
ISBN
9782738164599
Sous-sujet
Finance

PARTIE I

Une discipline controversée



CHAPITRE 1

Le langage commun du capitalisme


Née à peu près en même temps que les premières sociétés par actions, la comptabilité financière offre un outil sans équivalent : un langage commun qui permet de décrire dans les mêmes formes toutes les activités économiques et de les comparer entre elles. À ce titre, elle figure parmi les quelques infrastructures vitales de l’économie de marché. Dès lors que la pertinence de l’information comptable cesse d’aller de soi, l’ensemble du système économique et financier se grippe.
Le retour sur les origines de cette technique peut servir d’introduction au rôle des différents utilisateurs des comptes, pour lesquels l’analyse de l’information financière des entreprises est une composante de la prise de décision. L’apport du rappel historique est double : d’une part, il permet de mieux comprendre les influences respectives qu’exercent sur la comptabilité les différents acteurs économiques qui composent ensemble le système financier ; d’autre part, il offre un éclairage sur l’organisation actuelle des institutions et sur les pratiques propres aux métiers de l’information financière, à la lumière des circonstances particulières qui ont présidé à leur naissance.

Les origines

L’évolution de la technique comptable a accompagné celle de l’activité économique depuis les temps les plus anciens : les premiers témoignages écrits de l’histoire de l’humanité, des textes sumériens écrits sur des tablettes d’argile séchée il y a plus de cinq mille ans, sont des documents comptables. Plus tard, à partir de l’invention de la monnaie vers le VIIe siècle avant Jésus-Christ, la comptabilité permet de consigner tous les échanges dans une unité commune.
Dans toutes les langues occidentales, le vocabulaire lié à l’écriture et à la faculté de raisonner est en grande partie imprégné de notions comptables. En latin, ratio (la raison) signifie à l’origine « compte » ou « calcul », une signification qui a été conservée dans l’italien ragioneria, comptabilité. Un « écrivain », en ancien français, signifie un comptable (ou un greffier) bien avant de désigner un auteur littéraire. Dans beaucoup de langues, la « tenue de livres » est littéralement le nom de la comptabilité1.
L’étape suivante, qui marque la vraie naissance de la comptabilité moderne, a lieu dans l’Italie de la fin du Moyen Âge, à cette époque le centre de l’innovation économique et financière en Europe. L’essor du « commerce au loin », avec des expéditions navales qui exigent l’engagement de grandes quantités de capitaux, pousse alors les marchands de Gênes, de Venise ou de Toscane à se regrouper en « compagnies » afin de partager les risques — et aussi les profits, qui peuvent être très élevés lorsque l’expédition est fructueuse. Pour la première fois, la compagnie, gérée par un dirigeant professionnel qui est le plus souvent un capitaine de navire, a une existence pratique, juridique et financière distincte de celle de ses propriétaires : la société par actions est née, probablement l’une des inventions les plus révolutionnaires de l’Histoire.
Une fois détachés de l’entreprise elle-même, les propriétaires éprouvent rapidement le besoin d’un mécanisme plus élaboré qu’auparavant pour suivre et contrôler « à distance » l’évolution de l’activité, et vérifier que leur investissement est fructueux. C’est ce que rappellera un peu plus tard le philosophe anglais Thomas Hobbes :
Le but de ces corps de marchands [les compagnies privées] n’est pas le bénéfice commun de tout le corps, mais le profit particulier de ceux qui ont risqué leur argent — raison pour laquelle chacun doit avoir connaissance de l’emploi qui est fait de ses fonds ; autrement dit, que chacun soit à l’assemblée qui aura la puissance de régir cet emploi, et ait connaissance de la comptabilité. Donc, le représentant d’un tel corps doit être une assemblée à laquelle, s’il le veut, chaque membre du corps doit être présent lors des réunions2.
Une méthode nouvelle émerge peu à peu, qui traduit cette activité en chiffres selon des règles précises réduisant le risque de fraude ou d’erreur. Cette méthode consiste à inscrire chaque opération nouvelle dans deux registres distincts, débit et crédit, entre lesquels une vérification peut être effectuée à tout moment. D’abord appelée « méthode vénitienne » puis « comptabilité en partie double », elle est attestée dès le XIVe siècle, et codifiée définitivement en 1494 par un des humanistes les plus représentatifs de la Renaissance, Luca Pacioli, qui fut le professeur de mathématiques de Léonard de Vinci à Milan.
Ainsi la comptabilité moderne en partie double est-elle marquée par ses deux parents italiens de la Renaissance : le capitalisme naissant, et la rationalité mathématique redécouverte de l’Antiquité. Max Weber avait déjà fait ce constat dans son texte célèbre sur L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme :
L’organisation rationnelle de l’entreprise, liée aux prévisions d’un marché régulier et non aux occasions irrationnelles ou politiques de spéculer, n’est pas la seule particularité du capitalisme occidental. Elle n’aurait pas été possible sans deux autres facteurs importants : la séparation du ménage et de l’entreprise, qui domine toute la vie économique moderne ; la comptabilité rationnelle, qui lui est intimement liée3.
La séparation des actionnaires et de l’entreprise — et donc de ses dirigeants — implique un contrôle rigoureux des seconds par les premiers ; en même temps, les grands marchands pouvant être présents simultanément dans plusieurs « compagnies », ils chercheront, avec des méthodes toujours plus sophistiquées, à choisir celles qui offriront à leurs capitaux le rendement le plus attractif. La comptabilité doit donc fournir une information pertinente et fiable, pour assurer le contrôle des dirigeants par les actionnaires ; et cette information doit aussi être comparable d’une entreprise à l’autre et cohérente dans le temps, afin de permettre l’allocation optimale des capitaux — même si cette dernière fonction n’est encore que très embryonnaire à l’époque dont nous parlons.
Les principes fondamentaux : pertinence, fiabilité et comparabilité, n’ont pas changé depuis. Le lecteur les retrouvera à de multiples reprises dans la suite de ces lignes.

