Quand un enfant se donne « la mort »
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Quand un enfant se donne « la mort »

  1. 160 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Quand un enfant se donne « la mort »

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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

« Jusqu'à présent, personne n'avait osé aborder, voire effleurer cette triste réalité du suicide des enfants, préférant souvent la nier en la dissimulant au travers de jeux dits dangereux. Le suicide touche aussi les plus petits, les enfants, les préadolescents. Je suis convaincue que la lecture de ce livre remarquable permettra de sauver des vies. Je suis convaincue que ce travail est vital afin d'agir pour prévenir la souffrance des enfants qui, par désespoir, faute d'être entendus par les adultes, agissent de manière risquée jusqu'à l'accident fatal prévisible. Le travail inédit réalisé par Boris Cyrulnik à travers une approche pluridisciplinaire mêlant neurobiologie, biochimie, psychologie, sociologie et autres disciplines nous éclaire. Ce livre nous donne de l'espoir. Nous pouvons tous, dès à présent, être des acteurs de la prévention du suicide des enfants. L'amour, l'affection, les liens familiaux, l'écoute d'adultes constituent des protections efficaces. Je crois que le message le plus important de ce livre remarquable de Boris Cyrulnik, c'est que l'histoire n'est jamais écrite. » Jeannette BougrabSecrétaire d'État chargée de la Jeunesse et de la Vie associative

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2011
ISBN
9782738185839

ATTACHEMENT ET SOCIÉTÉS


Comment savoir ?

Quand un enfant se donne la mort, est-ce un suicide ? L’assassinat de soi n’est pas facile à penser. Chaque époque, chaque culture a interprété ce fait d’une manière différente : toléré par Platon, réprouvé par Aristote, valorisé par l’Antiquité romaine, vivement stigmatisé par la chrétienté et les autres monothéismes, péché majeur pour l’Église, qui suppliciait le corps des suicidés, et sagesse, selon Érasme, chez ceux qui se donnent la mort par dégoût de vivre.
Ce n’est qu’au siècle des Lumières que le suicide est devenu un sujet de débat. Jean-Jacques Rousseau défend le droit de se délivrer de la vie, tandis que les prêtres s’appliquent à en faire un tabou1. Bien sûr, c’est Émile Durkheim, le fondateur de la sociologie, qui pose le problème en termes actuels : « Le suicide est uniquement un problème social2 », ce qui, pour un psychologue, n’est pas faux, mais bien insuffisant.
Ce phénomène est encore plus difficile à observer et à comprendre quand il s’agit d’un enfant. Comment concevoir qu’un petit âgé de 5 à 12 ans se tue, se donne la mort, réalise un homicide de soi, un auto-assassinat… je ne sais comment dire.
Quand un préadolescent se donne la mort, que se donne-t-il ? Opte-t-il pour une fin de vie irrémédiable ou une violence autodestructrice, comme ces enfants qui se cognent le front par terre, se mordent ou se griffent le visage ? Veut-il simplement faire de la peine à ceux qui l’entourent ? Souffre-t-il d’une volonté impulsive de se soulager d’une tension émotionnelle insupportable ? Toutes ces émotions différentes se rencontrent. Il n’en reste pas moins que, pour un adulte, il est difficile de penser l’impensable, de comprendre ce geste irrémédiable. Nous n’allons pas chercher la cause qui explique tout suicide : un déterminant biologique ou au contraire une cause sociale, une faiblesse psychologique, une maladie mentale ou un trouble familial.
Nous allons plutôt tenter de raisonner de façon systémique donnant la parole à des chercheurs et à des praticiens de formations différentes. Quelques généticiens nous parleront ainsi de biochimie ; des éthologues nous proposeront un modèle animal naturel et expérimental ; des neuroscientifiques commenteront les images de zones cérébrales stimulées ou éteintes par le milieu ; des « attachementistes », comme on dit vilainement, proposeront les explications actuellement les plus souvent citées ; des psychologues évalueront les structures mentales ; des psychanalystes interpréteront les mondes intimes et des sociologues chiffreront le devenir de groupes d’enfants évoluant différemment selon le contexte.
Nous ferons converger ces données hétérogènes pour nous former une idée de la manière dont les relations entraînent le fonctionnement du cerveau et dont les milieux affectifs, scolaires, socioculturels tutorisent certains développements. Une pichenette peut en effet pousser l’enfant à l’acte mortel, comme une autre peut l’en préserver.
Après cette enquête multifactorielle nous proposerons une stratégie de lutte contre le suicide. Puis, nous expliquerons qu’une tendance n’est pas un destin et qu’aucune histoire n’est une fatalité.

