Du vin
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Du vin

  1. 208 pages
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À propos de ce livre

L'amateur est une espĂšce rare. Il ne discourt pas, il s'interroge. Devant un connaisseur qui pontifie en Ă©voquant arĂŽmes de violette ou entrailles de liĂšvre, il ferme les yeux pour goĂ»ter tranquille. Ce qui le dĂ©finit, c'est l'amour. Et vous, dans quel camp ĂȘtes-vous? Amateur de bordeaux ou connaisseur de bourgogne? Qu'aimez-vous dans le vin? Le savoir qui l'entoure ou le plaisir qu'il donne? Le prestige de l'Ă©tiquette ou l'authenticitĂ© du terroir? Que valent vraiment ces catĂ©gories? Les mythologies du vin dĂ©cryptĂ©es avec minutie et vĂ©cues avec gourmandise. Sociologue, chercheur au CNRS, Claude Fischler est notamment l'auteur de L'Homnivore, ouvrage dĂ©sormais classique consacrĂ© Ă  l'Ă©tude des pratiques alimentaires.

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1999
ISBN
9782738174680
Sujet
Art
Sous-sujet
Culinary Arts
Vin chauvin


« Ce vin est bon, dit un jour un client Ă  un grand restaurateur parisien. Je m’y connais : je suis de Bordeaux. » Ainsi, la connaissance du vin procĂ©derait de la naissance : patrimoine gĂ©nĂ©tique ou apprentissage in utero ? Les scientifiques ne manqueront pas de se pencher sur cette grave question. En tout cas, cette dĂ©claration confirme ceci : les Français savent, ils ont le (bon) goĂ»t innĂ©. DĂšs lors, chez eux, ils ne boivent que français ; en vacances Ă  l’étranger, ils dĂ©daignent les productions locales. Cette certitude Ă©tant partagĂ©e par de nombreux professionnels, il ne reste aux Gaulois qu’à s’indigner ou s’amuser de ce que l’Australie, l’Allemagne, la Californie, l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou le Chili osent faire du vin, le boire et mĂȘme, audace suprĂȘme, le vendre

IX
Incantations et décantations la grande dégustation des vintages du siÚcle

Nous sommes trois venus de France Ă  Porto, ce 12 juin 1999, conviĂ©s Ă  la dĂ©gustation des vintages du siĂšcle. Encore y a-t-il parmi nous un Anglais. Trois parmi soixante-dix Ă©lus invitĂ©s, en une sorte de pĂšlerinage planĂ©taire, Ă  converger vers ce Compostelle Ɠnologique. C’est peu. Nous Français n’hĂ©sitons pas Ă  Ă©craser de notre condescendance les Ă©trangers perdus dans les complexitĂ©s inextricables de nos bordeaux ou de nos bourgognes – que nous sommes d’ailleurs souvent loin de maĂźtriser nous-mĂȘmes. Mais nous prĂ©servons soigneusement une bienheureuse inconscience de nos propres ignorances, particuliĂšrement insondables en matiĂšre de vin de Porto.
Le porto, pour les Français, est une boisson d’apĂ©ritif sucrĂ©e, bue par leur vieille tante de province ou par Jeanne Calment, la dĂ©funte doyenne de l’humanitĂ©. Ou encore une sorte de condiment liquoreux dont on peut Ă©ventuellement agrĂ©menter un melon, Ă  condition d’avoir la main lĂ©gĂšre (le risque, n’est-ce pas, est de gĂącher le melon). Il y a sans doute beaucoup de centenaires et de vieilles tantes dans nos provinces, puisque la France est le second marchĂ© mondial pour le porto, aprĂšs la Grande-Bretagne. Mais alors que les Français, en matiĂšre de produits agro-alimentaires, sont d’ordinaire rĂ©putĂ©s pour leur exigence de qualitĂ©, il n’achĂštent guĂšre que du porto bas de gamme.
