Transmettre
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À propos de ce livre

« Il n'y a pas de culture sans transmission, l'incessant transfert d'un passé vers un avenir. Mais il n'y a pas de transmission qui ne soit une constitution d'héritage, aux conditions fixées par les moyens de transmission, où se rangent vecteurs techniques et corps politiques. Transmettre s'attache à rendre compte de ce processus complexe, parce qu'à la fois matériel et institutionnel, dont il n'est pas exagéré de dire qu'il est au principe de toute histoire civilisée. Cet ouvrage inaugure une collection intitulée «Le champ médiologique», soit la zone cruciale, encore obscure, que dessinent dans notre savoir les intersections et interactions entre Technique et Culture. «Médiologie»: sous ce terme nouveau, voudrait s'opérer la mise au clair des médiations, parfois sous-estimées, parfois inaperçues, dont dépend notre vie religieuse, artistique, idéologique ou politique.» (RégisDebray)

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
1997
ISBN
9782738142870

CHAPITRE PREMIER

Le double corps du médium


Question de terminologie

Commençons, au risque d’ennuyer, par assurer notre vocabulaire (perte de temps qui en fera gagner, en prévenant de oiseuses querelles de mots). Nous parlons de « transmettre », non de « communiquer ». Pour autant qu’on peut, parmi ces mots-valises, isoler des unités de sens un peu stables, la sémantique de la communication paraît s’opposer trait pour trait au matériau médiologique. « Transmission » sera pour nous un terme régulateur et ordonnateur en raison d’une triple portée, matérielle, diachronique et politique.
Matérielle. « Communiquer », au sens ordinaire, c’est faire connaître, faire savoir. Par ce biais spontané, le mot nous lie à l’immatériel, aux codes, au langage. « Transmettre » en revanche se dit des biens comme des idées (on transmet un ballon, un effet de commerce, un capital immobilier autant que le pouvoir pontifical ou la consigne). Des forces comme des formes : on appelle transmission, en mécanique, les transports de puissance et de mouvement. Cet alliage d’agents matériels et d’acteurs personnels sied au vaste remue-ménage de moteurs de toute nature que met en scène, à chaque reprise, « une idée qui remue les foules ». S’y trouvent convoqués et mobilisés, pêle-mêle, des engins et des personnes, des mots de passe et des images fixes, des véhicules, des sites et des rites. Aujourd’hui même, le message évangélique opère encore sur les esprits par les cantiques et les fêtes, les ors et les orgues des églises, l’encens, les vitraux et les retables, les flèches des cathédrales et les sanctuaires, l’hostie sur la langue et le chemin du calvaire sous les pieds – et non par l’exégèse individuelle ou communautaire des textes sacrés. L’idée nationale se perpétue par le drapeau et la sonnerie aux morts, le tombeau de Napoléon et la stèle du village, le fronton de mairie et le dôme du Panthéon – et non par la seule lecture des manuels scolaires et du préambule de la Constitution. Nos aide-mémoire ne se réduisent pas aux dits et écrits. L’aventure des idées est kaléidoscopique. Pas de lignée spirituelle qui n’ait été invention ou recyclage de marques et de gestes ; pas de mouvement d’idées qui n’implique des mouvements d’hommes (pèlerins, marchands, colons, soldats, ambassadeurs) ; pas de subjectivité nouvelle sans objets nouveaux (livres ou rouleaux, hymnes et emblèmes, insignes et monuments). Les sites fédérateurs d’une foi ou d’une doctrine – mémoire en pierre taillée – sont là pour raccrocher la terre au ciel, en coordonnant la verticale des références à l’horizontale du regroupement. Chrétien, je me relie à la communauté des miens en franchissant l’espace qui me sépare de Saint-Jacques-de-Compostelle. Marxiste, j’approfondissais mon engagement intérieur en me rendant à La Havane ou à Hanoi, comme, plus prosaïquement, à la Fête de L’Humanité. Libéral convaincu, je m’en irai communier à Westminster et à Wall Street, parce que la lecture des articles de Friedman et des ouvrages de Karl Popper ne me suffira pas. Les chaînes opératoires d’une transformation des mentalités brassent pêle-mêle du symbolique et de l’économique, de l’incorporel et du pondéreux ; et le médiologue s’intéresse ès qualités aux missionnaires autant qu’aux théologies, au Mur de Jérusalem autant qu’à la Kabbale, aux moyens de transport comme aux mythes d’origine, aux Ponts et Chaussées autant qu’aux écoles de pensée, aux réseaux autant qu’aux doctrines, aux supports d’inscription autant qu’aux étymologies, bref à des choses triviales plutôt qu’aux « hommes illustres » et aux « grands textes ». Brumeux amas de médiations qui, loin d’inviter au confusionnisme, appelle à dissiper la brume via une mise en ordre théorique (laquelle commence par le décloisonnement des champs théoriques établis).