Épidémiologie

Ces travaux recueillent des informations qui permettent de repérer la fréquence des suicides, leur répartition selon les groupes sociaux et leur évolution selon les cultures ou les décisions politiques qui réduisent les facteurs de risque ou les augmentent.
Aujourd’hui, en France, sur cent mille personnes, nous savons que quatre mille pensent que le suicide pourrait apporter une solution à leurs souffrances. Trois cents tenteront le geste qui donne la mort et dix-sept aboutiront à cette issue fatale3.
Les petits pre-teen (âgés de moins de 13 ans) correspondent-ils à ce schéma ? « Fantasmes, terreur, fascination, tabous, secrets, modèles, images, souvenirs réels ou inventés, entre vie et mort, plaisir et désir, entre force et droit, pulsion et raison4 », notre pensée est enchevêtrée tant le suicide d’un petit est invraisemblable et insupportable.
Les chiffres du suicide sont faibles chez les préadolescents. Cependant, puisqu’ils augmentent dans de nombreux pays, ils constituent probablement un indicateur de désorganisation des conditions de développement d’un enfant. Pourquoi ces suicides sont-ils plus fréquents dans les pays en cours de bouleversement sociopolitique ? En France, on a évalué en 2003 les suicides d’enfants entre 5 et 13 ans à 0,4 ‰. En Bosnie-Herzégovine, on note aujourd’hui 2,6 ‰ suicides de petits. En Estonie, au Kazakhstan ou en Russie, les chiffres tournent autour de 3 pour 100 000. Pourquoi cinq fois plus de garçons que de filles5 ? Pourquoi dans d’autres cultures les petites filles se suicident-elles plus que les garçons ? En Chine, c’est un fait que l’on note depuis des siècles et qui s’aggrave aujourd’hui. Au Surinam (ancienne Guyane néerlandaise), au Sri Lanka (Asie méridionale), les suicides d’enfants sont surtout commis par des petites filles (2,4 ‰).
Entre l’Amérique du Sud et l’Inde méridionale, les cultures sont différentes. La vie quotidienne y est-elle cruelle pour les filles et agréable pour les garçons ? Si cette explication est pertinente, faut-il en déduire que la vie est douloureuse pour les garçons au Canada, où ils se suicident plus que les filles ? L’existence serait plus dure pour eux en France qu’en Angleterre ou aux États-Unis ? Dans un même pays, les variations sont grandes entre les régions : on se suicide cinq fois plus dans la douce Bretagne que dans la dure région parisienne.
Les suicides aboutis sont rares. En revanche, les enfants envisagent de plus en plus souvent de se tuer ! Avant l’âge de 13 ans, 16 % des enfants pensent que la mort pourrait être une solution à leurs problèmes de famille, d’école ou de relations amicales. Au Québec, pays riche et bien organisé, 40 % des adolescents de 15 à 19 ans souffrent d’un niveau de détresse si important que l’idée de suicide leur vient à l’esprit. Quand l’effondrement économique et familial détruit l’entourage d’un enfant, le taux d’idéation suicidaire monte rapidement6.
L’idée de se donner la mort n’est pas rare chez les petits, mais la réalisation du suicide est assez difficile, surtout chez les filles. Manque de technique ? Impulsivité qui empêche la planification du geste ?
Chez les adolescents, on pourrait noter une gradation de l’approche de la mort : tout d’abord, lors d’un moment de tension agressive ou de détresse extrême, la mort paraît un éclair d’idée. Puis, 16 % d’entre eux y pensent régulièrement, ils planifient et organisent sa venue, ils constituent une cachette de médicaments, repèrent les ponts et les endroits dangereux.
On ne retrouve pas cette progression chez les petits. Ils jouent, rient, répondent gentiment et sautent par la fenêtre. Pour se donner la mort, un enfant cherche autour de lui les outils qui pourraient la lui accorder : se faire renverser par une voiture, se pencher par la fenêtre, traverser la rue en courant, sauter d’un autobus qui roule à vive allure, plonger dans les tourbillons d’un torrent qui le fascinent. De nombreux suicides d’enfants sont masqués par des comportements quotidiens qui les mènent à la mort. L’accident n’est pas accidentel quand une conduite le rend probable.