De Venise à Houston

Le décor de la comptabilité moderne, avec ses principes fondamentaux, est donc planté dès le début de la Renaissance lorsque la « méthode vénitienne » de la partie double est codifiée par Luca Pacioli. Depuis, la comptabilité n’a pas cessé d’accompagner les mutations du capitalisme et ses crises successives liées à l’inventivité des financiers. À chaque crise, les règles comptables et leurs principes d’élaboration en ont été modifiés.
Jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, les évolutions sont lentes. Comme le relève Fernand Braudel dans son œuvre magistrale Civilisation matérielle, économie et capitalisme (publiée en 1979), l’identification entre comptabilité en partie double et capitalisme reste en grande partie un anachronisme pendant plusieurs siècles après Pacioli. La technique de la partie double est loin d’être généralisée, et ses progrès sont très différents d’un pays à l’autre. La France franchit une étape importante avec l’adoption par Colbert de l’« édit pour le commerce des marchands de gros et de détail » (1673) : ce texte fondateur du droit comptable national prescrit aux marchands, négociants et drapiers de tenir une comptabilité qui puisse servir de preuve dans les litiges commerciaux ; il impose également que la tenue de « livres et registres à partie double » fasse partie des connaissances de base du commerçant. Mais la tension entre actionnaires et dirigeants qui est à l’origine de la comptabilité ne se retrouve pas partout. Elle est souvent absente des grandes entreprises industrielles dont beaucoup ont été créées à l’initiative de l’État, ainsi les arsenaux ou les manufactures du Grand Siècle telles que les Gobelins (1662) ou Saint-Gobain (1665) ; dans ces dernières, bien souvent, les comptes restent rudimentaires. Les marchés financiers se développent peu à peu : le London Stock Exchange commence son activité en 1773 ; en France, la Bourse de Paris a été créée dès 1724 après que la faillite de John Law a montré la nécessite d’un minimum d’organisation du marché financier, et le palais Brongniart est construit sur ordre de Napoléon à partir de 1808. Cependant, la plupart des instruments cotés sont des titres de dette4.
À partir des années 1860, l’évolution du capitalisme est accélérée par une innovation dont la portée est essentielle, l’introduction de la limitation de responsabilité des associés (en 1862 en Grande-Bretagne, 1867 en France) qui ouvre une période de croissance sans précédent des sociétés par actions. D’une certaine manière, il s’agit d’une intervention publique massive dans l’économie, puisque les pertes en cas de faillite reviennent à la collectivité : mais cette intervention est comme invisible, ne donne aucun pouvoir discrétionnaire à l’administration publique, et stimule la prise de risque plutôt qu’elle ne la bride5.
La limitation de responsabilité conduit aussi à un développement spectaculaire de la négociation des actions sur les marchés de capitaux, dont le rôle devient de plus en plus important. Émile Zola, dans un de ses romans les plus étonnants, L’Argent, détaille la manipulation des comptes d’une société cotée par des dirigeants peu scrupuleux selon des schémas très semblables à ceux d’aujourd’hui, lors d’« une de ces poussées folles de la spéculation, qui, toutes les dix à quinze années, obstruent et empoisonnent la Bourse, ne laissant après elles que des ruines et du sang6 ».
