État moderne, État efficace
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État moderne, État efficace

Évaluer les dépenses publiques pour sauvegarder le modèle français

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Évaluer les dépenses publiques pour sauvegarder le modèle français

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Qu'est-ce qu'un État moderne? Un État capable de rendre des comptes au citoyen-contribuable. Comment mesurer son efficacité? En évaluant rigoureusement ses dépenses selon les objectifs poursuivis. En France, on en est loin. Dans un contexte de crise aiguë pour lesfinances publiques, les intérêts corporatistes et les arguments idéologiques l'emportent encore à l'heure des choix. Pourtant, des travaux sérieux existent désormais sur des sujets aussi sensibles que le RSA, les 35 heures, la taxation des hauts revenus ou les zones d'éducation prioritaires. Faisant l'état des lieux critique de ces dispositifs, Marc Ferracci et ÉtienneWasmer expliquent quels sont les critères auxquels doit répondre une évaluation digne de ce nom. Et, s'appuyant sur des exemples à l'étranger, ils font des propositions pour favoriser cette culture de l'évaluation. Une réflexion originale et abondamment illustrée sur la dépensepublique. Avec un enjeu fort à la clé: celui de simplifier des procédures trop souvent opaques, pour que les citoyens puissent mieux se les approprier. Marc Ferracci est économiste, maître de conférences à l'université Paris-Est-Marne-la-Vallée et chercheur au CREST (Centre de recherche en économie et statistique). Il a réalisé de nombreux travaux d'évaluation portant sur les politiques d'emploi et de formation professionnelle. Étienne Wasmer est économiste, professeur des universités à Sciences Po, directeur du LIEPP (Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation despolitiques publiques). Il a reçu le Prix du meilleur jeune économiste 2006, décerné par Le Monde et le Cercle des économistes. Il est l'auteur de Principes de microéconomie qui a reçu le prix 2010 de l'AFSE(Association française de science économique).

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2011
ISBN
9782738184818
Deuxième partie
Les défauts du paysage
institutionnel
Chapitre 4
L’évaluation en France
En France, le paysage de l’évaluation, malgré les efforts fédérateurs de diverses institutions comme la Société française d’évaluation1, souffre de deux problèmes structurels. D’une part, il reste très morcelé, avec des logiques et des méthodologies différentes suivant les acteurs concernés. Dans le paysage français, de nombreuses institutions présentent l’évaluation des politiques comme une nécessité vitale et la pratiquent à des titres divers, mais en utilisant des approches et des définitions de l’évaluation très variables. Cela ne facilite pas l’émergence d’une culture collective sur le sujet. D’autre part, l’existence de liens organiques entre les évaluateurs et les décideurs des politiques publiques, à de rares exceptions que nous essaierons de souligner, conduit soit à un manque d’indépendance, soit à un manque de transparence des évaluations. Cela ne signifie pas que la qualité de l’administration soit en cause, mais l’organisation de cet écosystème doit être améliorée.
L’histoire récente de l’évaluation
Historiquement, l’évaluation des politiques publiques en France a longtemps été le fait de l’administration elle-même. Dès la fin des années 1960, l’État introduit la « rationalisation des choix budgétaires » qui visait à développer dans tous les ministères l’évaluation ex ante, censée anticiper l’effet des politiques publiques. Cette politique a ensuite été progressivement abandonnée au début des années 1980 et remplacée par d’autres dispositifs plus sectoriels. La fin des années 1980 et le début des années 1990 verront ainsi la création d’instances telles que le Comité national d’évaluation de la recherche, la Commission d’évaluation du RMI, ou le Comité national d’évaluation de la politique de la ville. On notera aussi la création, en 1983, de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, qui devait permettre d’éclairer le Parlement en matière d’énergie, d’environnement, de technologie et des sciences de la vie. En 1990 fut par ailleurs créé le Conseil scientifique de l’évaluation, présidé depuis ses débuts et jusqu’en 1996 par un universitaire de renom, Jean Leca. C’est ainsi que depuis le début des années 1990, du fait de la création de ces différents comités sectoriels, l’administration n’est plus seule en charge de l’évaluation sur des sujets tels que la politique de la ville, le RMI, ou la recherche2.
