Les Règles économiques et leurs usages
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Les Règles économiques et leurs usages

  1. 240 pages
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Les Règles économiques et leurs usages

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Lorsqu'un patron donne un ordre à un salarié, comment celui-ci doit-il l'exécuter? Avec quel engagement? Avec quelle intensité? D'une façon générale, sur quelles bases s'établit la confiance réciproque entre employés et employeurs? Dans une société où toutes les relations entre les hommes sont soumises à des règles contractuelles, comment l'économie y échapperait-elle? Les rapports économiques ne seraient-ils qu'une question de prix? Dans ce livre, Bénédicte Reynaud montre, au plus près de la réalité vécue par les partenaires économiques, qu'il n'en est rien. Son analyse, menée au plan macroéconomique sur l'exemple de la désindexation des salaires en 1983 et au plan microéconomique sur l'introduction d'une prime de rendement à la RATP entre 1993 et 2001, nous montre quel type de règles suit le jeu de l'économie. Elle nous restitue ainsi, dans toute son humanité, la vie économique. Bénédicte Reynaud Bénédicte Reynaud, économiste, est directrice de recherche au CNRS.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2004
ISBN
9782738186997
SECONDE PARTIE
RÈGLES MICRO-ÉCONOMIQUES
CHAPITRE 3
Les conditions de la confiance dans la relation salariale1
L’économie, à la différence des autres sciences sociales, n’a découvert que très récemment – à la fin des années 1960 – l’importance de la confiance dans les relations économiques. Kenneth Arrow a sans nul doute eu une influence décisive dans cette prise de conscience : « L’une des caractéristiques de réussite d’un système économique est que les relations de confiance entre un principal et un agent sont suffisamment fortes pour que l’agent ne triche pas, même s’il est rationnel de le faire1. » Dès que les premières fissures du paradigme standard sont apparues, lorsque Sonnenschein2, Mantel3 et Debreu4 démontrent l’absence de stabilité de l’équilibre, s’est ouvert un espace pour des notions comme l’équité, la loyauté et la confiance, qui étaient étrangères à la discipline et jusqu’alors impensables. Par une sorte de mouvement de balancier, la réflexion sur la confiance s’est ensuite intensifiée5.
On peut actuellement détecter une ligne de clivage centrale entre les analyses qui, pour l’essentiel, voient dans la confiance une logique du calcul et de l’intérêt, et celles qui y voient l’expression d’une réalité sociale et collective non réductible à un calcul rationnel. Ainsi, trois approches de la confiance se dégagent : 1) la confiance comme capital accumulé : selon cette perspective, la confiance est pensée en termes d’intérêts individuels à maintenir sa réputation6. 2) La confiance comme risque : toute transaction se ramène à un calcul des coûts et des bénéfices à retirer d’une relation7. 3) La confiance comme croyance des individus à propos d’une relation : elle dépend alors de réseaux sociaux plus vastes8.
Cependant, aucune de ces trois approches ne met au point de départ de son analyse, une caractéristique essentielle de la confiance, à savoir son indétermination radicale : le seul fondement de la confiance entre le salarié et son futur employeur (et inversement) exigerait non seulement un savoir sur ses intentions, mais aussi de ne donner crédit qu’à une seule interprétation possible, précisément celle qui permet de faire confiance. Cependant, aucun indice ne permet, avant l’exécution du contrat de travail, de déterminer la « bonne » interprétation. La décision de faire confiance conduit à une situation indéterminée.
La recherche de garanties à la confiance est donc centrale. Ce chapitre est consacré à leur analyse pour définir à quelles conditions certaines d’entre elles peuvent suspendre l’indétermination des intentions. On distinguera trois formes de confiance9 selon leur degré d’irréversibilité et de stabilité : la confiance contractuelle, tacite et organisationnelle. Il apparaît que, considérés au seul niveau individuel, la promesse et plus généralement le contrat ne suffisent pas à lever cette indétermination : la confiance contractuelle est donc instable. En revanche, les règles, en raison de leur inertie, donnent une certaine irréversibilité à la confiance. Là encore, il faut distinguer entre confiance tacite et organisationnelle. La première donne l’illusion de ne s’appuyer sur rien. En réalité, elle se fonde sur des conventions sociales qui sont acceptées comme telles par la majorité des individus : les individus ne cherchent pas l’expression d’intentions de garanties. La seconde – la confiance organisationnelle – dépend de règles, par définition explicites et d’engagements implicites. Ce sont des conditions nécessaires à l’instauration de ce type de confiance, mais pas suffisantes pour en assurer la stabilité.
