2 – À quoi sert le cristallin ?
Sans cristallin, l’œil verrait tout flou car la projection des images observées ne se ferait pas sur la rétine*, tissu tapissant le fond de l’œil qui transmet l’information visuelle au cerveau, mais loin derrière elle. Le cristallin, grâce à sa forme biconvexe, ramène alors comme une loupe ces images sur la rétine afin qu’elles soient vues nettes naturellement, sans effort. Pour la vision de près, il bombe plus ou moins en fonction de la distance, de manière automatique et inconsciente, à l’instar d’un appareil photographique doté d’un autofocus. Ce phénomène s’appelle l’accommodation*. Malheureusement, celle-ci faiblit avec les années, obligeant un sujet normal vers l’âge de 45 ans et voyant bien de loin à allonger ses bras pour lire, puis de recourir à des lunettes. C’est la presbytie* ou presbyopie.
Le mécanisme de l’accommodation a été très longtemps débattu, jusqu’à ce que les nouvelles techniques d’imagerie in vivo confirment la théorie de Hermann von Helmholtz datant déjà de 1855. Le cristallin est suspendu dans l’œil à sa paroi interne par la zonule* au niveau du muscle cilaire. Dans un œil « normal » dit emmétrope* en vision de loin, le muscle ciliaire est au repos. Dans cette position, il tend la zonule qui elle-même étire le cristallin. L’image d’un objet situé au loin est alors focalisée sur la rétine. Lorsqu’on rapproche cet objet, sa projection dans l’œil recule. Pour que l’image soit vue de façon nette, le muscle ciliaire se contracte automatiquement et se déplace légèrement vers l’avant. La tension de la zonule se relâche alors et le cristallin qui est élastique bombe passivement (Fig. 3). C’est le phénomène de l’accommodation qui permet ainsi au cristallin de faire converger l’image de l’objet vu de près sur la rétine. Malheureusement, le cristallin perd progressivement de sa souplesse et de son élasticité avec l’âge : c’est la presbytie qui est totale à partir de la soixantaine. Personne n’échappe à ce phénomène naturel, ni les emmétropes ni les amétropes*.
Figure 3 : Mécanisme de l’accommodation.
3 – Quels sont les différents types de vision ? (Fig. 4)
• Qu’est-ce qu’un œil emmétrope et que voit-il ?
L’œil emmétrope est par définition un œil normal, qui voit très bien de loin (5 mètres et au-delà), sans effort et sans correction optique, lunettes ou lentilles de contact. Son muscle ciliaire est au repos et n’a pas besoin d’accommoder. Pour bien voir de près, l’œil emmétrope doit faire intervenir l’accommodation*. Après 45 ans il devient presbyte, et un verre correcteur devient alors nécessaire pour la lecture (Q. 2).
L’emmétropie* pure est en fait rare dans la population générale, moins de 30 %. La majorité des gens sont amétropes, c’est-à-dire que les objets vus de loin ne se projettent pas exactement sur la rétine.
Il existe trois sortes d’amétropie* : la myopie, l’hypermétropie, l’astigmatisme. Après 45 ans, l’amétrope devient presbyte comme l’emmétrope.
• Qu’est-ce qu’un myope et que voit-il ?
L’œil myope étant généralement plus long (la distance entre la cornée et l’arrière de l’œil est plus grande) que l’œil emmétrope, sa vue de loin est floue car la projection des objets éloignés se fait en avant de la rétine. Par contre, ils sont vus nets de près, sans effort d’accommodation, car leur projection recule pour atteindre la rétine. C’est un gros avantage pour le myope presbyte à qui il suffit de retirer ses lunettes de loin pour lire son journal par exemple. Mais s’il les garde, comme il ne peut plus accommoder, il verra flou de près, sauf si ses verres sont progressifs* ou double-foyers*.
Emmétropie - Myopie - Amétropie - Accommodation
Figure 4 : Les différentes visions.
Il existe plusieurs types de myopie :
— La myopie axile est de loin la plus fréquente. Elle correspond à un œil trop long (24 millimètres ou plus).
— Plus rare est la myopie liée à une cambrure exagérée de la cornée faisant trop converger les rayons lumineux.
— Enfin, la myopie d’indice est liée à une densité trop importante du cristallin qui fait plus converger les rayons lumineux. Elle se produit en cas de cataracte dite nucléaire (Q. 12) : la consistance du noyau du cristallin* augmente à mesure que celui-ci vieillit et s’opacifie. Un adulte âgé qui n’était pas myope et le devient, ou qui était myope et voit sa myopie progresser, doit être fortement suspecté de développer une cataracte.
Plus on est myope, plus on doit rapprocher un livre de ses yeux pour le lire sans lunettes. À titre d’exemple, un myope de 3 dioptries* lit confortablement sans lunettes entre 30 et 40 centimètres, alors que le myope de 6 dioptries n’est à l’aise qu’à 15 centimètres.
Un patient myope d’un seul œil et emmétrope de l’autre peut se passer à vie de lunettes car le premier voit de près et le second de loin. On parle de monovision ou de bascule, qui peut être souvent reproduite avec succès lors d’une opération de la cataracte chez un patient désireux de ne plus porter de correction optique. Il faut alors sélectionner les bonnes puissances d’implant à cet effet.
• Qu’est-ce qu’un hypermétrope et que voit-il ?
L’œil hypermétrope étant généralement plus court que l’œil emmétrope (moins de 23 millimètres), la mise au point de l’image d’un objet éloigné se fait derrière la rétine. Il devrait alors voir flou, sauf s’il produit un effort d’accommodation pour ramener en avant la projection de l’image sur la rétine. Pour la vision de près, l’accommodation requise est encore plus forte que chez l’emmétrope.
Avant 40 ans, l’hypermétrope a une bonne vue de loin comme de près, car son cristallin est encore suffisamment souple pour accommoder. L’effort permanent d’accommodation peut engendrer une fatigue visuelle, voire une sensation de barre douloureuse au-dessus des yeux empêchant toute lecture.
L’hypermétrope devient presbyte plus précocement que l’emmétrope, car il utilise déjà son accommodation pour voir de loin, et il lui en restera d’autant moins pour la vision de près. Lorsque la presbytie est totale avec perte complète de l’accommodation, vers la soixantaine, la vue lointaine devient à son tour trouble. L’hypermétrope presbyte le vit très souvent mal car sans lunettes il voit flou de loin et de près alors que, plus jeune, sa vue était excellente à toutes les distances.
Lorsqu’un hypermétrope a une cataracte nucléaire (Q. 12), il peut devenir paradoxalement emmétrope, puis myope. C’est parce que ce type de cataracte, en progressant, fait converger de plus en plus les rayons lumineux qui pénètrent dans l’œil. La projection d’un objet vu de loin qui se fait normalement en arrière de la rétine chez l’hypermétrope, avancera ainsi pour toucher la rétine (emmétropie), puis se positionnera en avant d’elle (myopie). Un hypermétrope âgé qui n’a plus besoin de lunettes doit être suspecté d’avoir une cataracte...