Les Anglais, qui ont « inventĂ© » le porto, en connaissent plusieurs versions, dont deux se situent aux pĂŽles opposĂ©s de la hiĂ©rarchie sociale. La premiĂšre est populaire et fĂ©minine : c’est le port and lemon (porto-citron), bu hier plus qu’aujourd’hui dans les pubs, Ă  base de ruby tawny (jeune porto d’assemblage). L’autre, plus huppĂ©e, upper class, est consommĂ©e au cours d’un rituel sĂ©culaire et masculin, qui consiste Ă  faire passer une carafe de main en main dans le sens des aiguilles d’une montre, chacun se servant sans qu’elle touche jamais la table pendant son circuit. Dans la carafe, un vintage port, c’est-Ă -dire un porto d’un grand millĂ©sime officiellement « dĂ©clarĂ© » tel par l’Institut des Vins de Porto, Ă©levĂ© deux annĂ©es en barrique avant d’ĂȘtre mis en bouteilles pour poursuivre son vieillissement, comme les vins rouges que nous connaissons1. Pour un bon bec anglais, il n’est de porto que de vintage, Ă  l’exclusion de tous les tawnies (vieillis uniquement en barrique et assemblĂ©s) et autres sucreries bonnes au plus pour les femmelettes ou les barbares continentaux2. Le rituel de la circulation du porto (passing the port) dĂ©bute Ă  la fin du repas, en particulier sur le fromage de Stilton et se poursuit ensuite en association avec le havane, gĂ©nĂ©ralement tard dans la nuit.
La noblesse ou le sacré
Le discours du vin se situe le plus souvent dans deux registres mĂ©taphoriques. D’une part la thĂ©matique aristocratique : les grands vins revendiquent « noblesse », « grandeur », « lignage ». Et d’autre part l’univers du sacrĂ©, de la liturgie : dĂšs qu’on dĂ©guste, il n’est plus question que de recueillement, de rite, de messe, de vĂ©nĂ©ration, de cĂ©lĂ©bration et les « nectars » sont toujours « divins ». Bref : le culte du vin Ă©lĂšve l’ñme.
Le thĂšme aristocratique n’apparaĂźt pas souvent dans la mythologie du porto, peut-ĂȘtre parce que ce vin-lĂ  oscille entre ses racines paysannes portugaises, dans la vallĂ©e du Douro, et son « Ă©levage » par un nĂ©goce citadin, anglo-portugais, cosmopolite dans les lodges des grandes marques, dont les enseignes, cramponnĂ©es Ă  flanc de raide coteau, illuminent la nuit de Porto, de l’autre cĂŽtĂ© du fleuve, Ă  Vila Nova de Gaia.
On ne peut Ă©chapper, en revanche, au second thĂšme – le discours du sacrĂ©. Ce qui nous rĂ©unit, hic et nunc, c’est bien une sorte de pĂšlerinage et un rite cĂ©rĂ©moniel Ă  part entiĂšre, une liturgie solennelle. Dans l’intitulĂ© choisi pour l’occasion, Vintages of the Century, il y a quelque chose qui pourrait relever de l’humilitĂ© chrĂ©tienne (ou de l’understatement britan-nique) : le monde entier ne bruit que de la cĂ©lĂ©bration d’un millĂ©naire approchant et on ne nous propose, presque modestement, qu’un bilan du siĂšcle