Diachronique. Si la communication est essentiellement un transport dans l’espace, la transmission est essentiellement un transport dans le temps. La première est ponctuelle ou synchronisante, c’est une trame : un réseau de communication relie surtout des contemporains (un émetteur à un récepteur simultanément présents aux deux bouts de la ligne). La seconde est diachronique et cheminante, c’est une trame, plus un drame : elle fait lien entre les morts et les vivants, le plus souvent en l’absence physique des « émetteurs ». Qu’elle ordonne le présent à un passé lumineux ou à un futur salvateur, mythique ou non, une transmission ordonne de l’effectif à du virtuel. Le temps, paramètre extérieur des communications (même si les télécommunications, en surmontant les distances, affectent obligatoirement les délais et les vitesses), est ici un critère interne d’appréciation. La communication excelle en abrégeant, la transmission en prolongeant (quitte, dans ce but même, à condenser ses formes d’expression : devise, logo, apologue, parabole, etc.). Religion, art, idéologie : les diverses rubriques de la transmission ont en commun de vouloir déjouer l’éphémère en jouant les prolongations – surtout en Occident. Ce sont des entreprises de construction de durées (à quoi on peut opposer les revendications, post- ou prémodernes, du précaire et du transitoire, dont nos happenings font apothéose. Souvenons-nous cependant que l’assomption orientale de l’impermanence, du côté de l’hindouisme et du bouddhisme, se présente comme voie d’accès à l’intemporel et que si la peinture sur sable des Indiens Navajo, qui nous fascine, est faite pour s’effacer, l’aptitude reconduite du medicine-man à exécuter une œuvre éphémère suppose la transmission d’un savoir-faire, soit une victoire collective sur l’éphémère). Aussi chacun des termes nous fait-il changer d’échelles et d’unités chronologiques : là, l’opérateur calcule en jours, en minutes et en secondes ; ici, en décennies, sinon en siècles et millénaires. Nous transmettons pour que ce que nous vivons, croyons et pensons ne meure pas avec nous (plutôt qu’avec moi). Il nous est permis, pour ce faire, selon les âges, de recourir aux moyens de la poésie orale, avec ses rythmes et ritournelles propices à la mise en mémoire, du dessin ou de l’écrit, de l’imprimé, de l’audiocassette ou d’Internet – de tout cela ensemble ou séparément –, au gré des audiences visées ou du développement technique – mais le contenu du message se guide sur les besoins de sa délivrance, comme l’organe sur la fonction. La transmission procède géographiquement, elle cherche à occuper de l’espace, prend la forme de trajets et d’emprises mais c’est pour mieux faire histoire (le dur désir de durer faisant flèche de tout chemin). Elle se propulse dans le milieu environnant mais pour faire souche, et patrimoine ; et ne s’aventure au loin que pour accroître ses chances de ne pas mourir. Alors qu’une société de communication tendra à valoriser le déchet et le flux, le précaire ou l’instantané, la profondeur de temps donne à la transmission un relief, une dimension singuliers. Perdurer est ici crucial, et là, accidentel. L’évanescence du message compromet une transmission, sans disqualifier une communication. Dans la discipline ainsi nommée, on a coutume de distinguer les messages selon leur nature – sonores, visuels, écrits, audiovisuels. En matière de culture, la sauvegarde d’un sens compte plus que la question des organes de sens (audition, vision, etc.), le rebond et la reprise de l’information importent plus que son canal ou sa nature.
