Tâche
Essayez de passer toute la journée à penser par vous-même.
Et voilà, déjà, ça part mal ! Car les mots que vous êtes en train de lire, de qui sont-ils, au fait ?
La voix que vous entendez dans votre tête, à qui appartient-elle ? À vous ou bien à moi ?
Quand vous entendez quelqu’un parler, les mots qu’il prononce demeurent les siens – peu importe que vous n’y fassiez pas attention ou que vous ne soyez pas d’accord. Cependant, lire les pensées de quelqu’un, c’est en quelque sorte leur permettre, ne serait-ce que temporairement, de dominer les centres du langage de votre cerveau. Tant que vous êtes accaparé par ce qu’ils disent, l’auteur devient votre voix intérieure.
Cela signifie-t-il que, pendant un moment, l’auteur devient le lecteur ?
Ou bien plutôt que, pendant un moment, le lecteur devient l’auteur1 ?
Tâche
Trouvez le reptile tapi dans votre tête ; puis, parlez-lui.
Selon le psychologue français G. Clotaire Rapaille, la plupart de nos décisions ne sont pas du tout déterminées rationnellement. Nous ne les prenons pas en recourant à la philosophie, par exemple, ou même à l’économie. Elles se décident plutôt subrepticement dans la zone crépusculaire de notre cerveau. Ce sont des options prises par ce qu’il appelle l’« esprit reptilien », lequel opère en sous main sans que nous en ayons une connaissance immédiate.
Le Dr Rapaille est tombé sur cette idée alors qu’il travaillait comme pédopsychologue et s’occupait d’aider des enfants ayant des troubles de communication et d’expression. Il a découvert que la plupart de leurs problèmes pouvaient mieux se comprendre si on présupposait que l’esprit humain se développe selon trois stades.
La théorie
Le premier, appelé « reptilien », est simplement concerné par la survie. C’est durant celui-ci que nous apprenons à respirer, à remuer un peu, à manger. Au bout d’un moment, toutes ces actions deviennent inconscientes.
Le stade suivant, que le Dr Rapaille a baptisé « limbique », se déroule lorsque l’enfant développe des émotions et des préférences conscientes. C’est alors que se créent des liens, par exemple entre l’enfant et sa mère, et que le petit développe de l’affection pour certaines choses – sa maison, la chaleur et la tarte aux pommes, par exemple.
Le troisième et dernier stade, celui dont raffolent les philosophes, semble commencer quand, après l’âge de 7 ans, se développe le cerveau extérieur, le cortex – c’est-à-dire la partie qu’étudient et mesurent en détail les neurologues et autres scientifiques à l’air important. C’est celle qui s’occupe des mots, des nombres, des concepts – et c’est la seule à le faire. Toutefois, nous apprenons des mots avant cette étape.
Le Dr Rapaille a en effet observé chez certains enfants que certains mots créaient des problèmes et qu’on ne pouvait les imputer à l’esprit rationnel normalement chargé de traiter le langage, mais qu’ils remontaient bien plus loin, à l’époque où ils avaient été appris. Les difficultés éprouvées par ces enfants montraient bien, selon lui, que tous les mots que nous apprenons ont une signification spéciale. Le mot « maman », par exemple, souvent réputé être le premier que le bébé « apprend », ne s’applique qu’à une seule personne, qui a une certaine apparence et un comportement maternant. Le bébé ne se souvient pas seulement de la voix de Maman, du visage de Maman ou même de l’odeur de Maman. Le mot lui-même s’« imprime » dans son esprit avec toutes les associations qu’il peut avoir acquises : chaleur, sécurité, amour.
Il en va de même pour d’autres mots moins évidents, comme « café », « voiture » ou même « cigarettes ». « Quand on apprend un mot, quel qu’il soit, “café”, “amour” ou “mère”, il y a toujours une première fois », expliquait Rapaille dans une interview de presse. Et d’ajouter : « Il y a une première fois pour tout ce qu’on apprend. La première fois qu’on le comprend, on imprime le sens de ce mot ; on crée une connexion mentale qu’on ne cessera d’utiliser tout le reste de sa vie. »
Rapaille appelle cela un code ; il s’agit d’un code inconscient dans le cerveau. Chaque mot nous a été présenté à un moment donné et, quand il s’est « imprimé » dans notre esprit, c’était avec diverses associations. Retrouver ces associations révèle le sens internalisé et secret de chaque mot.
La pratique
Et maintenant, testons cette théorie : quels sont les codes pour « café », pour « voiture » ou même pour « cigarette », par exemple ?
Notez les associations que vous établissez avant de tourner la page pour les comparer à celles du docteur reptilien.
(Souvenez-vous que ce ne sont pas des épithètes décrivant la chose, mais d’autres que vous reliez à elle.)
« Café » me rappelle :
1. ………………………………………………………………………
2. ………………………………………………………………………
3. ………………………………………………………………………
« Voiture » me rappelle :
1. ………………………………………………………………………
2. ………………………………………………………………………
3. ………………………………………………………………………
« Cigarette » me rappelle :
1. ………………………………………………………………………
2. ………………………………………………………………………
3. ………………………………………………………………………
Quand vous aurez fini, arrêtez-vous un moment pour admirer vos réponses, et puis, rendez-vous à la section Débriefing.
Tâche
Testez le sens du hasard de quelqu’un. Proposez-lui un petit pari.
Lancez une pièce, disons vingt fois. Si elle retombe côté pile quatre fois de suite, vous gagnez. Sinon, c’est l’autre qui gagne. Bien évidemment, comme une telle éventualité est très improbable, la cote sera en votre faveur : si vous gagnez, il doit vous donner, par exemple, un billet de 5 zlotys – alors que si vous n’arrivez pas à obtenir que la pièce retombe côté pile quatre fois de suite, vous n’aurez que 1 zloty à lui donner. Une telle configuration reflète le fait qu’obtenir cette suite en vingt lancers seulement est improbable.
Il se peut que des esprits soupçonneux acceptent ce défi – mais seulement si on change pour une suite de quatre têtes ! Bien sûr, on peut dire qu’ils sont de mauvaise foi. Car il n’y a pas de truc ici.
Des jeunes préféreront parier de façon plus délurée : « J’enlève ma chemise, mais seulement si tu ôtes toutes tes fringues ! » Des philosophes russes en état d’ébriété voudront introduire des variantes impliquant le fait de se placer un pistolet plus ou moins chargé contre la tempe. Qu’importe, si vous ne trouvez personne qui veuille jouer avec vous, vous pouvez parier contre vous-même. C’est plus sûr, d’ailleurs. (Mais pas tout à fait assez, je le crains, si vous jouez à la roulette russe.)
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