Ainsi du monde entier ont convergĂ© les pĂšlerins, celui-ci en tant que docteur de la foi Ă  l’autoritĂ© universelle, celui-lĂ  comme zĂ©lateur actif ou potentiel, comme dĂ©vot reconnu ou mĂȘme comme simple adepte. Du Japon est venu Shinya Tasaki, Ă©lu meilleur sommelier du monde en 1995, l’homme qui Ă  lui seul ou presque a fait la gloire nouvelle du vin dans son pays. D’AmĂ©rique, voici James Suckling (au nom prĂ©destinĂ© : to suckle, tĂ©ter), Ă©vangĂ©liste des vintages au Nouveau Monde. D’Angleterre Jancis Robinson, mĂ©diatique et inlassable croisĂ©e du vin. Du BrĂ©sil, de Russie, d’Europe et d’Australie, d’Asie et de Californie, initiĂ©s ou novices avides de rĂ©vĂ©lation, ils sont venus. Un journaliste polonais, rubicond mais blanchi sous le harnais, arrive de Varsovie Ă  ses frais, en train. Trois BrĂ©siliens bariolĂ©s, encore ahuris par le dĂ©calage horaire, dĂ©battent passionnĂ©ment les vertus comparĂ©es des millĂ©simes 63 et 70. D’autres, arrivĂ©s Ă  l’avance, ont commencĂ© leurs dĂ©votions par la visite de la vallĂ©e du Douro, oĂč naissent les vins qui donneront les vintages : c’est une terre intraitable, brĂ»lante l’étĂ©, glaciale l’hiver, un paysage Ă  la mesure du porto, Ă  la fois d’une grandeur sauvage et intensĂ©ment civilisĂ©, maĂźtrisĂ©, peignĂ©.
Les matins qui décantent
Le jour dit, les fidĂšles convergent vers le PalĂ cio da Bolsa (palais de la Bourse) de Porto. Dans ce bĂątiment d’architecture mĂ©tallique tournant-du-siĂšcle, on a amĂ©nagĂ© pour l’occasion le vaste espace intĂ©rieur central Ă©clairĂ© par une haute verriĂšre, autour duquel court une sorte de cloĂźtre. Autour de ce sanctuaire, sur de longues tables nappĂ©es de blanc, gardĂ©es par une armĂ©e d’officiants-sommeliers vĂȘtus de noir, les bouteilles des trois cents vins s’alignent en rangs serrĂ©s et les milliers de verres sont disposĂ©s en motifs gĂ©omĂ©triques quasi militaires. Les sommeliers s’affairent silencieusement Ă  orner chaque pied d’une collerette de papier oĂč figureront le nom et le millĂ©sime du contenu. Les dĂ©gustateurs seront installĂ©s derriĂšre un petit panneau Ă  leur nom, devant de longues tables qui occupent tout l’espace central.
Les fidĂšles les plus zĂ©lĂ©s – ou les plus fraĂźchement convertis, dont je suis, sont prĂ©sents dĂšs le matin, pour assister Ă  la grande dĂ©cantation des trois cents vins par les cinquante maisons de porto qui les prĂ©sentent. L’affaire est d’importance : les vieux vintages ont beaucoup de dĂ©pĂŽt (jusqu’à un tiers de la bouteille). Il faut donc les dĂ©canter soigneusement dans une carafe (decanter) avant de transvaser Ă  nouveau le liquide ainsi purifiĂ© et aĂ©rĂ© dans sa bouteille d’origine. Mais l’opĂ©ration implique que l’on ait au prĂ©alable rĂ©solu le dĂ©licat problĂšme du dĂ©bouchage : les vieux liĂšges se dĂ©sagrĂšgent, tombent en pluie poussiĂ©reuse dans le vin. La technique traditionnelle la plus spectaculaire et la plus radicale est celle des pinces spĂ©ciales, chauffĂ©es Ă  blanc et appliquĂ©es sur le col de la bouteille, que l’on peut ensuite briser d’un coup sec. Une Ă©quipe de tĂ©lĂ©vision japonaise filme l’opĂ©ration Ă  grand renfort de projecteurs. Les instruments les plus divers et les plus ingĂ©nieux se cĂŽtoient – tire-bouchons Ă  air comprimĂ©, Ă  lames, Ă  spirales de pas variable
 Un chef de cave Ă  moustache dĂ©cante en carafe traditionnelle, Ă  la bougie. À quelques pas, un technicien en blouse blanche utilise des Ă©prouvettes de laboratoire devant une ampoule nue. On se presse auprĂšs des plus vieilles bouteilles, dans une atmosphĂšre Ă  la fois joyeuse et recueillie. La communautĂ© du porto dĂ©couvre les trĂ©sors de la concurrence : chacun profite de l’occasion pour goĂ»ter et comparer aux siens les millĂ©simes les plus rares des confrĂšres. Il est dix heures et l’atmosphĂšre dans cette sacristie est dĂ©jĂ  plus que gaie.
Le sanctuaire et l’office
La dĂ©gustation est prĂ©vue pour onze heures. Je m’installe Ă  ma place dans le sanctuaire, derriĂšre une nappe immaculĂ©e. Sur la table, un cahier Ă  spirale imprimĂ© qui attend mes notes de dĂ©gustation et un catalogue commentĂ© des vins proposĂ©s. À ma gauche un dĂ©gustateur brĂ©silien. À ma droite un journaliste russe, venu subir l’initiation. À terre, Ă  cĂŽtĂ© de chacun d’entre nous, un vase oĂč nous pourrons recracher les vins goĂ»tĂ©s. Il s’agit maintenant de faire des choix, ce qui implique de dĂ©terminer une stratĂ©gie. Sur trois cents vins, combien peut-on en goĂ»ter ? Dans quel ordre ? Certains dĂ©gustateurs, athlĂ©tiques et chevronnĂ©s, sont capables d’aller jusqu’à cent cinquante. Mon parti, sage et rigoureux pour ne pas dire jansĂ©niste, est pris depuis longtemps : je ne dĂ©passerai pas cinquante, je prendrai mon temps et je choisirai d’une part un Ă©chantillon des plus anciens des vins proposĂ©s, d’autre part cinq ou six exemples de chacun des plus grands millĂ©simes, en essayant d’équilibrer autant que possible les maisons portugaises et anglaises. Il s’agit d’apprendre Ă  reconnaĂźtre, si elles existent vraiment, les diffĂ©rences de style qui les opposeraient.
