Dans ce premier chapitre je vous propose de suivre, à partir du témoignage d’Adèle, le chemin qui conduit des premiers symptômes de la maladie à l’annonce du diagnostic.
Les premiers signes
Les premières manifestations de la maladie ne sont pas toujours évidentes à reconnaître. La grande diversité de symptômes puis leur disparition souvent spontanée en quelques jours rendent souvent leur identification difficile. Les premiers symptômes peuvent être très gênants ou, à l’inverse, discrets et n’incitant pas toujours à consulter un médecin. Il n’est pas rare non plus qu’ils soient interprétés à tort comme des problèmes non neurologiques. Par exemple, des fuites urinaires sont ainsi bien souvent mises sur le compte de précédentes grossesses et des vertiges sur le compte d’un dysfonctionnement de l’oreille interne, alors qu’en fait ils peuvent être une des premières manifestations de la maladie. Pour Adèle, les premiers symptômes ont été visuels.
« C’était il y a deux ans, j’avais 25 ans, j’étais allée voir un ophtalmologiste en consultation parce que j’avais une tache noire devant l’œil droit qui me gênait pour lire depuis quelques jours. Le médecin m’a dit qu’il ne voyait rien d’anormal à l’examen de mes yeux en dehors d’une discrète conjonctivite et il m’a conseillé de consulter un neurologue. » Adèle.
Un flou visuel ou une tache opaque au centre de votre champ de vision peuvent être un des premiers signes de la maladie. Il s’associe parfois à cette gêne visuelle une douleur localisée autour de l’œil, dont l’intensité augmente lors des mouvements de l’œil. L’apparition de ces symptômes est le plus souvent liée à un ralentissement du transport de l’information visuelle sur son trajet entre l’œil et le cerveau, et l’examen de l’œil est le plus souvent normal. Si une gêne visuelle est un premier symptôme fréquent de la maladie, d’autres comme des sensations anormales dans les membres, des difficultés d’équilibre ou de marche peuvent aussi inaugurer la maladie. La sensation de fourmis dans les jambes ou d’engourdissement des mains, une marche ralentie et limitée en distance, une jambe qui traîne ou un pied qui accroche durant quelques jours ou quelques semaines sont le signe d’une mauvaise transmission des informations sensitives et motrices par la moelle et le cerveau.
Reconnaître l’origine neurologique de ces symptômes est la première étape indispensable pour arriver au diagnostic. La réalisation d’examens biologiques et d’imagerie sera la seconde étape.
La première IRM
« J’ai été aux urgences de l’hôpital où j’ai été reçue par un interne qui m’a prescrit une IRM du cerveau. Le radiologue m’a dit que sur l’IRM de mon cerveau il y avait des “taches” blanches. » Adèle.
L’IRM est un examen d’imagerie par résonance magnétique qui fournit une photographie du cerveau, des nerfs optiques et de la moelle épinière. Cet examen permet de localiser les lésions responsables des symptômes et d’apprécier leur taille, leur localisation, l’intensité de leur signal. L’aspect de ces lésions et l’injection par voie veineuse de produits de contraste permettent de préciser l’ancienneté des lésions. Ainsi, les « taches blanches » observées sur l’IRM d’Adèle montrent de multiples zones d’inflammation dans son cerveau. Une tache blanche localisée sur le nerf optique signe une névrite optique, une tache blanche localisée au niveau de la moelle épinière signe une myélite. La présence de plusieurs taches blanches veut dire que l’inflammation est disséminée dans l’ensemble du système nerveux central. L’analyse de l’IRM du cerveau d’Adèle permet de conclure qu’elle souffre d’une maladie neurologique inflammatoire et disséminée dans le système nerveux central.
Pour réduire l’inflammation du système nerveux central, qu’elle soit localisée ou disséminée, un traitement par perfusions de corticoïdes est généralement prescrit.
Le premier traitement
« Après quelques perfusions, tout irait mieux… J’ai reçu mes perfusions et, en effet, trois jours après, tout allait mieux. » Adèle.
Les perfusions proposées pour réduire l’inflammation sont des perfusions de corticoïdes (voir encadré « Comment se déroulent les perfusions de corticoïdes ? »). Elles sont réalisées le plus souvent à l’hôpital, au rythme d’une perfusion de trois heures environ, tous les jours pendant trois à cinq jours de suite. Leur objectif est avant tout d’accélérer la disparition des symptômes neurologiques. Sous ce traitement, leur évolution est généralement bonne avec un début de récupération significatif dès la deuxième perfusion. La récupération se poursuit progressivement sur trois à six semaines en moyenne. Elle est le plus souvent complète mais des symptômes peuvent cependant persister plusieurs mois.
Dans le cas particulier de l’inflammation des nerfs optiques, des études ont montré que ce traitement par corticoïdes réduit également le risque de récidive d’inflammation du nerf optique dans les deux ans qui suivent les perfusions.
Comment se déroulent les perfusions de corticoïdes ?
Les premières perfusions de corticoïdes sont administrées à l’hôpital sur une durée de 3 heures, trois à cinq jours de suite. Le nombre de perfusions est adapté à l’intensité de la gêne neurologique et à la réponse aux trois premières perfusions de corticoïdes (Solumedrol®).
Les perfusions de corticoïdes sont-elles dangereuses ?