Cette période est aussi celle du développement des premiers cabinets d’expertise comptable indépendants, et les actuelles grandes firmes mondiales d’audit y trouvent leur origine :
— William Deloitte crée sa firme à Londres en 1845 et effectue le premier audit indépendant en examinant les comptes de la compagnie ferroviaire Great Western Railway ; en 1989, Deloitte Haskins & Sells a fusionné avec Touche Ross, créée en 1899 également à Londres, et une firme créée à Tokyo en 1968 par, entre autres, l’amiral Nobuzo Tohmatsu, pour former Deloitte Touche Tohmatsu.
— Samuel Price fonde sa firme londonienne en 1849 et, lors de sa retraite en 1874, les rênes sont reprises par son associé Edwin Waterhouse ; en 1998, Price Waterhouse a fusionné avec Coopers & Lybrand, elle-même produit du rapprochement en 1957 des firmes créées en 1854 à Londres par William Cooper et en 1898 à Philadelphie par William Lybrand.
— Les comptables qui ont donné leurs initiales aux trois premières lettres de KPMG, Piet Klynveld, William Peat et James Marwick ont fondé respectivement leurs firmes à Amsterdam en 1917, à Londres en 1867 et à Glasgow en 1887. Peat et Marwick ont fusionné en 1911 ; le « G » final vient de Reinhard Goerdeler, qui présidait la firme comptable allemande Deutsche Treuhandgesellschaft au moment de son rapprochement en 1979 avec Klynveld. La fusion entre Peat Marwick et Klynveld Main Goerdeler a eu lieu en 1986-1987.
— Les frères Alwin et Théodore Ernst se sont associés en 1903, à Cleveland. Leur firme a fusionné en 1989 avec celle créée à Chicago par Arthur Young, un immigré écossais, en 1894, donnant ainsi naissance à Ernst & Young.
— Enfin, Arthur Andersen a créé sa firme à Chicago en 1913, en association avec Clarence Delaney ; tous deux travaillaient auparavant chez Price Waterhouse. Arthur Andersen, qui avait été également un pionnier dans les métiers du conseil, a sans doute été la « marque » comptable la plus célèbre de toutes avant de disparaître en 2002 dans le sillage de la faillite d’Enron.
Cette chronologie illustre aussi le glissement du centre des innovations comptables et financières, de Londres au milieu du XIXe siècle vers les États-Unis dès le début du XXe. Les grandes agences de notation financière sont également nées aux États-Unis : Henry Varnum Poory a commencé dès 1860 l’activité d’analyse financière qui a donné naissance à Standard & Poor’s ; John Moody a publié à New York son premier Manual of Industrial and Miscellaneous Securities en 1900, et a démarré son activité de notation de crédit en 1909. John Fitch a créé sa société de publication de données financières, également à New York, en 1913.
Dès les années 1920, la Bourse de New York domine les marchés de capitaux mondiaux. À cette époque, les entreprises cotées sont encore presque entièrement autonomes dans leurs choix de méthodes comptables, même si la loi de 1887 instituant l’Interstate Commerce Commission avait créé l’embryon d’un système comptable commun pour les sociétés de chemins de fer. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, elles publient très rarement un compte de résultat, qui reste d’ailleurs suscept...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Prologue
  5. Introduction
  6. Partie I - Une discipline controversée
  7. Partie II - Le nouveau monde de l’information financière
  8. Conclusion
  9. ANNEXES
  10. Bibliographie
  11. Lexique des sigles et abréviations
  12. Remerciements
  13. Index
  14. Table