La difficulté d’instaurer la confiance : le problème des intentions
La confiance : un engagement asymétrique et réciproque
La confiance est souvent conçue, à l’instar de Partha Dasgupta10, comme une anticipation du comportement d’autrui en fonction duquel je fonde ma propre action. En un sens, tout est dit car il n’y a pas d’anticipation qui ne s’appuie sur des représentations et des croyances. Mais, en un autre sens, tout reste à dire, car cette définition ne permet pas de distinguer la confiance de tous les autres comportements d’anticipation. À cet égard, il faut introduire comme le propose Lucien Karpik, l’idée que la confiance est une délégation : « Par la confiance, je reconnais une autorité qui va prendre forme d’un principe d’orientation de ma propre action11. » Toutefois cette conception, pour éclairante qu’elle puisse être, ne permet pas d’établir une nette distinction entre la confiance et l’autorité.
C’est pourquoi, la définition adoptée est la suivante : la confiance est une relation de délégation qui est fondée sur une anticipation du comportement du délégataire. L’asymétrie et la réciprocité de l’engagement constituent les deux caractéristiques essentielles et indissociables de la relation de confiance. La première provient de l’acte même de délégation. La seconde – la réciprocité de l’engagement dans la relation – résulte de ce que la délégation n’est pas aveugle, sinon il s’agirait de soumission.
D’un point de vue formel, l’individu X fait confiance à Y (le délégataire) pour une action A si et seulement si :
1) X s’attend à ce que Y fasse A dans les circonstances qui permettent et qui déclenchent A.
2) X et Y présupposent qu’il y a une incertitude quant au fait que Y fasse A. Cette incertitude est présupposée mais non explicitée.
3) X met entre parenthèses cette incertitude sans chercher à la mesurer en lui donnant une probabilité, ou à la limiter par l’imposition de contraintes supplémentaires (des actions par exemple).
4) X agit lui-même comme si Y allait faire A dans les circonstances en question.
5) Toutes les conditions précédentes (1 à 4) s’appliquent aussi à Y.
Chacune des conditions énumérées peut sembler triviale ; la complexité de la confiance se trouve en réalité dans leur agencement. La condition 1 met l’accent sur l’anticipation. La condition 2 stipule qu’il n’y a pas de confiance sans un contexte d’incertitude – informationnelle ou stratégique – sur les intentions, les compétences de chacun, etc. L’asymétrie de la relation tient à cela. La condition 3 désigne la délégation. La condition 4 résulte de ce que lorsque X fait un acte de délégation, Y bénéficie d’un crédit en retour. La condition 4 définit donc la norme de réciprocité qui sous-tend et soutient toujours la dynamique de la confiance.
On peut considérer que le contrat de travail, développé dans le modèle de Herbert Simon, est une bonne illustration de la notion de confiance, même si ce n’est pas l’objectif explicite de ce dernier. « On dira que W le travailleur entre dans une relation d’emploi avec B (le boss) lorsque le premier accepte l’autorité du second et que celui-ci paye celui-là un niveau de salaire donné12. » Pour Simon, la soumission à l’autorité signifie que le salarié s’engage à exécuter certaines tâches que l’employeur choisira en fonction de l’évolution de la conjoncture. Ces tâches sont sélectionnées dans un ensemble plus vaste de tâches, qui a été défini au préalable entre les deux parties. D’une part, le contrat de travail instaure une réciprocité de l’engagement entre l’employeur et le salarié : le premier s’engage à verser un salaire fixe ; le second à exécuter les tâches exigées. D’autre part, le contrat instaure un rapport de subordination, car la décision des tâches à réaliser incombe à l’employeur. On retrouve les deux caractéristiques de la relation de confiance, à savoir la réciprocité et l’asymétrie de l’engagement.