Les évolutions de la loi
Depuis la fin des années 1990, le suivi des politiques publiques a été marqué par deux évolutions institutionnelles majeures. Tout d’abord, le principe d’une « évaluation basée sur la preuve », ou evidence-based policy-making a été inscrit dans la loi de finance de 2001 par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Cette dernière oblige notamment les administrations publiques à déterminer des objectifs et à définir des indicateurs de résultats en relation avec l’attribution des budgets3. Elle donne un statut organique et quasi constitutionnel à l’évaluation des politiques publiques. Elle ouvre ainsi la voie à un processus budgétaire fondé sur la performance, comme cela avait été recommandé au niveau international par la Banque mondiale.4
La révision générale des politiques publiques (RGPP) de juillet 2007 a ensuite prolongé le processus de réforme de l’État initié par la LOLF, sans nécessairement disposer d’un recul suffisant. La LOLF, en effet, n’est entrée en régime plein, après une longue période préparatoire et d’expérimentation, qu’en 2006. Pilotée par un Conseil de modernisation des politiques publiques, la RGPP s’appuie sur des équipes d’audit, « composées de membres des corps d’inspection de l’administration et d’auditeurs et consultants externes, pour examiner les politiques publiques relevant exclusivement de l’État, réparties en 14 domaines5 ».
Les défauts du système
On le voit, les instances d’évaluation ne manquent pas en France, qu’elles se situent à un niveau sectoriel, ou plus centralisé. Pour autant, ce foisonnement n’est pas un gage d’efficacité, ni d’indépendance. L’analyse réalisée en 1996 par Pierre Lascoumes et Michel Setbon6 souligne ainsi l’omniprésence de l’administration dans les processus d’évaluation en France, ainsi que le manque de professionnalisation – perceptible notamment à travers la rareté de la recherche en matière de méthodes d’évaluation – qui entoure ces mêmes processus. L’évaluation constitue en effet souvent une mission parmi d’autres pour les hauts fonctionnaires chargés de mettre en œuvre les politiques publiques, qui se retrouvent ainsi à la fois juge et partie dans le suivi de ces dernières.
L’analyse de Lascoumes et Setbon illustre les limites d’une démarche qui laisse peu de place à l’intervention d’experts indépendants, capables de mener des évaluations d’impact conformes aux standards académiques exposés dans les premiers chapitres de ce livre. Les évolutions récentes en matière d’évaluation des politiques publiques ont confirmé cette tendance. On notera au passage que la composition des équipes d’audit que prône la RGPP confirme l’analyse critique de Lascoumes et Setbon sur le manque de professionnalisme de l’évaluation bien que celle-ci portât sur la décennie précédente et que la RGPP ait été votée en 2007. Particulièrement flagrante est la difficulté d’associer à l’action de l’administration des chercheurs indépendants spécialisés dans l’évaluation.
En résumé, les pressions en faveur d’une évaluation systématique des politiques publiques ont été plus fortes au cours de la dernière décennie, mais la démarche d’évaluation reste toutefois marquée par une certaine endogamie. Elle souffre surtout de la faible place laissée aux évaluations menées sur la base de critères scientifiques rigoureux, et notamment à l’analyse de l’impact causal des politiques détaillé au chapitre précédent. Les sommes consacrées à l’évaluation scientifique, souvent insignifiantes au regard des enjeux, témoignent de ce phénomène. À titre d’exemple, les politiques d’allégement de charges sociales sur les bas salaires, qui coûtent à l’État plus de 20 milliards d’euros par an, n’ont pourtant fait l’objet que d’une seule évaluation ex post7. Pis encore, cette évaluation a été initiée spontanément par les deux auteurs de l’étude, c’est-à-dire sans financement spécifique. Difficile d’imaginer plus grande disproportion entre les enjeux de l’évaluation et les moyens volontairement dévolus par l’exécutif à cette dernière.