Politique. Les hommes communiquent ; il est plus rare qu’ils transmettent. À l’horizon individualiste de la communication, où la matrice un-un (le binôme émetteur/récepteur) a longtemps marqué l’étude des diffusions industrielles un-tous (lesquelles commencent avec Gutenberg et non avec MacLuhan, avec la gravure et non avec la photo), s’oppose à nos yeux la nature militante et souffrante de toute transmission. L’individu isolé, cette fiction communicationnelle, opère ici en tant que membre d’un groupe (fût-ce celui qu’il veut fonder), et dans les procédures codées qui signalent sa distinction d’avec les autres groupes. C’est bien pourquoi on peut dire que l’environnement naturel me communique des informations – visuelles, tactiles, olfactives, etc. –, ou encore que les animaux émettent et reçoivent des messages (dont s’occupe en particulier, et fort bien, la zoosémiotique). Mais on ne peut dire des animaux, pas plus que de mon milieu physique, qu’ils transmettent à proprement parler. Tout est message, si l’on veut – des stimuli naturels aux stimuli sociaux ou des signaux aux signes –, mais tout ne fait pas héritage. Et celui-ci n’est jamais l’effet d’un hasard. De même y a-t-il des machines à communiquer, mais non à transmettre, et l’on pourrait à la limite définir une transmission comme une télécommunication dans le temps où la machine est une interface nécessaire mais non suffisante et où le « réseau » aura toujours double sens. Le canal unissant les destinateurs aux destinataires ne s’y réduit pas à un mécanisme physique (ondes sonores ou circuit électrique) ni à un dispositif industriel (radio, télé, ordinateur), comme pour la diffusion de masse. La transmission ajoute à l’outil matériel de la communication un organigramme, en doublant le support technique par une personne morale. Si la vie se perpétue par l’instinct, l’héritage ne va pas sans projet, projection qui n’a rien de biologique. La transmission est charge, mission, obligation : culture.
Communication et transmission ont l’une et l’autre affaire à du « bruit ». Mais à la toile de fond de l’univers physique se superpose ici l’adversité de l’univers social. Toute communication a un coût, puisque aucun appareil ne peut, sans dépense d’énergie, extraire un signal du bruit ambiant, en neutralisant le parasitage accidentel du signal. Mais l’opérateur d’une transmission symbolique, en plus des crachouillis du haut-parleur, doit aussi affronter les crachats de ses adversaires et concurrents. Le « bruit » n’est plus ici défaut ou désordre inintentionnel, mais conflit au sein d’une médiasphère, où comme dans la biosphère il n’y a pas de place pour tout le monde. Voilà qui suffit à faire peu ou prou de toute entreprise de transmission une opération polémique, requérant une compétence stratégique (à s’allier, filtrer, exclure, hiérarchiser, coopter, démarquer, etc.), et qui peut s’appréhender comme une lutte pour la survie au sein d’un système de forces rivales tendant soit à s’éliminer entre elles par disqualification soit à s’annexer l’une l’autre par phagocytose.
Dans la sphère sociale, toutes choses égales par ailleurs, l’acte de communiquer (tout et n’importe quoi) est naturel. La transmission appartient à la sphère politique, comme toutes les fonctions servant à transmuer un tas indifférencié en un tout organisé. Elle immunise un organisme collectif contre le désordre et l’agression. Gardienne de l’intégrité d’un nous, elle assure la survie du groupe par le partage entre individus de ce qui lui est commun. La survie de ce qui ne relève pas des programmes vitaux de base – alimentaires ou sexuels – d’exécution automatique, mais de la personnalité collective qu’il tient de son histoire. Si la communication est interindividuelle, la transmission a des méthodes collégiales et des cadres collectifs. C’est un enjeu de civilisation. Elle opère en corps (corps de métier, corps mystique, corps enseignant – sorciers, bardes, anciens, aèdes, clercs, pilotes, maîtres, catéchistes) pour faire passer d’hier à aujourd’hui le corpus de connaissances, de valeurs ou de savoir-faire qui assoit, à travers de multiples aller-retour, l’identité d’un groupe stable (confrérie, académie, Église, corporation, école, parti, nation, etc.). Son fil rouge. La rampe à tenir. Le garde-fou, le garde-corps. À la crucialité de la fonction répond la discrète gravité qui auréole le mot. « L’essentiel est acquis, la flamme aura été transmise, le flambeau sera repris. » On communique à tout va. On transmet le feu sacré, le capital (à commencer par le péché), le patrimoine – ce que doit assimiler le blé qui lève pour que le pain garde son goût. Les grands secrets (de famille, d’État, du Livre, des cœurs, des longitudes, des métaux, du métier, du parti, des dieux, de la nature). Ceux dont la préservation donne à une communauté sa raison d’être et d’espérer. Ceux qu’on n’a le droit ni d’oublier ni de garder pour soi, dont la dilapidation équivaudrait à une forfaiture intime. Ceux qu’on ne livre pas entre deux portes, mais auxquels on initie, par degrés, avec le cœur et l’esprit. Un journaliste communique, un professeur transmet (différence des informations aux connaissances). Un notaire règle des successions, un prêtre assure une tradition (différence des actes aux rites). Pour communiquer, il suffit d’intéresser. Pour bien transmettre, il faut transformer, sinon convertir. Ici, crainte et tremblement, c’est le résultat qui fait critère (aussi ne conçoit-on pas un enseignement sans contrôles, examens ou concours).