Prisonnier d’une préoccupation, l’enfant manifeste des troubles cognitifs. Il est tellement absorbé par son monde intérieur qu’il ne parvient pas à traiter les informations extérieures. Parfois, il parle à un adulte, il lui dit qu’il se sent mal, que son ventre ne va pas bien ou qu’il a mal à la tête. L’adulte le rassure et l’apaise d’un tapotement affectueux. Le petit pense que ce monsieur est gentil et repart avec son problème au fond de l’âme. L’adulte, lui, s’est calmé en déniant que cet enfant mignon a pensé à la mort. Impensable à cet âge !
L’épidémiologie des suicides des enfants de 5 à 12 ans est donc floue. Les suicides aboutis sont rares, mais ses masques nous incitent à dire qu’ils sont certainement plus fréquents car les chiffres ne parlent que des suicides évidents. À peu près trente à cent enfants se tuent chaque année, mais on peut penser qu’un grand nombre d’accidents sont des analogues suicidaires.
Plus on vieillit, plus la courbe des suicides augmente. Quand trois mille cinq cents vieillards se suicident chaque année, leur mort s’inscrit dans une trajectoire prévisible7. C’est beaucoup moins scandaleux, dit-on, puisque tout le monde attend leur mort. On éprouve le contraire pour un enfant dont le suicide représente le scandale absolu et l’impossible deuil pour l’entourage. Comment pleurer, comment parler, comment dire qu’il a été courageux « toute sa vie », qu’il a lutté contre la maladie, qu’il a été bon élève ? Il venait à peine de naître, il n’a pas eu le temps de se créer une histoire.
Dans cette courbe montante, on note un apaisement relatif, un aplatissement des courbes de suicides, entre 40 et 65 ans8, à l’âge où l’on forme sa famille et où l’on tente l’aventure sociale. Les moments protecteurs contre le suicide ne sont pas les temps les plus faciles de l’existence ! Ce ne sont pourtant pas les plus désespérants. Nos enfants nous réjouissent et nous épuisent, nos collègues au travail nous aident et nous agressent, mais cet engagement dans l’affection et la compétition a un effet protecteur pour les adultes. La contrainte affective à construire une niche éducative et la nécessité de travailler pour réaliser nos projets protègent les adultes en donnant sens à leurs efforts et à leurs souffrances. Ces exigences ne concernent-elles pas les petits eux aussi ? Pourraient-ils vivre sans affection ni efforts ?
Les suicides invisibles existent à tous les âges : le vieux qui ne prend plus ses médicaments, la dame âgée qui refuse de boire alors qu’elle est déshydratée, l’adulte qui se précipite au-devant du danger, l’adolescent qui prend des risques mal calculés ou l’enfant « distrait » qui traverse la rue en courant invitent la mort. Personne ne parle alors de suicide !
Pour évaluer les suicides, il faut prendre en compte les pensées qui évoquent la mort et les comportements qui les provoquent.
Malgré la difficulté qu’on rencontre à recueillir les données, quelques régularités apparaissent : devant un coma suicidaire, nous sommes en présence d’une fille ; devant un corps suicidé, c’est souvent un garçon.
L’entretien avec l’entourage d’un adulte suicidé nous apprend que, très souvent, il souffrait de dépression, d’alcoolisme ou de troubles de la personnalité (75 %). Chez les enfants, ce n’est évidemment pas le cas. Pourtant, sa famille et ses amis disent souvent que son émotivité était intense, inhibée puis explosive, ou encore que son impulsivité était difficile à contrôler. Un tel trouble émotionnel n’est ni une maladie ni une dépression. Cependant, en cas de difficulté relationnelle, l’enfant distant ou trop attaché révèle une faille de son développement9. La noyade ou la chute de vélo ne sont pas toujours des accidents. Une défaillance environnementale, superficielle ou momentanée suffit à déclencher une violence autocentrée, sur un organisme encore incapable de la maîtriser10.
Un enfant qui se tue ne se donne pas forcément la mort.