Outre ce déficit de moyens, nous allons voir que le développement d’évaluations conformes aux standards scientifiques, dont nous plaidons la cause, souffre également de la fragmentation du paysage de l’évaluation, un constat qui n’est pas nouveau et était déjà dressé dans les travaux de Jean Leca (1993)8.
La fragmentation du paysage de l’évaluation
Les instances d’évaluation actuelles sont nombreuses et éparses. Elles sont présentes dans nombre de ministères9, à l’Insee, à la Cour des comptes, dans les deux chambres du Parlement et dans d’autres instances publiques rattachées à l’exécutif, sur lesquelles nous reviendrons plus loin. Le Conseil national de l’évaluation, créé en 1998, était pourtant « chargé d’animer une procédure interministérielle d’évaluation des politiques publiques plus simple, plus efficace et plus rapide que les dispositifs précédents10 ». Ce conseil ne semble plus avoir d’activité, ce qui révèle à tout le moins le manque d’intérêt des décideurs pour la démarche d’évaluation, malgré un discours officiel prônant l’évaluation systématique des performances de l’action publique11.
Si l’exécutif n’a pas encore réellement pris le tournant de l’évaluation scientifique, d’autres institutions semblent en revanche avancer plus vite dans ce domaine. Le Parlement s’est ainsi doté de diverses instances visant à renforcer son rôle de contrôle12. L’Assemblée nationale en particulier s’est dotée d’un comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Un accord-cadre signé en 2011 prévoit que ce comité déléguera à divers consortiums composés d’universitaires, de grands cabinets d’audit et de conseil, l’évaluation de plusieurs secteurs des politiques publiques. La Cour des comptes a de son côté ajouté l’évaluation des politiques publiques à ses missions de contrôle, et a produit plusieurs dizaines de « rapports publics particuliers », inspirant en ce sens la RGPP. Enfin, au niveau régional et local, la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR), le Comité national d’évaluation de la politique de la ville ou le Comité de coordination des programmes régionaux d’apprentissage et de formation professionnelle continue (CCPRA) sont autant d’exemples d’instances d’évaluation et d’accompagnement de la décision.
Des réticences face à l’indépendance des évaluateurs
Le défaut essentiel de ce paysage fragmenté est qu’il n’a pas permis de rompre la dépendance organique de l’évaluation vis-à-vis du politique. En particulier, les budgets, leur renouvellement ainsi que les nominations des responsables de la plupart de ces instances dépendent toujours du politique, ce qui n’est pas propice à l’indépendance intellectuelle et à la liberté des rédacteurs des évaluations.
Notre propre expérience d’évaluateurs confirme en grande partie l’analyse plus ancienne de Lascoumes et Setbon : même lorsque l’administration délègue l’évaluation à une instance tierce, elle garde le plus souvent son mot à dire sur sa conception et sa mise en œuvre. Il arrive par ailleurs assez souvent que l’enjeu de l’évaluation soit de permettre un arbitrage entre les positions d’administrations différentes. Ainsi, Bercy suscitera ou pilotera une évaluation visant à démontrer l’inefficacité relative d’un dispositif du secteur du logement ou de la santé, afin de justifier des coupes budgétaires. De leur côté, les ministères dépensiers lanceront des évaluations visant à démontrer les bienfaits des politiques qu’ils mènent, afin de préserver leur marge de manœuvre budgétaire.