Reste la question cruciale : oĂč commencer ? Classiquement, dans la plupart des dĂ©gustations, on cherche le crescendo : aller des plus modestes aux plus grands, et donc attaquer par les vins les plus jeunes avant de remonter le temps. En novice du porto, c’est ce que j’avais d’abord prĂ©vu. Mais le porto titre aisĂ©ment 21° d’alcool. Surtout, les vintages les plus jeunes sont exubĂ©rants, Ă©clatants de fruit, alors que les grands anciens se fondent, gagnent en sĂ©rĂ©nitĂ©, en sagesse et mĂȘme parfois en austĂ©ritĂ© : le risque n’est-il pas, alors, de se « fatiguer » rapidement (euphĂ©misme employĂ© par les dĂ©gustateurs Ă  propos, notamment, des effets de l’alcool) et de « s’éblouir » irrĂ©mĂ©diablement les papilles ? Perplexe, je m’ouvre du problĂšme Ă  David Cobbold, puits de science Ɠnologique et dĂ©gustateur rĂ©putĂ© sur les cinq continents. Il me confirme que, en matiĂšre de porto, c’est bien de maniĂšre inverse qu’il est recommandĂ© de procĂ©der. Je commencerai donc par les deux 1900, en remontant jusqu’aux plus jeunes.
Mon voisin de gauche a adoptĂ© l’ordre inverse du mien et a choisi une bonne centaine de vins. Il paiera plus tard ce choix et m’avouera qu’il a un peu « bĂąclĂ© » la fin de sa dĂ©gustation. À droite, Nikita, lui, a adoptĂ© une approche politique : il a choisi les millĂ©simes des grands Ă©vĂ©nements historiques – la rĂ©volution de 1905, celle de 1917, etc.
Je parcours le catalogue et construis ma liste. Un sommelier, affectĂ© Ă  chaque table recueille les commandes de chacun, par sĂ©ries de six, consignĂ©es sur une fiche, comme dans une bibliothĂšque oĂč l’on viendrait livrer les ouvrages au lecteur Ă  sa place. Et bientĂŽt les plateaux chargĂ©s des premiĂšres commandes arrivent. Mes six premiers verres brillent comme des joyaux sur la nappe blanche : deux 1900, deux 1927, un 34 et un 35. Dans chacun, deux doigts Ă  peine d’un liquide qui va de l’ambrĂ© au rouge tuilĂ©.
Plus que du recueillement, c’est une concentration intense qui s’installe. On entendrait le temps s’il n’avait suspendu son vol
 Je saisis le cahier de notes de dĂ©gustation, bien dĂ©cidĂ© Ă  prolonger par Ă©crit pour l’avenir mes sensations. Je considĂšre les deux quasi-centenaires, un Sandeman et un Ferreira. La couleur, ce n’est pas Ă©tonnant, est plutĂŽt de tawny (le mot signifie fauve, dorĂ©, en anglais). J’incline le premier verre au-dessus de la nappe blanche, le faisant traverser par la lumiĂšre de la verriĂšre. L’instant est Ă  la capture de l’instant : puisqu’il doit filer, que ce soit goutte Ă  goutte.
Les dĂ©gustateurs professionnels chevronnĂ©s reconnaissent les arĂŽmes qu’ils ont rĂ©pertoriĂ©s, nommĂ©s et mĂ©morisĂ©s au cours de leurs expĂ©riences de dĂ©gustation antĂ©rieures. Ils constituent et exploitent ainsi en permanence une sorte de « base de donnĂ©es » sensorielle et lexicale. Les notes qu’il convient de prendre dans ces conditions sont par dĂ©finition stĂ©rĂ©otypĂ©es : percevoir, reconnaĂźtre, identifier, c’est-Ă -dire rapprocher une sensation d’un mot ou d’une expression.
Pour le tendre amateur que je suis, le processus n’est pas d’une essence diffĂ©rente mais, la « base de donnĂ©es » Ă©tant plus rĂ©duite, la dĂ©gustation exige une certaine crĂ©ativitĂ© ou si l’on veut, autorise des errements. Pour ma part, je la vis comme un exercice de mĂ©moire perdu d’avance : fixer les mots Ă  dĂ©faut des sensations, avec le vague et nĂ©vrotique espoir de dĂ©clencher, Ă  la relecture ultĂ©rieure, le mĂ©canisme de la rĂ©miniscence. Une sorte de dispositif Ă  retardement qui reviendrait Ă  vouloir programmer l’explosion du temps retrouvĂ© proustien. À moins que, plus simplement, il ne s’agisse d’un effort se situant Ă  mi-chemin entre celui du diariste et celui du bureaucrate qui tient une « main courante » 
Quoi q...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Sommaire
  5. Remerciements
  6. Comment passer pour un connaisseur sans vraiment prendre de risques

  7. Préface - Le vin de table et le vin de cave
  8. L’ivresse et le flacon
  9. Le sexe et les papilles
  10. La foire au pinard
  11. Faut-il croire aux « noms à terroir » ?
  12. Le connaisseur et l’amateur
  13. FĂȘtes qui dĂ©jantent et lendemains qui dĂ©chantent
  14. ƒnologues et vignerons
  15. Vin chauvin
  16. La flûte, la coupe, la bulle et les arÎmes
  17. Le vin-santé et le vin-plaisir
  18. Migraines blanches et maux de tĂȘte rouges
  19. Sources