Entre les notions de confiance, de légitimité et de crédibilité, il y a une proximité qui confine à l’inextricable. Il est néanmoins nécessaire de clarifier les différences, même si cela a un caractère académique sans quoi personne ne saura de quoi nous parlons exactement. La crédibilité est un attribut de celui qui dispose d’un crédit (de confiance) ou d’un « capital ». La confiance est une relation, soit entre deux individus, soit entre un individu et une institution, un pouvoir. Dans la mesure où il n’y a pas de réciprocité dans la crédibilité, on réserve ce terme au pouvoir (politique, technique, etc.) ou à ses représentants. Lorsque le terme de crédibilité est employé à propos d’un individu, c’est en tant qu’il incarne, représente ou symbolise un pouvoir. Enfin, la légitimité désigne les processus par lesquels un pouvoir est accepté par une communauté. La confiance décrit alors le lien entre l’individu (ou les individus) et ce pouvoir légitime.
La confiance contractuelle comme indétermination située
La confiance contractuelle qui s’appuie sur des promesses, des contrats ne peut pas lever l’indétermination des intentions. En effet, si l’un des deux contractants cherche à obtenir de l’autre qu’il lui donne des indices de ses intentions – des comportements, des promesses qui seraient des indices de justification de l’instauration de sa confiance –, la situation reste indéterminée, au sens, déjà défini au chapitre 2. Soient deux propositions divergentes A et B. La proposition A est indéterminée si deux interprétations contradictoires sont possibles, face à une situation unique. En effet, l’un au moins des arguments du raisonnement qui amène à justifier une interprétation A peut être repris comme une des prémisses d’au moins un autre argument du raisonnement qui conduit à une conclusion B qui est contradictoire avec l’interprétation A.
Prenons l’exemple, connu sous le nom de « théorie du signal » développée par Michael Spence13. Au moment du recrutement de la main-d’œuvre, le nombre d’années d’études ne constitue pas un indice suffisant qui permette à l’entreprise de sélectionner les candidats, car certaines caractéristiques telles que la compétence, sont inobservables a priori ou alors à un coût prohibitif. En cas de chômage, les candidats potentiels n’ont pas intérêt à proposer un salaire inférieur aux salaires courants. Ils laisseraient supposer qu’ils ont une productivité faible, ce qui n’augmente évidemment pas leur chance d’être recrutés. Il reste une autre stratégie qui consiste à signaler ses diplômes. C’est ce qu’a exploré Spence. Il montre, contrairement à l’intuition, que cette stratégie place l’employeur dans une situation indéterminée. Pourquoi ? L’argumentation simplifiée est la suivante : le signal est un coût qui varie en fonction inverse de la productivité. En signalant son niveau de formation, le candidat révèle à l’employeur sa productivité potentielle. La décision d’émettre un signal de la part d’un individu qualifié a pour effet d’imposer un coût aux candidats moins qualifiés. Si les meilleurs se signalent, la productivité moyenne des autres diminue et leur revenu aussi. Aussi, pour éviter cette baisse du revenu moyen, les salariés les moins qualifiés vont aussi se signaler. Ce mécanisme d’incitation au signal se généralise à tous, ce qui produit un effet de sélection adverse. Ainsi, le signal a perdu sa fonction d’information sur la « qualité » des salariés. Dans ces conditions, il est impossible pour un employeur de déterminer si le salarié envoie un signal pour : 1) donner une intention de garantie de sa valeur professionnelle (et bluffer) ; 2) donner une garantie d’intention d’être à la hauteur des compétences affichées.
Prenons maintenant l’exemple de la signature du contrat de travail : le salarié comme l’employeur peuvent signer le contrat pour deux raisons opposées : 1) donner une garantie d’intention de tenir leurs engagements respectifs, indiqués dans le contrat (pour le salarié, il s’agit de faire les tâches a, b, et c ; pour l’employeur, il s’agit de verser le salaire convenu) ; 2) donner une intention de garantie, juste pour apaiser l’incertitude de l’aut...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Copyright
  3. Table
  4. Introduction générale
  5. PREMIÈRE PARTIE. RÈGLES MACRO-ÉCONOMIQUES
  6. SECONDE PARTIE. RÈGLES MICRO-ÉCONOMIQUES
  7. Notes
  8. Liste des tableaux
  9. Liste des graphiques
  10. Liste des sigles
  11. Références bibliographiques
  12. Index des noms propres
  13. Index des notions
  14. Quatrième de couverture