Les perfusions de corticoïdes ne sont pas dangereuses, cependant certaines précautions doivent être prises avant de débuter et au cours du traitement.
Un examen des urines est systématiquement demandé avant la série de perfusions. Le traitement ne sera entrepris que si les urines sont stériles. En cas d’infection, un traitement antibiotique est débuté avant de commencer les perfusions. Cette précaution permet d’éviter qu’une infection urinaire ne se propage aux reins.
Des prises de sang préalables aux perfusions vérifient l’absence d’infections latentes qui pourraient s’aggraver sous l’effet des corticoïdes et l’absence de perturbations ioniques (sodium, potassium).
Pour un meilleur confort, chaque perfusion dure en moyenne trois heures. En effet, un délai de perfusion plus court peut provoquer une rougeur faciale avec une sensation de chaleur, des palpitations et parfois un hoquet.
Les perfusions de corticoïdes peuvent occasionner quelques brûlures digestives qui sont bien soulagées par des gels anesthésiques pris par voie orale. En cas d’antécédent d’ulcère, une prévention des ulcères est recommandée.
Les corticoïdes peuvent entraîner une légère excitation psy chique responsable d’insomnie ; des traitements hypnotiques (médicaments favorisant l’endormissement) permettent d’éviter ces désagréments.
Il est recommandé de respecter un régime pauvre en sel pendant la durée du traitement. Pour cela, il suffit d’exclure de son alimentation, pendant la durée du traitement, les crustacés, les boîtes de conserve, les fromages, la charcuterie.
La récupération des premiers signes
Une inflammation disséminée ou localisée du système nerveux central évolue généralement bien, les symptômes s’atténuent ou disparaissent complètement et ceci même en l’absence de traitement par corticoïdes. Les choses peuvent en rester là et le diagnostic retenu est alors celui d’inflammation du système nerveux central.
Des termes différents sont utilisés en fonction de la localisation de l’inflammation. Si celle-ci est localisée au nerf optique on parle de névrite optique ; si elle est située au niveau de la moelle épinière, de myélite ; si l’atteinte est disséminée dans le cerveau, d’encéphalite. Vous entendrez aussi utiliser les termes de syndrome cliniquement isolé ou CIS (acronyme anglais) pour désigner un épisode isolé d’inflammation du système nerveux central sans présager de sa localisation (voir encadrés « La névrite optique » et « Qu’est-ce qu’une myélite ? »).
La première rechute
Si ces événements neurologiques peuvent dans certains cas rester isolés et ne jamais reparaître, dans plus de la moitié des cas des manifestations neurologiques se produisent dans les années suivantes. L’inflammation peut alors affecter la même région anatomique, donnant donc les mêmes symptômes, ou une autre région, produisant alors de nouveaux symptômes. C’est la répétition des manifestations neurologiques qui conduira au diagnostic de sclérose en plaques. C’est le cas d’Adèle qui nous raconte :
« Un an plus tard, je me suis réveillée avec des vertiges, tout tournait autour de moi et je ne tenais plus sur mes jambes. »
Ces nouveaux symptômes sont le signe que l’inflammation du système nerveux central se répète, devient chronique. Le diagnostic de sclérose en plaques est alors très probable.
Si Adèle avait consulté rapidement un neurologue après ses symptômes visuels, il lui aurait prescrit une IRM et aurait conclu au diagnostic de névrite optique. Mais, surtout, le suivi rapproché en consultation et la répétition des IRM auraient peut-être permis d’établir un diagnostic précoce de la maladie avant même l’apparition des vertiges et de la faiblesse dans les jambes. En effet, la répétition des IRM encéphaliques peut permettre de repérer l’apparition de nouvelles « taches blanches », et ceci en l’absence de nouveaux signes neurologiques. La chronicité de la maladie est alors établie même en l’absence de toute nouvelle manifestation clinique.
Le diagnostic
« Un neurologue est venu dans ma chambre et m’a annoncé que je faisais une poussée de sclérose en plaques… J’étais fatiguée, je n’ai pas posé de questions… De retour chez moi, j’ai tapé “sclérose en plaques” sur Internet et, là, quand j’ai lu que je risquais d’être clouée dans un fauteuil roulant jusqu’à la fin de mes jours, j’ai franchement paniqué. » Adèle.
Apprendre que l’on souffre d’une maladie chronique potentiellement handicapante est toujours très douloureux et angoissant. Mais l’apprendre comme Adèle, brutalement, sans explications ni informations et sans proches à ses côtés est particulièrement violent.
Dans cette situation, chercher des informations sur Internet est bien sûr légitime mais il faut garder à l’esprit que les explications trouvées sur la toile sont pour certaines pertinentes mais pour d’autres parfaitement inexactes. Sur certains sites, il est véhiculé une image exagérément dramatique de la maladie. À l’inverse d’autres laissent de faux espoirs sur des traitements ou des régimes alimentaires non validés. Si consulter Internet est tentant, il est toujours préférable de naviguer sur des sites dont les informations sont validées par des professionnels de santé. À la fin de cet ouvrage, je vous propose une liste non exhaustive de sites de bonne qualité.
Heureusement, toutes les expériences d’annonce de la maladie ne sont pas aussi pénibles que celle d’Adèle. Le plus souvent l’annonce s’effectue au calme, en consultation par un neurologue et en ...