Ce relatif manque d’indépendance ne vaut cependant pas pour des institutions telles que le Parlement ou la Cour des comptes, ce qui peut d’ailleurs contribuer à nourrir les critiques de l’exécutif à leur endroit. En témoigne la polémique récente sur le très complet rapport de la Cour des comptes sur « l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique », daté du mois de juillet 2011. Ce rapport a été l’objet de très vives critiques de la part du ministre de l’Intérieur. Cet exemple est un cas d’école. La Cour étant réputée indépendante, soit le rapport l’est et l’attitude du ministre et de son administration montre que cette indépendance n’est pas acceptée par l’exécutif ; soit le rapport est partisan et la Cour ne joue donc pas son rôle d’évaluation indépendante. Quelle que soit l’interprétation que l’on fait de cette polémique, elle montre à l’évidence que l’évaluation indépendante a encore des marges de progression, soit dans sa production, soit dans la réception qui en est faite par les responsables politiques.
Des tendances positives
Ce tableau relativement pessimiste de la pratique de l’évaluation en France ne doit toutefois pas occulter certaines tendances récentes, qui ont permis d’accroître la place donnée à la recherche indépendante dans le processus d’évaluation.
L’apparition d’acteurs indépendants
Les dernières années ont vu l’émergence de plusieurs pôles d’excellence dans la recherche scientifique dans lesquels l’évaluation de diverses politiques publiques joue un rôle majeur. Ainsi, l’école d’économie de Toulouse a une tradition de conseil et d’analyse des politiques de régulation. Son développement spectaculaire sous l’impulsion de Jean-Jacques Laffont dans les années 1990 lui a permis de jouer un rôle important dans l’aide à la décision, par exemple dans le secteur de l’énergie et de la régulation financière. Une institution récente, l’École d’économie de Paris, lancée au milieu des années 2000 grâce à la fédération de plusieurs instituts, universités et grandes écoles (Paris-I, l’École normale supérieure, l’École des hautes études en sciences sociales), a par ailleurs conduit à l’émergence d’une génération de jeunes chercheurs spécialisés dans l’évaluation des politiques publiques. De son côté, le CREST (Centre de recherche en économie et statistique), qui regroupe des chercheurs de l’Insee, ainsi que des professeurs des universités et des doctorants de haut niveau, a depuis longtemps publié des travaux d’évaluation du plus haut niveau international sur des thèmes tels que le RMI, le RSA, la formation professionnelle, les zones franches urbaines, ou les zones d’éducation prioritaires13. Enfin, le pôle constitué autour de l’université d’Aix-Marseille, du Greqam (Groupement de recherche en économie quantitative) et de l’Idep (Institut d’économie publique) regroupe des activités de recherche et d’évaluation sur le logement, la santé, la fiscalité ou l’éducation et la recherche.
De son côté, mais à une moindre échelle, l’École nationale d’administration a constitué un centre d’expertise et de recherche administrative, reconnaissant ainsi l’importance de la recherche dans le champ de l’évaluation des politiques publiques. Plus récemment, on notera la création en 2011 du Laboratoire d’excellence (Labex) de Sciences Po, le LIEPP (Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques), primé dans le cadre des Investissements d’avenir (Grand Emprunt), montrant la volonté des pouvoirs publics d’aiguillonner la recherche en matière d’évaluation14.
Par ailleurs, certains grands corps de la fonction publique, notamment la Cour des comptes et l’Inspection des finances, réfléchissent désormais au rôle des universitaires dans la formation de leurs cadres. Il est tout à fait envisageable que, dans un futur proche, les formations doctorales des universités jouent un rôle important en matière de formation des grands cadres de l’État, suivant en cela la pratique de l’Insee et de la Banque de France, qui ont mis en place une politique de formation au doctorat en France ou à l’étranger.
Enfin, ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Introduction
  5. Première partie - L’efficacité des politiques publiques en question
  6. Deuxième partie - Les défauts du paysage institutionnel
  7. Troisième Partie - Bâtir une culture de l’évaluation en France
  8. Conclusion
  9. Remerciements