Trans. Le plus décisif, en fin du compte, est le préfixe qui dit le défilé des médiations, la peine et le voyage. Rien de poétique ici. Ouvrez le dictionnaire. « Transmission (1765, en parlant des signaux électriques. 1869, télégraphiques). Déplacement d’un phénomène physique ou de ses effets lorsque ce déplacement implique un ou plusieurs facteurs intermédiaires, capable d’affecter le phénomène. » Pas de transmission de mouvement, au sens mécanique, sans des organes de transmission (arbre à cames, cardan, poulie, courroie). Pas de transmission de maladie, au sens épidémique, sans un milieu pathogène et un agent infectieux. Il est des communications immédiates, directes, joyeusement transitives. Transmission s’impose à nous, au contraire, par son caractère processuel et médiatisé, qui conjure toute illusion d’immédiateté. La médiologie se voue aux corps moyens et mitoyens, à tout ce qui fait milieu dans la boîte noire d’une production de sens, entre un in-put et un out-put. Milieu : c’est bien parce qu’il y a réfraction qu’il y a dégradation. Le « coefficient de transmission » (ou rapport de l’intensité d’un rayonnement après traversée d’un milieu donné avec l’intensité initiale) affecte aussi les sources émettrices d’abstractions immatérielles.
En résumé, si on ne peut, in vivo, séparer complètement les deux notions, on se gardera de les confondre, en subordonnant in vitro la plus moderne à la plus ancienne, qui nous semble à la fois plus intégrative et plus rigoureuse. Un processus de transmission inclut nécessairement des faits de communication ; l’inverse peut ne pas se produire ; le tout primera donc la partie. Réfléchir le « transmettre » éclaire le « communiquer », mais l’inverse ne vaut pas. Un étudiant frais émoulu du cursus « sciences de la communication » ignorera d’où vient et comment s’est constituée la religion majoritaire en Occident, mais un curieux qui aura suivi à la trace, en médiologue, « la propagation admirable des vérités de la foi » au cours des quatre premiers siècles de l’ère chrétienne aura glané au passage quelques lumières sur les « sociétés d’information » de l’an 2000 (tourner le dos à un problème est souvent la meilleure façon de le poser).
Aucune des cristallisations communautaires dont on peut reconstituer tant soit peu l’historique – lointain ou contemporain, vivace ou fugace, religion révélée ou utopie rationnelle –, en ce qui nous concerne, le christianisme primitif et le socialisme prolétarien – ne tombe sous le coup des catégories « Infocom ». La foi en Christ vivant ne s’est pas transmise par le journal, pas plus que le marxisme par le télégraphe : l’accès à ces foyers de sens n’eut rien d’instantané ni de spontané, mais leurs moyens de constitution débordent de toutes parts ce que nous appelons aujourd’hui moyens de communication. Médiation n’est pas média. Ranger la médiologie dans les media studies serait aussi sagace que de ranger l’étude de l’inconscient dans les sciences occultes. Cela s’est vu. Et cette bévue fait son malheur.
*
Transmission, oui, mais de quoi ? Une fois cernée la nature distinctive de notre champ d’études, Il importe de rentrer dans l’objet même si l’on ne peut pas tomber dans les chausse-trappes d’un mot caméléon, qui peut porter à la fois sur le virus du sida, un patrimoine immobilier, un titre nobiliaire, un privilège ou un mauvais caractère. La perdurance d’un passé dans un présent se désigne d’ordinaire, en sciences humaines, comme reproduction. Nous n’envisageons – faut-il le préciser ? – ni la reproduction biologique du groupe ni sa reproduction sociale au sens large, bien que cette dernière puisse s’assimiler à la transmission d’un capital culturel ou symbolique. La séparation des domaines, nécessaire au progrès scientifique, ne va jamais sans quelque arbitraire. La transmission des codes n’a pas d’existence autonome et pure. Même si l’influence qu’on exerce n’est jamais réductible à un pouvoir qu’on impose, même si la violence symbolique se distingue par définition de la coercition physique – la première commençant en principe où finit la seconde –, l’action d’un esprit sur un autre est inséparable des places de pouvoir, institutionnelles ou informelles, occupées par l’un ou par l’autre : leader ou militant, gourou ou sectateur, sorcier ou malade, père ou enfant, président de la République ou simple citoyen, patron ou employé, général ou deuxième classe. Bien qu’elle ne puisse évidemment exclure ce qui se passe et passe par la f...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Du même auteur aux éditions Odile Jacob
  4. Copyright
  5. Remerciements
  6. Avant-propos
  7. Chapitre premier - Le double corps du médium
  8. Chapitre II - Fractures
  9. Chapitre III - Impérialismes
  10. Chapitre IV - Façons de faire
  11. Bibliographie
  12. Table