Suicides selon le sexe

Pourquoi les garçons se suicident-ils plus que les filles ? Quelle énigme ! On a soutenu que les hommes se tuent plus que les femmes parce qu’ils se détruisent avec des armes à feu, alors que celles-ci, avant d’avaler leurs cachets, mettent une jolie chemise de nuit. Cet argument ne tient pas pour les petits garçons qui ne savent pas se servir d’un revolver.
Pourquoi, dans certains pays, les filles se suicident-elles plus que les garçons ? En Europe et en Asie centrale, ce sont la Géorgie, la Norvège, la Slovénie et le Tadjikistan qui voient mourir plus de petites filles. En Amérique du Sud, c’est en Colombie, en Équateur, au Salvador, au Nicaragua, à Porto Rico et à Trinidad qu’on observe cette autodestruction féminine. Mais c’est surtout en Asie, en Chine, à Hong Kong et en Corée, que les filles ont ce triste avantage. Pourquoi les petits garçons blancs se suicident-ils plus que les colorés ? Ce n’est tout de même pas le pigment de leur peau qui protège les petits Africains ; ce serait plutôt la place qu’on accorde aux garçons dans leur famille et leur culture. Les sociétés blanches donneraient-elles aux garçons une condition qui laisserait venir en eux l’idée de la mort plus facilement qu’en Afrique ?
Peut-être les garçons blancs se suicident-ils parce qu’ils sont moins responsables que les petits colorés. La responsabilisation, qui est un poids pour le jeune, lui donne en même temps un cadre, une estime de soi et un projet d’existence. La déresponsabilisation provoque au contraire une sorte d’appauvrissement existentiel. Avant d’aller à l’école au Congo, les enfants se mettent un bandeau autour du front, descendent au lac remplir d’eau des bidons jaunes presque aussi grands qu’eux et, le soir, ils vont la distribuer aux vieux. Puis, ils rentrent chez eux, fatigués et fiers11. Peut-être faudrait-il ajouter un droit à la Convention des droits de l’enfant : afin de renforcer les petits et de leur confier un projet quotidien, il faudrait leur donner le droit de donner12.
L’hypothèse d’une diminution de l’estime de soi du fait d’une déresponsabilisation se défend, puisque les enquêtes nous apprennent que les jeunes mères ne font pratiquement plus de tentatives de suicide13. L’arme la plus efficace contre le suicide consisterait alors à donner sens à l’existence, ce qui change la manière de percevoir le réel. La connotation affective modifie même la perception de la douleur physique ou de la souffrance existentielle14. Quand « souffrir vaut la peine », on ne pense pas à la mort....

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. PRÉFACE
  5. ATTACHEMENT ET SOCIÉTÉS
  6. PRÉVENTIONS
  7. CONCLUSION
  8. QUATRE PROPOSITIONS
  9. Quelques adresses
  10. Table
  11. Du même auteur